CA Paris, 16e ch. A, 7 novembre 2007, n° 06/12972
PARIS
Arrêt
Confirmation
PARTIES
Demandeur :
S.C.I. PORTEFOIN
Défendeur :
ARTIMPORT (SA)
COMPOSITION DE LA JURIDICTION
Président :
Mme GABORIAU
Conseillers :
Mme IMBAUD-CONTENT, M. ZAVARO
Avoués :
SCP BOLLING - DURAND - LALLEMENT, Me BURET
Avocats :
Me HERMET LARTIGUE, DS AVOCATS
PROCÉDURE ET PRÉTENTIONS DES PARTIES
Vu le jugement en date du 29 juin 2006, rendu par le tribunal de grande instance de Paris qui a statué en ces termes, sous le bénéfice de l'exécution provisoire :
dit que la destination des lieux comprend la vente d'articles de voyage et de parapluies, exploitée par la Société ARTIMPORT dans les lieux,
dit que la sommation visant la clause résolutoire délivrée le 12 juillet 2004 n'a donc pu produire ses effets,
dit qu'en remplaçant unilatéralement la gardienne par un service de nettoyage et la mise en place de boites aux lettres, la SCI PORTEFOIN a manqué à ses obligations contractuelles,
condamne la SCI PORTEFOIN à payer à la Société ARTIMPORT une somme de 2000€ à titre de dommages et intérêts en réparation du préjudice subi de ce chef,
déboute la Société ARTIMPORT de sa demande de réintégration sous astreinte de la gardienne,
déboute les parties du surplus de leurs demandes respectives, notamment de fixation du loyer en révision, d'injonction sous astreinte de production des justificatifs de charges et de dommages et intérêts de ce chef,
dit n'y avoir lieu à faire application des dispositions de l'article 700 du nouveau code de procédure civile, et a partagé les dépens.
Vu l'appel relevé par la SCI PORTEFOIN à l'encontre de ce jugement.
Vu les dernières conclusions :
de l'appelante, déposées au greffe de la Cour, le 23 mai 2007, auxquelles il est renvoyé pour plus ample exposé, au terme desquelles la SCI PORTEFOIN poursuivant la réformation de la décision entreprise prie la cour de :
surseoir à statuer dans l'attente de la décision du tribunal de grande instance de Paris saisi par assignation du 23 novembre 2006, signifiée à la requête de la Société ARTIMPORT au visa des sommations des 10 juin et 12 juillet 2004, du procès-verbal d'huissier du 12 octobre 2004 d'infirmer la décision entreprise et constater l'acquisition de la clause résolutoire du renouvellement du bail liant les parties, à défaut pour la société preneuse d'avoir déféré aux sommations dans le mois de leur délivrance d'ordonner l'expulsion de la Société ARTIMPORT ainsi que celle de tous occupants dans les lieux de son chef, de condamner la Société ARTIMPORT au paiement d'une indemnité d'occupation mensuelle à concurrence de 5 840€ jusqu'à la libération effective des lieux, subsidiairement, et pour le cas où la déspécialisation générale de la Société ARTIMPORT serait déclarée opposable à la SCI PORTEFOIN fixer le montant du loyer à compter du 1er juillet 2004 à la somme de 70 000€ par an de dire que l'activité autorisée par le bail s'étend désormais à l'activité de commercialisation d'articles de voyages, maroquinerie, parapluies, à titre principal, débouter la Société ARTIMPORT de ses demandes reconventionnelles et à titre subsidiaire, confirmer la décision entreprise en ce qu'elle a débouté la Société ARTIMPORT de sa demande de répétition de charges injustifiée, débouter également la Société ARTIMPORT de sa demande de réintégration de la gardienne ou à titre de dommages et intérêts, sollicitant, en outre, l'allocation d'une somme de 5000€ en application de l'article 700 du nouveau Code de procédure civile.
de l'intimée, déposées au greffe de la Cour, le 25 mai 2007 auxquelles il est renvoyé pour plus ample exposé, au terme desquelles la Société ARTIMPORT, concluant au rejet de toutes les prétentions adverses et poursuivant la confirmation partielle de la décision entreprise, forme appel incident et prie la Cour de, écartant la demande de sursis à statuer de la SCI PORTEFOIN,
au visa des articles L.145-1 et suivants du Code de commerce et 1708 et suivants du Code civil
infirmer la disposition par laquelle la décision entreprise a constaté que l'activité de bazar n'était pas une activité incluse de l'activité de bimbeloterie.
condamner la SCI PORTEFOIN à payer à la Société ARTIMPORT une somme de 2500€ au titre des dommages et intérêts dus en réparation du préjudice subi par la Société ARTIMPORT consécutivement à la suppression du poste de gardiennage.
condamner la SCI PORTEFOIN à fournir les justificatifs des charges locatives facturées à la Société ARTIMPORT depuis le 27 juin 2003, date d'acquisition de l'immeuble, dans le délai de 15 jours à compter de la signification de la décision à intervenir faute de quoi la SCI PORTEFOIN sera condamnée à payer à la Société ARTIMPORTune somme de 150€ par jour de retard au titre d'astreinte globale, forfaitaire et définitive condamner la SCI PORTEFOIN à payer à la Société ARTIMPORT une somme de 2500€ au titre des dommages et intérêts dus en réparation du préjudice subi par la Société ARTIMPORT en raison de l'absence de communication des documents justifiant le montant de charges locatives qui lui ont été facturées subsidiairement, si la cour, par extraordinaire constatait que la Société ARTIMPORT a commis une infraction au bail,
constater que la SCI PORTEFOIN a renoncé à se prévaloir du manquement contractuel commis par la Société ARTIMPORT constater que la mauvaise foi de la SCI PORTEFOIN est caractérisée du fait de sa volonté de récupérer les locaux dont s'agit sans régler une indemnité d'éviction à la Société ARTIMPORT constater que la clause résolutoire n'est pas acquise désigner un expert en vue d'évaluer le montant de l'augmentation du loyer dû par la Société ARTIMPORT à la SCI PORTEFOIN à titre infiniment subsidiaire.
constater que l'adaptation par la Société ARTIMPORT de son activité dans le local commercial loué nécessite l'obtention de délai dire et juger que la Société ARTIMPORT dispose d'un délai de 24 mois à compter de la date de la signification de la décision à intervenir pour procéder à l'adaptation de son activité dans les locaux loués conformément aux prescriptions de la clause de destination du bail commercial, selon l'interprétation qu'en aura fait la cour, sollicitant, en outre, l'allocation d'une somme de 5000 € en application de l'article 700 du nouveau Code de procédure civile.
MOTIFS DE LA DÉCISION
Discussion
Sur la demande de sursis à statuer.
La SCI PORTEFOIN dans ses dernières conclusions formule une telle demande, sans que la Société ARTIMPORT ne lui ai objecté que cette exception n'a pas été soulevée avant toute défense au fond et se trouverait, partant, irrecevable. A été dressé un nouveau constat, en date du 20 septembre 2006, qui a donné lieu à la délivrance d'un nouvel acte d'huissier du 23 octobre 2006, visant la clause résolutoire, portant sommation d'avoir à cesser de commercialiser de très nombreux objets, sommation ayant conduit la Société ARTIMPORT à engager une procédure devant le tribunal de grande instance de Paris par assignation en date du 23 novembre 2006. Il n'est aucunement justifié d'attendre que cette juridiction, ainsi saisie, se soit prononcée sur ce litige alors que le tribunal de grande instance doit apprécier une période qui a commencé à courir le 20 septembre 2006 et que la cour se situe, au contraire, en amont.
Sur la demande de constat de la clause résolutoire.
Est en cause le respect par la Société ARTIMPORT de la clause de destination du bail, renouvelé, en date du 26 juillet 1999 ; selon celle-ci, le preneur peut se livrer à l'activité de : articles de Paris- bimbelotterie et jouets à l'exclusion de tout autre commerce .
La cour statue sur le manquement allégué par la SCI PORTEFOIN du fait que la Société ARTIMPORT vend de la maroquinerie sous forme d'articles de voyage, la SCI PORTEFOIN se fondant sur deux sommations, visant la clause résolutoire, en date des 10 juin et 12 juillet 2004, et demandant à la Société ARTIMPORT 'd'avoir à cesser l'activité de maroquinerie et d'articles de voyages'. La Société ARTIMPORT ne conteste pas vendre de tels articles. Il s'agit pour la cour de rechercher si cette activité est incluse voire accessoire ou encore annexe c'est à dire si elle est contenue dans la destination initiale, comprise dans son sens actuel et selon son évolution normale. N'est pas en question la caractérisation d'activités connexes ou complémentaires, elles soumises à la procédure de déspécialisation partielle ni d'actvités justifiant une déspécialisation générale.
La SCI PORTEFOIN demandant, seulement, le constat de l'acquisition de la clause résolutoire et l'existence de cette clause n'étant pas discutée, non plus que la validité des commandements, la cour doit, uniquement, rechercher si en exerçant les activités précitées, la Société ARTIMPORT a manqué à ses obligations contractuelles, quand bien même il s'agirait d'activités connexes ou complémentaires, dans la mesure où le preneur ne pourrait justifier du respect des formalités édictées à l'article L.145-47 du Code de commerce (sous réserve, à cet égard, d'un accord du bailleur pour admettre la prise en compte d'une telle déspécialisation).
Le premier juge n'a pas repris à son compte la suggestion de la Société ARTIMPORTselon laquelle le terme articles de Paris était, à ce point, désuet qu'il convenait d'y substituer, désormais, le terme bazar. La cour reprend à son compte le raisonnement pertinent du premier juge qui l'a conduit à considérer qu'actuellement, l'acception usuelle des articles de Paris s'était étendue, en comprenant l'ensemble des objets qu'un voyageur ou un touriste peut être amené à souhaiter acheter lorsqu'il vient à Paris, en y incluant les valises, les sacs de voyage ou encore les parapluies. La cour précisera, en tant que de besoin, que peu importe que les articles en question, ceux-ci ou tous les petits objets utiles ou décoratifs, ne soient pas fabriqués à Paris, voire même en France, dans la mesure où leur aspect correspond à la représentation que le touriste se fait du 'goût parisien' sans avoir à rechercher si tel est bien le sens artistique ou culturel des habitants de Paris. Il n'y a donc pas lieu de recourir à une synonymie contemporaine alléguée avec le terme bazar que ce soit avec les articles de Paris ou bimbeloterie pour décider que le fait de vendre de la maroquinerie sous forme d'articles de voyages ne caractérise pas un manquement contractuel. La cour, en raison de sa saisine circonscrite au constat de l'acquisition de la clause résolutoire fondée sur la vente de maroquinerie et d' articles de voyages, décrits par le premier juge, se borne à examiner l'activité de la Société ARTIMPORT sous cet angle là. Il n'y a pas lieu de statuer au vu du nouveau constat, en date du 20 septembre 2006, dans la mesure où celui-ci a donné lieu à la délivrance d'un nouvel acte d'huissier visant la clause résolutoire portant sommation d'avoir à cesser de commercialiser de très nombreux objets, sommation ayant conduit la Société ARTIMPORT à engager la procédure précitée devant le tribunal de grande instance de Paris. En effet, la saisine de cette juridiction borne celle de la cour.
Dès lors, la Cour n'a pas à rechercher, si comme l'y invite la Société ARTIMPORT le terme de bimbeloterie doit, désormais, s'interpréter comme renvoyant à la notion de bazar, le premier juge n'ayant, au demeurant, nullement 'constaté que l'activité de bazar n'était pas une activité incluse de l'activité de bimbeloterie mais procédé comme il a été dit supra pour rendre sa décision rejetant le constat de la clause résolutoire.
De même, aucune sommation visant la clause résolutoire ne fait état de la nécessité d'une garantie d'assurance, ni ne fait grief à la Société ARTIMPORTde se livrer à un commerce de gros. Il n'y a donc pas lieu de procéder à une recherche quelconque à cet égard.
Sur la question de la suppression du poste de gardienne.
Devant la Cour la Société ARTIMPORT reprend, seulement, sa demande indemnitaire de ce chef, en sollicitant que son indemnisation soit portée de 2000€ à 2500€.
La Cour adopte, à cet égard, les motifs pertinents du premier juge tant pour retenir la responsabilité du propriétaire de ce chef et qu' allouer à la Société ARTIMPORT une somme de 2000€ à titre de dommages et intérêts.
Sur la question des charges.
Si antérieurement, et spécialement au moment où le premier juge a statué, la SCI PORTEFOIN pouvait s'être abstenue, sans avoir commis de faute, de produire les justificatifs des charges, étant en litige avec un autre locataire sur la grille des charges, désormais, le rapport d'expertise judiciaire ayant été déposé depuis décembre 2006 et l'éclairant sur cette question, la SCI PORTEFOIN ne peut plus, valablement, exciper de son insuffisance d'information ; la production aux débats du dit rapport ne peut suppléer le respect de sa propre obligation contractuelle d'avoir à justifier, précisément, envers un locataire déterminé, du montant des charges réclamées. La SCI PORTEFOIN devra donc produire ces justificatifs, sans qu'il soit nécessaire d'assortir, en l'état, cette condamnation d'une astreinte. La Société ARTIMPORT ne justifie d'aucun préjudice indemnisable découlant de ce manquement de la SCI PORTEFOIN et sera déboutée de sa demande de dommages et intérêts, la Cour confirmant, à cet égard, la décision entreprise.
Sur les autres demandes.
La SCI PORTEFOIN qui succombe en ses prétentions sera condamnée aux entiers dépens de l'appel.
Il est justifié d'allouer à la Société ARTIMPORT une somme de 2800€ en application de l'article 700 du nouveau Code de procédure civile.
PAR CES MOTIFS
La Cour statuant en dernier ressort :
écartant la demande de sursis à statuer,
I. Confirme la décision entreprise sauf en ce qu'elle a rejeté la demande d'injonction de production des justificatifs de charges,
II. Y ajoutant, réformant la décision entreprise du chef précité et statuant à nouveau sur celui-ci, dit que la cour a statué jusqu'à la date d'établissement du constat du 20 septembre 2006,
dit n'y avoir lieu à statuer dans le cadre du litige tranché par la Cour sur la synonymie entre bimbeloterie et bazar,
enjoint à la SCI PORTEFOIN de fournir à la Société ARTIMPORT les justificatifs des charges locatives facturées à la Société ARTIMPORT depuis le 27 juin 2003, date d'acquisition de l'immeuble, dans le délai de un mois à compter de la signification de la décision et dit n'y avoir lieu, en l'état, au prononcé d'une astreinte,
III. Condamne, en cause d'appel, la SCI PORTEFOIN à verser à la Société ARTIMPORT une somme de 2800€ sur le fondement de l'article 700 du nouveau Code de procédure civile
IV. Condamne la SCI PORTEFOIN aux dépens d'appel et autorise, sur sa demande, Maître Frédéric BURET avoué à la cour à recouvrer directement contre la SCI PORTEFOIN ceux des dépens dont il a fait l'avance sans avoir reçu provision.
LE GREFFIER, LA PRÉSIDENTE,
Décision(s) antérieure(s)
Tribunal de Grande Instance PARIS 29 Juin 2006 05/03496.