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Décisions

CA Paris, Pôle 5 ch. 5, 17 février 2022, n° 19/19862

PARIS

Arrêt

Infirmation partielle

PARTIES

Demandeur :

Oromas France (SASU)

Défendeur :

Actor (SRL)

COMPOSITION DE LA JURIDICTION

Président :

Mme Prigent

Conseillers :

Mme Renard, Mme Soudry

Avocats :

Me Cazeau, Me Marti De Anzizu, Me Regnier, Me Barysheva

CA Paris n° 19/19862

16 février 2022

EXPOSE DU LITIGE

Le 2 septembre 2002, la société Oromas France (la société Oromas), qui fabrique et commercialise des pâtes alimentaires et des couscous en Europe, a conclu avec la société Actor un contrat d'agence commerciale pour une durée indéterminée et comportant une clause d'exclusivité.

L'article 9.2 stipule que « la résiliation du contrat, si elle n'est pas justifiée par une faute grave d'Actor, ouvrira droit à son profit à une indemnité compensatrice du préjudice subi calculé selon les usages de la profession d'agent commercial ».

L'article 10 prévoit que le contrat « étant conclu intuitu personae, c'est à dire en considération de la personne de M. Z, dirigeant de l'agence, toute cession du contrat à un tiers de même que tout changement conduisant à la perte par M. Z, soit de la direction effective et permanente de l'agence, soit du contrôle majoritaire de celle-ci entrainera la résiliation du contrat sans indemnité ».

A la suite du décès de M. Z survenu le 22 septembre 2014, la société Oromas a, le 25 février 2015, informé la société Actor de la fin du contrat à compter de la date du décès en application de l'article 10 du contrat.

Le 30 septembre 2014, Mme B, épouse de M. Z, a été nommée présidente de la société Actor.

Par lettre recommandée du 17 avril 2015 adressée à la société Oromas, la société Actor a contesté le fait que le décès de M. Z puisse justifier la résiliation du contrat d'agent commercial, indiqué que le contrat n'avait en toute hypothèse été résilié qu'à la date de l'envoi de la lettre du 25 février 2015, que les commissions pour les mois de novembre 2014 à février 2015 lui étaient dues et, a réclamé l'indemnité de préavis de 4 mois stipulé au contrat et indemnité compensatrice prévue par l'article L. 134-12 du code de commerce.

Par acte du 23 février 2016, la société Actor a assigné la société Oromas en paiement d'indemnités et de commission.

Par jugement du 2 novembre 2017, le tribunal de commerce de Paris a :

- déclaré recevable l'action de la société Actor en ce qu'elle agit en son nom et pour son compte pour réclamer diverses sommes en vertu du contrat du 2 septembre 2002 et sur le fondement de l'alinéa 1 de l'article L. 134-12 du code de commerce,

- déclaré irrecevable la demande subsidiaire de la société Actor en ce qu'elle serait à son bénéfice et fondée sur l'alinéa 3 de l'article L. 134-12 du code de commerce,

- déclaré irrecevables les demandes de la société Actor au nom et pour le compte de Mme A et des ayant droits de M. Y,

- rejeté l'exception d'irrecevabilité pour défaut de qualité à agir de la société Actor,

- rejeté la demande de la société Oromas d'injonction de produire un document,

- renvoyé l'affaire à une audience collégiale,

- condamné la société Oromas aux dépens de l'incident.

Par ordonnance du 5 juillet 2018, le conseiller de la mise en état de la cour d'appel de Paris a déclaré irrecevable l'appel interjeté par la société Oromas contre ce jugement.

Par jugement du 17 septembre 2019, le tribunal de commerce de Paris a :

- condamné la société Oromas à payer la société Actor, au titre de l'indemnité compensatrice prévue pour les agents commerciaux par l'article L.134-12 alinéa 1, la somme de 425 405 euros, majorée des intérêts au taux légal à compter du 25 février 2015,

- condamné la société Oromas à payer à la société Actor, au titre de l'indemnité contractuelle de préavis de 4 mois, la somme de 70 908 euros majorée des intérêts au taux légal à compter du 25 février 2015,

- rejeté la demande de la société Oromas en remboursement de la somme payée au titre des commissions du mois d'octobre 2014,

- condamné la société Oromas à payer à la société Actor, au titre des factures de commissions des mois de novembre 2014 à février 2015, la somme de 138 310,28 euros majorée des intérêts au taux légal à compter du 25 février 2015,

- dit que les intérêts de ces trois condamnations seraient capitalisés conformément à l'article 1154 du code civil, devenu 1343-2 par ordonnance du 10 février 2016,

- rejeté la demande de la société Actor de paiement de commissions pour une période postérieure à février 2015 et de sa demande de communication sous astreinte des extraits des balances clients situées dans son secteur,

- rejeté la demande de la société Actor en dommages et intérêts pour rupture brutale, injurieuse et manœuvres déloyales,

- condamné la société Oromas à payer à la société Actor la somme de 15 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile,

- condamné la société Oromas aux dépens.

Par déclaration du 23 octobre 2019, la société Oromas a interjeté appel de ce jugement en visant ses chefs de dispositif à l'exception de ceux ayant rejeté les demandes de la société Actor en paiement de commissions pour une période postérieure à février 2015, en communication et en dommages et intérêts.

Par ordonnance sur incident du 17 décembre 2020, le conseiller de la mise en état a ordonné l'exécution provisoire sur les condamnations relatives au paiement de la somme de 138 310,28 euros au titre des factures de commissions, majorée des intérêts.

Par ses dernières conclusions notifiées le 26 mai 2021, la société Oromas demande, au visa des articles 4 à 6, 31, 32, 122 et suivants, 70, et 665 à 669 du code de procédure civile, 2003 du code civil, et L. 134-1 et suivants du code de commerce, de :

- à titre principal, déclarer la société Actor irrecevable en ses demandes d'indemnité compensatrice de cessation de contrat, de règlement des commissions postérieures au décès de M. Z, et de réparation du préjudice résultant du non respect du préavis de la rupture du contrat d'agence commerciale ;

- en tout état de cause, infirmer le jugement en ce qu'il l'a condamnée à payer à la société Actor, au titre de l'indemnité compensatrice prévue pour les agents commerciaux par l'article L.134-12 alinéa 1, la somme de 425 405 euros, majorée des intérêts, au titre de l'indemnité contractuelle de préavis de 4 mois, la somme de 70 908 euros majorée des intérêts, au titre des factures de commission des mois de novembre 2014 à février 2015, la somme de 138 310,28 euros majorée des intérêts, dit que les intérêts des trois condamnations seraient capitalisés,

- confirmer le jugement en ce qu'il a rejeté la demande de la société Actor de dommages et intérêts,

- confirmer le jugement en ce qu'il a rejeté les demandes de la société Actor de commissions pour une période postérieure à février 2015 et de communication sous astreinte des extraits des balances clients,

- rejeter les demandes de la société Actor,

- à titre reconventionnel, infirmer le jugement en ce qu'il a rejeté sa demande en remboursement de la somme payée au titre des commissions du mois d'octobre 2014 et condamner la société Actor à lui restituer la somme de 31 374,20 euros,

- à titre subsidiaire, rejeter la demande de la société Actor en paiement des commissions postérieures au décès de M. Z,

- en tout état de cause, condamner la société Actor à payer à la société Oromas la somme de 25 000,00 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile, ainsi qu'aux entiers dépens.

Par ses dernières conclusions notifiées le 16 février 2021, la société Actor demande, au visa des articles L. 134-1 et suivants du code de commerce, 32-1, 122, 480, 545, 559 du code de procédure civile,

- dire irrecevable toute demande de la société Oromas remettant en cause le dispositif du jugement du 2 novembre 2017 du tribunal de commerce de Paris sur la recevabilité de son action,

- confirmer le jugement du 17 septembre 2019 en ce qu'il a condamné la société Oromas à lui payer, au titre de l'indemnité compensatrice prévue pour les agents commerciaux par l'article L.134-12 alinéa 1, la somme de 425 405 euros, majorée des intérêts, au titre de l'indemnité contractuelle de préavis de 4 mois, la somme de 70 908 euros majorée des intérêts, rejeté la demande de la société

Oromas en remboursement de la somme payée au titre des commissions du mois d'octobre 2014, condamné la société Oromas à lui payer, au titre des factures de commission des mois de novembre 2014 à février 2015, la somme de 138 310,28 euros majorée des intérêts, dit que les intérêts des trois condamnations seraient capitalisés, condamné la société Oromas à lui payer la somme de 15 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile et aux dépens,

- le réformer en ce qui concerne le montant de l'indemnité compensatrice prévue pour les agents commerciaux par l'article L. 134-12 alinéa 1, en la fixant à la somme de 850 810 euros,

- l'infirmer en ce qu'il a rejeté sa demande de dommages et intérêts, sa demande de commissions pour une période postérieure à février 2015 et sa demande de communication sous astreinte,

- et statuant à nouveau sur ces chefs, condamner la société Oromas à lui payer la somme de 500 000 euros au titre de la réparation du préjudice résultant du non-respect du préavis de la rupture du contrat d'agence commerciale,

- condamner la société Oromas à lui fournir sous astreinte de 1 000 euros par jour dans les 15 jours de la signification de l'arrêt à intervenir un extrait des balances clients situés dans son secteur pour la période allant de février 2015 et à février 2016,

- condamner la société Oromas au paiement des commissions postérieures à février 2015 sur la base des balances clients situés dans son secteur sur une période d'un an jusqu'à février 2016 au moins,

- à titre subsidiaire, confirmer purement et simplement le jugement du 17 septembre 2019,

- en tout état de cause, écarter les pièces adverses 9bis, 11bis, 23 à 26bis,

- rejeter les demandes de la société Oromas d'irrecevabilité,

- condamner la société Oromas à payer les sommes de 5 000 euros à titre d'amende civile et de 10 000 euros au titre des dommages et intérêts pour appel dilatoire et abusif,

- rejeter le surplus des demandes de la société Oromas en ce compris sa demande de restitution de commissions,

- condamner la société Oromas à lui payer la somme de 25 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile, outre les entiers dépens de première instance et d'appel.

L'ordonnance de clôture a été prononcée le 21 octobre 2021.

La cour renvoie, pour un plus ample exposé des faits, prétentions et moyens des parties, à la décision déférée et aux écritures susvisées, en application des dispositions de l'article 455 du code de procédure civile.

- Sur la recevabilité des demandes de la société Actor à titre d'indemnité compensatrice de cessation de contrat, de règlement des commissions postérieures au décès de M. Z, et de réparation du préjudice résultant du non respect du préavis de la rupture du contrat d'agence commerciale :

Aux termes de l'article 480 du code de procédure civile, « le jugement qui tranche dans son dispositif tout ou partie du principal, ou celui qui statue sur une exception de procédure, une fin de non recevoir ou tout autre incident a, dès son prononcé, l'autorité de la chose jugée relativement à la contestation qu'il tranche. Le principal s'entend de l'objet du litige tel qu'il est déterminé par l'article 4. »

L'article 1351 du code civil, devenu l'article 1355 du même code, dispose que « l'autorité de la chose jugée n'a lieu qu'à l'égard de ce qui a fait l'objet du jugement. Il faut que la chose demandée soit la même ; que la demande soit fondée sur la même cause ; que la demande soit entre les mêmes parties, et formée par elles et contre elles en la même qualité. »

Si l'autorité de chose jugée n'a lieu qu'à l'égard de ce qui a été tranché dans le dispositif du jugement, il est admis que les motifs peuvent éclairer le dispositif.

Par jugement du 2 novembre 2017, le tribunal a déclaré recevable l'action de la société Actor en ce qu'elle agit en son nom et pour son compte pour réclamer diverses sommes en vertu du contrat du 2 septembre 2002 et sur le fondement de l'alinéa 1 de l'article L. 134-12 du code de commerce, et rejeté l'exception d'irrecevabilité pour défaut de qualité à agir de la société Actor.

La société Oromas demandait au tribunal de déclarer la société Actor irrecevable en ses demandes d'indemnité de cessation de contrat et de règlement des commissions.

Le tribunal a retenu que c'était la société Actor, et non pas M. Z, qui était titulaire du contrat d'agent commercial que la société Actor était fondée à agir pour réclamer les commissions impayés, l'indemnité contractuelle et l'indemnité compensatrice légale, que l'article 10 du contrat n'emportait pas la non application de l'article L. 134-12 alinéa 1 du code de commerce et que la clause de l'article 10 stipulant, en cas de perte de la direction effective permanente d'Actor par M. Z qu'aucune indemnité ne sera due, devait être réputée non écrite car l'article L. 134-12 instituait une indemnité légale d'ordre public à laquelle les parties n'avaient pu déroger.

Ainsi, par son jugement déclarant recevable l'action de la société Actor en ce qu'elle agissait en son nom et pour son compte pour réclamer diverses sommes en vertu du contrat du 2 septembre 2002 et sur le fondement de l'alinéa 1 de l'article L. 134-12 du code de commerce, le tribunal a rejeté la demande de la société Oromas aux fins d'irrecevabilité des demandes de la société Actor.

Par ordonnance du 5 juillet 2018, le conseiller de la mise en état de la cour d'appel de Paris a déclaré irrecevable l'appel interjeté par la société Oromas contre ce jugement, après avoir retenu que ce jugement statuait sur une fin de non recevoir, ne tranchait pas le principal et ne mettait pas fin à l'instance, et n'était donc pas susceptible d'appel immédiat, la voie de l'appel contre ce jugement restant ouverteconcomitamment à celle ouverte contre le jugement au fond.

Par sa déclaration d'appel du 23 octobre 2019, la société Oromas a interjeté appel uniquement contre le jugement du 17 septembre 2019 et n'a produit que ce jugement.

Elle a limité son appel à certains chefs du jugement du 17 septembre 2019 et n'a visé aucun chef de dispositif du jugement du 2 novembre 2017.

La demande de la société Oromas en irrecevabilité des demandes de la société Actor, à titre d'indemnité compensatrice de cessation de contrat, de règlement des commissions postérieures au décès de M. Z, et de réparation du préjudice résultant du non-respect du préavis de la rupture du contrat d'agence commerciale, se heurte à l'autorité de la chose jugée, et est dès lors irrecevable.

- Sur les pièces 9bis, 11bis, 23 à 26bis de la société Oromas :

Ces pièces ayant été produites contradictoirement et régulièrement, il n'y a pas lieu de les écarter des débats, quand bien même elles auraient été versées à l'appui de la demande d'irrecevabilité.

- Sur l'indemnité compensatrice de l'article L. 134-12 alinéa 1 du code de commerce :

L'article L.134-12 du code de commerce dispose qu'en « cas de cessation de ses relations avec le mandant, l'agent commercial a droit à une indemnité compensatrice en réparation du préjudice subi. »

La société Oromas a, par lettre du 25 février 2015, informé la société Actor de la fin du contrat. Elle a donc rompu le contrat.

La société Oromas invoque le caractère intuitu personae du contrat en ce qu'il aurait été conclu en considération de la personne de M. Z et en déduit que le décès de ce dernier a entraîné automatiquement la résiliation du contrat sans indemnité.

Par ses conclusions d'appel du jugement du 17 septembre 2019, elle critique le chef de dispositif, revêtu de l'autorité de la chose jugée, du jugement du 2 novembre 2017 ayant déclaré recevable l'action de la société Actor en paiement de diverses sommes en vertu du contratd'agence commerciale du 2 septembre 2002 et sur le fondement de l'alinéa 1 de l'article L. 134-12 du code de commerce.

La société Oromas n'est donc plus fondée à soutenir une résiliation de plein droit du fait du décès de M. Z au 23 septembre 2014.

L'article 9.2 du contrat d'agence commerciale stipule que « la résiliation du contrat par le mandant, si elle n'est pas justifiée par une faute grave de l'agence ou un cas de force majeure, ouvrira droit au profit de cette dernière à une indemnité compensatrice du préjudice subi calculé selon les usages de la profession d'agent commercial ».

La société Oromas n'invoque aucune faute grave de la société Actor ni force majeure en vertu de cette stipulation, et ne justifie pas d'une inexécution du contrat d'agence commerciale par la société Actor à la suite du décès de M. Z survenu le 22 septembre 2014, alors que des commandes ont été passées postérieurement à ce décès.

La relation entre la société Oromas et la société Actor a duré 12 années depuis la conclusion du contrat d'agence commerciale le 2 septembre 2002 comportant une clause d'exclusivité.

Le jugement sera confirmé en ce qu'il a évalué le préjudice en prenant en compte deux années de commissions calculées sur la moyenne hors taxes des trois dernières années, soit un montant de 425 405 euros.

- Sur l'indemnité de préavis :

L'article L.134-11 du code de commerce dispose :

« Un contrat à durée déterminée qui continue à être exécuté par les deux parties après son terme est réputé transformé en un contrat à durée indéterminée.

Lorsque le contrat d'agence est à durée indéterminée, chacune des parties peut y mettre fin moyennant un préavis. Les dispositions du présent article sont applicables au contrat à durée déterminée transformé en contrat à durée indéterminée. Dans ce cas, le calcul de la durée du préavis tient compte de la période à durée déterminée qui précède.

La durée du préavis est d'un mois pour la première année du contrat, de deux mois pour la deuxième année commencée, de trois mois pour la troisième année commencée et les années suivantes. En l'absence de convention contraire, la fin du délai de préavis coïncide avec la fin d'un mois civil.

Les parties ne peuvent convenir de délais de préavis plus courts. Si elles conviennent de délais plus longs, le délai de préavis prévu pour le mandant ne doit pas être plus court que celui qui est prévu pour l'agent.

Ces dispositions ne s'appliquent pas lorsque le contrat prend fin en raison d'une faute grave de l'une des parties ou de la survenance d'un cas de force majeure ».

Les dispositions de l'article L.134-11 du code de commerce, d'ordre public, doivent s'appliquer.

En l'espèce, le contrat conclu entre la société Oromas et la société Actor, pour une durée indéterminée, stipulait, à l'article 9.1, « hormis le cas de faute grave ou de force majeure », un préavis de quatre mois « pour la troisième année commencée et les suivantes ».

Aucune faute grave n'est invoquée à l'encontre de la société Actor.

La société Oromas invoque le décès de M. Z comme étant constitutif d'une force majeure.

Cependant, elle ne justifie pas d'une inexécution du contrat d'agence commerciale par la société Actor à la suite du décès de M. Z survenu le 22 septembre 2014, ni une baisse de commandes de la société Actor pour le compte de la société Actor.

Le jugement, qui a retenu une indemnité de préavis calculée sur quatre mois de commissions hors taxe, soit 70 908 euros, sera confirmé.

- Sur les commissions pour les mois d'octobre 2014 à février 2015 :

Le contrat d'agence commerciale ayant été conclu entre la société Oromas France et la société Actor, la demande de cette dernière en paiement des commissions dues contre la société Oromas France est recevable.

Le contrat, qui a été rompu par la société Oromas, a donc pris fin à la date de la lettre de résiliation du 25 février 2015.

Dès lors, les commissions sont dues par la société Oromas France, cocontractante, jusqu'à cette date.

Le jugement, qui a condamné la société Oromas à payer à la société Actor, au titre des factures de commissions des mois de novembre 2014 à février 2015, la somme de 138 310,28 euros et a rejeté la demande de la société Oromas en remboursement de la somme payée au titre des commissions du mois d'octobre 2014, sera confirmé.

- Sur les intérêts :

Aucun moyen n'est développé à l'encontre des chefs de dispositif du jugement relatifs aux intérêts produits par les condamnations au taux légal à compter du 25 février 2015 avec capitalisation.

Le jugement sera confirmé.

- Sur les commissions postérieures à la rupture :

L'article L.134-7 du code de commerce dispose que 'pour toute opération commerciale conclue après la cessation du contrat d'agence, l'agent commercial a droit à la commission, soit lorsque l'opération est principalement due à son activité au cours du contrat d'agence et a été conclue dans un délai raisonnable à compter de la cessation du contrat, soit lorsque, dans les conditions prévues à l'article L. 134-6, l'ordre du tiers a été reçu par le mandant ou par l'agent commercial avant la cessation du contrat d'agence. »

L'article R.134-1 du même code précise que « l'agent commercial communique à son mandant toute information nécessaire à l'exécution de son contrat. »

L'article suivant prévoit :

« Le mandant met à la disposition de l'agent commercial toute documentation utile sur les produits ou services qui font l'objet du contrat d'agence. Il communique à l'agent commercial les informations nécessaires à l'exécution du contrat. Il l'avise dans un délai raisonnable, notamment s'il prévoit que le volume des opérations sera sensiblement inférieur à celui auquel l'agent commercial aurait pu normalement s'attendre.

Il informe également l'agent commercial, dans un délai raisonnable, de son acceptation, de son refus ou de l'inexécution d'une opération que celui ci lui a apportée. »

Aux termes de l'article R.134-3, « le mandant remet à l'agent commercial un relevé des commissions dues, au plus tard le dernier jour du mois suivant le trimestre au cours duquel elles sont acquises. Ce relevé mentionne tous les éléments sur la base desquels le montant des commissions a été calculé.

L'agent commercial a le droit d'exiger de son mandant qu'il lui fournisse toutes les informations, en particulier un extrait des documents comptables nécessaires pour vérifier le montant des commissions qui lui sont dues. »

Il résulte de ces dispositions que le mandant est tenu de communiquer à l'agent commercial, qui est en droit de l'exiger, tous les documents comptables nécessaires pour vérifier le montant des commissions suceptibles de lui être dues dont il a demandé la production.

Le contrat d'agence commerciale conclu entre les parties stipule, à l'article 6.2.1 que « l'agence s'oblige à transmettre immédiatement ou en tout cas le plus rapidement possible les commandes obtenues », à l'article 8.2 que « le fait générateur de la commission s'entend du chiffre d'affaires H. T. occasionné par les ventes réalisées... », à l'article 8.4 que « le mandant établira à chaque fin de mois un relevé des factures émises sur les clients », et à l'article 8.5 que « la commission sera due à l'agence, après la fin du contrat, pour les commandes passées par les clients avant cette date ».

Le contrat d'agence commerciale ayant été conclu entre la société Oromas France et la société Actor, la demande de cette dernière en paiement des commissions dues postérieurement à la fin du contrat contre la société Oromas France est recevable.

Malgré la demande de la société Actor, la société Oromas n'a pas produit ses extraits de compte et n'a pas satisfait ainsi à son obligation d'information permettant de vérifier le droit aux commissions dues, postérieurement à la résiliation du contrat, et leur montant.

Il convient dès lors, avant dire droit sur la demande au titre des commissions dues postérieurement à la rupture, d'ordonner à la société Oromas la production d'un extrait des balances clients situés dans le secteur de la société Actor pour la période du 25 février 2015 et au 30 juin 2015, période paraissant suffisante compte tenu du secteur d'activité, et ce, sous astreinte de 500 euros par jour de retard passé le délai d'un mois à compter de la signification du présent arrêt, pour une durée de trois mois à l'issue de laquelle il pourra de nouveau être fait droit.

Le jugement, qui a rejeté les demandes de la société Actor de communication et de commissions pour une période postérieure à février 2015, sera infirmé.

- Sur la demande en dommages et intérêts pour rupture brutale :

Il résulte des pièces du dossier qu'à la suite du décès de M. Z, des négociations ont été engagées en février 2015 entre les deux sociétés en vue de la conclusion d'un nouveau contrat d'agence commerciale.

La société Actor ne justifie pas d'une brutalité de la rupture autre que celle résultant du non respect du préavis contractuel de quatre mois, ni d'une déloyauté de la société Oromas qui était libre de contracter directement avec M. X, ce dernier n'ayant pas donné suite à la proposition d'embauche de la société Actor.

Le jugement, qui a rejeté la demande de la société Actor en dommages et intérêts, sera confirmé.

- Sur l'amende civile et la procédure abusive :

Aux termes de l'article 32-1 du code de procédure civile, celui qui agit en justice de manière dilatoire ou abusive peut être condamné à une amende civile, sans préjudice des dommages intérêts qui seraient réclamés.

L'exercice du droit de former une voie de recours ne peut constituer un abus de droit que dans des circonstances particulières le rendant fautif.

La société Actor ne justifie pas d'un abus de droit commis par la société Oromas dans l'exercice de son droit d'interjeter appel.

Ses demandes en paiement d'une amende civile et en dommages et intérêts seront donc rejetées.

- Sur les dépens et l'article 700 du code de procédure civile :

Le jugement sera confirmé en ce qu'il a condamné la société Oromas aux dépens et à payer à la société Actor la somme de 15 000 euros au titre des frais irrépétibles.

La société Oromas, qui succombe, sera tenue aux dépens de la procédure d'appel.

Il apparaît équitable de la condamner à payer à la société Actor la somme de 15 000 euros au titre des frais irrépétibles exposés en appel.

PAR CES MOTIFS

La cour, dans les limites de sa saisine,

- déclare irrecevable la demande de la société Oromas France en irrecevabilité des demandes de la société Actor ;

- confirme le jugement du 17 septembre 2019 du tribunal de commerce de Paris en ses dispositions, à l'exception de celle ayant rejeté la demande de la société Actor de paiement de commissions pour une période postérieure à février 2015 et de sa demande de communication sous astreinte des extraits des balances clients situées dans son secteur ;

- y ajoutant, dit n'y avoir lieu d'écarter des débats les pièces 9bis, 11bis, 23 à 26bis de la société Oromas ;

- statuant sur le chef de dispositif infirmé, déclare recevable la demande de la société Actor en paiement des commissions dues postérieurement à la fin du contrat contre la société Oromas France ;

- avant dire droit sur la demande de la société Actor au titre des commissions dues pour la période postérieure à la rupture, ordonne à la société Oromas de produire aux débats un extrait des balances clients situés dans le secteur de la société Actor pour la période du 25 février 2015 et au 30 juin 2015, sous astreinte de 500 euros par jour de retard passé le délai d'un mois à compter de la signification du présent arrêt, pour une durée de trois mois à l'issue de laquelle il pourra de nouveau être fait droit ;

- rejette les demandes de la société Actor en paiement d'une amende civile et en dommages et intérêts pour procédure abusive ;

- condamne la société Oromas France à payer à la société Actor la somme de 15 000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile au titre des frais irrépétibles exposés en appel.

- condamne la société Oromas France aux dépens de la procédure d'appel.