CA Poitiers, 1re ch. civ., 22 février 2022, n° 20/00703
POITIERS
Infirmation partielle
PARTIES
Demandeur :
LANDAISE DE PROFILAGE ACIER (Sté)
Défendeur :
EURALIS DISTRIBUTION (SAS)
COMPOSITION DE LA JURIDICTION
Président :
M. Monge
Conseillers :
Mme Verrier, Mme Maury
PROCÉDURE, PRÉTENTIONS ET MOYENS DES PARTIES
M. B., viticulteur, a acquis auprès de la société EURALIS DISTRIBUTION pour son exploitation, 1800 piquets de vigne métalliques de référence PE27 GALFAN, le 20 janvier 2012, qu'il a implantés sur ses parcelles au printemps 2012, puis, le 20 janvier 2013, 2600 pièces de la même référence, installées en 2014.
A l'issue des vendanges, constatant que les piquets étaient endommagés, M. B. s'est rapproché de son fournisseur, la société EURALIS DISTRIBUTION, et du fabricant, la Société Landaise de Profilage Acier appelée SLPA, pour tenter de trouver une solution amiable.
A défaut d'accord, par acte d'huissier en date du 24 novembre 2014, M. Lilian B. a assigné devant le président du tribunal de grande instance de SAINTES les sociétés EURALIS DISTRIBUTION et SLPA aux fins de voir ordonner une expertise judiciaire et allouer une provision de 10 000 €.
Par ordonnance du 15 mars 2016,1e juge des référés a fait droit à la demande d'expertise, confiée à M. Daniel D. et rejeté la demande provisionnelle, l'estimant prématurée.
L'expert a déposé son rapport le 22 novembre 2017.
Par assignation en date du 23 août 2018, M. Lilian B. a attrait les sociétés EURALIS DISTRIBUTION et SLPA devant le tribunal de grande instance de SAINTES aux fins de voir :
- condamner solidairement les deux sociétés à lui payer une somme de 22 488 €
- les condamner solidairement à lui verser une somme de 4 000 € au titre des
Frais irrépétibles ainsi qu'aux entiers dépens dont les frais d'expertise
- ordonner l'exécution provisoire du jugement à intervenir
Par ses dernières écritures, la société EURALIS DISTRIBUTION demandait au tribunal, à titre principal, de dire qu'elle n'a pas manqué à son obligation de conseil et de débouter M. B. de l'ensemble de ses demandes et, à titre subsidiaire, de condamner la SAS SLPA à la relever indemne de toute condamnation qui pouffait être prononcée à son encontre.
Elle sollicitait également la condamnation de M. B. et, subsidiairement, de la société SLPA, à lui verser une somme de 6 500 € au titre des frais irrépétibles ainsi qu'aux entiers dépens.
Enfin, la société SLPA demandait au tribunal de débouter M. B. de l'ensemble de ses demandes, de débouter la société EURALIS DISTRIBUTION de sa demande tendant à être relevée indemne par elle et de condamner M. B., ou subsidiairement la société EURALIS DISTRIBUTION, à lui verser une somme de 4 000 € au titre des frais irrépétibles ainsi qu'aux entiers dépens, dont les frais d'expertise.
Par jugement contradictoire en date du 17/01/2020, le tribunal judiciaire de SAINTES a statué comme suit :
CONSTATE que les piquets de vignes acquis par M. B. auprès des sociétés EURALIS DISTRIBUTION et SLPA sont affectés d'un vice caché.
En conséquence,
CONDAMNE in solidum les sociétés EURALIS DISTRIBUTION et SLPA à payer à M. Lilian B. la somme de DIX MILLE QUATRE CENT DIX SEPT EUROS SEIZE CENTIMES (10 417,16 €) à titre du remboursement du prix des piquets ainsi qu'au paiement d'un montant de DOUZE MILLE SOIXANTE DIX EUROS QUATRE VINGT QUATRE CENTIMES (12 070,84 €) à titre de dommages et intérêts.
DÉBOUTE M. Lilian B. et la société SLPA de leur demande tendant à voir condamner la société EURALIS DISTRIBUTION pour manquement à son devoir de conseil.
CONDAMNE in solidum les sociétés EURALIS DISTRIBUTION et SLPA à payer à M. Lilian B. une somme de MILLE HUIT CENTS EUROS (1 800 €) au titre des frais irrépétibles.
DIT que la société SLPA devra garantir la société EURALIS DISTRIBUTION de toutes condamnations et la condamne au besoin.
CONDAMNE la société SLPA aux dépens de l'instance, qui comprennent les frais d'expertise.
Le premier juge a notamment retenu que :
- selon l'expert, « les piquets livrés en 2013 ont une résistance inférieure de 25 % à ceux livrés en 2008 » et précise que « EURALIS a fourni son produit standard, qui avait convenu qu'en 2009, mais qui s'est avéré insuffisant à partir de la livraison de fin 2012, en raison de la baisse des caractéristiques mécaniques de cette production réalisée par SLPA.
- le défaut constaté, dû à une baisse de la résistance mécanique lors de la fabrication des piquets, antérieur à la vente et grave eu égard au nombre de piquets concernés, compromet leur usage normal.
- l'inadaptation des piquets et leur mode de pose ne sont nullement la cause des
Désordres mais les conséquences de la baisse de la résistance mécanique des piquets, et la conformité à une norme n'est pas de nature à exonérer le fabricant de toute responsabilité.
- le vice affectant les piquets, indécelable, y compris pour un acheteur professionnel agissant dans le cadre d'une spécialité différente, constitue un vice caché.
- le sous-acquéreur dispose d'une action directe en garantie des vices cachés contre le vendeur originaire.
Du fait de leur qualité de vendeurs professionnels, les sociétés EURALIS DISTRIBUTION et SLPA seront donc tous deux tenues à l'égard de M. B. au titre de la garantie légale des vices cachés.
- les sociétés EURALIS DISTRIBUTION et SLPA seront condamnées in solidum à payer à M. B., outre le prix de vente des 2600 piquets défectueux, la somme de 12 070,84 € à titre de réparation du préjudice subi par lui.
- sur le devoir de conseil, le vendeur professionnel est tenu à l'égard de l'acquéreur d'un devoir de conseil de sorte qu'il doit orienter l'acheteur professionnel ou profane dans sa décision d'acheter ou de ne pas acheter et dans le choix de la chose achetée.
Ignorant, au moment de la vente, la baisse de résistance mécanique des piquets fabriqués par la société SLPA, il ne saurait être reproché à la société EURALIS DISTRIBUTION un manquement à son obligation de conseil, les mêmes piquets préalablement conseillés ayant donné satisfaction.
- sur la demande de relevé indemne, une entreprise qui, malgré sa qualité de professionnel, n'a pu déceler le vice, est fondée à agir contre son vendeur sur le fondement des articles 1641 et suivants du code civil.
Du fait de la carence de la société SLPA dans le suivi de la production, la société EURALIS DISTRIBUTION, qui ignorait la défectuosité affectant les piquets vendus à M. B., est donc fondée à solliciter la garantie légale des vices cachés à l'égard du fabricant.
LA COUR
Vu l'appel en date du 11/03/2020 interjeté par la société S.A.S. SOCIÉTÉ S.L.P.A. (SOCIÉTÉ LANDAISE DE PROFILAGE ACIER)
Vu l'article 954 du code de procédure civile.
Aux termes du dispositif de ses dernières conclusions en date du 10/11/2021, la société S.A.S. SOCIÉTÉ S.L.P.A. a présenté les demandes suivantes :
Vu les articles 1641 et suivants du code civil,
Vu l'article 2241 du code Civil
Vu les articles 1217, 1231-1 et suivants du code civil,
Vu le rapport d'expertise judiciaire de M. D.,
Vu les pièces versées aux débats,
DÉCLARER la société SLPA recevable et bien-fondée en son appel du jugement du Tribunal Judiciaire de SAINTES en date du 17 janvier 2020,
En conséquence,
INFIRMER ledit jugement en l'ensemble de ses dispositions,
Statuant à nouveau,
CONSTATER que l'action engagée en l'encontre de la société SLPA sur le fondement de la garantie des vices cachées est, à titre principal, forclose ou, subsidiairement, mal-fondée ;
En conséquence,
DÉBOUTER M. Lilian B. ainsi que la SAS EURALIS de l'ensemble de leurs demandes, fins et conclusions dirigées contre la société SLPA ;
Subsidiairement,
CONDAMNER la SAS EURALIS DISTRIBUTION à relever la société SLPA, indemne de toute condamnation qui pourrait être prononcée à son encontre ;
CONDAMNER, in solidum, M. Lilian B. et la SAS EURALIS, à verser à la société SLPA la somme de 4 000 € au titre de l'article 700 du CODE DE PROCÉDURE CIVILE, ainsi qu'aux entiers dépens tant en référé, au fond qu'en cause d'appel avec distraction, pour ceux qui la concernent au profit de la SCP R.-B.-L.-D.-B.-M.
A l'appui de ses prétentions, la société S.A.S. SOCIÉTÉ S.L.P.A. soutient notamment que :
- la forclusion de l'action en garantie des vices cachés est soutenue puisque l'interruption du délai de forclusion par la demande en justice prévue par l'article 2241 du code civil ne produit ses effets que jusqu'à l'extinction de l'instance, ou à compter de la date de l'ordonnance dans le cas d'un référé expertise, soit en l'espèce le 15 mars 2016. Or, l'assignation au fond est en date du 21 août 2018 et l'action est forclose.
- en ce qui concerne les dates d'achat des bobines (2009 et 2011), certaines bobines sont gardées plusieurs années en stock dans les ateliers, sans que ce stockage n'altère la qualité des aciers.
- il sera noté la particularité des travaux effectués par M. B., puisque celui-ci exploite une vigne charentaise, qui doit être moissonnée mécaniquement.
- l'expertise amiable EQUAD révèle qu'aucune non-conformité apparente n'a été mise en évidence sur les piquets et leur implantation. Il s'agit de travaux de vendanges réalisées à hâte, et/ou avec un opérateur peu diligent.
- l'expert judiciaire note que dans des proportions qui varient selon les parcelles, une part des piquets de vigne ont été tordus lors du passage des vendangeuses.
- selon l'expert judiciaire, les piquets livrés en 2013 auraient une résistance maximale inférieure de 25 % à ceux livrés en 2008 mais l'expert indique que cette variabilité de la résistance mécanique ne met pas en cause la qualité technique du mode de production de SLPA.
- il n'y a pas en l'espèce de vice-caché, la causalité des désordres réside dans une inadaptation du piquet à l'utilisation et dans le mode de pose sans piquet bois répartis.
Est soutenue l'absence de défaut inhérent à la chose vendue et antérieur à la vente.
- la société SLPA, qui fabrique 600 000 piquets par an, n'a jamais eu de tels retours avec un autre exploitant.
- l'exploitation et le processus de vendange de M. B. sont inadaptés à ce type de piquets La vigne charentaise moissonnée mécaniquement, telle que celle de M. B., nécessite une pose de piquets particulière.
L'expert judiciaire préconise une alternance de piquets bois et piquets métal, étant donné que les vignes équipées de piquets bois résistent bien.
Toutefois, la société EURALIS DISTRIBUTION a indiqué que le piquetage bois n'était pas nécessaire pour cette exploitation.
- il était préconisé de planter tous les piquets dans le même sens, ce que M. B. n'a pas fait. Le sens du U des piquets successifs a été systématiquement inversé.
Or, la déformation ne survient que lorsque l'effort est appliqué de telle sorte que les ailes soient en compression par rapport au sens de la vendangeuse.
La causalité des désordres réside dans une inadaptation du piquet à l'utilisation qui en a été faite.
- en tout état de cause, sur le manquement de la société EURALIS, vendeur professionnel, à son devoir de conseil, l'expert judiciaire a en effet expressément indiqué que les piquets de référence PE27 sont inadaptés à l'utilisation qui en est faite par M. B., même s'il n'avait pas rencontré de difficulté avec les piquets achetés en 2012.
- la documentation de la société SLPA relative au piquet de vigne PE27 n'indique aucunement que cette référence est à privilégier pour les terrains durs et difficiles, contrairement à la documentation EURALIS DISTRIBUTION.
Si le piquet GALFAN résiste mieux à la corrosion que le GALVA par sa composition et son revêtement, il est faux d'affirmer qu'il apporte une résistance supplémentaire et serait donc plus résistant
- la société EURALIS DISTRIBUTION aurait dû informer M. B. que les vignes équipées de piquets bois ajoutés résistent mieux dans ce cas spécifique d'une vigne charentaise moissonnée mécaniquement.
Aux termes du dispositif de ses dernières conclusions en date du 25/10/2021, M. Lilian B. a présenté les demandes suivantes :
Vu les articles 1641 et 1648 du code civil ainsi que L 110-4 du code de commerce,
Vu les dates de délivrance des assignations en référé, de dépôt du rapport d'expertise et de délivrance des assignations au fond.
Rejeter le moyen tiré de la forclusion.
Vu le rapport d'expertise de M. D. du 22 novembre 2017 ;
Vu les articles 1641 et 1147 anciens du code civil.
Confirmer le jugement de première instance en ce qu'il a constaté que les piquets de vignes acquis par M. B. auprès des sociétés EURALIS DISTRIBUTION et SLPA étaient affectés d'un vice caché et condamné in solidum les mêmes sociétés à payer à M. B. la somme de 10 417,16 € à titre du remboursement du prix des piquets ainsi qu'au paiement d'un montant de 12 07084 € à titre de dommages et intérêts avec intérêt légal à compter de la date de dépôt du rapport ;
A titre subsidiaire :
Constater que la responsabilité des sociétés EURALIS DISTRIBUTION et SLPA sont engagées pour manquement à leurs obligations contractuelles ;
Par conséquent, condamner solidairement les sociétés EURALIS DISTRIBUTION et SLPA à payer à M. B. la somme totale de 22.488 € HT avec intérêt légal à compter de la date de dépôt du rapport ;
En tout état de cause,
Condamner solidairement les Sociétés EURALIS et SLPA à payer à M. B. la somme de 4 000 € au titre de l'article 700 du CODE DE PROCÉDURE CIVILE ainsi qu'aux entiers dépens dont les frais d'expertise'.
A l'appui de ses prétentions, M. Lilian B. soutient notamment que :
- sur la forclusion, l'action en garantie des vices cachés doit être exercée dans le délai de 2 ans à compter de la découverte du vice à peine de forclusion, le point de départ du délai biennal ne peut être fixé qu'au jour où l'existence du vice caché atteignant potentiellement la chose a été révélée, ce qui n'a été le cas qu'à compter du dépôt du rapport d'expertise le 22 novembre 2017. - l'expert judiciaire conclut que les essais du centre technique CETIM de NANTES ont bien permis de vérifier que les piquets présentaient des résistances à la déformation différente, d'une part selon qu'ils sont sollicités avec les ailes en traction ou en compression, et d'autre part, selon les années de fabrication.
Il précise que la présence d'une paire de trous de linguets à 30 cm du sol fragilise beaucoup le piquet, en réduisant la section et en permettant une ruine par flambage, qui fait perdre très rapidement la résistance dès que l'on a dépassé le seuil admissible.
M. D. conclut qu'en supprimant les 4 derniers trous inutiles, on se met complètement en sécurité quant à la déformation.
L'expert indique également que la causalité des désordres réside dans une inadaptation du piquet à son usage dans la vigne charentaise, vendangée mécaniquement.
Les responsabilités de la Société SLPA et d'EURALIS sont engagées.
- il ressort des analyses des piquets par le CETIM une variation des propriétés mécaniques des piquets en flexion selon les années de fabrication et c'est ainsi que les piquets livrés en 2013 ont une résistance inférieure de 25% à ceux livrés en 2008.
La majeure partie des piquets achetés par M. B. se sont tordus de sorte qu'il est certain que ce défaut les rend impropres à leur destination et à l'usage normal auquel ils étaient destinés.
- au jour de la vente le défaut était caché.
- la conformité à une norme n'est pas de nature à exonérer le fabricant de toute responsabilité.
- le défaut aurait pu être détecté avec une meilleure traçabilité et un meilleur suivi qualité lors de la fabrication des produits.
- M. B. est un viticulteur expérimenté et a parfaitement respecté les modes et les distances de plantation réglementaires.
- l'expert n'a jamais indiqué que la vigne de M. B. nécessitait une pose de piquets particulière.
- à titre subsidiaire, la responsabilité contractuelle des sociétés EURALIS et SLPA est soutenue.
EURALIS a fourni un produit standard qui s'est avéré insuffisant à partir de la livraison fin 2012, en raison de la baisse des caractéristiques mécaniques de cette production réalisée par SLPA, les piquets vendus n'étant pas adaptés.
- M. D. indique également que les vignes équipées de piquets bois ajoutés résistent mieux. Il appartenait donc à la société EURALIS d'informer également M. B. de ce point mais elle s'est contentée de fournir son produit standard.
- M. B. rappelle les éléments de son préjudice.
L'expert préconise de remplacer tous les piquets concernés par des piquets plus résistants, soit le même type de piquets, fabriqués avec 8 linguets au lieu de 12 à partir du haut, ou le poteau PG32.
Aux termes du dispositif de ses dernières conclusions en date du 19/11/2020, la société SAS EURALIS DISTRIBUTION a présenté les demandes suivantes :
Déclarant l'appel incident de la SAS EURALIS DISTRIBUTION recevable et fondé, et réformant partiellement la décision entreprise,
Vu les articles 1134, 1147, 1315 et 1641 et suivants du code civil, dans sa rédaction applicable à la cause,
A titre principal :
- constatant qu'elle n'est pas le fabricant du produit litigieux, DIRE ET JUGER que la SAS EURALIS DISTRIBUTION ne saurait être condamnée sur le fondement de la garantie légale des vices cachés, et DÉBOUTER M. B. et la SAS SOCIÉTÉ LANDAISE DE PROFILAGE ACIER de l'ensemble de leurs demandes à son encontre ;
- constatant d'une part qu'elle a contracté avec un professionnel de même spécialité, parfaitement renseigné sur le produit commandé pour l'avoir déjà acquis l'année précédente, alors qu'elle ne disposait que d'une gamme restreinte de piquets, de qualité équivalente, et constatant d'autre part qu'elle n'avait pas à orienter son client vers un produit plus onéreux, ni à l'inviter à contracter avec ses concurrents,
DIRE ET JUGER que la SAS EURALIS DISTRIBUTION n'a pas manqué à son obligation de conseil, et DÉBOUTER M. Lilian B. de l'ensemble de ses demandes, fins et conclusions ;
- constatant surabondamment qu'il ne rapporte nullement la preuve du lien de causalité entre son préjudice et le manquement à tort imputé à la SAS EURALIS DISTRIBUTION, DÉBOUTER M. B. et la SAS SOCIÉTÉ LANDAISE DE PROFILAGE ACIER de l'ensemble de leurs demandes, fins et conclusions ;
- constatant l'absence de manquement de la part de la SAS EURALIS DISTRIBUTION, qui ne saurait dès lors être considérée comme la partie « perdante », DÉBOUTER la SAS SOCIÉTÉ LANDAISE DE PROFILAGE ACIER et M. Lilian B. de leurs demandes au titre des frais irrépétibles et des dépens ;
Subsidiairement :
- constatant que seul le fabricant des piquets litigieux est à l'origine du défaut constaté par M. B., présent dès sa sortie d'usine, CONFIRMER le jugement déféré et CONDAMNER la SAS SOCIÉTÉ LANDAISE DE PROFILAGE ACIER à relever indemne la SAS EURALIS DISTRIBUTION de toute condamnation qui pourrait être prononcée à son encontre, en ce compris celles prononcées au titre des frais irrépétibles et des dépens ;
- DÉBOUTER la SAS SOCIÉTÉ LANDAISE DE PROFILAGE ACIER et M. Lilian B. de l'ensemble de leurs demandes à l'encontre de la SAS EURALIS DISTRIBUTION ;
En tout état de cause :
- constatant qu'il serait particulièrement inéquitable de laisser à la charge de la concluante les frais qu'elle a dû engager pour faire assurer sa défense,
CONDAMNER M. Lilian B., ou subsidiairement la SAS SOCIÉTÉ LANDAISE DE PROFILAGE ACIER, à payer à la SAS EURALIS DISTRIBUTION la somme de 10 000,00 € sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile, ainsi qu'aux entiers dépens'.
A l'appui de ses prétentions, la société SAS EURALIS DISTRIBUTION soutient notamment que :
- le défaut constaté sur les produits vendus à M. B. procède exclusivement d'une défaillance de la société SLPA car l'absence de contrôle interne a empêché le fabricant de qualifier ses produits en fonction d'un critère objectif, et de détecter les potentielles dérives.
L'anomalie se situe donc au niveau du processus de fabrication et non de commercialisation, la société EURALIS DISTRIBUTION n'en ayant jamais été informée.
- subsidiairement, la société SLPA doit naturellement garantir son distributeur, qui ne pouvait en aucun cas avoir connaissance du vice ponctuel dont était affecté ledit produit.
En tant qu'acheteur, le revendeur professionnel n'est pas tenu, en droit, de connaître les vices de la chose au jour de son acquisition.
- sur le manquement au devoir de conseil, celui-ci n'est pas établi et il ne ressort absolument pas du rapport d'expertise que la responsabilité du vendeur intermédiaire serait engagée.
- elle a satisfait à son obligation de résultat qui était celle de communiquer l'information relative à la diversité de son offre, en fonction des terrains concernés, et de ses gammes tarifaires. Elle n'avait pas à inviter son client à changer d'avis sur le choix d'un produit que son expérience l'avait incité à commander à nouveau et ne pouvait objectivement pas savoir que les produits fournis par la société SLPA seraient affectés d'un vice ponctuel.
- il est absolument faux d'insinuer, comme le fait la société SLPA, que la société EURALIS DISTRIBUTION aurait déconseillé à M. B. d'implanter un piquetage en bois.
M. M. a indiqué à l'expert, d'une part qu'EURALIS recommandait de planter tous les piquets dans le même sens, l'expert observant que cette recommandation n'avait pas été respectée en l'espèce, et d'autre part qu'il estimait (et non pas qu'EURALIS recommandait) que le piquetage bois n'était pas nécessaire.
- subsidiairement sur les demandes indemnitaires, la SAS EURALIS DISTRIBUTION ne saurait être condamnée dès lors qu'elle ignorait pleinement les défauts de fabrication affectant les piquets litigieux alors que M. B. était un acquéreur professionnel parfaitement renseigné.
Subsidiairement, le préjudice né d'un manquement à son obligation de conseil s'analyserait en la perte d'une chance de ne pas contracter, nulle en l'espèce.
- à titre reconventionnel, il y a lieu de condamner la société SLPA à relever la SAS EURALIS DISTRIBUTION indemne de toute condamnation, dès lors que le défaut constaté sur les produits vendus à M. B. procédait exclusivement d'une défaillance de la société SLPA, notamment dans le suivi de sa production.
Il convient de se référer aux écritures des parties pour un plus ample exposé de leurs prétentions et de leurs moyens.
Vu l'ordonnance de clôture en date du 15/11/2021.
MOTIFS DE LA DÉCISION :
Sur la recevabilité de l'action engagée au titre de la garantie des vices cachés :
S'agissant d'une action en garantie des vices cachés, l'article 1648 al. 1 du code civil dispose que : 'l'action résultant des vices rédhibitoires doit être intentée par l'acquéreur dans un délai de deux ans à compter de la découverte du vice'.
L'article 2241 du code civil dispose que 'la demande en justice, même en référé, interrompt le délai de prescription ainsi que le délai de forclusion.
Il en est de même lorsqu'elle est portée devant une juridiction incompétente ou lorsque l'acte de saisine est annulé par l'effet d'un vice de procédure'.
La découverte du vice s'entend non d'une première manifestation de celui-ci mais de la connaissance de ce vice dans sa nature, son ampleur et ses conséquences.
En l'espèce, M. B., s'il a pu constater l'existence de désordres de torsion des poteaux vendus, ne pouvait avant dépôt du rapport d'expertise apprécier pleinement la nature et les causes des vices relevés, d'autant que l'expert sera contraint de faire appel au centre technique CETIM de NANTES pour asseoir son analyse.
Il y a lieu alors de considérer que c'est à la date du dépôt de ce rapport, soit le 22 novembre 2017, que le vice a été découvert par M. B.
Sans qu'il soit besoin de relever d'autres interruptions du délai pour agir que l'assignation en référé, M. B. avait jusqu'au 22 novembre 2019 pour assigner au fond, cette assignation a été délivrée le 23 août 2018.
Le moyen de forclusion soulevé par la société S.A.S. SOCIÉTÉ S.L.P.A. sera donc écarté.
Sur l'existence d'un vice caché :
L'article 1641 du code civil dispose que 'le vendeur est tenu de la garantie à raison des défauts cachés de la chose vendue qui la rendent impropre à l'usage auquel on la destine, ou qui diminuent tellement cet usage que l'acheteur ne l'aurait pas acquise, ou n'en aurait donné qu'un moindre prix, s'il les avait connus'.
L'article 1645 du même code précise que 'si le vendeur connaissait les vices de la chose, il est tenu, outre la restitution du prix qu'il en a reçu, de tous les dommages et intérêts envers l'acheteur.'
L'article 1643 indique que le vendeur 'est tenu des vices cachés, quand bien même il ne les aurait pas connus, à moins que, dans ce cas, il n'ait stipulé qu'il ne sera obligé à aucune garantie'.
L'article 1644 dispose que 'dans le cas des articles 1641 et 1643, l'acheteur a le choix de rendre la chose et de sa faire restituer le prix, ou de garder la chose et de se faire rendre une partie du prix'.
M. B. a acheté, en janvier 2013, à la société EURALIS DISTRIBUTION, vendeur professionnel, 2600 piquets au prix unitaire de 3,35 € HT, majoré d'une TVA à 19,6 % soit pour une somme totale de 10 417,16 € T.T.C., ces piquets étant vendus et fabriqués par S.A.S. SOCIÉTÉ S.L.P.A., également vendeur professionnel.
Il résulte du rapport d'expertise judiciaire établi par M. D. que celui-ci a pu conclure, après tests et avis du centre technique CETIM de NANTES, que 'les piquets livrés en 2013 ont une résistance inférieure de 25 % à ceux livrés en 2008 ... EURALIS a fourni son produit standard, qui avait convenu qu'en 2009, mais qui s'est avéré insuffisant à partir de la livraison de fin 2012, en raison de la baisse des caractéristiques mécaniques de cette production réalisée par SLPA'
Outre cette baisse de la qualité mécanique des piquets, en lien avec la matière première employée, certaines bobines étant gardées plusieurs années en stock dans les ateliers selon le propos de la S.A.S. SOCIÉTÉ S.L.P.A, sans que ce stockage n'altère selon elle la qualité des aciers, le mode de déformation des piquets a été expliqué techniquement en raison de la structure des piquets, comportant des trous au niveau des linguets.
Si l'expert a pu mentionner 'la différence de résistance des piquets selon le sens de la vendange par rapport au sens de la pose des piquets, il a avant toute chose retenu 'une variation des propriétés mécaniques des piquets en flexion selon les années de fabrication'.
Ainsi, l'inadaptation du piquet à l'utilisation qui en a été faite, dans le cadre de cette vigne charentaise, travaillée mécaniquement, n'est due qu'à l'insuffisance de la résistance mécanique des piquets vendus en 2013, étant relevé que les mêmes piquets antérieurement produits par la S.A.S. SOCIÉTÉ S.L.P.A avec une autre matière première et également utilisés par M. B. dans ces mêmes vignes n'avaient pas connu de désordres.
Ni le sens de pose, en traction ou en compression, ni l'absence de piquets bois ne peuvent justifier le fait que le produit lui-même connaissait un vice précisément relevé dans le cadre de l'expertise après analyse, en conséquence de la matière d'origine.
Il y a lieu de retenir en conséquence que les piquets vendus présentaient avant leur vente un vice caché à M. B. en dépit de sa profession de viticulteur et également de l'expérience qu'il avait certes de ces produits, mais utilisant une autre matière première métallique.
M. B. est ainsi pleinement recevable à solliciter la garantie due de son vendeur la société EURALIS DISTRIBUTION, mais également celle du vendeur originaire la S.A.S. SOCIÉTÉ S.L.P.A, ces deux sociétés ayant qualité de professionnel, tenues à garantie dans les conditions de l'article 1645 du code civil.
Alors que le remplacement des piquets est préconisé par l'expert, M. B. justifie de son préjudice à hauteur de la somme de 22488 €, soit 10417,16 € au titre du coût des piquets et 12070,84 € au titre des travaux de remplacements selon préconisations de l'expert.
Le jugement sera confirmé en ce qu'il a condamné in solidum les sociétés EURALIS DISTRIBUTION et SLPA à payer à M. Lilian B. la somme de 10 417,16 € à titre du remboursement du prix des piquets ainsi qu'au paiement d'un montant de 12 070,84 € à titre de dommages et intérêts.
Sur l'appel en garantie formé par la société SAS EURALIS DISTRIBUTION à l'encontre de la société S.A.S. SOCIÉTÉ S.L.P.A. :
Il ressort des conclusions du rapport d'expertise judiciaire que la société S.A.S. SOCIÉTÉ S.L.P.A. a fabriqué et vendu un produit connaissant un vice caché spécifique au lot vendu, du fait des insuffisances de la matière première utilisée.
De ce fait que le distributeur ne pouvait soupçonner, et étant souligné que les précédentes fournitures du même produit semblablement utilisé n'avait pas connu de désordres, la société S.A.S. SOCIÉTÉ S.L.P.A. doit être condamnée, par confirmation du jugement rendu, à relever indemne la société SAS EURALIS DISTRIBUTION des condamnations prononcées à son encontre.
Il n'est en effet établi aucun manquement de la société SAS EURALIS DISTRIBUTION à son devoir de conseil envers son client, dès lors qu'elle ne pouvait connaître un vice non décelable et à l'égard duquel aucun conseil ne pouvait être efficacement proposé, d'autant que la société S.A.S. SOCIÉTÉ S.L.P.A. n'avait pas été en mesure d'assurer le suivi de sa production et de détecter sa défectuosité.
Sur les dépens et l'application de l'article 699 du code de procédure civile :
Il résulte de l'article 696 du code de procédure civile que La partie perdante est condamnée aux dépens, à moins que le juge, par décision motivée, n'en mette la totalité ou une fraction à la charge d'une autre partie. (...).'
Compte tenu de la solution apportée au présent litige, les dépens d'appel seront fixés à la charge de la société S.A.S. SOCIÉTÉ S.L.P.A.
Sur l'application de l'article 700 du code de procédure civile :
Il est équitable de condamner la société S.A.S. SOCIÉTÉ S.L.P.A. à payer à M. Lilian B. et à la société SAS EURALIS DISTRIBUTION les sommes fixées au dispositif du présent arrêt sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile en cause d'appel.
La somme allouée au titre des frais de première instance a été justement appréciée, le jugement entrepris devant être confirmé sur ce point.
PAR CES MOTIFS,
La cour, statuant publiquement, par arrêt contradictoire, et en dernier ressort,
DÉCLARE recevable comme non forclose l'action engagée au titre de la garantie des vices cachés par M. Lilian B. à l'encontre de la société S.A.S. SOCIÉTÉ S.L.P.A.
CONFIRME le jugement entrepris en toutes ses dispositions.
Y ajoutant,
DÉBOUTE les parties de leurs autres demandes plus amples ou contraires.
CONDAMNE la société S.A.S. SOCIÉTÉ S.L.P.A. à payer à M. Lilian B. la somme de 2000 € sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile en cause d'appel.
CONDAMNE la société S.A.S. SOCIÉTÉ S.L.P.A. à payer à la société SAS EURALIS DISTRIBUTION la somme de 2000 € sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile en cause d'appel.
CONDAMNE la société S.A.S. SOCIÉTÉ S.L.P.A. aux dépens d'appel, étant rappelé que les dépens de première instance restent répartis ainsi que décidé par le premier juge.
LE GREFFIER, LE PRÉSIDENT.