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Décisions

CA Rennes, 3e ch. com., 22 février 2022, n° 19/02239

RENNES

Arrêt

Infirmation partielle

PARTIES

Défendeur :

Kastell Mor (Sté)

COMPOSITION DE LA JURIDICTION

Président :

M. Contamine

Conseillers :

Mme Jeorger Le Gac, M. Garet

Avocats :

Me Le Berre Boivin, Me Calvar

CA Rennes n° 19/02239

22 février 2022

Suivant acte du 1er juillet 2014, Mme X, négociatrice immobilière indépendante, souscrivait un contrat d'agent commercial avec la société Kastell Mor (ci-après la société), agence spécialisée dans l'immobilier de prestige exerçant sous l'enseigne Sotheby's.

Mme X était chargée de prospecter le secteur de La Baule, ville dans laquelle la société disposait d'une agence où travaillaient d'autres agents commerciaux, dont M. Y.

En vertu d'un accord conclu entre eux, M. Y et Mme X étaient convenus de se partager par moitié l'ensemble des commissions que leur verserait leur mandante, ce dont la société était d'ailleurs informée.

Jusqu'au mois d'octobre 2016, avec l'accord de sa mandante, Mme X travaillait dans les locaux de l'agence.

Toutefois et à partir de cette époque, par suite de la dégradation des relations que Mme X entretenait avec les autres personnes travaillant à l'agence, Mme X décidait qu'elle exercerait désormais son activité professionnelle à son domicile, choisissant ainsi de ne plus se rendre dans les locaux de l'agence que pour y récupérer les documents et clés nécessaires à la visite des biens immobiliers à vendre.

Le 18 janvier 2017, Mme X se heurtait à une difficulté d'accès à l'agence, ayant effet constaté que la serrure en avait été changée et ce, alors qu'elle n'en avait pas été informée.

Alors qu'elle réclamait une nouvelle clé, il lui était répondu qu'elle n'en avait pas besoin dans la mesure où elle demeurait libre d'accéder aux bureaux aux heures ouvrables, alors par ailleurs que son statut d'agent commercial indépendant ne lui permettait pas d'exiger un accès permanent à l'agence.

S'ensuivait alors, à la fin du mois de janvier et au début du mois de février 2017, un échange de messages entre les parties, Mme X reprochant à la société de ne pas lui donner les moyens d'exercer correctement son mandat tout en exigeant d'elle des conditions d'exercice qui portaient atteinte à son indépendance. Réciproquement, elle se voyait reprocher d'entretenir des relations difficiles avec l'ensemble du personnel travaillant à l'agence et, par ailleurs, de rechercher tous les prétextes possibles pour justifier une rupture de son contrat.

Finalement et par une lettre adressée à la société le 17 février 2017, faisant suite à un entretien au cours duquel le dirigeant de la société avait réaffirmé à l'agent qu'il n'entendait nullement mettre fin au contrat, Mme X déclarait prendre acte de la rupture qu'elle estimait lui avoir été imposée par ses conditions d'exercice. Ainsi, se prévalant d'une rupture à effet immédiat, Mme X réclamait le bénéfice de l'indemnité de rupture prévue en pareil cas.

A son tour et par une lettre adressée à son agent le 3 mars 2017, la société déclarait prendre acte de cette rupture, mais en imputait la responsabilité à Mme X elle-même, refusant en conséquence d'accéder aux réclamations de celle-ci et se réservant même la possibilité de faire valoir ses propres préjudices.

En l'absence de règlement amiable du différend, Mme X saisissait le tribunal de commerce de Saint Nazaire qui, par jugement du 16 novembre 2018 :

- jugeait que la rupture du contrat d'agent commercial était imputable à Mme X ;

- jugeait en conséquence que la prise d'acte de rupture du 17 février 2017 par Mme X était mal fondée ;

- jugeait que Mme X ne bénéficiait pas de l'indemnité prévue aux articles L. 134-12 et L. 134-13 du code de commerce ;

- condamnait Mme X à payer à la société Kastell Mor une somme de 10 000 euros à titre de dommages et intérêts pour non respect du délai de préavis ;

- jugeait que Mme X n'avait pas manqué à son obligation contractuelle de loyauté ;

- jugeait que Mme X n'avait pas manqué à son obligation de confidentialité ;

- condamnait la société Kastell Mor à verser à Mme X la somme de 3 062,50 euros TTC pour solde de la commission restant due dans la vente Z ;

- condamnait la société Kastell Mor à produire un exemplaire original du compromis de vente G et de l'acte notarié ou une attestation chiffrée de son expert-comptable, précisant que si le délai de trois mois était respecté, le droit de suite de Mme X s'exercerait, et la société Kastell Mor devrait alors lui régler la commission afférente à cette vente ;

- condamnait Mme X à payer à la société Kastell Mor une somme de 5 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile ;

- déboutait les parties du surplus de leurs demandes ;

- condamnait enfin Mme X aux entiers dépens.

Par déclaration reçue au greffe de la cour le 3 avril 2019, Mme X interjetait appel de cette décision.

L'appelante notifiait ses dernières conclusions le 15 décembre 2021, l'intimée, par ailleurs appelante incidente, les siennes le 10 décembre 2021.

La clôture de la mise en état intervenait par ordonnance du 16 décembre 2021.

MOYENS ET PRÉTENTIONS DES PARTIES

Mme X demande à la cour de :

Vu les articles L. 134-1 et suivants du code de commerce,

Recevant l'appel, le disant bien fondé et y faisant droit,

Rejetant l'appel incident de la société Kastell Mor et le disant mal fondé,

- dire n'y avoir lieu à prendre acte d'observations en l'absence de demandes présentées par la société ;

- constater en tout état de cause que l'appel a été interjeté dans le délai d'un mois et que les conclusions de Mme X ont été notifiées et remises au greffe dans le délai de l'article 908 du code de procédure civile, de sorte qu'aucune irrecevabilité et caducité ne peuvent être retenues ;

- confirmer le jugement en ce qu'il a dit que Mme X n'avait pas manqué à ses obligations de loyauté et de confidentialité ;

- réformer le jugement en ce qu'il a :

 Jugé que la rupture du contrat d'agent commercial était imputable à Mme X ;

 Jugé que la prise d'acte de rupture en date du 17 février 2017 par Mme X était mal fondée ;

 Jugé que Mme X ne bénéficiait pas de l'indemnité prévue aux articles L. 134-12 et L. 134-13 du code de commerce ;

 Condamné Mme X à payer à la société la somme de 10 000 euros à titre de dommages intérêts pour non respect du délai de préavis ;

 Limité à la somme de 3 062, 50 euros TTC le montant des commissions dues par la société à Mme X ;

 Condamné Mme X à payer à la société la somme de 5 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile ;

 Condamné Mme X aux dépens ;

 Débouté Mme X de ses demandes tendant à voir dire et juger que :

 la rupture du contrat d'agence était du fait de la société,

- la société devait verser à Mme X la somme de 168 000 euros HT à titre d'indemnité de rupture,

- la société devait verser à Mme X l'intégralité des sommes restant dues au titre de commissions et de toute demande en découlant, dont la demande de communication sous astreinte ;

- la société devait verser à Mme X la somme de 10 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile ;

- la société devait être condamnée aux dépens ;

Statuant à nouveau de ces chefs,

- juger que la rupture du contrat d'agence est imputable à la société ;

- constater que la société ne démontre pas le préjudice qu'elle aurait subi pour non respect du délai de préavis ;

En conséquence,

- condamner la société à verser à Mme X une somme de 168 000 euros HT à titre d'indemnité ;

- condamner la société à remettre à Mme X tous les documents permettant de calculer le montant exact des commissions lui restant dues, notamment au titre des ventes Z et W ;

- condamner la société à verser à Mme X les sommes restant dues à titre de commissions dont le montant définitif sera établi en fonction des éléments comptables versés aux débats ;

A titre subsidiaire et si la cour devait débouter Mme X de sa demande de communication sous astreinte,

- confirmer le jugement en ce qu'il a alloué à Mme X la somme de 3 062,50 euros au titre de la commission Z ;

- confirmer le jugement en ce qu'il a condamné la société à produire un exemplaire original du compromis de la vente W et de l'acte notarié ou une attestation chiffrée de son expert-comptable, et ce, sous astreinte de 100 euros par jour de retard à compter de la signification de la décision à intervenir ;

- rejeter dans leur totalité les demandes d'indemnisation formulées par la société tant au titre de l'indemnité pour non-respect du délai de préavis qu'au titre des prétendus manquements de l'agent à ses obligations de loyauté et de confidentialité ;

En tout état de cause,

- condamner la société à payer à Mme X une somme de 10 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile ;

- condamner la société aux dépens de première instance et d'appel, lesquels seront recouvrés comme en matière d'aide juridictionnelle ;

- rejeter toutes demandes, fins et conclusions autres ou contraires aux présentes.

Au contraire, la société Kastell Mor demande à la cour de :

- prendre acte des observations in limine litis de la société ;

- juger la société recevable et fondée en toutes ses demandes ;

- confirmer le jugement en ce qu'il a :

- jugé que la rupture du contrat d'agence était imputable à Mme X ;

- jugé en conséquence que la prise d'acte de rupture en date du 17 février 2017 par Mme X était mal fondée ;

- jugé que Mme X ne bénéficiait pas de l'indemnité prévue aux articles L. 134-12 et L. 134-13 du code de commerce ;

- condamné Mme X à payer à la société une somme de 10 000 euros à titre de dommages et intérêts pour non respect du délai de préavis ;

- condamné Mme X au paiement d'une somme de 5 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile, de même qu'aux dépens de première instance ;

A titre subsidiaire et en toute hypothèse,

- débouter Mme X de sa demande d'indemnité de rupture à hauteur de 168 000 euros HT, mal fondée dans son montant qui ne peut qu'être notablement réduit ;

- l'infirmer pour le surplus ;

Statuant à nouveau,

- juger que Mme X a manqué à ses obligations contractuelles de loyauté et de confidentialité, ce qui a eu pour effet de désorganiser l'activité commerciale de sa mandante, Mme X engageant à ce titre sa responsabilité civile contractuelle à l'égard de la société ;

- condamner à ce titre Mme X à payer à la société une somme de 35 000 euros à titre de dommages et intérêts ;

- débouter Mme X de sa demande tendant à voir condamner la société au versement d'une somme non déterminée au titre de prétendues commissions restant dues ;

- déclarer irrecevable et en toute hypothèse mal fondée la demande tendant à obtenir la condamnation sous astreinte de la société à produire un exemplaire original du compromis de vente G et l'acte notarié y afférent ou une attestation chiffrée de son expert comptable ;

En tout état de cause,

- juger irrecevable, et en toute hypothèse débouter Mme X de toutes demandes plus amples ou contraires ;

- condamner Mme X au paiement d'une somme de 10 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile en cause d'appel, ainsi qu'aux entiers dépens d'appel.

Il est renvoyé à la lecture des conclusions précitées pour un plus ample exposé des demandes et moyens développés par les parties.

MOTIFS DE LA DÉCISION

Sur la demande tendant à ce qu'il soit « pris acte des observations in limine litis de la société Kastell Mor » :

Cette demande sera écartée, dès lors qu'elle s'abstient de préciser à quelles prétentions elle se rapporte, étant ici rappelé qu'en application de l'article 954 du code de procédure civile, la cour ne peut statuer que sur les seules prétentions énoncées au dispositif des dernières conclusions de chacune des parties.

Sur la demande principale formée au titre de l'indemnité de rupture :

L'article L. 134-12 du code de commerce dispose qu'en cas de cessation de ses relations avec le mandant, l'agent commercial a droit à une indemnité compensatrice en réparation du préjudice subi.

L'article L. 134-13 précise toutefois que cette réparation n'est pas due, notamment, lorsque la cessation du contrat résulte de l'initiative de l'agent à moins qu'elle soit justifiée par des circonstances imputables au mandant ou dues à l'âge, l'infirmité ou la maladie de l'agent par suite desquelles la poursuite de son activité ne peut être raisonnablement exigée.

En l'espèce, il est constant que c'est Mme X qui a pris l'initiative de la rupture, puisque c'est elle qui a notifié à la société la fin du contrat d'agence et ce, par une lettre recommandée qu'elle lui a adressée le 17 février 2017.

En effet, antérieurement à cette lettre, la société n'a jamais exprimé le souhait de mettre fin au contrat.

C'est donc à Mme X qu'il incombe d'établir, pour pouvoir prétendre au versement de l'indemnité prévue à l'article L. 134-12, d'une part que cette rupture était justifiée par des circonstances imputables à la société, d'autre part que la poursuite de son activité d'agent commercial ne pouvait plus être raisonnablement exigée eu égard à ces circonstances.

Pour justifier cette rupture, qu'elle soutient lui avoir été imposée par sa mandante, Mme X fait d'abord valoir que la société a manqué à son obligation de la « mettre en mesure d'exécuter son mandat » ainsi que l'article L. 134-4 le lui imposait pourtant.

A l'appui de cette accusation, elle lui reproche notamment de l'avoir privée du libre accès à l'agence de La Baule et ce, en changeant la serrure du local et en refusant de lui donner une nouvelle clé au début du mois de janvier 2017.

Ce fait n'est d'ailleurs pas contesté par la société qui, toutefois, justifie ce changement de serrure par un défaillance de la serrure qui, en date du 15 décembre 2017, a nécessité l'intervention d'un artisan - lequel en atteste d'ailleurs - pour remplacer le barillet.

Quant au refus de donner une nouvelle clé à Mme X, la société le justifie par le fait que celle-ci ne pouvait pas exiger, compte tenu de ses conditions d'exercice professionnel, d'accéder librement à l'agence.

De fait, il est constant que le contrat d'agence conclu entre les parties prévoit en son article 4-2 que « le mandataire doit avoir une adresse professionnelle distincte de celle de son mandant », même s'il précise aussi que « les parties pourront convenir d'une utilisation des locaux du mandant par le mandataire ».

Dès lors, la société n'était pas tenue de mettre des locaux professionnels à la disposition de Mme X, ni même de lui permettre un accès permanent à l'agence.

Certes, l'agent avait pris l'habitude, au demeurant avec l'accord de sa mandante, de venir travailler à l'agence et ce, jusqu'au mois d'octobre 2016.

Cependant, c'est de sa seule initiative qu'elle a mis fin à cette pratique, au motif d'une mésentente avec les autres personnes travaillant à l'agence, Mme X ayant alors décidé qu'elle exercerait désormais son activité à son domicile, ce qui était d'ailleurs son droit puisque n'étant pas placée sous la subordination juridique d'un employeur.

Dès lors, il importe seulement de rechercher si, à partir du mois de janvier 2017 et alors qu'elle ne disposait plus d'une clé lui permettant d'accéder en permanence à l'agence, Mme X s'est trouvée dans l'impossibilité d'accomplir son mandat d'agent commercial.

Tel n'a pas été le cas, étant en effet observé :

- qu'elle a conservé un libre accès aux locaux aux heures ouvrables de l'agence ;

- qu'elle pouvait également y accéder en dehors des heures d'ouverture en prévenant toute personne détentrice de la clé, notamment M. Y qui était alors en mesure de lui ouvrir les locaux ; c'est d'ailleurs ce qui s'est passé le 18 janvier 2017, le jour où Mme X a découvert qu'elle ne pouvait plus utiliser son ancienne clé.

Partant, c'est vainement que Mme X affirme qu'un libre accès à l'agence lui était « indispensable », alors au contraire qu'il lui appartenait seulement de s'organiser pour pouvoir accéder aux locaux de l'agence.

Au demeurant, cet accès n'était nécessaire que pour récupérer ponctuellement des documents ou encore des clés en vue de visiter des biens immobiliers mis en vente par l'agence.

A cet égard, c'est en vain qu'elle reproche à la société d'avoir dû « recevoir des clients dans un café » à un moment où l'agence était fermée. En effet, en faisant le choix, au nom de son indépendance professionnelle et alors même que personne ne l'y contraignait, de ne plus venir travailler à l'agence, Mme X a aussi fait le choix de se priver des possibilités d'accueil que l'agence lui procurait précédemment, étant rappelé que le contrat ne prévoyait pas non plus la mise à disposition d'un espace destiné à la réception de la clientèle.

Mme X ne peut pas non plus prétendre avoir été victime d'une « mesure discriminatoire » par rapport à l'autre agent commercial, en l'occurrence M. Y qui disposait en effet de la nouvelle clé permettant d'accéder à l'agence, étant en effet rappelé que celui-ci assurait, outre ses fonctions d'agent commercial, également celles de responsable de l'agence, ce qui explique qu'il ait été doté de cette clé.

Par ailleurs, il convient de rappeler que Mme X disposait d'un accès nomade à l'ensemble du système informatique de l'agence, et plus précisément au logiciel « Agence Plus » qu'elle pouvait librement consulter et utiliser à distance, en particulier depuis son domicile.

A cet égard, c'est encore à tort qu'elle affirme avoir été privée de cet accès informatique, plus exactement d'avoir été écartée d'une partie des informations dont elle avait besoin pour accomplir sa mission.

En effet, c'est sans aucune preuve qu'elle affirme n'avoir bénéficié que d'un accès restreint à ce logiciel, ou encore d'avoir été victime d'une rétention d'informations de la part des autres personnes travaillant pour l'agence.

A cet égard, ce ne sont pas les quelques réclamations formulées par Mme X au mois de janvier 2017, au demeurant à une époque où elle était déjà en conflit avec tout le personnel de la société, qui sont de nature à convaincre de la réalité des manquements qu'elle prétend imputer à sa mandante.

Ainsi, il n'est pas établi que la société ait manqué à son obligation de mettre à la disposition de son agent les moyens nécessaires à l'exécution de son mandat.

C'est encore à tort que Mme X lui reproche d'avoir porté atteinte à son statut de travailleur indépendant.

En effet, c'est sans porter atteinte à ce statut que la société a pu lui demander, d'ailleurs avec une certaine réserve dont il est attestée par la prudence de ses échanges avec son agent, de mieux renseigner le logiciel « Agence Plus ».

D'ailleurs, ces recommandations n'étaient pas transmises uniquement à Mme X, mais à toutes les personnes travaillant pour l'agence et ce, quel que soit leur statut (agents commerciaux ou salariés).

Au demeurant, la société, en sa qualité de mandante, était légitime à demander à sa mandataire qu'elle lui rende compte de l'exécution du mandat, ne serait ce qu'au nom de l'obligation de loyauté et du devoir d'information qui incombent à chacune des parties au contrat d'agent, selon les termes mêmes de l'article L. 134-4 du code de commerce.

Il n'y avait donc rien d'anormal ou d'excessif à ce que la société demande à Mme X qu'elle renseigne correctement le logiciel au fur et à mesure de l'avancement de ses opérations de prospection et ce, afin d'optimiser l'efficacité de cet outil collectif de travail.

De même, c'est sans preuve que Mme X laisse entendre que la société aurait tenté de lui imposer une permanence horaire à l'agence immobilière. Au surplus et en toute hypothèse, il est constant qu'au moment de la rupture, Mme X ne travaillait plus dans les locaux de l'agence, et ce, depuis plusieurs mois déjà.

En définitive, Mme X ne justifie pas de ce que la rupture lui ait été imposée par des circonstances imputables à la société. Au contraire, il résulte des éléments du dossier que c'est elle qui a pris l'initiative de cette rupture alors qu'elle n'y était nullement tenue.

Par suite, elle doit en assumer les conséquences en étant déchu de tout droit à l'indemnité prévue à l'article L. 134-12 du code de commerce.

Le jugement sera confirmé en ce sens.

Sur la demande reconventionnelle indemnitaire pour non-respect du délai de préavis :

Il est constant que Mme X a mis fin au contrat sans préavis puisqu'ayant notifié à sa mandante, par lettre du 17 février 2017, une rupture à effet immédiat.

Or, elle ne rapporte la preuve, ni d'une faute grave commise par la société, ni d'un cas de force majeure qui, seuls, pouvaient la dispenser de respecter le préavis normalement prévu à l'article L. 134-11, soit en l'espèce un délai de trois mois compte tenu de l'ancienneté du contrat.

Toutefois et pour que la société puisse prétendre à une indemnité pour non-respect de ce préavis, il faudrait qu'elle justifie du préjudice qui en est résulté pour elle.

Or, la société s'abstient d'établir en quoi ce départ, même soudain, a pu désorganiser l'entreprise, étant en effet rappelé que l'agent commercial démissionnaire n'était pas le seul à travailler pour l'agence de La Baule, au moins deux autres agents y travaillant au moment de la rupture, en l'occurrence M. B et M. C

Elle n'établit pas non plus que le départ subit de Mme X lui ait fait perdre le bénéfice de gains attendus, par exemple par l'échec d'une vente programmée qui, finalement, aurait été annulée par suite du départ impromptu de l'agent.

En conséquence et en dépit du non-respect de son délai de préavis, Mme X sera dispensée de toute condamnation indemnitaire, le jugement devant être infirmé en ce sens.

Sur la demande reconventionnelle indemnitaire pour manquement aux devoirs de loyauté et de confidentialité :

La société reproche d'abord à Mme X d'avoir manqué à son obligation de loyauté pendant le cours du contrat et ce, du fait d'un comportement déplacé et nuisible à l'ensemble du personnel de l'agence.

Elle dénonce ainsi des dénigrements, pressions, chantages et autres provocations verbales exercées par l'intéressée à l'encontre des autres salariés et agents commerciaux, ces agissements ayant été à l'origine, selon la société, d'une ambiance particulièrement délétère au sein de l'agence de La Baule, voire de la démission d'une assistante qui ne supportait plus de travailler au contact de Mme E

Cependant et en dépit de ces accusations, qui ne sont étayées que par des attestations émanant de personnes qui étaient toutes en conflit avec Mme X, il est difficile de cerner avec objectivité les responsabilités à l'origine de cette mésentente.

En conséquence et à l'instar du tribunal, la cour ne retiendra pas à l'encontre de Mme X de manquement à son obligation de loyauté contractuelle.

La société Kastell Mor reproche également à Mme X d'avoir manqué à son obligation de confidentialité et ce, depuis son départ.

Elle fait en effet valoir que son ex-agent a continué à exploiter son fichier de clientèle, le faisant désormais pour le compte d'une agence immobilière concurrente, l'agence Barnes, avec laquelle elle a conclu un nouveau contrat d'agent commercial.

C'est ainsi que la société énumère une liste de biens immobiliers qui sont désormais en vente par l'intermédiaire de l'agence Barnes alors qu'ils l'étaient précédemment par son intermédiaire.

De tels reproches ne sont pas justifiés, étant en effet rappelé :

- qu'en prenant acte de la rupture du contrat, la société a expressément relevé Mme X de son engagement de non-concurrence, ainsi qu'il résulte de la lettre adressée le 3 mars 2017 par la société à son ex-mandataire ; dès lors et à partir de cet instant, Mme X était libre de travailler pour qui elle voulait ;

- que de tous les biens immobiliers, pour lesquels elle disposait d'un mandat de vente et qui sont désormais commercialisés par l'intermédiaire de l'agence Barnes, la société ne justifie pas d'un seul mandat exclusif ; partant, les clients de la société Kastell Mor demeuraient libres de suivre Mme X jusque chez sa nouvelle mandante ;

- qu'il n'est pas non plus justifié d'un détournement de fichiers, quelle qu'en soit la nature, de la part de Mme X ;

- qu'il n'est pas davantage établi, et ce en dépit des affirmations de la société, que Mme X ait incité tel ou tel client à résilier son mandat chez Sotheby's pour en conclure un nouveau chez Barnes.

Ainsi et en définitive, la société Kastell Mor ne démontre pas en quoi Mme X aurait manqué à son obligation de confidentialité, ni pendant le cours du mandat, ni depuis la fin de celui-ci.

En conséquence, le jugement sera confirmé en ce qu'il a débouté la société de la demande indemnitaire qu'elle forme à ce titre.

Sur le solde de commissions restant dues à l'ex-agent commercial :

L'article L. 134-7 dispose que «'pour toute opération commerciale conclue après la cessation du contrat d'agence, l'agent commercial a droit à la commission, soit lorsque l'opération est principalement due à son activité au cours du contrat d'agence et a été conclue dans un délai raisonnable à compter de la cessation du contrat, soit lorsque, dans les conditions prévues à l'article L. 134-6, l'ordre du tiers a été reçu par le mandant ou par l'agent commercial avant la cessation du contrat d'agence'».

De même, l'article 8-2 du contrat d'agence conclu entre Mme X et la société Kastell Mor, intitulé « droit de suite », stipule qu'à la cessation du mandat, pour quelque raison que ce soit, seules les affaires qui auront été menées à bonne fin par le mandataire avant l'expiration du présent contrat et qui auront abouti dans les trois mois suivant sa rupture, donneront droit au paiement de la commission.

- Sur la réclamation afférente à la vente Z :

Pour prétendre au versement d'une commission au titre de cette transaction, Mme X fait valoir que la société s'est elle même reconnue débitrice à ce titre d'un solde de commission puisqu'elle lui a offert, par un message en date du 14 mars 2017, de lui servir une somme de 3 062,50 euros TTC.

Pour autant, s'étonnant de la modicité de cette somme alors qu'elle a souvenir d'une vente ayant généré une commission beaucoup plus élevée, Mme X réclame la communication sous astreinte des éléments comptables qui lui permettront de mieux apprécier le montant de ses droits ; subsidiairement, elle demande la confirmation du jugement en ce qu'il a condamné la société au paiement de la somme de 3 062,50 euros TTC dont elle s'est à tout le moins reconnu débitrice.

Au contraire, la société Kastell Mor rappelle que la vente litigieuse a été entièrement négociée, depuis l'établissement du mandat jusqu'à l'acte définitif de vente, par M. Y, de sorte que Mme X ne peut se prévaloir d'aucun droit de suite sur la commission y afférente.

De fait, la cour observe, au vu des pièces produites par la société Kastell Mor, que la vente est intervenue suivant compromis en date du 22 février 2016, soit antérieurement à la conclusion de l'accord intervenu entre M. Y et Mme X, lui même en date du 13 avril 2016, par lequel les deux agents commerciaux étaient convenus de se partager par moitié l'intégralité des commissions versées par leur mandante.

Il s'ensuit, à supposer même que cet accord puisse être opposé à la société dans la mesure où elle en était informée, qu'en toute hypothèse M. Y n'était pas tenu de rétrocéder quelque commission que ce soit à Mme X, dès lors en effet que c'est lui et lui seul qui a négocié la vente de bout en bout, depuis la prise du mandat jusqu'à la signature de l'acte notarié.

Pour autant et dès lors que la société Kastell Mor a elle-même proposé à son ex-agent, par un message du 14 mars 2017, de lui servir une somme de 3 062,50 euros TTC, elle ne saurait se dédire de cet engagement.

En conséquence, le jugement sera confirmé en ce qu'il a condamné la société à payer à Mme X ladite somme, de même qu'en ce qu'il a débouté cette dernière du surplus de sa demande.

- Sur la réclamation afférente à la vente W :

Mme X réclame le paiement d'une commission sur cette vente dont elle affirme avoir « pris le mandat de vente pour le compte de la société Kastell Mor », prétendant dès lors, conformément aux stipulations de l'article 7 du contrat, au paiement d'une somme égale à 20 % du montant de la commission perçue par l'agence.

Cette demande ne pourra qu'être rejetée, étant en effet observé :

- que ce n'est pas Mme X qui a « pris le mandat », mais M. Y lui-même, ainsi qu'il résulte de la pièce n° 21 de la société, qui porte en effet la seule signature de l'intéressé ;

- que c'est encore lui, et lui seul, qui a effectué les visites de l'immeuble qui ont conduit à la vente ; d'ailleurs, Mme X le reconnaît elle-même, qui conclut en effet que la maison a été « négociée à la vente par M. Y » ;

- que Mme X ne peut pas non plus se prévaloir d'un droit au partage de la commission due à M. Y, dès lors en effet qu'à la date à laquelle la vente est intervenue (le compromis ayant été signé le 12 avril 2017), l'accord convenu entre les deux agents quant au partage de leurs commissions était devenu caduc, non seulement du fait de la rupture du contrat d'agence intervenue le 17 février précédent, mais également du fait de la résiliation de cet accord à l'initiative de M. Y qui, successivement les 26 novembre 2016 et 3 janvier 2017, avait indiqué à Mme X qu'il entendait dénoncer cet accord qui ne présentait plus d'intérêt du fait de la mésentente entre les deux agents et de la cessation de toute coopération entre eux.

En conséquence, Mme X ne peut prétendre à un droit de suite sur une commission qui n'est pas due à son activité au cours du contrat d'agence, alors au surplus qu'elle n'a pas mené l'affaire à bonne fin.

En conséquence, le jugement sera confirmé en ce qu'il a débouté M. D du surplus de sa demandes pour solde de ses commissions, et par ailleurs infirmé en ce qu'il a condamné la société à produire sous astreinte des pièces en rapport avec la vente précitée.

Sur les autres demandes :

Partie perdante, Mme X sera condamnée à payer à la société Kastell Mor une somme de 3 000 euros au titre des frais irrépétibles exposés par celle-ci en cause d'appel, le jugement étant en outre confirmé en ce qu'il l'a condamnée au paiement d'une somme de 5 000 euros au titre des frais irrépétibles de première instance.

Enfin, Mme C supportera les entiers dépens de première instance et d'appel.

PAR CES MOTIFS,

La cour :

- confirme le jugement en ce qu'il a dit que la rupture du contrat d'agent commercial souscrit le 1er juillet 2014 était imputable à Mme X, en ce qu'il a dit que la prise d'acte de rupture du 17 février 2017 par Mme X était mal fondée, en ce qu'il a dit que Mme X ne pouvait pas prétendre au paiement de l'indemnité de rupture prévue à l'article L. 134-12 du code de commerce, en ce qu'il a dit que Mme X n'avait pas manqué à son obligation contractuelle de loyauté ni à son obligation de confidentialité et partant, en ce qu'il a débouté la société Kastell Mor de sa demande indemnitaire formée à ce titre, en ce qu'il a condamné la société Kastell Mor à payer à Mme X une somme de 3 062,50 euros TTC au titre d'un solde de commission restant dû dans le cadre de la vente Y, en ce qu'il a condamné Mme X à payer à la société Kastell Mor une somme de 5.000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile, enfin en ce qu'il a condamné Mme X aux entiers dépens de première instance ;

- infirme le jugement pour le surplus de ses dispositions ;

- statuant à nouveau de ces chefs d'infirmation et y ajoutant :

Déboute la société Kastell Mor de sa demande indemnitaire au titre du non respect du délai de préavis de résiliation du contrat d'agence ;

Déboute les parties du surplus de leurs demandes principales ou reconventionnelles ;

Condamne Mme X à payer la société Kastell Mor une somme de 3 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile en cause d'appel ;

Condamne Mme X aux entiers dépens de la procédure d'appel.