Cass. com., 17 mars 2009, n° 07-21.517
COUR DE CASSATION
Arrêt
COMPOSITION DE LA JURIDICTION
Président :
Mme Favre
Avocats :
SCP Gaschignard, SCP Lyon-Caen, Fabiani et Thiriez, SCP Thomas-Raquin et Bénabent
Sur le premier moyen et le deuxième moyen, pris en sa première branche, réunis :
Attendu que les sociétés Siplec et Sonodina font grief à l'arrêt de dire qu'elles ont commis des actes de contrefaçon du modèle de chaussures Tecoma déposé par la société Heschung sur le fondement des livres I, III et V du code de la propriété intellectuelle, et en conséquence de les condamner in solidum à payer à la société Heschung une somme de 120 000 euros à titre de dommages-intérêts et de leur interdire de commercialiser les modèles litigieux, alors, selon le moyen, que les oeuvres de l'esprit ne sont protégées qu'à la condition d'être originales, les notions d'antériorité et de notoriété étant inopérantes dans le cadre de la propriété littéraire et artistique; qu'en retenant, pour faire droit à l'action en contrefaçon de la société Heschung sur ce fondement, qu'en, l'absence d'antériorité démontrée, le caractère original du modèle Tecoma était établi et que le modèle était connu, la cour d'appel, qui a déduit l'originalité de l'oeuvre de sa seule nouveauté et n'a pas caractérisé en quoi elle portait l'empreinte de la personnalité de son auteur, a violé les articles L. 112-1 et L. 122-2 et L. 511-1 et L. 511-3 du code de la propriété intellectuelle, ces derniers en leur rédaction antérieure à l'ordonnance du 25 juillet 2001 applicable en la cause ;
Mais attendu qu'ayant constaté que le modèle Tecoma a une esthétique le destinant à être une chaussure de ville en cuir, tout en ayant une allure sport de type "basket", la cour d'appel, a non seulement caractérisé la nouveauté du modèle mais également l'empreinte de la personnalité de son fabricant, lui conférant une originalité le rendant protégeable au titre des droits d'auteur et du titre V du code de la propriété intellectuelle ; que le moyen n'est pas fondé ;
Sur le deuxième moyen pris en ses trois dernières branches :
Attendu que les sociétés Siplec et Sonodina font grief à l'arrêt de dire qu'elles avaient commis des actes de contrefaçon du modèle de chaussures Tecoma déposé par la société Heschung sur le fondement du livre V du code de la propriété intellectuelle, de dire qu'elles ne rapportaient pas la preuve de leur bonne foi pour les faits commis postérieurement à la publication du modèle, et, en conséquence, de les condamner in solidum à payer à la société Heschung une somme de 120 000 euros à titre de dommages-intérêts et de leur interdire de commercialiser les modèles litigieux, alors, selon le moyen :
1°) que, selon l'article L. 521-2, alinéa 2, ancien du code de la propriété intellectuelle applicable en l'espèce, les faits postérieurs au dépôt, mais antérieurs à sa publicité ne peuvent donner lieu à une action en contrefaçon, même au civil, qu'à la charge pour la partie lésée d'établir la mauvaise foi de l'inculpé ; que ce texte inclut les actions en contrefaçon intentées devant les juridictions civiles ; qu'en retenant qu'il renvoyait à un texte répressif et visait un cas étranger au litige , la cour d'appel a violé le texte susvisé, ensemble l'article L. 521-4 ancien du code de la propriété intellectuelle ;
2°) qu' il résulte des propres constatations de la cour d'appel que la commande des produits litigieux par la société Siplec à la société Manuel Benjamin avait été passée le 21 janvier 2002, les ventes intervenues à compter d'août 2002 étant celles effectuées par les magasins Leclerc ; qu'en retenant que les actes de contrefaçon poursuivis étaient postérieurs à la publication du modèle Tecoma le 26 avril 2002, de sorte que la société Siplec devait rapporter la preuve de sa bonne foi, quand le seul acte de contrefaçon imputable à cette société était la commande du 21 janvier 2002 , la cour d'appel n'a pas tiré les conséquences légales de ses propres constatations et a violé les articles L. 521-2 et L. 521-4 anciens du code de la propriété intellectuelle ;
3°) que le contrat Siplec n° 14369 du 15 février 2002 visé par l'attestation d'originalité de la société Manuel Benjamin se référait expressément à la commande du 21 janvier 2002, et "confirmait" l'achat de 13 776 paires de chaussures Salon 407, pour un prix de 235 854,96 euros, soit les mêmes références, quantité et prix que la commande du 21 janvier 2002 ; qu'en retenant, pour dénier toute valeur probante à cette attestation, qu'elle visait une commande du 15 février 2002 portant sur des chaussures Salon 403 étrangère à la commande du 21 janvier 2002 objet du litige, la cour d'appel a dénaturé les termes clairs et précis du bon de commande du 21 janvier 2002, du contrat du 15 février 2002 et de l'attestation d'originalité du 15 juillet 2002 ;
Mais attendu que l'arrêt retient que les faits de contrefaçon ne résultent pas de la commande des modèles Derby mais des ventes de ces modèles, postérieures à la date de publication du dépôt du modèle Tecoma ; que le moyen est inopérant ;
Sur le troisième moyen :
Attendu que les sociétés Siplec et Sonodina font grief à l'arrêt de débouter la société Siplec de son appel en garantie contre la société Manuel Benjamin, alors , selon le moyen :
1°) que le contrat Siplec n° 14369 du 15 février 2002 visé par l'attestation d'originalité de la société Manuel Benjamin se référait expressément à la commande du 21 janvier 2002, et "confirmait" l'achat de 13 776 paires de chaussures Salon 407, pour un prix de 235 854,96 euros, soient les mêmes référence, quantité et prix que la commande du 21 janvier 2002 ; qu'en retenant, pour dénier toute valeur probante à cette attestation, qu'elle visait une commande du 15 février 2002 portant sur des chaussures Salon 403 et était étrangère à la commande du 21 janvier 2002 objet du litige , la cour d'appel a dénaturé le bon de commande du 21 janvier 2002, le contrat du 15 février 2002 et l'attestation de garantie du 15 juillet 2002 ;
2°) que la société Siplec faisait valoir dans ses conclusions d'appel que les deux factures du 26 septembre 2001 versées aux débats par la société Kerac, portant la même référence que le modèle Derby détente hommes litigieux, démontraient que la société Manuel Benjamin avait vendu ces chaussures en Belgique bien avant leur vente à la société Siplec, de sorte qu'elle n'avait pu, contrairement à ce qu'elle prétendait, avoir fabriqué ce modèle à partir des instructions de la société Siplec ; qu'en ne répondant pas à ce chef déterminant des conclusions d'appel de la société Siplec, la cour d'appel a violé l'article 455 du code de procédure civile ;
3°) que la garantie d'éviction est due par tout cédant d'un droit de propriété, corporel ou incorporel, sauf à établir que le cessionnaire avait une connaissance effective de la contrefaçon ; qu'en déboutant la société Siplec de son action en garantie à l'encontre de la société Manuel Benjamin, tout en condamnant la société Siplec sur le fondement d'une présomption de mauvaise foi et non de sa connaissance effective de l'existence de la contrefaçon, la cour d'appel a violé l'article 1626 du code civil ;
Mais attendu d'une part, que par une interprétation exclusive de dénaturation, rendue nécessaire par le caractère ambigü de l'attestation du 15 février 2002, l'arrêt retient que cette pièce vise une commande étrangère à la commande en cause ;
Attendu d'autre part, que l'arrêt retient que la société a agi en qualité de façonnière de modèle, n'apportant à sa fabrication que sa compétence technique, répondant ainsi implicitement mais nécessairement aux conclusions prétendument délaissées ;
Attendu enfin, qu'il ne résulte ni des conclusions ni de l'arrêt que la société Siplec ait soutenu devant les juges du fond des prétentions fondées sur la garantie d'éviction ; que le moyen est nouveau et mélangé de fait et de droit ;
D'où il suit qu'irrecevable en sa troisième branche, le moyen n'est pas fondé pour le surplus ;
Et sur le quatrième moyen :
Attendu que les sociétés Siplec et Sonodina font grief à l'arrêt de débouter la société Siplec de son appel en garantie contre la société Kerac, agent commercial de la société Manuel Benjamin, alors, selon le moyen, que la cour d'appel a constaté elle-même que la société Manuel Benjamin travaillait comme façonnière à partir des modèles fournis par ses agents ; qu'en sa qualité d'agent professionnel d'un fabricant de chaussures, lui fournissant les modèles à fabriquer, la société Kerac était tenue de vérifier que les modèles fournis n'étaient pas contrefaisants ; qu'en énonçant que le rôle de la société Kerac, agent de la société Manuel Benjamin en France, n'impliquait pas qu'elle ait à rechercher le caractère contrefaisant du modèle, la cour d'appel a violé l'article 1147 du code civil ;
Mais attendu que l'arrêt relève que la société Kerac a reçu mission de la société Manuel Benjamin de prendre contact avec des clients comme la société Siplec afin de définir les modèles qu'ils souhaitaient voir fabriquer ; qu'il a déduit l'absence d'obligation pour la société Kerac de rechercher l'éventuel caractère contrefaisant du modèle demandé ; qu'ainsi, la cour d'appel a légalement justifié sa décision ; que le moyen n'est pas fondé ;
PAR CES MOTIFS :
REJETTE le pourvoi ;
Condamne la société Siplec et la société Sonodina aux dépens.