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Décisions

CJUE, 4e ch., 24 février 2022, n° C-226/20 P

COUR DE JUSTICE DE L’UNION EUROPEENNE

Arrêt

Rejet

PARTIES

Demandeur :

Eurofer, Association européenne de l’acier, AISBL

Défendeur :

Commission européenne, HBIS Group Serbia Iron & Steel LLC Belgrade

COMPOSITION DE LA JURIDICTION

Avocats :

J. Killick, G. Forwood

Président de chambre :

K. Jürimäe (rapporteure)

Juges :

S. Rodin, N. Piçarra

Avocat général :

G. Pitruzzella

CJUE n° C-226/20 P

23 février 2022

Arrêt

1 Par son pourvoi, Eurofer, Association européenne de l’acier, AISBL (ci-après « Eurofer »), demande l’annulation de l’arrêt du Tribunal de l’Union européenne du 12 mars 2020, Eurofer/Commission (T 835/17, ci-après l’« arrêt attaqué », EU:T:2020:96), par lequel celui-ci a rejeté son recours tendant à l’annulation partielle du règlement d’exécution (UE) 2017/1795 de la Commission, du 5 octobre 2017, instituant un droit antidumping définitif sur les importations de certains produits plats laminés à chaud en fer, en aciers non alliés ou en autres aciers alliés, originaires du Brésil, d’Iran, de Russie et d’Ukraine et clôturant l’enquête sur les importations de certains produits plats laminés à chaud en fer, en aciers non alliés ou en autres aciers alliés, originaires de Serbie (JO 2017, L 258, p. 24, ci-après le « règlement litigieux »).

 Le cadre juridique

2 À l’époque des faits à l’origine du litige, les dispositions régissant l’adoption de mesures antidumping par l’Union européenne figuraient dans le règlement (CE) no 1225/2009 du Conseil, du 30 novembre 2009, relatif à la défense contre les importations qui font l’objet d’un dumping de la part de pays non membres de la Communauté européenne (JO 2009, L 343, p. 51, et rectificatif JO 2016, L 44, p. 20), tel que modifié par le règlement (UE) no 37/2014 du Parlement européen et du Conseil, du 15 janvier 2014 (JO 2014, L 18, p. 1) (ci-après le « règlement no 1225/2009 »).

3 À la date de l’adoption du règlement litigieux, les dispositions régissant l’adoption de mesures antidumping par l’Union figuraient dans le règlement (UE) 2016/1036 du Parlement européen et du Conseil, du 8 juin 2016, relatif à la défense contre les importations qui font l’objet d’un dumping de la part de pays non membres de l’Union européenne (JO 2016, L 176, p. 21). En vertu de son article 25, premier alinéa, ce règlement est entré en vigueur le 20 juillet 2016. Conformément à son article 24, premier alinéa, il a abrogé le règlement no 1225/2009.

4 Dans la mesure où, d’une part, les dispositions matérielles pertinentes des règlements no 1225/2009 et 2016/1036 aux fins de la présente affaire coïncident et où, d’autre part, l’arrêt attaqué et le présent pourvoi se réfèrent aux seules dispositions de ce dernier règlement, il convient d’examiner les moyens de ce pourvoi à la lumière des dispositions du règlement 2016/1036, sans préjudice de l’application ratione temporis des règlements no 1225/2009 et 2016/1036 à la présente espèce.

5 Le considérant 16 du règlement 2016/1036, qui a repris, en substance, le contenu du considérant 15 du règlement no 1225/2009, énonce :

« Les enquêtes ou les procédures devraient être closes lorsque la marge de dumping est de minimis ou que le préjudice est négligeable, et il convient de définir ces situations. Lorsque des mesures doivent être imposées, il est nécessaire de prévoir la clôture des enquêtes et de préciser que le niveau des mesures devrait être inférieur à la marge de dumping si ce montant inférieur suffit à éliminer le préjudice, et également de préciser la méthode de calcul du niveau des mesures en cas d’échantillonnage. »

6 L’article 3 du règlement 2016/1036, intitulé « Détermination de l’existence d’un préjudice », qui a repris en substance les dispositions de l’article 3 du règlement no 1225/2009, prévoit, à ses paragraphes 3 et 4 :

« 3. En ce qui concerne le volume des importations faisant l’objet d’un dumping, on examine s’il y a eu une augmentation notable des importations faisant l’objet d’un dumping, soit en quantités absolues, soit par rapport à la production ou à la consommation dans l’Union. En ce qui concerne l’effet des importations faisant l’objet d’un dumping sur les prix, on examine s’il y a eu, pour les importations faisant l’objet d’un dumping, une sous-cotation notable du prix par rapport au prix d’un produit similaire de l’industrie de l’Union ou si ces importations ont, d’une autre manière, pour effet de déprimer sensiblement les prix ou d’empêcher dans une mesure notable des hausses de prix qui, sans cela, se seraient produites. Un seul ou plusieurs de ces facteurs ne constituent pas nécessairement une base de jugement déterminante.

4. Lorsque les importations d’un produit en provenance de plus d’un pays font simultanément l’objet d’enquêtes antidumping, les effets de ces importations ne peuvent faire l’objet d’une évaluation cumulative que s’il a été établi que :

a) la marge de dumping établie en relation avec les importations en provenance de chaque pays est supérieure au niveau de minimis au sens de l’article 9, paragraphe 3, et le volume des importations en provenance de chaque pays n’est pas négligeable ; et

b) une évaluation cumulative des effets des importations est appropriée compte tenu des conditions de concurrence entre les produits importés et des conditions de concurrence entre les produits importés et un produit similaire de l’Union. »

7 L’article 5 du règlement 2016/1036, intitulé « Ouverture de la procédure », qui a repris en substance les dispositions de l’article 5 du règlement no 1225/2009, dispose, à son paragraphe 7 :

« Les éléments de preuve relatifs au dumping et au préjudice sont examinés simultanément afin de décider si une enquête sera ouverte ou non. Une plainte est rejetée lorsque les éléments de preuve relatifs au dumping ou au préjudice sont insuffisants pour justifier la poursuite du dossier. Une procédure n’est pas ouverte à l’encontre de pays dont les importations représentent une part de marché inférieure à 1 %, à moins que collectivement ces pays représentent 3 %, ou davantage, de la consommation de l’Union. »

8 Aux termes de l’article 9, paragraphes 1 à 3, du règlement 2016/1036, qui a repris en substance les dispositions de l’article 9 du règlement no 1225/2009 :

« 1. Lorsque la plainte est retirée, la procédure peut être close, à moins que cette clôture ne soit pas dans l’intérêt de l’Union.

2. Lorsque aucune mesure de défense ne se révèle nécessaire, l’enquête ou la procédure est close. La Commission [européenne] clôt l’enquête conformément à la procédure d’examen visée à l’article 15, paragraphe 3.

3. Pour les procédures ouvertes conformément à l’article 5, paragraphe 9, le préjudice est normalement considéré comme négligeable lorsque les importations concernées représentent moins que les volumes spécifiés à l’article 5, paragraphe 7. Ces mêmes procédures sont immédiatement closes lorsqu’il a été établi que la marge de dumping, en pourcentage des prix à l’exportation, est inférieure à 2 %, étant entendu que seule l’enquête est close lorsque la marge est inférieure à 2 % pour des exportateurs individuels et que ceux-ci restent soumis à la procédure et peuvent faire l’objet d’une nouvelle enquête lors de tout réexamen ultérieur effectué pour le pays concerné en vertu de l’article 11. »

9 L’article 20, paragraphes 1 et 2, du règlement 2016/1036, qui a repris en substance les dispositions de l’article 20, paragraphes 1 et 2, du règlement no 1225/2009, est formulé comme suit :

« 1. Les plaignants, importateurs et exportateurs ainsi que leurs associations représentatives et les représentants du pays exportateur peuvent demander à être informés des détails sous-tendant les faits et considérations essentiels sur la base desquels des mesures provisoires ont été instituées. Les demandes d’information sont adressées par écrit immédiatement après l’institution des mesures provisoires et l’information est donnée par écrit aussitôt que possible.

2. Les parties mentionnées au paragraphe 1 peuvent demander une information finale sur les faits et considérations essentiels sur la base desquels il est envisagé de recommander l’institution de mesures définitives ou la clôture d’une enquête ou d’une procédure sans institution de mesures, une attention particulière devant être accordée à l’information sur les faits ou considérations différents de ceux utilisés pour les mesures provisoires. »

 Les antécédents du litige

10 Les antécédents du litige sont exposés aux points 1 à 12 de l’arrêt attaqué. Pour les besoins de la présente affaire, ils peuvent être résumés comme suit.

11 À la suite d’une plainte déposée le 23 mai 2016 par Eurofer, la Commission a ouvert une enquête antidumping concernant les importations dans l’Union de certains produits plats laminés à chaud en fer, en aciers non alliés ou en autres aciers alliés, originaires du Brésil, d’Iran, de Russie, de Serbie et d’Ukraine.

12 Le 7 juillet 2016, la Commission a publié un avis d’ouverture d’une procédure antidumping concernant ces importations (JO 2016, C 246, p. 7), conformément au règlement no 1225/2009.

13 L’enquête relative au dumping et au préjudice a porté sur la période comprise entre le 1er juillet 2015 et le 30 juin 2016 (ci-après la « période d’enquête »). L’examen des tendances pertinentes pour l’évaluation du préjudice a porté sur la période comprise entre le 1er janvier 2013 et la fin de la période d’enquête.

14 Dans l’avis d’ouverture de l’enquête, mentionné au point 12 du présent arrêt, la Commission a indiqué qu’elle était susceptible de procéder à un échantillonnage des parties intéressées conformément aux dispositions pertinentes du règlement no 1225/2009. En ce qui concerne les producteurs de l’Union, l’échantillon final se composait de six d’entre eux, situés dans cinq États membres, et représentait plus de 45 % de la production de l’Union, à savoir :

– ThyssenKrupp Steel Europe AG (Duisbourg, Allemagne) ;

– Tata Steel IJmuiden BV (Velsen-Noord, Pays-Bas) ;

– Tata Steel UK Limited (Port Talbot, pays de Galles du Sud, Royaume-Uni) ;

– ArcelorMittal Méditerranée SAS (Fos-sur-Mer, France) ;

– ArcelorMittal Atlantique et Lorraine (Dunkerque, France), et

– ArcelorMittal España SA (Gozón, Espagne).

15 Des visites de vérification au titre de l’article 16 du règlement 2016/1036 ont été effectuées dans les locaux des producteurs en cause.

16 Le 4 avril 2017, la Commission a fait savoir à toutes les parties intéressées, au moyen d’un document d’information (ci-après le « document d’information »), qu’elle poursuivrait l’enquête sans instituer de mesures provisoires sur les importations dans l’Union visées par l’enquête. Ce document contenait les faits et les considérations essentiels sur la base desquels la Commission avait décidé de poursuivre l’enquête sans instituer de mesures provisoires. À la suite de la communication dudit document, les parties intéressées ont présenté des observations écrites sur les informations et les conclusions divulguées. Les parties intéressées qui en avaient fait la demande ont également été entendues.

17 Le 4 mai 2017, une audition en présence du conseiller-auditeur dans le cadre des procédures commerciales a eu lieu avec Eurofer. Le 8 juin 2017, une deuxième audition a eu lieu avec Eurofer.

18 Entre le 29 mai et le 9 juin 2017, cinq visites de vérification supplémentaires ont été effectuées dans les locaux des parties intéressées suivantes se trouvant sur le territoire de l’Union :

– ThyssenKrupp Steel Europe (Duisbourg) (producteur de l’Union) ;

– HUS Ltd (Plovdiv, Bulgarie) (utilisateur, membre d’un consortium appelé « Consortium for Imports of Hot-Rolled Flats », consortium pour les importations de produits plats laminés à chaud) ;

– Technotubi SpA (Alfianello, Italie) (utilisateur, membre du consortium visé au tiret précédent) ;

– un utilisateur italien non membre de ce consortium ayant demandé l’anonymat, et

– Eurofer.

19 À la suite de l’information finale du 17 juillet 2017 (ci-après l’« information finale »), une autre audition en présence du conseiller-auditeur dans le cadre des procédures commerciales a eu lieu le 27 juillet 2017 avec Eurofer.

20 À la suite d’une audition du 3 août 2017 avec un producteur-exportateur iranien, la Commission a procédé à un nouveau calcul du dumping et aux nouveaux calculs fondés sur celui-ci. Les parties ont été informées de cette révision par un document d’information finale additionnel daté du 4 août 2017.

21 Le 5 octobre 2017, la Commission a adopté le règlement litigieux.

22 L’article 2 de ce règlement dispose que « [l]a procédure antidumping concernant les importations, dans l’Union, du produit concerné originaire de Serbie est close conformément à l’article 9, paragraphe 2, du règlement [2016/1036] ».

 La procédure devant le Tribunal et l’arrêt attaqué

23 Par requête déposée au greffe du Tribunal le 29 décembre 2017, Eurofer a introduit un recours tendant à l’annulation partielle du règlement litigieux.

24 Par acte déposé au greffe du Tribunal le 17 avril 2018, HBIS Group Serbia Iron & Steel LLC Belgrade (ci-après « HBIS Serbia ») a demandé à intervenir dans la procédure devant le Tribunal au soutien des conclusions de la Commission. Par ordonnance du 12 juillet 2018, le président de la huitième chambre du Tribunal a admis cette intervention. Certaines données contenues dans la requête en première instance ont fait l’objet d’un traitement confidentiel à l’égard de HBIS Serbia.

25 À l’appui de son recours, Eurofer a invoqué trois moyens. Le premier moyen était tiré d’une erreur manifeste d’appréciation et d’une erreur de droit en ce que la Commission a décidé de ne pas cumuler les importations serbes conformément à l’article 3, paragraphe 4, du règlement 2016/1036. Le deuxième moyen était tiré d’une erreur manifeste d’appréciation et d’une erreur de droit en ce que la Commission a estimé qu’il n’était pas « nécessaire » de prévoir des mesures de défense contre la République de Serbie, et ce même sur une base non cumulée. Le troisième moyen était tiré d’une violation de l’article 20, paragraphe 2, de ce règlement, d’une atteinte à son droit d’information et à ses droits de la défense ainsi que d’une méconnaissance du droit à une bonne administration, consacré à l’article 41 de la charte des droits fondamentaux de l’Union européenne en ce que la Commission a refusé de communiquer les données de sous-cotation des prix et des prix indicatifs pour l’exportateur serbe.

26 En ce qui concerne la recevabilité dudit recours, le Tribunal a répondu aux arguments de la Commission contestant cette recevabilité en se référant à la jurisprudence de la Cour issue, notamment, de l’arrêt du 26 février 2002, Conseil/Boehringer (C 23/00 P, EU:C:2002:118, points 51 et 52), selon laquelle le juge de l’Union est en droit d’apprécier si une bonne administration de la justice justifie de rejeter au fond le recours, sans statuer préalablement sur sa recevabilité, et a estimé que, en l’espèce, il était justifié d’examiner le fond du recours sans statuer sur ladite recevabilité.

27 Sur le fond, le Tribunal a rejeté les arguments d’Eurofer relatifs à la deuxième des conditions prévues à l’article 3, paragraphe 4, du règlement 2016/1036 relative au volume des importations non négligeable. Les conditions énoncées à cette disposition étant cumulatives, il a écarté le premier moyen d’annulation dans son intégralité.

28 En ce qui concerne le deuxième moyen d’annulation, le Tribunal a jugé qu’Eurofer n’avait pas démontré que la Commission avait outrepassé la marge d’appréciation dont elle disposait dans le cadre de l’application de l’article 9, paragraphe 2, du règlement 2016/1036. Il a rejeté le grief pris d’un examen superficiel et partiel des importations en provenance de Serbie et, partant, le deuxième moyen dans son intégralité comme étant non fondés.

29 S’agissant du troisième moyen d’annulation, le Tribunal a jugé que, conformément à l’article 20, paragraphe 2, du règlement 2016/1036, Eurofer avait été informée des faits et des considérations essentiels sur la base desquels il était envisagé de recommander la clôture de la procédure en ce qui concerne les importations en provenance de Serbie sans l’institution de mesures, qu’elle a eu la possibilité de faire connaître utilement son point de vue et que ses droits de la défense ont donc été respectés en l’espèce. Par ailleurs, il a rejeté l’argumentation d’Eurofer tirée de l’analogie avec la jurisprudence dans le domaine du droit de la concurrence. En outre, il a estimé que, ainsi qu’il découle de l’examen du deuxième moyen, la Commission avait examiné tous les éléments pertinents du cas d’espèce et, partant, n’avait pas violé le principe de bonne administration. En conséquence, il a rejeté ce troisième moyen d’annulation.

30 Par l’arrêt attaqué, le Tribunal a rejeté le recours d’Eurofer dans son ensemble.

 Les conclusions des parties devant la Cour

31 Par son pourvoi, Eurofer demande à la Cour :

– d’annuler l’arrêt attaqué ;

– d’annuler l’article 2 du règlement litigieux ;

– à titre subsidiaire, de renvoyer l’affaire au Tribunal, et

– de condamner la Commission et HBIS Serbia aux dépens afférents à la procédure de première instance et au pourvoi.

32 La Commission demande à la Cour :

– d’annuler l’arrêt attaqué et de déclarer le recours en première instance irrecevable ;

– de rejeter le pourvoi, et

– de condamner Eurofer aux dépens afférents à la procédure de première instance et au pourvoi.

33 HBIS Serbia demande à la Cour :

– de rejeter le pourvoi et

– de condamner Eurofer aux dépens exposés par HBIS Serbia afférents à la procédure de première instance et au pourvoi.

34 Par ordonnance du président de la Cour du 2 septembre 2020, Eurofer/Commission (C 226/20 P, non publiée, EU:C:2020:669), il a été fait droit à la demande d’Eurofer visant à ce que la Cour réserve un traitement confidentiel, à l’égard de HBIS Serbia, aux informations figurant à l’annexe A.4 du pourvoi d’Eurofer, correspondant à celles ayant déjà bénéficié d’un traitement confidentiel dans l’affaire ayant donné lieu à l’arrêt attaqué et figurant à l’ annexe de la requête de première instance d’Eurofer.

 Sur le pourvoi

35 À l’appui de son pourvoi, Eurofer invoque quatre moyens. Le premier moyen est tiré d’une erreur de droit, en ce que le Tribunal a interprété l’article 3, paragraphe 4, du règlement 2016/1036 en ce sens que la Commission dispose d’un pouvoir d’appréciation pour considérer que des importations représentant une part de marché supérieure à 1 % sont « négligeables ». Le deuxième moyen est tiré d’erreurs manifestes d’appréciation et d’une erreur de droit en ce qui concerne l’appréciation selon laquelle « le volume des importations » en provenance de Serbie était « négligeable », aux fins de l’article 3, paragraphe 4, de ce règlement. Le troisième moyen est tiré d’une erreur manifeste appréciation et d’une erreur de droit en ce qui concerne la conclusion selon laquelle « aucune mesure de défense ne se révèle nécessaire » aux fins de l’article 9, paragraphe 2, dudit règlement. Le quatrième moyen est tiré d’une erreur de droit en ce que le Tribunal a conclu que la Commission n’était pas tenue de lui communiquer les données de sous-cotation des prix et des prix indicatifs.

 Sur le premier moyen

 Argumentation des parties

36 Par son premier moyen, Eurofer fait valoir que le Tribunal a commis une erreur de droit en interprétant l’article 3, paragraphe 4, sous a), et l’article 5, paragraphe 7, du règlement 2016/1036 en ce sens que la Commission dispose d’un pouvoir d’appréciation pour considérer que des importations représentant une part de marché supérieure à 1 % sont « négligeables », aux fins de l’article 3, paragraphe 4, sous a), de ce règlement. Ce moyen vise les points 67, 68, 73, 74 et 78 à 80 de l’arrêt attaqué.

37 En premier lieu, la jurisprudence du Tribunal, issue de l’arrêt du 25 janvier 2017, Rusal Armenal/Conseil (T 512/09 RENV, EU:T:2017:26, points 101 à 105), confirmerait qu’il existe « une relation de complémentarité » entre l’article 3, paragraphe 4, sous a), et l’article 5, paragraphe 7, du règlement 2016/1036. Ainsi, selon l’interprétation correcte de l’article 3, paragraphe 4, de ce règlement, il conviendrait d’appliquer le seuil de 1 %, prévu à l’article 5, paragraphe 7, dudit règlement, en tant que seuil contraignant aux fins de l’appréciation du caractère « négligeable » du volume des importations, aux fins de l’article 3, paragraphe 4, du même règlement. Cette interprétation serait confortée par la pratique décisionnelle de la Commission, à laquelle le Tribunal ferait notamment référence aux points 73 et 74 de l’arrêt attaqué, ainsi que par la note explicative de la Commission, du 21 septembre 2000, adressée au Comité des pratiques antidumping (groupe ad hoc sur la mise en œuvre) de l’Organisation mondiale du commerce (OMC), telle que citée au point 37 de l’arrêt attaqué, laquelle représenterait la « meilleure interprétation du droit de l’Union par la Commission ».

38 En deuxième lieu, aux points 65 à 68 et 79 de l’arrêt attaqué, le Tribunal ne fournirait aucune motivation convaincante à l’appui de l’interprétation qu’il adopte. Premièrement, l’absence de renvoi explicite de l’article 3, paragraphe 4, à l’article 5, paragraphe 7, du règlement 2016/1036 ne signifierait pas que ces dispositions ne peuvent pas être lues conjointement. Deuxièmement, le fait que l’article 5, paragraphe 7, de ce règlement s’appliquerait au stade de l’ouverture de l’enquête alors que l’article 3, paragraphe 4, dudit règlement s’appliquerait au stade de cette enquête elle-même ne serait pas un motif suffisant pour écarter une interprétation cohérente de ces deux dispositions. Il serait, à cet égard, logique que les mêmes règles s’appliquent à ces deux stades de la procédure, ce qui serait le cas pour d’autres dispositions du même règlement. Troisièmement, le large pouvoir d’appréciation de la Commission en matière de politique commerciale commune serait sans pertinence pour déterminer si les importations en provenance d’un pays donné sont supérieures au seuil de 1 %, cette question appelant une réponse de nature binaire. Quatrièmement, les exemples, relatifs à des importations supérieures à une part de marché de 1 %, sur lesquels s’est appuyé le Tribunal au point 79 de l’arrêt attaqué ne seraient pas pertinents pour interpréter l’article 3, paragraphe 4, du règlement 2016/1036.

39 En troisième lieu, l’interprétation du Tribunal serait contraire au principe de sécurité juridique, dans la mesure où cette interprétation générerait également une incertitude quant à la question de savoir si le seuil de 3 %, prévu à l’article 5, paragraphe 7, de ce règlement, s’applique de manière analogue aux stades de l’ouverture de l’enquête et de l’enquête elle-même. De même, l’interprétation du Tribunal selon laquelle l’article 5, paragraphe 7, dudit règlement pourrait apporter des orientations pour interpréter l’article 3, paragraphe 4, du même règlement, sans pour autant être considéré comme fixant un seuil contraignant, risquerait d’entraîner une insécurité juridique et constituerait un élément de pression politique dans les affaires de dumping. Selon une telle interprétation, la Commission disposerait d’un large pouvoir d’appréciation qui serait soumis à un contrôle juridictionnel superficiel.

40 La Commission soutient que ce moyen est inopérant et, en tout état de cause, non fondé.

41 HBIS Serbia soutient que ledit moyen n’est pas fondé.

 Appréciation de la Cour

42 À titre liminaire, il y a lieu de rejeter l’argument de la Commission tiré du caractère inopérant du présent moyen. En effet, si ce moyen vise, en particulier, les points 67, 68, 73, 74 et 78 à 80 de l’arrêt attaqué, il ressort clairement de l’argumentation qu’Eurofer développe au soutien dudit moyen que celle-ci vise en réalité à contester l’ensemble des motifs de cet arrêt, par lequel le Tribunal a écarté le premier moyen d’annulation, en ce qu’il a trait à la condition prévue à l’article 3, paragraphe 4, sous a), du règlement 2016/1036, relative au caractère négligeable du volume des importations.

43 Sur le fond, Eurofer soutient, en substance, que le Tribunal s’est fondé sur une interprétation erronée de l’article 3, paragraphe 4, et de l’article 5, paragraphe 7, de ce règlement, dans la mesure où ces dispositions ne conféreraient à la Commission aucun pouvoir d’appréciation pour considérer que les importations en provenance de Serbie, en ce qu’elles représentent un volume supérieur à 1 %, sont « négligeables », aux fins de l’article 3, paragraphe 4, sous a), dudit règlement.

44 À cet égard, il y a lieu de rappeler que, aux termes de l’article 3, paragraphe 4, du règlement 2016/1036, lorsque les importations d’un produit en provenance de plus d’un pays font simultanément l’objet d’enquêtes antidumping, les effets de ces importations ne peuvent faire l’objet d’une évaluation cumulative que, d’une part, si la marge de dumping établie en relation avec les importations en provenance de chaque pays est supérieure au niveau de minimis, au sens de l’article 9, paragraphe 3, de ce règlement, et le volume des importations en provenance de chaque pays n’est pas négligeable et, d’autre part, si une évaluation cumulative des effets des importations est appropriée compte tenu des conditions de concurrence entre les produits importés et des conditions de concurrence entre les produits importés et un produit similaire de l’Union.

45 Ainsi que le Tribunal l’a relevé à bon droit au point 51 de l’arrêt attaqué, l’article 3, paragraphe 4, de ce règlement prévoit en substance trois conditions pour qu’une évaluation cumulative des importations en provenance de plus d’un pays qui font simultanément l’objet d’enquêtes antidumping soit permise et il suffit que l’une de ces trois conditions ne soit pas remplie pour qu’une telle évaluation soit exclue.

46 En l’occurrence, seule la deuxième de ces conditions, à savoir celle tenant à un volume des importations non négligeable, est en cause dans la présente affaire.

47 En premier lieu, il ressort des termes mêmes de l’article 3, paragraphe 4, sous a), du règlement 2016/1036 que cette disposition n’opère, s’agissant de cette condition, aucun renvoi à l’article 5, paragraphe 7, de ce règlement, ni à aucune autre disposition dudit règlement.

48 Ainsi que le Tribunal l’a relevé à juste titre au point 63 de l’arrêt attaqué, à la différence de la première partie de l’article 3, paragraphe 4, sous a), du règlement 2016/1036 qui définit la première condition, relative à la marge de dumping, de manière précise, par un renvoi au niveau de minimis visé à l’article 9, paragraphe 3, de ce règlement, la seconde partie de l’article 3, paragraphe 4, sous a), dudit règlement n’opère aucun renvoi et exige seulement que le volume des importations en provenance de chaque pays ne soit pas « négligeable », sans définir précisément ce terme.

49 Il en découle que, en l’absence d’un renvoi exprès au seuil de 1 %, prévu à l’article 5, paragraphe 7, du règlement 2016/1036, le législateur de l’Union n’a pas exigé que le caractère négligeable des importations, aux fins de la seconde condition prévue à l’article 3, paragraphe 4, sous a), de ce règlement, s’apprécie, de manière impérative, au regard de ce seuil.

50 En deuxième lieu, il convient de constater que l’article 3, paragraphe 4, et l’article 5, paragraphe 7, du règlement 2016/1036 poursuivent des finalités différentes dans le cadre de la procédure prévue par ce règlement.

51 Le Tribunal a jugé, à cet égard, à bon droit, au point 66 de l’arrêt attaqué, que l’article 5, paragraphe 7, dudit règlement porte sur un stade de l’enquête différent de celui qui est régi par l’article 3, paragraphe 4, du même règlement.

52 En effet, aux termes de l’article 5, paragraphe 7, du règlement 2016/1036, lorsque le seuil de 1 % prévu à cette disposition n’est pas atteint, aucune procédure antidumping n’est ouverte. Il en résulte que cette disposition vise une phase préalable à l’ouverture de l’enquête.

53 En revanche, l’article 3, paragraphe 4, de ce règlement concerne les importations qui font déjà l’objet d’une enquête, entamée par la Commission à la suite de l’ouverture de la procédure, conformément à l’article 6, paragraphe 1, dudit règlement.

54 Dans ce contexte, ainsi que M. l’avocat l’a relevé au point 52 de ses conclusions, s’il ne saurait être exclu que le seuil de 1 % prévu à l’article 5, paragraphe 7, du même règlement puisse être pris en compte comme un seuil indicatif pour examiner l’absence de caractère « négligeable » du volume des importations visé à l’article 3, paragraphe 4, sous a), du règlement 2016/1036, ce seuil ne saurait toutefois constituer un seuil impératif, dont le dépassement nécessite de considérer que le volume des importations provenant d’un pays tiers particulier « n’est pas négligeable », au sens de cette dernière disposition.

55 En troisième lieu, l’interprétation de l’article 3, paragraphe 4, sous a), du règlement 2016/1036 retenue par le Tribunal est conforme au large pouvoir d’appréciation reconnu aux institutions de l’Union par la jurisprudence de la Cour, dans le domaine de la politique commerciale commune, et tout particulièrement en matière de mesures de défense commerciale. Un tel pouvoir découle de la complexité des situations économiques et politiques que ces institutions doivent examiner (voir, en ce sens, arrêt du 19 septembre 2019, Trace Sport, C 251/18, EU:C:2019:766, point 47 et jurisprudence citée) et porte notamment sur la détermination de l’existence d’un préjudice causé à l’industrie de l’Union dans le cadre d’une procédure antidumping (arrêt du 10 juillet 2019, Caviro Distillerie e.a./Commission, C 345/18 P, non publié, EU:C:2019:589, point 15 ainsi que jurisprudence citée).

56 En l’occurrence, ainsi que M. l’avocat général l’a relevé, en substance, au point 51 de ses conclusions, si le seuil de 1 % prévu à l’article 5, paragraphe 7, du règlement 2016/1036 est susceptible de constituer une indication que le juge de l’Union peut prendre en compte aux fins d’exercer le contrôle des appréciations effectuées par la Commission, dans le cadre de l’article 3, paragraphe 4, sous a), de ce règlement, ce seuil ne saurait constituer un seuil impératif au-delà duquel la Commission serait dans l’impossibilité de conclure, en toutes circonstances, que les importations faisant l’objet de l’enquête antidumping en provenance d’un pays sont négligeables.

57 Une telle interprétation de l’article 3, paragraphe 4, sous a), du règlement 2016/1036 reviendrait, en effet, à priver cette institution du pouvoir d’appréciation que lui confère cette disposition pour apprécier le caractère négligeable des importations, aux fins d’une évaluation cumulative des importations d’un produit en provenance de plusieurs pays faisant simultanément l’objet d’enquêtes antidumping.

58 Il découle, dès lors, des considérations qui précèdent que, au point 67 de l’arrêt attaqué, le Tribunal a jugé à bon droit que l’article 5, paragraphe 7, de ce règlement peut apporter des orientations en ce qui concerne le volume négligeable des importations, sans qu’il puisse pour autant en être inféré que, dans le cadre de l’article 3, paragraphe 4, dudit règlement, les importations en provenance du pays en cause, représentant une part de marché supérieure à 1 %, ne puissent pas être considérées comme négligeables.

59 Cette conclusion n’est pas remise en cause par les arguments avancés par Eurofer au soutien du présent moyen.

60 Tout d’abord, s’agissant de l’argument selon lequel l’interprétation, par le Tribunal, de l’article 3, paragraphe 4, sous a), du règlement 2016/1036 contreviendrait, en substance, à la pratique décisionnelle antérieure des institutions de l’Union, il suffit de relever que, conformément à la jurisprudence constante de la Cour, une telle pratique décisionnelle ne saurait être prise en compte aux fins de l’interprétation d’une disposition de ce règlement (voir, en ce sens, arrêt du 10 février 2021, RFA International/Commission, C 56/19 P, EU:C:2021:102, point 79 et jurisprudence citée).

61 Ensuite, s’agissant de la conformité de cette interprétation à la note explicative mentionnée au point 37 du présent arrêt, le Tribunal a jugé, au point 77 de l’arrêt attaqué, lequel n’est pas spécifiquement contesté dans le cadre du présent pourvoi, que cette note ne saurait être qualifiée de « lignes directrices » dont il résulterait une autolimitation de son pouvoir d’appréciation.

62 Enfin, les arguments tirés du fait que ladite interprétation contreviendrait au principe de sécurité juridique doivent également être rejetés.

63 En effet, d’une part, au vu des considérations exposées aux points 50 à 54 du présent arrêt, l’argument d’Eurofer selon lequel la même interprétation conduirait à des incertitudes quant à l’interprétation des seuils prévus à l’article 5, paragraphe 7, du règlement 2016/1036 ne saurait prospérer. D’autre part, ainsi que M. l’avocat général l’a souligné au point 57 de ses conclusions, l’interprétation de l’article 3, paragraphe 4, sous a), de ce règlement, dans le sens défendu par Eurofer, reviendrait à priver d’effet utile cette disposition, dans la mesure où, conformément à l’article 5, paragraphe 7, dudit règlement, une procédure n’est, en principe, pas ouverte à l’égard des pays dont les importations représentent une part de marché inférieure à 1 %.

64 Au vu de l’ensemble des considérations qui précèdent, il y a lieu de rejeter le premier moyen comme étant non fondé.

 Sur le deuxième moyen

 Argumentation des parties

65 Par son deuxième moyen, Eurofer soutient que l’appréciation du Tribunal selon laquelle le volume des importations en provenance de Serbie était « négligeable » aux fins de l’article 3, paragraphe 4, sous a), du règlement 2016/1036 est entachée d’une erreur de droit. Ce moyen vise les points 81 à 85 de l’arrêt attaqué et est subdivisé en trois branches.

66 Par la première branche dudit moyen, elle fait valoir que le Tribunal a commis une erreur de droit, aux points 81 à 83 de l’arrêt attaqué, en incluant des éléments de prix dans l’appréciation du caractère « négligeable » du volume des importations, alors que seule une appréciation quantitative des volumes devrait être opérée.

67 Les trois éléments nécessaires à l’évaluation cumulative au titre de l’article 3, paragraphe 4, du règlement 2016/1036 auraient été rappelés, à bon droit, aux points 50 et 51 de cet arrêt. Le deuxième de ces éléments concernerait le volume des importations, dont le caractère « négligeable » devrait être fondé sur les parts de marché et non sur le prix de ces importations. Ce dernier ferait l’objet du troisième desdits éléments et ce règlement opérerait clairement une distinction entre ces deux aspects. Or, le Tribunal aurait confondu deux notions distinctes et aurait, par conséquent, fondé son raisonnement en ce qui concerne le caractère négligeable du volume des importations sur une considération non pertinente.

68 Par la deuxième branche du présent moyen, soulevée à titre subsidiaire, Eurofer avance que, en tout état de cause, le Tribunal n’a pas correctement appliqué les critères, qu’il énonce au point 82 de l’arrêt attaqué, permettant d’apprécier ce caractère négligeable. Ainsi, en ignorant, dans son analyse, la sous-cotation des prix et des prix indicatifs, la Commission n’aurait pas pris en considération tous les éléments de preuve pertinents, ainsi que l’exigerait l’article 3, paragraphe 3, du règlement 2016/1036. Par conséquent, le Tribunal aurait commis, au point 83 de l’arrêt attaqué, une erreur de droit en confirmant l’approche de la Commission.

69 Par la troisième branche du même moyen, Eurofer soutient que le Tribunal a également commis, aux points 83 et 85 de l’arrêt attaqué, une erreur manifeste d’appréciation et a dénaturé les éléments de preuve en constatant que les prix moyens associés au volume correspondant à une part de marché peu importante étayaient la constatation du caractère négligeable du volume des importations en cause. Eurofer reconnaît que le prix moyen des importations en provenance de Serbie était supérieur à celui des importations en provenance d’autres pays. Toutefois, les éléments de preuve versés au dossier indiqueraient clairement que le prix moyen du producteur serbe unique serait pratiquement identique à celui pratiqué par deux des autres exportateurs à l’égard desquels des droits antidumping ont été institués par la Commission.

70 La Commission estime que le présent moyen est inopérant et que, en tout état de cause, chacune de ses trois branches est dénuée de fondement. De l’avis de la Commission, la troisième de ces branches est, au demeurant, partiellement irrecevable.

71 HBIS Serbia soutient que ce moyen doit être rejeté comme étant non fondé.

 Appréciation de la Cour

72 Il y a lieu de constater que, comme le fait valoir la Commission, le présent moyen est inopérant.

73 En effet, ce moyen vise, en particulier, à contester les points 81 à 84 de l’arrêt attaqué.

74 Au point 81 de cet arrêt, le Tribunal a jugé que c’est à bon droit que la Commission a pu considérer, au considérant 248 du règlement litigieux, que le fait que les prix de vente moyens serbes au cours de la période d’enquête aient été considérablement plus élevés que ceux des quatre autres pays concernés confirme l’idée qu’un volume d’importations aussi faible ne saurait porter préjudice à l’industrie de l’Union.

75 Certes, au point 82 de l’arrêt attaqué, le Tribunal a estimé que la question du caractère négligeable du volume des importations, aux fins de l’article 3, paragraphe 4, sous a), du règlement 2016/1036, ne se résume pas à l’examen de la seule quantité de ce volume mais s’étend à celui de sa qualité, c’est-à-dire aux autres éléments indicatifs des effets que ledit volume est susceptible de produire, tels que les prix associés à ces importations.

76 Toutefois, ainsi qu’il ressort notamment du point 69 de l’arrêt attaqué, au considérant 232 du règlement litigieux, la Commission a essentiellement constaté que le volume des importations en provenance de Serbie a été jugé négligeable, sur le fondement de l’article 3, paragraphe 4, du règlement 2016/1036, dans la mesure où, d’une part, ce volume était très proche du seuil de 1 % prévu à l’article 5, paragraphe 7, de ce règlement, en dessous duquel aucune enquête n’est ouverte par la Commission, et, d’autre part, ledit volume était considérablement inférieur à celui des importations en provenance de chacun des quatre autres pays concernés.

77 Partant, à supposer même que, comme le soutient Eurofer, le raisonnement du Tribunal aux points 81 à 84 de l’arrêt attaqué, relatifs à l’analyse des prix associés aux importations en cause, soit entaché d’une ou de plusieurs erreurs de droit, de telles erreurs sont sans effet sur le constat opéré aux points 70 et 80 de cet arrêt selon lequel c’est sans commettre d’erreur manifeste d’appréciation que la Commission a pu considérer, en l’espèce, que le volume des importations en provenance de Serbie restait négligeable, aux fins de l’article 3, paragraphe 4, du règlement 2016/1036.

78 Dans ces conditions, il convient de rejeter le deuxième moyen, pris en ses trois branches, comme étant inopérant.

 Sur le troisième moyen

 Argumentation des parties

79 Par son troisième moyen, Eurofer fait valoir que, aux points 109, 114, 120 et 121 de l’arrêt attaqué, le Tribunal a commis plusieurs erreurs de droit en validant la conclusion de la Commission selon laquelle, en l’espèce, « aucune mesure de défense ne se révèle nécessaire », aux fins de l’article 9, paragraphe 2, du règlement 2016/1036. Ce moyen est subdivisé en deux branches.

80 Par la première branche, Eurofer soutient que, au point 114 de l’arrêt attaqué, le Tribunal a commis une erreur de droit en jugeant qu’une analyse détaillée, notamment, de l’existence d’un dumping, au titre de l’article 2 du règlement 2016/1036, et de l’existence d’un préjudice, au titre de l’article 3 de ce règlement, n’est pas toujours requise et que la clôture d’une enquête ou d’une procédure peut s’imposer, notamment, sur la seule base de la marge de dumping ou du volume des importations.

81 Eurofer fait valoir que, si l’article 9, paragraphe 2, du règlement 2016/1036 ne précise pas les circonstances dans lesquelles « aucune mesure de défense ne se révèle nécessaire », le considérant 16 de ce règlement contient des orientations claires, en ce qu’il indique que les procédures devraient être closes « lorsque la marge de dumping est de minimis ou que le préjudice est négligeable ». Dans ces conditions, le Tribunal aurait conclu à tort, au point 114 de l’arrêt attaqué, qu’une appréciation du préjudice important potentiel n’est pas requise.

82 L’article 9, paragraphe 3, du règlement 2016/1036 serait sans incidence à cet égard, dans la mesure où il prévoirait deux « seuils de sécurité » en dessous desquels les deux conditions énoncées au considérant 16 de ce règlement seraient, en principe, remplies. Or, en l’occurrence, les importations serbes ne respecteraient pas ces seuils. Par conséquent, la seule base à partir de laquelle la Commission pouvait conclure qu’il n’était pas utile d’adopter des mesures de défense aurait été le constat du caractère négligeable du préjudice causé par les importations serbes, ce qui aurait exigé que la Commission vérifie si ces importations auraient pu contribuer à causer un préjudice important, en tenant compte des éléments d’appréciation prévus à l’article 3 du règlement 2016/1036.

83 Par la seconde branche, Eurofer fait valoir que, aux points 115 à 121 de l’arrêt attaqué, le Tribunal a commis une erreur de droit et une erreur manifeste d’appréciation en concluant que la Commission n’avait pas outrepassé la marge d’appréciation dont elle disposait dans le cadre de l’application de l’article 9, paragraphe 2, du règlement 2016/1036. Selon Eurofer, ni le volume des importations serbes ni les prix de vente moyens ne pouvaient, en l’absence d’autres éléments, justifier les conclusions de la Commission.

84 Ainsi, s’agissant du volume des importations serbes dépassant le seuil de 1 % prévu à l’article 9, paragraphe 3, du règlement 2016/1036, lu à la lumière de l’article 5, paragraphe 7, de ce règlement, il ne saurait être présumé que ce volume ne causerait aucun préjudice. S’agissant du recours aux prix moyens des importations, la Commission aurait dû prendre en considération non seulement ces prix, mais également les prix pratiqués par des exportateurs des autres pays concernés ainsi que les niveaux de sous-cotation des prix et des prix indicatifs. En outre, le fait que la Commission n’ait pas tenu compte de données pertinentes constituerait une erreur manifeste d’appréciation. L’appréciation de la Commission n’aurait pas tenu compte de la marge de dumping élevée des importations serbes, alors que cette donnée était manifestement pertinente pour déterminer les effets préjudiciables de ces importations, ainsi que cela ressortirait de l’article 3, paragraphe 3, de ce règlement.

85 La Commission estime que le présent moyen est partiellement irrecevable et, en tout état de cause, non fondé.

86 HBIS Serbia soutient que ledit moyen doit être rejeté comme étant non fondé.

 Appréciation de la Cour

87 Par la première branche du présent moyen, Eurofer fait valoir, en substance, que, au point 114 de l’arrêt attaqué, le Tribunal a erronément jugé qu’une analyse détaillée de l’existence d’un préjudice n’est pas toujours requise et que la clôture d’une enquête ou d’une procédure peut s’imposer, notamment, sur la seule base de la marge de dumping ou du volume des importations.

88 À cet égard, conformément à l’article 9, paragraphe 2, du règlement 2016/1036, lorsqu’aucune mesure de défense ne se révèle nécessaire, l’enquête ou la procédure est close. Il ressort du considérant 16 de ce règlement que les enquêtes ou les procédures devraient être closes lorsque la marge de dumping est de minimis ou que le préjudice est négligeable.

89 Dans ce contexte, l’article 9, paragraphe 3, du règlement 2016/1036 prévoit notamment que, pour les procédures ouvertes conformément à l’article 5, paragraphe 9, de ce règlement, le préjudice est normalement considéré comme négligeable lorsque les importations concernées représentent moins que le volume spécifié à l’article 5, paragraphe 7, dudit règlement, à savoir une part de marché inférieure à 1 %.

90 Or, ainsi que M. l’avocat général l’a relevé au point 100 de ses conclusions, l’article 9, paragraphe 3, du même règlement ne saurait être interprété en ce sens qu’il empêcherait la Commission de considérer que le préjudice causé par des importations est négligeable lorsque, comme en l’espèce, le volume de ces importations dépasse très légèrement ce seuil.

91 En effet, il résulte de l’utilisation de l’adverbe « normalement » que le législateur de l’Union a entendu laisser à la Commission une certaine marge d’appréciation dans l’évaluation du caractère négligeable du préjudice potentiel qui pourrait être causé par des importations.

92 Une telle interprétation est conforme au pouvoir d’appréciation reconnu aux institutions de l’Union en matière de mesures de défense commerciale, lequel s’étend, ainsi qu’il a été rappelé au point 55 du présent arrêt, à la détermination de l’existence d’un préjudice causé à l’industrie de l’Union dans le cadre d’une procédure antidumping.

93 Partant, la Commission est en droit de considérer qu’aucune mesure de défense ne se révèle nécessaire, au sens de l’article 9, paragraphe 2, du règlement 2016/1036, lorsqu’elle constate que les importations concernées par l’enquête dépassent le seuil de 1 % en dessous duquel le préjudice causé par ces importations en provenance d’un pays tiers est normalement considéré comme négligeable, lorsque ces importations restent très proches de ce seuil et que cette institution dispose d’autres éléments permettant de corroborer le caractère négligeable desdites importations.

94 Dans ces conditions, la marge d’appréciation dont la Commission dispose lui permet de clôturer l’enquête sur le seul fondement de l’article 9, paragraphe 2, du règlement 2016/1036, sans devoir déterminer si les mêmes importations sont susceptibles de causer un préjudice important au regard des éléments prévus, notamment, à l’article 3, paragraphes 2 et 3, de ce règlement.

95 Au vu de ce qui précède, il y a donc lieu de rejeter la première branche du présent moyen comme étant non fondée.

96 Par la seconde branche du présent moyen, Eurofer soutient en substance que le Tribunal a commis une erreur de droit et une erreur manifeste d’appréciation, aux points 115 à 121 de l’arrêt attaqué, en validant le constat de la Commission selon lequel, en l’espèce, aucune mesure de défense n’était nécessaire.

97 À titre liminaire, il y a lieu de rejeter l’argument de la Commission selon lequel cette branche est irrecevable dès lors qu’elle concernerait uniquement l’appréciation des faits opérée par le Tribunal sans qu’aucune erreur de droit ne soit identifiée. En effet, ainsi que relevé par M. l’avocat général au point 105 de ses conclusions, aux points 115 à 121 de l’arrêt attaqué, visés par ladite branche, le Tribunal a énoncé des considérations de droit et les arguments invoqués par Eurofer sont dirigés contre celles-ci.

98 Tout d’abord, s’agissant de l’argument d’Eurofer selon lequel le Tribunal aurait commis une erreur de droit en concluant que la Commission n’avait pas outrepassé la marge d’appréciation dont elle disposait dans le cadre de l’application de l’article 9, paragraphe 2, du règlement 2016/1036, il convient de relever que, pour les mêmes motifs que ceux figurant aux points 91 à 94 du présent arrêt, cet argument doit être considéré comme étant non fondé.

99 Ensuite, s’agissant de l’argument tiré du fait que, en l’absence de prise en compte de la marge de dumping prétendument élevée des importations serbes, la conclusion de la Commission relative à l’absence de nécessité d’adopter des mesures de défense serait entachée d’une erreur manifeste d’appréciation, il y a lieu de relever que, ainsi que le Tribunal l’a jugé à bon droit aux points 110 et 111 de l’arrêt attaqué, l’article 9, paragraphe 2, du règlement 2016/1036 laisse une certaine marge d’appréciation à la Commission, sans préciser les circonstances dans lesquelles celle-ci peut conclure qu’aucune mesure de défense n’est nécessaire.

100 Dans ces conditions, la marge de dumping n’apparaît pas comme étant une donnée pertinente dont la Commission aurait dû nécessairement tenir compte pour conclure à l’absence de nécessité d’adopter des mesures de défense.

101 En tout état de cause, il y a lieu de constater que, au soutien de son argumentation, Eurofer se limite à faire valoir que, au vu de la marge de dumping en cause, il serait « peu probable » que l’incidence des importations en cause soit négligeable, de telle sorte qu’elle n’apporte aucun élément concret et précis permettant de conclure que le Tribunal aurait dû considérer que le raisonnement de la Commission était entaché d’une erreur manifeste d’appréciation.

102 Enfin, ainsi que M. l’avocat général l’a souligné au point 109 de ses conclusions, doit être écarté l’argument, tiré de l’absence de prise en compte, par la Commission, des données relatives aux sous-cotations des prix et des prix indicatifs des produits serbes, dans la mesure où cet argument revient à exiger, contrairement à ce qui a été jugé au point 94 du présent arrêt, que la Commission procède à une vérification détaillée de l’existence d’un préjudice avant de pouvoir clôturer l’enquête conformément à l’article 9, paragraphe 2, du règlement 2016/1036.

103 Au regard des considérations qui précèdent, il y a lieu d’écarter la seconde branche du troisième moyen comme étant non fondée et, par conséquent, de rejeter ce moyen dans son intégralité.

 Sur le quatrième moyen

 Argumentation des parties

104 Par son quatrième moyen, Eurofer soutient que le Tribunal a commis plusieurs erreurs de droit en concluant que la Commission n’était pas tenue de communiquer les données de sous-cotation des prix et des prix indicatifs pour l’exportateur serbe. Ce moyen vise les points 135 à 137, 141 à 146 ainsi que 148 de l’arrêt attaqué et est subdivisé en trois branches.

105 Par la première branche de ce moyen, Eurofer fait valoir que le Tribunal a commis une erreur de droit en jugeant que ses droits de la défense n’ont pas été violés.

106 Le respect des droits de la défense ne se limiterait pas à la connaissance des informations sur lesquelles la Commission fonde son argumentation, conformément à l’article 20, paragraphe 2, du règlement 2016/1036, mais s’étendrait à l’accès à d’autres éléments pertinents du dossier de la Commission. En l’espèce, les données relatives à la sous-cotation des prix et des prix indicatifs auraient constitué des informations essentielles, permettant de démontrer l’incidence des importations en cause, et nécessaires aux fins de permettre à Eurofer de faire connaître son point de vue sur la question de savoir si ces importations ont causé un préjudice à l’industrie de l’Union et si la constatation de la Commission quant au caractère négligeable de cette incidence était correcte.

107 Dans le cadre de la deuxième branche du présent moyen, Eurofer avance que le Tribunal a commis une erreur de droit en jugeant, au point 142 de l’arrêt attaqué, que, dans une enquête antidumping, elle ne peut pas se prévaloir, en sa qualité de représentante de l’industrie de l’Union, des exigences découlant des droits de la défense. Cette conclusion ne s’appuierait sur aucune base juridique et ne trouverait aucun fondement dans la jurisprudence de la Cour et du Tribunal.

108 Par la troisième branche du même moyen, Eurofer soutient que le Tribunal a commis une erreur de droit en concluant, au point 146 de l’arrêt attaqué, que la Commission n’avait pas violé le principe de bonne administration consacré à l’article 41 de la charte des droits fondamentaux de l’Union européenne. Si les deuxième ou troisième moyens du pourvoi devaient être accueillis, les arguments d’Eurofer tirés de la méconnaissance du principe de bonne administration devraient également être accueillis. En outre, Eurofer estime que le Tribunal a commis une erreur de droit, au point 148 de l’arrêt attaqué, en n’ordonnant pas à la Commission de produire les éléments de preuve relatifs à la sous-cotation des prix et des prix indicatifs.

109 La Commission et HBIS Serbia soutiennent que le quatrième moyen du pourvoi est, pour partie, non fondé et, pour partie, inopérant.

 Appréciation de la Cour

110 Aux termes du paragraphe 2 de l’article 20 du règlement 2016/1036, les parties mentionnées au paragraphe 1 de cet article, dont fait partie une association représentative telle qu’Eurofer, peuvent demander une information finale sur les faits et les considérations essentiels sur la base desquels il est envisagé de recommander la clôture d’une enquête ou d’une procédure sans institution de mesures.

111 Il y a lieu de constater que les trois branches du présent moyen se fondent sur la prémisse selon laquelle les données de sous-cotation des prix et des prix indicatifs constituaient des données qui auraient dû être prises en compte par la Commission aux fins de l’application de l’article 3, paragraphe 4, sous a), et de l’article 5, paragraphe 7, du règlement 2016/1036.

112 Or, ainsi qu’il ressort de l’examen du deuxième moyen du pourvoi, le Tribunal a pu juger à bon droit que c’est à juste titre que la Commission avait décidé de clôturer la procédure concernant les importations en provenance de Serbie sur le seul fondement du volume des importations et des données relatives aux prix de vente moyens, et sans analyser les données portant sur la sous-cotation des prix et des prix indicatifs.

113 Par conséquent, c’est sans commettre d’erreur de droit que le Tribunal a jugé, au point 137 de l’arrêt attaqué, que, conformément à l’article 20, paragraphe 2, du règlement 2016/1036, Eurofer a été informée des faits et des considérations essentiels sur la base desquels il était envisagé de recommander la clôture de la procédure en ce qui concerne les importations en provenance de Serbie sans institution de mesures, qu’elle a eu la possibilité de faire connaître utilement son point de vue et que ses droits de la défense ont été respectés en l’espèce.

114 Pour les mêmes motifs, le Tribunal n’a commis aucune erreur de droit en jugeant, au point 146 de l’arrêt attaqué, que la Commission avait examiné tous les éléments pertinents du cas d’espèce et que, partant, elle n’avait pas violé le principe de bonne administration. De même, Eurofer ne saurait tirer argument du fait que, au point 148 de l’arrêt attaqué, le Tribunal a rejeté sa demande de produire les données relatives aux marges de sous-cotation des prix et des prix indicatifs pour la République de Serbie.

115 Dans ces conditions, sans qu’il soit nécessaire de se prononcer sur le point de savoir si, s’agissant du respect des droits de la défense dans les procédures d’enquête antidumping, il convient d’opérer une distinction entre Eurofer et les entreprises qui risquent de se voir infliger une sanction ou un droit antidumping, le quatrième moyen doit être rejeté comme étant non fondé.

116 Eu égard aux considérations qui précèdent, aucun des moyens du présent pourvoi n’ayant été accueilli, il y a lieu de le rejeter dans son intégralité, sans qu’il soit besoin de se prononcer sur les arguments de la Commission tirés de l’irrecevabilité du recours en première instance.

 Sur les dépens

117 En vertu de l’article 184, paragraphe 2, du règlement de procédure de la Cour, lorsque le pourvoi n’est pas fondé, la Cour statue sur les dépens. L’article 138, paragraphe 1, du même règlement, rendu applicable à la procédure du pourvoi en vertu de l’article 184, paragraphe 1, de celui ci, dispose que toute partie qui succombe est condamnée aux dépens, s’il est conclu en ce sens.

118 La Commission et HBIS Serbia ayant conclu à la condamnation d’Eurofer aux dépens et cette dernière ayant succombé en ses moyens, il y a lieu de la condamner à supporter, outre ses propres dépens, ceux exposés par la Commission et HBIS Serbia.

Par ces motifs, la Cour (quatrième chambre) déclare et arrête :

1) Le pourvoi est rejeté.

2) Eurofer, Association européenne de l’Acier, AISBL est condamnée à supporter, outre ses propres dépens, ceux exposés par la Commission européenneet par HBIS Group Serbia Iron & Steel LLC Belgrade.