Cass. com., 25 janvier 1995, n° 93-10.192
COUR DE CASSATION
Arrêt
Cassation
COMPOSITION DE LA JURIDICTION
Président :
M. Bézard
Rapporteur :
M. Gomez
Avocat général :
M. de Gouttes
Avocats :
SCP Lemaitre et Monod, Me Cossa
Sur le second moyen du pourvoi principal :
Attendu que la société Pironin fait grief à l'arrêt d'avoir décidé qu'elle avait commis des actes de concurrence déloyale alors, selon le pourvoi, que le fait de commercialiser un produit ressemblant à celui d'un concurrent ne constitue pas un acte de concurrence déloyale, lorsque ce produit concurrent n'est lui-même que la copie d'un article antérieurement divulgué par des tiers ; qu'en disant qu'elle avait déloyalement reproduit le modèle de virole de la société Thiers-Viroles, sans rechercher si le fait que la virole fabriquée par la société Thiers-Viroles soit la copie exacte de celles figurant sur les catalogues des sociétés Huet et Barthe n'était pas de nature à ôter tout caractère fautif à la reproduction, par elle, dudit modèle, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard de l'article 1382 ;
Mais attendu que l'arrêt relève que la société Pironin a reproduit le modèle litigieux, sans y apporter de modification, sans avoir procédé aux recherches et sans posséder le matériel nécessaire pour sa création ; qu'à partir de ces constatations et appréciations, la cour d'appel, qui en déduit que la société Pironin avait bénéficié de l'effort effectué par un concurrent et avait créé un risque de confusion dans l'esprit de la clientèle sur l'origine des produits, a ainsi procédé à la recherche prétendument omise ; d'où il suit que le moyen n'est pas fondé ;
Sur le troisième moyen du pourvoi principal, pris en sa seconde branche ; (sans intérêt) ;
Mais sur le premier moyen du pourvoi principal, pris en sa première branche :
Vu les articles 1 et 2 de la loi du 11 mars 1957 ;
Attendu que pour accueillir l'action en contrefaçon de la société Thiers-Viroles, l'arrêt, après avoir relevé que cette société avait acquis le fonds de commerce de la société Huet comprenant des catalogues sur lesquels figuraient la virole litigieuse sans que soit rapportée la preuve de la dévolution des droits sur le modèle de cette société à la société Thiers-Viroles, retient que, si cette dernière société " ne peut pas justifier de manière certaine être la cessionnaire des droits de l'auteur originel du modèle, elle n'en est pas moins l'auteur dans la mesure où grâce aux moyens qui sont les siens, après études de marché et en fonction des goûts de la clientèle, elle a su sélectionner sur catalogue un modèle précis, original et le fabriquer avec l'outillage qu'elle avait régulièrement acquis "
Attendu qu'en se déterminant par de tels motifs impropres à établir que la société Thiers-Viroles avait fait preuve d'originalité et de nouveauté, justifiant la protection de la loi de 11 mars 1957, à l'occasion des opérations de traduction du dessin de la virole en un objet nouveau, la cour d'appel n'a pas donné de base légale à sa décision au regard des textes susvisés ;
Et sur le premier moyen du pourvoi incident ;
Vu l'article 11 de la loi du 14 juillet 1909, ensemble l'article 455 du nouveau Code de procédure civile ;
Attendu que pour rejeter la demande en contrefaçon de la société Thiers-Viroles fondée sur la loi du 14 juillet 1909, l'arrêt énonce qu'" il n'y a pas eu contrefaçon d'un modèle dans la mesure où celui-ci avait fait l'objet d'un dépôt secret et que donc la société Pironin ne peut être jugée coupable d'une contrefaçon de modèle au sens de la loi du 14 juillet 1909 " ;
Attendu qu'en se déterminant ainsi, alors que l'article 11 dispose que les faits postérieurs au dépôt, mais antérieurs à sa publicité, ne peuvent donner lieu à une action civile qu'à charge par la partie lésée d'établir la mauvaise foi de l'inculpé et alors que la société Thiers-Viroles offrait, dans ses conclusions, d'apporter la preuve de la mauvaise foi de la société Pironin, la cour d'appel n'a pas légalement justifié sa décision ;
Et sur le second moyen du pourvoi incident, pris en sa première branche :
Vu l'article 27 de la loi du 31 décembre 1964 :
Attendu que pour rejeter l'action de la société Thiers-Viroles en contrefaçon de marque, l'arrêt énonce que la société Pironin " n'est pas non plus coupable de contrefaçon de marque dans la mesure où elle n'a pas utilisé la virole copiée comme une marque " ;
Attendu qu'en statuant ainsi alors que la reproduction identique ou quasi identique d'une marque figurative sous la forme d'un objet constitue la contrefaçon du signe protégé, la cour d'appel a violé le texte susvisé ;
Et sur la première branche du troisième moyen du pourvoi principal :
Vu les articles 624 et 625 du nouveau Code de procédure civile ;
Attendu que la cassation à intervenir sur le premier moyen entraîne par voie de conséquence la cassation de la partie du dispositif de l'arrêt condamnant la société Pironin au paiement de dommages et intérêts en réparation du préjudice résultant à la fois de la contrefaçon du modèle et de la concurrence déloyale ;
PAR CES MOTIFS et sans qu'il y ait lieu de statuer que les deuxième, troisième et quatrième branches du premier moyen du pourvoi principal et sur les deuxième et troisième branches du second moyen du pourvoi incident :
CASSE ET ANNULE mais seulement en ce qu'il a dit que la société Pironin s'était rendue responsable de contrefaçon du modèle appartenant à la société Thiers-Viroles, a rejeté la demande de la société Thiers-Viroles fondée sur la loi de 1909 ainsi que celle fondée sur la contrefaçon de marque et a condamné la société Pironin au paiement de la somme de cinquante mille francs à titre de dommages et intérêts, l'arrêt rendu le 5 novembre 1992, entre les parties, par la cour d'appel de Riom ; remet, en conséquence, quant à ce, la cause et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant ledit arrêt et, pour être fait droit, les renvoie devant la cour d'appel de Bourges.