CA Paris, 5e ch. B, 14 septembre 2006, n° 03/13950
PARIS
Arrêt
Confirmation
PARTIES
Demandeur :
Uranie Voyages (EURL)
Défendeur :
Air Liberté (Sté)
COMPOSITION DE LA JURIDICTION
Président :
M. Pimoulle
Conseillers :
M. Faucher , M. Remenieras
Avoués :
Me Olivier , SCP Varin-Petit
Avocats :
Me Sonet, Me Gourdain , Me Haese
SUR QUOI :
Considérant que le 19 janvier 2001 a été signé un contrat d'affrètement par lequel la société AOM MINERVE s'est engagée à mettre à la disposition de la société URANIE VOYAGES un avion de type MD 83 157 sièges et un autre de type DC 10 307 sièges pour effectuer le transport de passagers sur le parcours Paris Orly/Porto/Paris Orly ;
Considérant que ce contrat prévoyait, pour le printemps et l'été 2001, un certain nombre de rotations avec un prix par rotation variant selon l'avion, le calendrier et l'horaire et, pour chaque rotation, le règlement de son prix 10 jours avant chaque départ ;
Qu'il contenait aussi un article 11 Résiliation' ainsi libellé :
Chaque partie pourra résilier l'affrètement convenu au présent contrat :
- en payant à l'autre partie 10 % du prix convenu pour l'affrètement si l'annulation est portée à la connaissance de l'autre partie plus de 21 jours à l'avance ;
- en payant à l'autre partie 25 % du prix convenu si elle a été prévenue moins de 21 jours mais plus de 7 jours à l'avance ;
- en payant à l'autre partie 50 % du prix convenu si elle a été prévenue moins de 7 jours à l'avance;
- l'affréteur devra régler à AOM 100 % du prix convenu s'il décide de résilier le contrat après le départ de l'appareil.
Les dispositions du présent article ne seront pas applicables dans les cas prévus à l'article 10 3. En toute hypothèse, l'affréteur déchargera AOM de toute réclamation de passagers, expéditeurs ou autres personnes intéressées, concernant la résiliation du contrat, que cette résiliation soit effectuée sur décision de l'affréteur ou de AOM ;
Qu'il prévoyait en outre dans un article 12 Faillite :
Chacune des parties peut mettre fin à la Convention avant la date prévue du voyage par simple lettre si l'autre est déclarée en faillite ou si elle dépose son bilan, ou encore si ses biens font l'objet d'une saisie partielle ou totale avant le jugement déclaratif de faillite ou en exécution de ce jugement.
Lorsqu'il est mis fin à la présente Convention pour les raison ci-dessus, les frais de résiliation seront dus comme indiqué à l'article (') par la partie en état de faillite ou de déconfiture ;
Considérant que, suite au dépôt de bilan de la société AOM MINERVE le 15 juin 2001 et à son redressement judiciaire le 19 juin 2001, la société URANIE VOYAGES l'a, par télécopie et par lettre recommandée avec demande d'avis de réception du 2 juillet 2001, informée de ce qu'elle mettait le contrat d'affrètement du 19 janvier 2001 en suspend (sic) ;
Considérant que, se prévalant de la résiliation du contrat et de l'annulation de vols, Monsieur Gilles BARONNIE, aujourd'hui seul commissaire à l'exécution du plan de la société AOM AIR LIBERTE, anciennement AOM MINERVE, sollicite la condamnation de la société URANIE VOYAGES à lui payer, en application de l'article 11précité du contrat d'affrètement, la somme de 103 530,36 euros majorée des intérêts au taux légal à compter du 19 février 2002, ce à quoi s'oppose l'appelante qui, à titre principal, soutient qu'il n'y a pas eu résiliation mais suspension du contrat et qui, à titre subsidiaire, conteste le montant de sa dette ;
Mais attendu que le contrat avait pour objet l'affrètement, par la société URANIE VOYAGES, d'avions pour des vols Paris Orly/Porto et Porto/Paris Orly qui, devant avoir lieu entre le 13 avril 2001 et le 8 septembre 2001, étaient mentionnés avec précision puisque figuraient sur ce contrat leur n° et leur heure de départ et d'arrivée ;
Considérant que, compte tenu de son objet et de sa durée, la mise en suspens du contrat par l'une des parties sans limitation de délai aboutit en réalité, comme l'a jugé le tribunal, à sa résiliation avec annulation des vols convenus ;
Considérant que cette résiliation était bien, d'ailleurs, dans l'intention de la société URANIE VOYAGES qui, suite à l'envoi d'une télécopie du directeur commercial de la société AOM MINERVE en date du 10 juillet 2001 lui indiquant : Vous avez affirmé à notre service comptabilité ... que la totalité du contrat était annulé, n'a apporté aucun démenti à cette assertion du transporteur aérien et n'a, d'ailleurs, jamais exprimé sa volonté d'en reprendre l'exécution ;
Considérant, ceci étant, qu'aux termes de l'avant dernier alinéa de l'article L. 621-28 du Code de commerce : Nonobstant toute disposition légale ou toute clause contractuelle, aucune indivisibilité, résiliation ou résolution du contrat ne peut résulter du seul fait de l'ouverture d'une procédure de redressement judiciaire ;
Considérant que, au regard des dispositions d'ordre public de ce texte, la clause contenue dans l'article 12 du contrat est non écrite et aucune des parties ne peut s'en prévaloir, ne serait-ce que pour conclure à l'irrecevabilité des demandes formées par la société AOM AIR LIBERTE.
Considérant en fait que, en dépit des rumeurs alarmistes propagées par la presse ou une partie d'entre elle, rien ne prouve que, lors de son redressement judiciaire, l'intimée, qui a, dans une télécopie du 3 juillet 2001, affirmé le contraire, se trouvait dans l'impossibilité de poursuivre l'exécution du contrat jusque, du moins, à la fin du mois de juillet 2001, date à partir de laquelle elle cesse de réclamer une indemnité pour l'annulation des vols ;
Considérant dès lors que cette annulation des vols devant se situer le 3 juillet 2001, date de l'accusé de réception de la télécopie de l'appelante par le transporteur aérien, et non le 9 juillet 2001 comme l'indique celui-ci par erreur dans ses factures, il convient, compte tenu de la date du vol annulé et des dispositions de l'article 11 du contrat, de renvoyer les parties à effectuer, sur la base des factures communiquées, le nouveau calcul des indemnités dues par la société URANIE VOYAGES et de déduire de celles-ci, comme l'a d'ailleurs fait l'intimée, le montant d'un acompte de 17 335,74 euros ;
Considérant que le point de départ des intérêts au taux légal doit se situer le 19 mars 2002, date de la mise en demeure, et non le 19 février 2002 ;
Considérant qu'au vu des factures, de la date d'annulation des vols et des dispositions contractuelles relatives à la 'résiliation', rien ne permet d'affirmer que l'indemnité à la charge de l'appelante est manifestement excessive, en sorte qu'il n'y a pas lieu de la minorer ;
Considérant que l'indemnité allouée par le tribunal sur le fondement de l'article 700 du nouveau code de procédure civile est suffisante et qu'il n'y a pas lieu de la majorer en cause d'appel ;
Considérant que, débitrice, la société URANIE VOYAGES supportera la charge des dépens de première instance et d'appel ;
Considérant qu'il n'est pas inéquitable de laisser à la charge de l'appelante le montant de ses frais irrépétibles ;
PAR CES MOTIFS
Donne acte à Maître. Baudoin LIBERT, ès qualités de commissaire à l'exécution du plan de la société AOM AIR LIBERTE, de sa démission,
Confirme le jugement déféré en ses dispositions non contraires au présent arrêt, le réforme pour le surplus, et, statuant à nouveau,
Condamne la société URANIE VOYAGES à payer à la société AOM AIR LIBERTE, prise en la personne de Maître GILLES BARONNIE, ès qualités, une somme, non réductible, que les parties, qui pourront en référer à la Cour en cas de difficulté, sont invitées à calculer selon les éléments contenus dans le présent arrêt, majorée des intérêts au taux légal à compter du 19 mars 2002,
Déboute les parties de toutes autres demandes et condamne la société URANIE VOYAGES aux dépens de première instance et d'appel,
Admet la SCP Xavier VARIN et Marc PETIT, avoué, au bénéfice des dispositions de l'article dit que ceux-ci pourraient être recouvrés conformément aux dispositions de l'article 699 du nouveau code de procédure civile.