CA Paris, 16e ch. A, 17 mai 2000, n° 1998/17704
PARIS
Infirmation
PARTIES
Demandeur :
Nouvelle D'exploitation de Transports (Sté)
Défendeur :
M. Costaganna
COMPOSITION DE LA JURIDICTION
Président :
M. Duclaud
Conseillers :
Mme Imbaud-Content, Mme Cobert
Avoué :
SCP Bommart-Forster
Avocat :
Me Phillipe
CECI ETANT EXPOSE DE LA COUR
Considérant que la modification notable des facteurs locaux de commercialité au sens de l'article 23-6 du décret du 30 septembre 1953 doit présenter un intérêt pour l'activité commerciale effectivement exercée dans les lieux loués afin de justifier un déplafonnement du loyer commercial ;
Considérant, en l'espèce, que l'expert a relevé qu'au cours de la période du bail expiré (ler mars 1985-6 juillet 1994), les liaisons autoroutières ont été complétées et améliorées dans ce secteur de la banlieue parisienne (ouvertures de plusieurs sections de l'A86, et liaisons entre les autoroutes A6, A4, A3 et Al) et qu'en conséquence, les principaux clients de la société locataire se situant en grande banlieue parisienne, l'amélioration de la desserte autoroutière ne peut que favoriser l'activité commerciale ;
Considérant toutefois qu'il convient de décrire et d'analyser plus exactement l'activité effectivement exercée par la société N.S.E.T. ; qu'en l'espèce, et ces faits et constatations n'étant pas contestés, la société N.S.E.T. est inscrite au registre des loueurs de véhicules ; qu'elle est propriétaire de tracteurs routiers et met sa force de traction à la disposition des entreprises qui possèdent des remorques à acheminer, sans avoir la traction nécessaire ; que la société N.S.E.T. n'est en définitive pas un transporteur, mais un "fractionnaire" ; que son parc automobile est constitué de 11 tracteurs routiers loués à des chargeurs ou à des transporteurs afin de véhiculer en les tractant des remorques contenant des denrées diverses ou des marchandises appartenant aux entreprises clientes ; que des établissements de location lient la société N.S.E.T.
à des sociétés et non pas à des établissements de transport ;
Considérant ainsi qu'au cours de la période du bail expiré (voir production 14 à 18), la société N.S.E.T. fournissait principalement des véhicules tracteurs avec chauffeurs à la société MONOPRIX ;
Considérant qu'il convient de distinguer l'activité de transporteur de celle de loueur de véhicules ; que la première suppose un contrat conclu avec l'expéditeur en vue de l'acheminement d'une marchandise préalablement caractérisée ; que la seconde implique la mise à la disposition d'un véhicule tractant avec chauffeur lequel prend ses instructions auprès de la société bénéficiaire de la location, le "loueur" du véhicule n'ayant nullement la maîtrise de l'opération de déplacement du contenu de celui-ci contrairement au transporteur ;
Considérant, de surcroît, que, juridiquement, les activités de transporteur sont régies par les articles 103 et suivants du Code de commerce et par des dispositions particulières prises par décrets alors que l'activité de loueur est régie par les dispositions de droit commun sur le louage d'ouvrage; que de plus, le loueur est bailleur du véhicule et répond seulement des fautes commises par le chauffeur préposé ou des vices cachés du véhicule de traction mais la responsabilité des dommages causés aux marchandises est supportée par le locataire comme s'il était transporteur ;
Considérant au surplus que les locaux litigieux ne sont pas le centre d'exploitation commerciale de la société N.S.E.T., aucune marchandise n'y étant stockée ou déchargée et les véhicules de traction n'y étant pas stationnés car remisés dans la zone de fret de SOGARIS à RUNGIS ; que les locaux d'ALFORTVILLE sont à usage d'activité administrative et comptable, ainsi que d'entretien des véhicules ; que d'ailleurs, la faible superficie de la cour 425 m2 permet seulement d'accueillir quelques véhicules ;
Considérant en conséquence, que la densification progressive du réseau autoroutier au cours de la période du bail expiré ne peut avoir profité au fonds de commerce de la société N.S.E.T., son chiffre d'affaires n'ayant d'ailleurs pas sensiblement augmenté au cours de cette même période et aucune nouvelle clientèle notable ne s'étant développée ;
Considérant, dans ces conditions que la Cour infirmera le jugement en toutes ses dispositions et fixera le loyer annuel, en principal, du bail renouvelé au 6 juillet 1994 selon les règles du plafonnement ;
Considérant que les intimés qui concluent à la confirmation du jugement ne discutent pas le montant du loyer plafonné ;
Considérant dans ces conditions que la Cour déterminera ainsi qu'il suit le montant du loyer annuel du bail renouvelé au 6 juillet 1994 :
31 443,75F x 1016 (I.N.S.E.E. 4ème trim. 93) = 38 959,57 francs
(loyer au ler mars 1985) 8200 (INSEE 3ème trim.84)
Considérant que l'équité commande de condamner les consorts COSTAGANNA au titre de l'article 700 du Nouveau code de procédure civile et de laisser à leur charge les dépens de première instance comprenant les frais d'expertise ainsi que les dépens d'appel ;
PAR CES MOTIFS
Infirme le jugement en toutes ses dispositions, Statuant à nouveau •
Fixe le montant annuel en principal, du loyer plafonné du bail renouvelé à compter du 6 juillet 1994 des locaux sis 41 rue de Seine et 55 nie Anatole France à ALFORTVILLE à la somme de 38 959,57 francs,
Condamne les consorts COSTAGANNA à verser à la société N.S.E.T. la somme de 10 000 francs au titre de l'article 700 du Nouveau code de procédure civile,
Condamne les consorts COSTAGANNA aux dépens de première instance, comprenant les frais d'expertise, et aux dépens d'appel, ces derniers étant recouvrés par la SCP BOMMART-FORSTER, avoué, conformément aux dispositions de l'article 699 du Nouveau code de procédure civile.