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Décisions

Cass. com., 23 novembre 1965, n° 62-13 983

COUR DE CASSATION

Arrêt

Rejet

PARTIES

Demandeur :

TRUFFAUT

Défendeur :

COLLECTORGANE (SARL)

COMPOSITION DE LA JURIDICTION

Président :

M. Guillot

Rapporteur :

M. Brunhes

Avocat général :

M. Gegout

Avocats :

M. BEURDELEY , M. MAYER

Paris, du 8 juin 1962

8 juin 1962

Sur le premier moyen :

Attendu qu'il est vainement reproche à l'arrêt attaque (Paris, 8 janvier 1962), qui statuait sur des conclusions tendant à faire prononcer la nullité d'un brevet, de n'avoir pas constaté la communication des pièces, au ministère public, alors que cette formalité est substantielle ; Qu'en effet, l'expédition de l'arrêt se trouvant au dossier porte la mention suivante après avoir entendu, en ses conclusions, le ministère public, ce qui fait présumer que le dossier lui a été préalablement communiqué ; Qu'ainsi le moyen manque en fait ;

Sur les deuxième et troisième moyens réunis :

Attendu que Truffaut a demandé le 6 juin 1950 un brevet d'invention qui lui a été délivré sous le n° 1019566 et qui s'intitule procédé et dispositifs pour le prélèvement des hypophyses sur les têtes d'animaux abattus ; Qu'analysant le texte de ce brevet, dont il reproduit les passages essentiels, l'arrêt critiqué énonce que si l'invention a pour objet, en premier lieu, le procédé de prélèvement et, en second lieu, l'outil de prélèvement, son auteur ne sépare pas le procédé, c'est-à-dire la succession d’opérations concrètes ayant pour but d'atteindre d'abord puis de prélever l'hypophyse, de l'outil destiné à le mettre en œuvre, en ce sens qu'il ne conçoit et décrit la réalisation pratique et effective du procédé qu'à l'aide d'un outil spécial, dont la forme lui apparait nécessaire pour obtenir le résultat recherché ;

Attendu que le pourvoi prétend que l'arrêt se serait contredit en affirmant que le procédé était brevetable indépendamment de l'outil servant à le réaliser, puis en disant, d'une part, par dénaturation du brevet, que le procédé nécessitait l'utilisation d'un outil spécial comportant à son extrémité deux sortes de cuillers, dont la rotation peut être commandée à distance, d'autre part, que l'action en contrefaçon introduite par le propriétaire du brevet, action visant seulement le procédé, n'était pas fondée, au seul motif que l'outil utilise par la société Collectorgane ne reproduisait pas les caractéristiques essentielles de l'outil décrit au brevet, alors que la cour d'appel devait a tout le moins rechercher si le procédé employé par la société ne reproduisait pas les caractéristiques essentielles du procédé décrit au brevet et qu'en tout cas, sa décision sur ce chef serait entachée d'un défaut de motifs ;

Mais attendu que c'est seulement après avoir dit que le brevet couvre un procédé consistant en une série d’opérations successives qu'il appartient à l'homme de l'art d'exécuter avec l'habileté manuelle nécessaire, mais à l'aide d'un outil spécial approprié qui peut comporter des variantes de détail, que la cour d'appel déclare qu'un tel procédé est brevetable indépendamment de l'outil qui sert à le réaliser, faisant ainsi allusion a l'une ou l'autre des variantes possibles ; Qu'elle ajoute immédiatement que toutefois Truffaut ne peut prétendre que son brevet couvre la seule découverte scientifique du fait que l'on peut atteindre l'hypophyse en passant par la voie naturelle du trou occipital et du canal rachidien, cette découverte ne constituant, à elle seule, qu'une idée non susceptible de procurer un résultat industriel, résultat qui ne peut être atteint, ainsi qu'il a déjà été constaté, que par la description complète et suffisamment précise du moyen de mise en oeuvre de l'invention, qui comprend, non seulement l'utilisation d'une voie d'accès à l'hypophyse, car il est évident qu'atteindre seulement l'hypophyse ne procure en soi aucun résultat industriel, mais aussi l'indication au moins sommaire de l'instrument qui devra l'emprunter et la description de l'opération qui devra être exécutée pour réaliser le prélèvement de la glande ; Que l'arrêt ajoute que la prétention de Truffaut que son brevet protège toute utilisation du trou occipital et du canal rachidien par un instrument quelconque pour prélever l'hypophyse se heurte au texte de son brevet, qui n'admet l'obtention de résultats satisfaisants que par l'utilisation d'un outil répondant aux caractéristiques indiquées ; Qu'enfin, l'arrêt constate que l'outil utilise par la société Collectorgane est une curette d'un type banal, dont l'usage est écarté implicitement mais nettement par le brevet et qui ne permet pas d'opérer avec la même sureté que l'outil décrit par ce titre ; Que par ces énonciations exemptes de contradiction, la cour d'appel, qui n'a dénaturé ni le sens ni la portée du brevet, a justifié sa décision ;

Que les deuxième et troisième moyens ne sont donc pas fondés ;

Par ces motifs : rejette le pourvoi formé contre l'arrêt rendu le 8 janvier 1962 par la cour d'appel de Paris.