Livv
Décisions

Cass. com., 22 juin 1964

COUR DE CASSATION

Arrêt

Rejet

PARTIES

Demandeur :

Berchet

Défendeur :

Page

Paris, du 2 juin 1959

2 juin 1959

Sur le moyen unique, pris en sa première branche : attendu qu'il résulte des énonciations et des qualités de l'arrêt infirmatif attaqué (Paris, 2 juin 1959) que Page, titulaire du brevet français n° 1 027 937 ayant pour titre un "jouet pour enfants forme d'un chapelet de petites boules", demandé le 21 novembre 1950 et délivré le 18 février 1953, a assigné Berchet devant le Tribunal civil de la Seine, en contrefaçon dudit brevet ;

Attendu qu'il est fait grief à l'arrêt attaque d'avoir décidé que ce brevet protégé valablement, comme application nouvelle d'un moyen connu, l'utilisation, dans une combinaison pour la construction d'un boulier-jouet, d'une cordelette élastique guipée de tissu et pourvue à chacune des extrémités d'une boucle, et qu'en utilisant le même moyen dans cette même combinaison Berchet a contrefait l'objet breveté, aux motifs qu'en vertu de son brevet Page est en droit de revendiquer la propriété exclusive : 1° de la boule construite suivant les moyens décrits au brevet ;

2° de la combinaison de ces sortes de boules avec une cordelette élastique recouverte d'étoffe, pourvue d'une boucle à chacune de ses extrémités et sur laquelle les boules sont enfilées ; Qu'il est constant que les fabrications de Berchet reproduisent intégralement la combinaison page et que Berchet contrefait le brevet en lui empruntant l'application nouvelle de la cordelette élastique munie de boucles à chaque extrémité pour la réalisation d'un boulier-jouet, produit industriel nouveau, indépendamment du mode de construction des boules utilisées, alors que, selon le moyen, le brevet Page ne protège pas un produit industriel nouveau, mais un mode d'obtention d'un jouet pour jeunes enfants et qu'il concerne seulement un moyen et une combinaison de moyens ;

Mais attendu que si le brevet n° 1 027 937, régulièrement produit aux débats, décrit un mode de fabrication d'un jouet pour enfants, ce brevet a bien aussi pour objet le jouet lui-même, comme l'arrêt attaqué le relève à juste titre, et donc un produit industriel dont la cour d'appel a apprécié souverainement la nouveauté ; Que, dès lors, le moyen, pris en sa première branche, n'est pas fonde ;

Sur la deuxième branche du moyen : attendu qu'il est fait grief à l'arrêt attaque d'avoir dénature la description du brevet, l'invention, selon le pourvoi, résidant essentiellement dans la façon dont est constituée chacune des boules du boulier-jouet et le brevet ne revendiquant pas l'enfilage de n'importe quelle boule, mais simplement le mode de constitution de chaque boule et la combinaison de boules ainsi constituées avec un fil extensible pourvu de boucles de fixation ;

Mais attendu que le brevet litigieux prévoit que l'invention englobe également la combinaison avec une boule ou perle d'un type déterminé d'une cordelette extensible pourvue à chacune de ses extrémités d'une boucle et qu'on peut faire passer à travers les tubes d'un certain nombre de boules ; Que l'arrêt attaque, après avoir retenu que l'invention porte, en premier lieu, sur un type de boule particulier, déclare qu'elle consiste aussi en la combinaison de "ces boules" avec une cordelette extensible, pourvue à chaque extrémité d'une boucle, "pouvant passer librement à travers le manchon" de chaque boule ; Que, par ces énonciations, la cour d'appel n'a pas dénaturé la description de l'invention contenue dans le brevet ;

Sur la troisième branche du moyen : attendu que le pourvoi prétend encore que dans chacun des modes de réalisation décrits au brevet se trouve spécifié un élément formel : constitution spéciale de la boule avec manchon axial, ce qui interdit d'étendre le brevet a un boulier autre que celui comportant ces boules spéciales ;

Mais attendu que la cour d'appel a, par une appréciation souveraine, décidé que le jouet-boulier, décrit au brevet, "constituait un produit industriel nouveau, indépendamment du mode de construction des boules utilisées" et juge que Berchet ne pouvait échapper au grief de contrefaçon du brevet Page en substituant dans sa fabrication des boules creuses d'un type banal aux boules avec manchon axial décrites au brevet ;

D'où il suit que le moyen, pris en sa troisième branche, n'est pas fonde ;

Sur la quatrième branche du moyen : attendu que le pourvoi soutient, enfin, qu'il y a un emploi nouveau non brevetable chaque fois que l'application d'un moyen connu a un objet nouveau ne donne pas de résultat nouveau et ne fait pas jouer au moyen un rôle diffèrent de celui qu'il remplissait antérieurement ; Qu'en l'espèce, il n'y avait aucune "idée inventive" dans le fait d'enfiler des boules au moyen d'une cordelette élastique ;

Attendu qu'aux termes de l'article 2 de la loi du 5 juillet 1844, toute application nouvelle de moyens connus pour l'obtention d'un résultat ou d'un produit industriel constitue une invention brevetable ; Que, d'autre part, la simplicité de l'invention ne fait pas obstacle a sa brevetabilité ;

Attendu que la cour d'appel a apprécié souverainement la nouveauté de l'application de la cordelette élastique munie de boucles à ses extrémités à un boulier ; Qu'elle a également constaté que cette application nouvelle donnait naissance à un produit industriel, au surplus nouveau ;

D'où il suit que le moyen, pris en sa quatrième branche, n'est pas davantage fondé ;

Par ces motifs : rejette le pourvoi formé contre l'arrêt rendu le 2 juin 1959 par la Cour d'appel de Paris.