Cass. com., 23 octobre 2007, n° 06-18.570
COUR DE CASSATION
Arrêt
Rejet
COMPOSITION DE LA JURIDICTION
Président :
Mme Favre
Rapporteur :
M. Salomon
Avocat général :
M. Jobard
Avocats :
SCP Célice, Blancpain et Soltner, SCP Thouin-Palat
Sur le moyen unique :
Attendu, selon l'arrêt attaqué (Rouen, 24 mai 2006), que la société de la fromagerie Boursin (la société Boursin) a cédé, par deux actes du 30 juin 2000, à la société anonyme Bongrain (la société) les droits de possession industrielle afférents à la fabrication du fromage Boursault et la marque Boursault ; que ces cessions ont été soumises à l'enregistrement au droit fixe de l'article 731 du code général des impôts ; que par acte du même jour, la société Boursin et la société Nouvelle commerciale Boursin ont cédé à la société par actions simplifiée Bongrain Gérard la clientèle, le matériel et les objets mobiliers servant à l'exploitation de la marque Boursault ; que cette cession a été soumise aux droits d'enregistrement prévus à l'article 719 du code général des impôts ; que l'administration fiscale, estimant que la cession de la marque Boursault et des droits de possession industrielle afférents à la fabrication du fromage Boursault étaient également passibles des droits proportionnels d'enregistrement de l'article 719 du code général des impôts a notifié, le 4 mai 2001, à la société un redressement ; qu'après rejet de sa demande, la société a assigné le directeur des services fiscaux de l'Eure devant le tribunal pour obtenir le dégrèvement de cette imposition ;
Attendu que la société fait grief à l'arrêt d'avoir rejeté sa demande, alors, selon le moyen :
1°) que l'article 731 du code général des impôts dans sa version applicable à l'espèce énonce que "les cessions de brevets sont enregistrées au droit fixe de 75 euros" et que l'article 719 du code général des impôts soumet aux droits proportionnels d'enregistrement "les mutations de propriété à titre onéreux de fonds de commerce ou de clientèle" ; qu'il résulte de ces dispositions que les cessions de marques ou de droits de possession industrielle sont soumises aux droits fixes de l'article 731 du code général des impôts excepté lorsque ces éléments sont cédés en même temps que le fonds de commerce dont ils dépendent ou, pour ce qui est des marques, lorsque la clientèle qui leur est attachée est également transmise au cessionnaire, auxquels cas lesdites cessions relèvent des tarifs de l'article 719 du code général des impôts ; qu'en l'espèce, il n'est pas contesté que la société Bongrain a acquis par deux actes du 30 juin 2000 la marque Boursault et les droits de possession industrielle afférents à la fabrication du fromage Boursault tandis que la clientèle attachée à cette marque ainsi que le matériel et les objets mobiliers nécessaires à l'exploitation ont été cédés à la société Bongrain Gérard (et non à la société Bongrain SA comme l'affirme la cour par erreur) par un troisième acte du même jour ; que, dès lors, s'agissant de cessions isolées, la cession de la marque Boursault et des droits de possession industrielle doivent être enregistrées au droit fixe de l'article 731 du code général des impôts ; qu'en considérant néanmoins que lesdites cessions devaient être assujetties aux droits prévus à l'article 719 du code général des impôts, la cour a violé les textes susvisés ;
2°) qu'aux termes de l'article 1134 du code civil "les conventions légalement formées tiennent lieu de loi à ceux qui les ont faites" ; que, par ailleurs, l'article L. 64 du livre des procédures fiscales énonce que "ne peuvent être opposés à l'administration des impôts les actes qui dissimulent la portée véritable d'un contrat ou d'une convention à l'aide de clauses qui donnent ouverture à des droits d'enregistrement ou à une taxe de publicité foncière moins élevés ; L'administration est en droit de restituer son véritable caractère à l'opération litigieuse" ; que si une clientèle est en principe attachée à une marque exploitée aucun texte n'interdit de céder contractuellement de manière séparée ces deux éléments mobiliers composant le fonds de commerce ; qu'en l'espèce, il n'est pas contesté que la marque Boursault a été cédée à la société Bongrain SA et la clientèle attachée à cette marque à la société Bongrain Gérard ; que l'administration n'a pas non plus fait usage de la procédure de répression des abus de droit de l'article L. 64 du livre des procédure fiscale ou remis en cause la valeur des éléments cédés ; que, dès lors, l'existence et la sincérité des actes litigieux n'est pas contestée ; qu'en décidant toutefois que la société Bongrain SA aurait acquis la clientèle attachée à la marque Boursault ainsi que l'ensemble du fonds de commerce, la cour d'appel a violé, par refus d'application, les textes susvisés ;
Mais attendu qu'après avoir rappelé que lorsque la marque est cédée dans le même temps que le fonds qui l'exploite, elle constitue un élément du fonds de commerce et supporte, avec l'ensemble des autres éléments, le droit de mutation applicable aux cessions de fonds de commerce et qu'il en est de même pour la cession des droits de propriété industrielle, dès lors qu'ils sont cédés en même temps que tout ou partie d'un fonds de commerce dont ils dépendent, l'arrêt retient qu'à raison de son exploitation antérieure par la société Boursin, la marque Boursault bénéficiait d'une renommée et d'une notoriété certaines et, de ce fait, d'une clientèle propre qui lui était attachée, de sorte que sa cession, ainsi que celle des droits de possession industrielle, par la société Boursin au profit de la société, devenue ainsi propriétaire de l'ensemble des éléments constitutifs du fonds de commerce afférents à la fabrication et à la vente du fromage Boursault, devait être soumise au droit de mutation de l'article 719 du code général des impôts, peu important que la mutation du fonds ait été opérée par deux cédants au bénéfice de deux acquéreurs ; que la cour d'appel, qui a déduit de ces constatations et appréciations la mutation occulte de l'universalité du fonds de commerce au profit de la société Bongrain, a statué à bon droit ; que le moyen n'est pas fondé ;
PAR CES MOTIFS :
REJETTE le pourvoi.