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Décisions

CA Paris, ch. 5 sect. 4, 23 février 2022, n° 20/07566

PARIS

Arrêt

Infirmation

PARTIES

Demandeur :

LDG (SAS)

Défendeur :

Aixam Mega (SAS)

COMPOSITION DE LA JURIDICTION

Président :

Mme Dallery

Conseillers :

Mme Depelley, Mme Lignières

T. com. Marseille, du 12 mai 2020, n° 20…

12 mai 2020

La société LSG a une activité de réparation, la vente et la location de voiturettes neuves et d'occasions sans permis.

La société Aixam Mega (ci-après « Aixam ») a une activité de conception, fabrication et distribution de quadricycles légers, selon la qualification donnée par le code de la route, autrement dénommés « véhicules sans permis » ou VSP. Elle commercialise ses produits sous les marques Aixam, Aixam Pro et e-Aixam.

La société Aixam distribue ses produits à travers un réseau de distributeurs agréés qui assurent la commercialisation auprès du public ainsi que le service après-vente.

Le 2 avril 2010, la société LSG a conclu un contrat de distributeur agréé avec le constructeur Aixam, suivi d'un nouveau contrat le 19 mai 2014 qui prévoyait entre autres un paiement par le distributeur à 30 jours fin de mois assorti d'une caution bancaire à première demande correspondant à un montant de 45 jours du chiffre d'affaire HT.

D'un commun accord, cette garantie bancaire à première demande était fixée à 40 000 euros HT depuis 2010.

Par courriel du 11 avril 2017, la société Aixam a indiqué à son distributeur que la caution bancaire n'était plus en ligne avec le niveau d'encours et a demandé de la porter à 100/120 K Euros.

Elle a de plus précisé le 31 mai 2017, qu'en attendant la nouvelle caution, elle livrerait deux véhicules neufs au comptant pour un véhicule neuf à 30 jours et que dès l'obtention de la nouvelle caution, elle livrerait les véhicules neufs à 30 jours dans la limite de la caution.

En date du 18 juillet 2018, selon convention de garantie financière délivrée à première demande, la société LSG a obtenu auprès de la banque CIC au bénéfice de la société Aixam une caution bancaire d'un montant de 60 000 euros, en complément de la caution bancaire déjà obtenue auprès de la SMC d'un montant de 40 000 euros.

Dès le 19 juillet 2018, la société Aixam a confirmé la reprise des commandes en appliquant la LCR à 30 jours.

Par jugement du 26 juillet 2018, le tribunal de commerce de Salon-de-Provence a ouvert une procédure de sauvegarde au bénéfice de la société LSG, désignant Me X en qualité d'administrateur judiciaire et Maître Y en qualité de mandataire judiciaire.

Selon jugement du 14 novembre 2019, le tribunal de commerce de Salon-de-Provence a arrêté le plan de sauvegarde de la Société LSG et a nommé Me X en qualité de commissaire à l'exécution du plan.

Selon courrier du 21 novembre 2019, la société Aixam a rappelé à son distributeur l'application des stipulations contractuelles et lui a demandé de fournir dans un délai d'un mois une garantie bancaire à première demande équivalente à 45 jours de chiffre d'affaires HT, soit d'un montant de 185 000 euros, précisant qu'en l'absence de reconstitution de cette garantie, le contrat serait résilié de plein droit.

En date du 10 décembre 2019, la société LSG a effectué une déclaration de cessation des paiements devant le tribunal de commerce de Salon-de-Provence, et un jugement du 13 décembre 2019 a ouvert une procédure de redressement judiciaire à l'encontre de la société LSG, désignant Maître A. en qualité d'administrateur judiciaire et Maître Y en qualité de mandataire judiciaire.

La date de cessation des paiements a été fixée par le tribunal de commerce de Salon-en-Provence au 27 novembre 2019.

Par jugement du 17 septembre 2021, le tribunal de commerce de Salon-en-Provence a prononcé l'adoption d'un plan de redressement de la société LSG et désigné Me X en qualité de commissaire à l'exécution du plan.

C'est dans ces conditions que la société LSG a assigné en date du 18 février 2020 la société Aixam devant le tribunal de commerce de Marseille aux fins d'être indemnisée des préjudices subis en raison des manquements commis par la société Aixam à son obligation de bonne foi dans l'exécution du contrat de distribution et de ses agissements visant à imposer à la société LSG des modifications substantielles des conditions essentielles de la relation créant un déséquilibre significatif à son détriment ainsi qu'une rupture brutale de la relation établie.

Par jugement rendu en date du 12 mai 2020, le tribunal de commerce de Marseille a statué en ces termes :

« Déclare irrecevable l'exception d'incompétence soulevée par la Société AIXAM MEGA S.A.S. ;

Déclare la Société LSG S.A.S., Maître X et Maître Y ès qualités, recevables en leurs demandes ;

Déboute la Société L.S.G S.A.S., Maître X et Maître Y ès qualités de toutes leurs demandes, fins et conclusions ;

Condamne la Société L.S.G S.A.S. à payer à la Société AIXAM MEGA S.A.S. la somme de 2 500 € (deux mille cinq cents euros) au titre des frais irrépétibles occasionnés par la présente procédure ;

Conformément aux dispositions de l'article 696 du Code de Procédure Civile,

Laisse à la charge de la Société L.S.G S.A.S. les dépens toutes taxes comprises de la présente instance tels qu'énoncés par l'article 695 du Code de Procédure Civile ;

Conformément aux dispositions des articles 514 et 515 du Code de Procédure Civile, le présent jugement est de plein droit exécutoire à titre provisoire ;

Rejette pour le surplus toutes autres demandes, fins et conclusions contraires aux dispositions du présent jugement ; ».

Selon déclaration du 17 juin 2020, la société LSG a interjeté appel de ce jugement devant la cour d'appel de Paris.

Par des conclusions notifiées par RPVA le 4 octobre 2021, la société LSG, en présence de Me X en sa qualité de commissaire à l'exécution du plan de redressement, demande à la Cour de :

Vu l'ordonnance aux fins d'être autorisé à assigner à bref délai,

Vu l'ancien article 1134 alinéa 3 du Code civil dans sa rédaction applicable au contrat en cause,

Vu l'ancien article L. 442-6 2°, 4° et 5° du Code commerce dans sa rédaction applicable au contrat en cause et l'article D. 442-3 du Code de commerce,

Vu l'article L. 622-13 du Code de commerce,

Vu les articles 46, 496, 515, 699 et 700 du Code de procédure civile,

CONFIRMER le jugement entrepris en ce qu'il a :

- Déclaré irrecevable l'exception d'incompétence soulevée par la société AIXAM, et

- Déclaré LSG, Me X es qualités et Me Y es qualités recevables en leurs demandes.

INFIRMER le jugement entrepris en ce qu'il a :

- débouté la société LSG SAS, Maître X et Maître Y ès qualités de toutes leurs demandes, fins et conclusions,

- condamné la société LSG à payer à la société AIXAM MEGA SAS la somme de 2 500 euros au titre des frais irrépétibles,

- condamné la société LSG aux dépens.0

STATUANT A NOUVEAU,

RECEVOIR l'appel interjeté par la société LSG SAS, Maître X et Maître Y ès qualités et le dire bien-fondé,

CONDAMNER la société AIXAM à réparer le préjudice subi par la société LSG, en raison des manquements commis par AIXAM à son obligation de bonne foi dans l'exécution du contrat de distribution et de ses agissements visant à imposer à la société LSG des modifications substantielles des conditions essentielles de la relation créant un déséquilibre significatif à son détriment, et, en conséquence, à lui verser à titre de dommages et intérêts la somme provisionnelle de 500 000 euros,

ORDONNER un sursis à statuer concernant l'indemnisation définitive due à la société LSG au titre des fautes susmentionnées dans l'attente de l'issue de la procédure de redressement judiciaire ouverte à l'encontre de la société LSG selon jugement du Tribunal de commerce de Salon de Provence du 14 novembre 2019,

CONDAMNER la société AIXAM à réparer le préjudice subi par la société LSG en raison de la rupture brutale de la relation commerciale qu'elles avaient établie depuis près de 10 ans et en conséquence à lui verser l'équivalent de 24 mois de préavis calculé sur la moyenne de la marge brute réalisée par la société LSG sur les trois dernières années, soit la somme de 1 202 738 euros.

CONDAMNER la société AIXAM à réparer le préjudice subi par la société LSG en raison du temps et de l'énergie consacrés à la gestion de ce différend et des nombreuses procédures subséquentes qui ont dû être engagées pour tenter de contraindre AIXAM à exécuter les termes du contrat et obtenir une indemnisation des préjudices qu'elle subit et à lui verser en conséquence une somme de 50 000 euros.

EN TOUT ETAT DE CAUSE,

RECEVOIR l'appel interjeté par la société LSG SAS, Maître X et Maître Y ès qualités et le dire bien-fondé,

DECLARER que le Tribunal de commerce de Marseille était territorialement compétent pour connaître des demandes formulées par la société LSG SAS, Maître X et Maître Y ès qualités,

DECLARER que la société LSG SAS, Maître X et Maître Y ès qualités sont recevables à agir en l'absence d'application du préalable de médiation non-applicable en l'espèce,

DECLARER que la société LSG SAS, Maître X et Maître Y ès qualités sont recevables à agir, leur action n'étant pas prescrite,

CONDAMNER la société AIXAM à réparer le préjudice subi par la société LSG, en raison des manquements commis par AIXAM à son obligation de bonne foi dans l'exécution du contrat de distribution et de ses agissements visant à imposer à la société LSG des modifications substantielles des conditions essentielles de la relation créant un déséquilibre significatif à son détriment, et, en conséquence, à lui verser à titre de dommages et intérêts la somme provisionnelle de 500.000 euros,

ORDONNER un sursis à statuer concernant l'indemnisation définitive due à la société LSG au titre des fautes susmentionnées dans l'attente de l'issue de la procédure de redressement judiciaire ouverte à l'encontre de la société LSG selon jugement du Tribunal de commerce de Salon de Provence du 14 novembre 2019,

CONDAMNER la société AIXAM à réparer le préjudice subi par la société LSG en raison de la rupture brutale de la relation commerciale qu'elles avaient établie depuis près de 10 ans et en conséquence à lui verser l'équivalent de 24 mois de préavis calculé sur la moyenne de la marge brute réalisée par la société LSG sur les trois dernières années, soit la somme de 1.202.738 euros.

CONDAMNER la société AIXAM à réparer le préjudice subi par la société LSG en raison du temps et de l'énergie consacrés à la gestion de ce différend et des nombreuses procédures subséquentes qui ont dû être engagées pour tenter de contraindre AIXAM à exécuter les termes du contrat et obtenir une indemnisation des préjudices qu'elle subit et à lui verser en conséquence une somme de 50.000 euros.

CONFIRMER le jugement entrepris en ce qu'il a rejeté les demandes de la société AIXAM fondées sur l'article 32-1 du Code de procédure civile et notamment sa demande de condamnation in solidum de la société LSG, la SCP Z es-qualité et la SCP W ès-qualité à lui verser la somme de 40.000 € à titre de dommages et intérêts ;

CONDAMNER la société AIXAM à verser à la société LSG, Maître A., Maître Y la somme de 10.000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile ainsi qu'aux entiers dépens dont distraction au profit de Maître Stéphane F. aux offres de droit.

Par des conclusions signifiées le 12 octobre 2021, la société Aixam demande à la Cour de :

« Vu l'article 1134 C. civ dans sa rédaction antérieure à l'entrée en vigueur de l'ordonnance 2016-131 du 10 février 2016,

Vu l'article L. 442-6 2°, 4° et 5° C. com. dans sa rédaction applicable au contrat en cause,

Vu l'article D. 442-3 C. com.,

Vu l'article 2254 du code civil,

Vu les pièces versées aux débats,

Vu les dispositions du Code de procédure civile,

INFIRMER le jugement rendu le 12 mai 2020 en ce qu'il a

- déclaré irrecevable l'exception d'incompétence soulevée par AIXAM MEGA SAS,

- déclaré LSG SAS, Me X et Me Y ès qualités recevables en leurs demandes

- rejeté pour le surplus toutes autres demandes, fins et conclusions contraires aux dispositions du présent jugement

Statuant à nouveau et y ajoutant,

DECLARER le Tribunal de commerce de MARSEILLE territorialement incompétent au profit du Tribunal de commerce de LYON et statuer par le même arrêt sur le fond du litige.

DECLARER LSG SAS, la SCP Z ès-qualité et la SCP W ès-qualité irrecevables en leurs demandes faute d'avoir mis préalablement en œuvre la clause de médiation préalable stipulée au contrat.

DECLARER LSG SAS, la SCP Z ès-qualité et la SCP W ès-qualité irrecevables en leurs demandes sur le fondement du déséquilibre significatif de la relation, tel qu'il est allégué, en ce que celle-ci portent sur des faits prescrits depuis le 19 février 2019.

JUGER qu'il n'existe aucun déséquilibre significatif entre les droits et obligations des parties résultant d'une soumission ou tentative de soumission de LSG à des conditions commerciales prétendument défavorables.

JUGER que la condition essentielle de la fourniture d'une garantie bancaire à première demande en phase avec le chiffre d'affaires ne caractérise pas une soumission ou une tentative de soumission du distributeur constituant un déséquilibre significatif.

JUGER que la modalité de fixation d'un encours à 130 000 € et le paiement comptant de 2 véhicules pour 1 par LCR à 30 jours au-delà de cet encours a été librement consenti par LSG au terme de la négociation commerciale menée en 2017 dans l'attente d'une garantie à première demande de 100 000 €.

JUGER qu'une telle modalité ne constitue un déséquilibre significatif de la relation commerciale.

JUGER que la revalorisation de la garantie bancaire a été librement consentie par les parties dans le contrat et en 2017.

JUGER que la demande d'une garantie bancaire à première demande à hauteur de 185 000 € le 21 novembre 2019 ne constitue pas une soumission ou une tentative de soumission de LSG aboutissant à un déséquilibre significatif de la relation commerciale.

JUGER que LSG ne démontre pas l'existence d'un prétendu état de dépendance économique.

JUGER qu'en application du principe de non-cumul des responsabilités délictuelle et contractuelle, LSG, la SCP Z ès-qualité et la SCP W ès-qualité, ne peuvent solliciter une condamnation provisionnelle de 500 000 € sur ces fondements cumulés.

JUGER que AIXAM MEGA a exécuté le contrat de bonne foi.

JUGER qu'il n'est rapporté aucune preuve du bien-fondé et du quantum de la provision sollicitée

En conséquence,

DEBOUTER LSG, la SCP Z ès-qualité et la SCP W ès-qualité de l'intégralité de leurs prétentions tendant à la condamnation de AIXAM MEGA à payer la somme provisionnelle de 500 000 € au motif d'un manquement à son obligation de bonne foi dans l'exécution du contrat, de ses agissements visant à imposer des modifications substantielles créant un déséquilibre significatif.

DEBOUTER LSG, la SCP Z ès-qualité et la SCP W ès-qualité de leur demande de sursis à statuer.

JUGER qu'il n'existe aucune rupture brutale, partielle ou totale, de la relation commerciale établie dès lors que la SCP Z es-qualité d'administrateur judiciaire a sollicité la poursuite du contrat en cours à l'occasion du redressement judiciaire est que celle-ci se poursuit encore à la date des présentes.

JUGER que la demande de fourniture d'une garantie bancaire à première demande le 21 novembre 2019 ne constitue pas une modification soudaine, brutale et imprévisible relation commerciale.

JUGER qu'il n'existe aucune rupture brutale partielle ou totale de la relation commerciale du seul fait de la demande contractuelle de reconstitution de garantie le 21 novembre 2019.

JUGER que LSG, la SCP Z es-qualité et la SCP W ès-qualité ne rapportent en rien la preuve d'un lien de causalité entre la faute alléguée au titre de la rupture brutale de la relation commerciale et le préjudice allégué.

JUGER que LSG, la SCP Z es-qualité et la SCP W ès-qualité ne rapportent pas la preuve de la perte de marge sur coût variable.

JUGER que le lien de causalité entre la faute prétendument commise et la condamnation paiement du passif et le passif de LSG n'est pas rapportée.

En conséquence,

DEBOUTER LSG, la SCP Z es-qualité et la SCP W ès-qualité de leurs demandes de condamnation de AIXAM MEGA à réparer le préjudice subi par LSG en raison de la rupture brutale de la relation commerciale et à lui verser l'équivalent un préavis de 24 mois, soit la somme de 1 202 738 €.

DEBOUTER LSG, la SCP Z es-qualité et la SCP W ès-qualité de leur demande tendant à condamner la société AIXAM MÉGA à réparer le préjudice subi par LSG en raison du temps et de l'énergie consacrée à la gestion de ces différends et à lui verser la somme de 50 000 €

JUGER que l'action engagée par LSG, la SCP Z es-qualité et qualité et la SCP W ès-qualité constitue un abus du droit d'ester en justice.

En conséquence,

CONDAMNER in solidum LSG, la SCP Z es-qualité et la SCP W ès-qualité à lui verser la somme de 40 000 €.

DEBOUTER LSG, la SCP Z es-qualité et la SCP W ès-qualité de leurs demandes d'indemnité au titre de l'article 700 Code de procédure civile et des dépens.

CONDAMNÉR in solidum LSG, la SCP Z es-qualité et qualité et la SCP W ès-qualité à payer à AIXAM MEGA la somme de 20 000 € en application de l'article 700 Code de procédure civile ainsi qu'aux entiers dépens de la présente instance, dont distraction au profit de la Selarl Lexavoue Paris-Versailles.

ORDONNER que les condamnations prononcées soient tirées en frais privilégiés dans le cadre de la procédure collective de LSG. »

La clôture a été prononcée en date du 2 novembre 2021.

SUR CE, LA COUR

Sur l'exception d'incompétence

La société Aixam a soulevé une exception d'incompétence devant le tribunal de commerce en invoquant la clause attributive de compétence prévue dans le contrat liant les parties rédigée en gras et en encadré en ces termes : « tout litige relatif à la conclusion, l'interruption, l'exécution ou la cessation du présent contrat sera soumis à la compétence des Juridictions de Lyon. »

Le tribunal de commerce a déclaré irrecevable l'exception d'incompétence car elle n'avait pas été soulevée in limine litis oralement lors des débats, mais il apparaît de la lecture du jugement que ce dernier était saisi de conclusions écrites remises au tribunal et développées oralement à la barre qui mentionnaient avant toute défense au fond l'exception d'incompétence territoriale tirée de la clause attributive de compétence visée par l'article 17 du contrat de distributeur agréé signé le 19 mai 2014. C'est donc à tort que cette exception a été jugée irrecevable sur le fondement de l'article 74 du code de procédure civile.

La société Aixam fait également valoir à bon droit que cette clause attributive de compétence n'était pas à écarter du seul fait que le litige portait sur un déséquilibre significatif et une rupture brutale, matières qui relèvent de la compétence exclusive de certaines juridictions spécialement désignées.

En effet, dès lors que la clause attributive de compétence est compatible avec les dispositions d'ordre public posées par les dispositions des articles L. 442-6 et D. 442-3 du code de commerce dans leur version applicable au litige, le tribunal de commerce de Lyon faisant partie des juridictions spécialement désignées en la matière, la clause litigieuse a vocation à être appliquée si elle est rédigée de façon suffisamment large et compréhensive pour viser les litiges résultant non seulement de la relation contractuelle mais aussi de la rupture brutale. (Cass. com., 13 janvier 2009, n° 08-13.971), ce qui est le cas en l'espèce, la clause étant relative « à l'exécution ou la cessation du contrat. »

Il convient donc d'infirmer le jugement entrepris en ce qu'il a dit irrecevable l'exception d'incompétence territoriale au profit des juridictions de Lyon.

Cependant, aux termes de l'article 90 alinéa 2 du code de procédure civile (issu du décret du 6 mai 2017) :

« Lorsque la cour infirme du chef de la compétence, elle statue néanmoins sur le fond du litige si la cour est juridiction d'appel relativement à la juridiction qu'elle estime compétente. »

En sa qualité de juridiction d'appel du tribunal de commerce de Lyon aux termes des dispositions in fine de l'article D. 442-3 du code de commerce régissant les litiges relatifs au déséquilibre significatif et aux ruptures brutales, la présente Cour statuera par un même arrêt sur le fond litige.

Sur la fin de non-recevoir tirée de la clause de médiation préalable

La société Aixam a également soulevé une fin de non-recevoir tirée de la clause de médiation préalable à toute action en justice prévue au contrat à son article 16 rédigé en ces termes :

« Les contestations, de quelque nature qu'elles soient qui pourraient naître à l'occasion du présent contrat seront, préalablement à toute action juridictionnelle ou arbitrale, obligatoirement soumises à une médiation.

Les parties conviennent qu'elles ne sont pas tenues d'appliquer la procédure de médiation avant la mise en oeuvre d'une procédure d'urgence ou conservatoire, en référé ou par requête »

Cependant, en l'espèce, le caractère d'urgence a été admis par le juge qui a autorisé l'assignation à bref délai conformément à l'article 858 du code de procédure civile. Dans le cas d'une procédure d'urgence, les parties n'étaient donc pas tenues d'appliquer la procédure de médiation préalable.

Cette fin de non recevoir sera écartée.

Sur la fin de non-recevoir tirée de la prescription

Vu l'article 17 du contrat liant les parties : « tout droit invoqué par l'une ou l'autre Partie, né du présent contrat, de son interprétation, de son exécution ou de sa cessation est prescrite à l'issue d'un délai d'une année courant à compter de son fait générateur »,

La société Aixam soutient que l'action de LSG est prescrite du fait de la prescription annale contractuelle mentionnée dans le contrat de distribution concernant la contestation de son exécution, en faisant valoir que le point de départ est constitué par le courrier du 11 avril 2017 aux termes duquel il a été demandé la mise en place d'une caution bancaire à première demande de 100.000 euros au lieu de 40.000 euros comme fixée initialement.

LSG réplique que son action n'est pas prescrite en ce que le fait générateur est constitué par le courrier au 21 novembre 2019 par lequel il a été demandé de fournir la garantie à première demande et que Me X n'a pas à se voir opposer la prescription annale contractuelle en ce qu'il n'a pas signé ledit contrat.

Sur ce ;

La société LSG invoque à l'appui de ses demandes d'une part, le défaut d'exécution du contrat de bonne foi fondé sur la responsabilité contractuelle, et d'autre part, un déséquilibre économique significatif au sens de l'article L. 442-6 I 2° du code de commerce qui engage la responsabilité délictuelle.

A l'appui de sa demande fondée sur la responsabilité contractuelle, et plus particulièrement du fait de la mauvaise foi de la société Aixam dans l'exécution du contrat de distribution, la société LSG reproche à la société Aixam de lui avoir imposé à compter de 2017 des conditions contractuelles toujours plus exigeantes au mépris de la lettre du contrat. liant les parties par l'augmentation du montant de la caution bancaire due : augmentation de la caution bancaire en avril 2017 puis modification des conditions de règlement des livraisons de véhicule en juillet 2018.

S'agissant de l'exécution du contrat, la prescription annale prévue à l'article 17 s'applique entre les parties signataires dudit contrat, ledit contrat s'étant poursuivi dans le cadre de la procédure collective ouverte au bénéfice de la société LSG.

Il s'ensuit que s'agissant de faits datant d'avril 2017 et juillet 2018, soit antérieurs à plus d'une année avant la date de l'assignation devant le tribunal de commerce du 18 février 2020, l'action sur le fondement contractuel est prescrite.

Il convient de relever que les pratiques restrictives de concurrence alléguées par la société LSG, et plus particulièrement les demandes en indemnisation fondées sur le déséquilibre significatif, de nature délictuelle, sont soumises à la prescription quinquennale de droit commun et que l'action sur ce fondement n'est donc pas prescrite en l'espèce.

Sur le déséquilibre significatif

La société LSG reproche à la société Aixam de lui avoir imposé d'autorité des modifications contractuelles de paiement et de garantie à compter d'avril 2017, sans qu'aucune marge de négociation ne lui ait été laissée comme suit :

- Aixam a mis fin unilatéralement au paiement LCR à 30 jours, en violation de l'article 6 du contrat, (en imposant un paiement au comptant en juillet 2018 dès l'ouverture de la procédure de sauvegarde judiciaire et le paiement de l'encours),

- Aixam a exigé la mise en place d'une caution bancaire à première demande s'élevant à 100.000 euros, contre les 40.000 euros originairement convenus, (somme exigée le 21 novembre 2019, soit une semaine après l'arrêt du plan de sauvegarde).

Pour caractériser sa soumission, la société LSG fait état de sa situation de grande difficulté financière et du fait que la relation d'affaires avec la société Aixam représentait 99 % de son chiffre d'affaires au 31 juillet 2019.

Elle prétend en outre que la société Aixam menaçait de résilier le contrat et refusait de procéder aux livraisons si la société LSG ne reconstituait pas la garantie bancaire par courrier du 21 novembre 2019.

En réplique, la société Aixam demande la confirmation du jugement et prétend que les conditions de paiement et de garantie bancaire ont été librement négociées et sont justifiées par le type de la relation d'affaires existant entre les parties. Elle ajoute que lors de l'ouverture de la procédure sauvegarde, elle a suivi les règles légales de la procédure collective et les décisions du juge commissaire et fait remarquer que l'administrateur judiciaire a toujours demandé la poursuite du contrat de distribution qui les liait. Enfin, elle nie toute menace exercée à l'égard de la société LSG.

Sur ce ;

Selon l'article L. 442-6 I 2° du code de commerce dans sa rédaction applicable au litige, engage la responsabilité de son auteur et l'oblige à réparer le préjudice causé le fait, par tout producteur, commerçant, industriel ou personne immatriculée au répertoire des métiers de soumettre ou de tenter de soumettre un partenaire commercial à des obligations créant un déséquilibre significatif dans les droits et obligations des parties.

La caractérisation de la pratique prohibée par les dispositions de l'article L. 442-6 I 2° du code de commerce suppose d'une part, d'établir une tentative de soumission ou une soumission du partenaire commercial à une obligation et d'autre part, de démontrer que cette obligation est constitutive de déséquilibre significatif dans les droits et obligations des parties.

Tout d'abord, l'élément de soumission ou de tentative de soumission de la pratique de déséquilibre significatif implique la démonstration de l'absence de négociation effective.

En l'espèce, alors qu'il existe sur le marché français d'autres fabricants de véhicules sans permis, la société LSG a librement choisi de se tourner vers la société Aixam pour conclure un contrat de distribution agréé en 2010.

Or, il ressort du contrat de distribution versé aux débats (pièce 3 de LSG et pièce 1 de Aixam) que l'obligation d'une caution bancaire à première demande était mentionnée comme une « condition essentielle au consentement du présent contrat » tel que mentionnée à l'annexe VI intitulée « conditions financières ».

Cette condition financière est justifiée pour garantir la rétrocession effective du prix au fabricant. En effet, le distributeur est en possession d'une importante trésorerie qui appartient en réalité au fabricant au titre de prix de cession car lors d'une vente de véhicules au client final le distributeur encaisse le plus souvent par anticipation l'intégralité du prix de vente et a minima les acomptes.

L'annexe VI du contrat indique expressément que cette garantie bancaire « doit garantir le montant cumulé des contrats réalisés par le distributeur au titre de l'ensemble des contrats et ne peut être inférieur au montant susvisé » (en l'espèce 30K). Il était prévu que le montant de cette garantie pouvait donc varier en fonction du nombre de commandes de véhicules.

En outre, il était prévu expressément au contrat par l'article 6 du contrat signé en 2010 et aussi celui signé en 2014 alors que la société LSG n'était pas encore en difficulté financière, le fait qu'en cas de défaut de reconstitution de la garantie bancaire, le contrat pourrait être résilié. Ce mécanisme se justifiait par le fait que la caution bancaire à première demande est une condition essentielle dans la relation d'affaires entre les parties.

Il ressort des échanges de courriels produits au dossier courant 2017 que la demande d'augmentation de la garantie bancaire à hauteur de 100k euros fondée sur l'application des dispositions contractuelles initiales, n'a pas été annoncée de manière brutale mais qu'une discussion sur les modalités de mise en oeuvre a eu lieu courant 2017. Ainsi par courriel d'avril 2017, la société Aixam explique à son distributeur agréé que conformément aux dispositions contractuelles la garantie bancaire de la société LSG n'est plus en ligne avec l'encours actuel et que « cette caution doit s'élever désormais à 100/120K pour retrouver un niveau d'exposition acceptable pour notre entreprise » (courriel du 11 avril 2017 en pièce 5 de Aixam) et en mai 2017 il est indiqué par la société Aixam à la société LSG qu'elle allait étudier sa demande d'assouplissement de l'encours pour donner à la société LSG « la souplesse nécessaire à leur fonctionnement ». Ce n'est qu'en décembre 2017, que la société Aixam renouvelle sa demande d'ajustement du niveau de caution bancaire au vu du chiffre d'affaires de la société LSG et au vu des incidents de paiement récents, la société Aixam faisant en outre des propositions sur de nouvelles conditions de paiement afin de lui laisser à son distributeur « la souplesse nécessaire pour son fonctionnement ». Enfin le constructeur a laissé un délai de près de deux ans et demi à son cocontractant avant que cette augmentation du montant de la caution bancaire soit effectivement exigée par au 21 novembre 2019.

Concernant la dépendance économique du distributeur agréé à l'égard du constructeur invoquée par la société LSG (soit 99 % de son chiffre d'affaires global en 2019), cette situation n'est que la conséquence de la stratégie d'entreprise de cette dernière en ce que l'article 2-3 du contrat avec la société Aixam prévoyait expressément la possibilité pour la société LSG de distribuer des véhicules d'autres marques, aucune exclusivité ne lui a donc été imposée par la société Aixam.

Enfin, les conditions de paiement appliquées à partir de juillet 2018, date de l'ouverture de la procédure collective au bénéfice de la société LSG, ont été validées par le juge commissaire. ( pièce 32 de Aixam)

Il ressort de ces éléments que l'appelant échoue à prouver qu'un déséquilibre économique significatif était caractérisé dans sa relation d'affaires avec la société Aixam, au sens de l'article L. 442-6 I 2° du code de commerce.

Sur la rupture brutale partielle de la relation commerciale

L'article L. 442-6, I, 5° du code de commerce dans sa rédaction applicable au litige dispose qu'engage la responsabilité de son auteur et l'oblige à réparer le préjudice causé le fait, par tout producteur, commerçant, industriel ou personne immatriculée au répertoire des métiers, de rompre brutalement, même partiellement, une relation commerciale établie, sans préavis écrit tenant compte de la durée de la relation commerciale et respectant la durée minimale de préavis déterminée, en référence aux usages du commerce, par des accords interprofessionnels.

La société LSG prétend qu'est caractérisée une rupture partielle brutale au sens des dispositions de l'article L. 442-6-I précité, dans sa relation établie avec la société Aixam, du fait du durcissement drastique des conditions de garantie et de règlement qui lui ont été imposées à compter de 2017 par la société Aixam et du courrier du 21 novembre 2019 mettant en oeuvre effectivement la caution bancaire à première demande sous peine de résiliation. Elle prétend qu'il lui a été imposé d'autorité par la société Aixam des modifications substantielles des conditions contractuelles de paiement et de garantie sans qu'aucune marge de négociation ne lui ait été laissée. Elle invoque les mêmes faits que ceux reprochés sur le fondement du déséquilibre significatif .

La société Aixam demande la confirmation du jugement entrepris qui a débouté la société LSG de ses demandes de ce chef.

Sur ce ;

S'il est vrai que la modification substantielle des conditions contractuelles, notamment tarifaires, dans une relation durable peut être considérée comme une rupture partielle, cependant en l'espèce, la Cour en examinant les demandes de la société LSG sur le fondement du déséquilibre significatif a démontré que les faits reprochés à la société Aixam ne relevaient que de l'application des dispositions contractuelles signées par les parties et que leur mise en oeuvre n'avait pas été immédiate puisque la société Aixam a laissé plusieurs mois à la société LSG avant de ce faire et que celle-ci était justifiée et proportionnée.

En outre, la Cour relève que le contrat a été poursuivi après la mise sous sauvegarde de la société LSG du 26 juillet 2018 dans les conditions prévues par les règles de la procédure collective, et notamment selon les ordonnances du juge commissaire des 20 décembre 2019 et 20 janvier 2020 fixant les modalités de poursuite du contrat de distributeur agréé. (pièce 32 de Aixam)

La rupture brutale partielle invoquée n'est donc pas caractérisée en l'espèce, les demandes en indemnisation subséquentes seront rejetées.

Sur la demande reconventionnelle de la société Aixam sur la procédure abusive et l'amende civile

Il n'est pas démontré en l'espèce un abus du droit d'agir en justice de la société LSG laquelle a pu se tromper sur l'étendue de ses droits, les demandes de ce chef seront donc rejetées.

Sur les frais et dépens

La société LSG succombant en appel, les dépens seront mis à sa charge et il est équitable qu'elle participe aux frais irrépétibles engagés par l'intimée à hauteur de 8000 euros.

PAR CES MOTIFS

La cour,

INFIRME le jugement entrepris du chef de la compétence,

DÉCLARE le tribunal de commerce de MARSEILLE incompétent ;

CONSTATE que le tribunal de commerce de MARSEILLE était dépourvu de pouvoir juridictionnel pour statuer sur le fond du litige ;

Statuant sur le fond du litige conformément à l'article 90 alinéa 2 du code de la procédure civile,

REJETTE la fin de non-recevoir tirée de la clause de médiation préalable,

DÉCLARE prescrite l'action de la société LSG en indemnisation sur le fondement contractuel,

DIT recevable la société LSG dans ses demandes sur le fondement du déséquilibre significatif et celui de la rupture brutale, mais l'en déboute,

DÉBOUTE la société AIXAM MEGA de sa demande fondée sur la procédure abusive et l'amende civile,

CONDAMNE la société LSG aux dépens,

CONDAMNE la société LSG à payer à la société AIXAM MEGA la somme de 8 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile.