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Décisions

Cass. com., 9 mars 2010, n° 09-10.571

COUR DE CASSATION

Arrêt

Cassation

COMPOSITION DE LA JURIDICTION

Président :

Mme Favre

Avocats :

SCP Boré et Salve de Bruneton, SCP Tiffreau et Corlay

Paris, du 23 oct. 2008

23 octobre 2008

Attendu, selon l'arrêt attaqué, que, par contrat du 26 avril 1995, la société Bertin et compagnie a concédé à la société Hydropneu Technologic une licence de brevets et de savoir-faire portant sur la fabrication de sirènes électroniques et électropneumatiques, pour une durée de dix ans ; qu'outre certains paiements forfaitaires, le contrat prévoyait le règlement d'une redevance de 7 % du chiffre d'affaires, avec un minimum annuel ; que, le 5 juillet 1996, la société Bertin et compagnie a informé la société Hydropneu Technologic de sa décision d'abandonner deux des trois brevets couverts par le contrat, totalement pour l'un et "à l'étranger" pour l'autre, lui proposant de "poursuivre" elle-même la protection ; que cette dernière n'a pas accepté cette proposition et a, par lettre du 5 juillet 1996 se référant au contrat et à un avenant signé mais non daté, proposé de ramener à 10 000 francs ou 4 % du chiffre d'affaires le montant de la redevance ; que, le 24 septembre 1998, la société Bertin et compagnie a été mise en redressement judiciaire ; que, le 9 mars 1999, la société Hydropneu Technologic lui a notifié la résiliation du contrat, pour ce motif, et pour ne pas avoir protégé les brevets ni apporté l'assistance promise ; que, par jugement du 30 mars 1999, le plan de redressement par voie de cession de la société Bertin et Cie au profit de la société LTI a été arrêté ; que la SCP Laureau et Jeannerot, désignée commissaire à l'exécution du plan, a agi en recouvrement des redevances impayées ;

Sur le moyen unique, pris en ses six premières branches :

Attendu que la société Promotion de techniques avancées, venant aux droits de la société Hydropneu Technologic, fait grief à l'arrêt d'avoir confirmé le jugement, sauf sur le rejet de la demande tendant à obtenir le paiement du montant minimum annuel de redevances pour les années 1997 à 2002, de l'avoir condamnée à payer à ce titre une certaine somme, et d'avoir rejeté le surplus des demandes, alors, selon le moyen :

1°) que la perte d'un élément essentiel à la formation du contrat entraîne la caducité de celui-ci ; que la cour d'appel a constaté que la société Bertin avait unilatéralement décidé de ne plus protéger certains brevets donnés en licence à la société Hydropneu Technologic après la conclusion du contrat ; qu'il s'en suivait nécessairement la perte de la cause du contrat qui avait pour objet l'octroi de trois brevets pour partie en exclusivité ; qu'en retenant, cependant, que le contrat n'était ni nul ni caduc, au motif que l'absence de cause ne s'analysait qu'au moment de la formation du contrat, la cour d'appel a violé l'article 1131 du code civil ;

2°) qu'il ressortait du courrier de la société Bertin du 5 juillet 1996 qu'était abandonnée, non l'octroi d'exclusivité, mais la protection du brevet EN 84.16480 ; qu'ainsi la licence portant sur ce brevet ne pouvait avoir de cause ; qu'en disant que la perte d'exclusivité du deuxième brevet n'entraînait pas l'absence de cause de la licence, la cour d'appel a dénaturé ledit courrier en violation de l'article 1134 du code civil ;

3°) que la société Hydropneu Technologic faisait valoir en particulier que le troisième brevet EN 88 12734, soi-disant maintenu selon le courrier du 5 juillet 1996 de la société Bertin, ne bénéficiait en réalité plus d'aucune protection au moment même de la conclusion du contrat, la dernière annuité en ayant été payée le 18 août 1993, ainsi que cela ressortait des relevés fournis par l'INPI ; qu'en ne répondant pas à ce motif dirimant, la cour d'appel a violé ensemble les articles 455 et 458 du code de procédure civile ;

4°) qu'il appartient à la partie dont la défaillance dans l'exécution de son obligation a été établie de démontrer que l'exécution défectueuse est suffisante pour demander paiement du prix convenu ; qu'en retenant par motifs adoptés qu'il n'était «pas établi que la protection assurée par le brevet restant ne suffisait pas à garder sa substance à la licence concédée» et qu'il appartenait en conséquence à la société PTA d'établir l'insuffisance de cette substance, la cour d'appel a violé ensemble les articles 1315 et 1131 du code civil ;

5°) que l'option laissée à l'administrateur judiciaire de demander la continuation des contrats en cours est subordonnée au maintien des obligations du débiteur objet de la procédure et au fait que le contrat n'ait pas disparu, d'une manière ou d'une autre antérieurement ; que l'administrateur ne peut avoir d'option dès lors que le cocontractant a un droit acquis à la résiliation du contrat, en raison de l'inexécution antérieure d'une obligation autre que de somme d'argent, sauf renonciation ultérieure non équivoque à la résiliation ; qu'en l'espèce la cour d'appel a bien constaté que les manquements de la société Bertin étaient avérés dès avant l'ouverture de la procédure collective retenant que «la société Hydropneu avait les éléments pour exercer cette faculté avant même la mise en redressement judiciaire de la société Bertin» ; que l'inexécution fautive par la société Bertin de son obligation de faire (protection des brevets donnés en licence) était donc acquise avant l'ouverture de la procédure collective ; qu'en retenant néanmoins que les manquements de la société Bertin étaient sans effet au regard des dispositions de l'ancien article L. 621-28 du code de commerce applicables à l'exécution des contrats en cours et que seule une résiliation adressée à l'administrateur judiciaire restée sans réponse pendant un délai d'un mois aurait permis de prononcer la résiliation du contrat, la cour d'appel a violé ledit article ensemble l'article L. 621-40 (ancien) du code de commerce ;

6°) que le simple fait pour un créancier de ne pas avoir mis en demeure le débiteur d'exécuter son obligation de faire ne peut être considéré comme une renonciation non équivoque à se prévaloir de cette inexécution ; qu'en considérant que la société Hydropneu Technologic ne pouvait demander la résiliation du contrat après la mise en redressement judiciaire de la société Bertin & Cie du fait qu'elle n'avait «pas demandé à la cocontractante de remédier aux manquements qu'elle alléguait quant à l'absence de protection des brevets et d'assistance promise», ce qui était insuffisant à caractériser une renonciation claire et non équivoque, la cour d'appel a manqué de base légale au regard des articles L. 621-28 et L. 621-40 (anciens) du code de commerce ;

Mais attendu, en premier lieu, qu'après avoir constaté que le contrat avait pour objet une licence de brevets et de savoir faire, la cour d'appel, qui a retenu, hors toute dénaturation et sans inverser la charge de la preuve, que l'abandon de deux des brevets allégué ne vidait pas le contrat de sa substance, que l'un des brevets continuait à conférer une protection, et que la société n'avait pas été privée de la possibilité de fabriquer et commercialiser les sirènes, a pu en déduire que le contrat n'était pas devenu caduc ;

Et attendu, en second lieu, qu'ayant constaté que le contrat était toujours en cours à la date d'ouverture du redressement judiciaire, la société Hydropneu Technologies n'ayant pas usé avant cette date de la faculté qu'elle avait de le résilier, et que cette société n'avait pas mis en demeure l'administrateur de prendre parti sur la poursuite du contrat, la cour d'appel en a déduit à bon droit qu'elle restait redevable des redevances prévues ;

D'où il suit que le moyen n'est pas fondé ;

Mais sur le moyen, pris en sa septième branche :

Vu l'article 1134 du code civil ;

Attendu que pour condamner la société Promotion de techniques avancées au paiement de la somme de 63 815,16 euros au titre du montant minimum annuel des redevances de 1997 à 2002, l'arrêt retient qu'il n'y a pas eu de réduction du montant de la redevance, la proposition faite en ce sens dans une lettre du 18 juillet 1996 n'ayant pas eu de suite ;

Attendu qu'en se déterminant ainsi, alors qu'elle avait constaté que la lettre du 18 juillet 1996 se référait au contrat et à un avenant signé par les parties, qui avait été produit, la cour d'appel, qui n'a pas recherché, ainsi qu'elle y était invitée, si cet avenant avait modifié le montant minimum annuel des redevances, n'a pas donné de base légale à sa décision ;

PAR CES MOTIFS :

CASSE ET ANNULE, mais seulement en ce qu'il a condamné la société Promotion de Techniques avancées à payer à la SCP Laureau Jeannerot, en qualité de commissaire à l'exécution du plan de la société Bertin et compagnie la somme de 63 815,16 euros, l'arrêt rendu le 23 octobre 2008, entre les parties, par la cour d'appel de Paris ; remet, en conséquence, sur ce point, la cause et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant ledit arrêt et, pour être fait droit, les renvoie devant la cour d'appel de Paris, autrement composée.