CA Riom, 3e ch. civ. et com., 2 mars 2022, n° 20/00215
RIOM
Arrêt
Infirmation partielle
PARTIES
Demandeur :
Cofidis (SA)
Défendeur :
JS Services (SAS)
COMPOSITION DE LA JURIDICTION
Président :
Mme Chalbos
Conseiller :
Mme Theuil-Dif
Avocat :
Selarl Saint Cyr Avocats
EXPOSE DU LITIGE
Le 22 février 2017, M. Christophe V. a passé commande auprès de la SARL JS Services exerçant sous l'enseigne "Green Planet", d'une installation solaire photovoltaïque comprenant 20 panneaux photovoltaïques, pour un montant de 29 400 euros TTC, financé par un contrat de prêt souscrit auprès de la SA Cofidis le même jour, remboursable en 180 mensualités de 224,48 euros après un différé d'amortissement de 12 mois.
Par acte d'huissier en date du 8 novembre 2017, M. Christophe V. a fait assigner la SARL JS Services exerçant sous l'enseigne "Green Planet" et la SA Cofidis devant le tribunal d'instance de Clermont-Ferrand aux fins d'obtenir notamment l'annulation des contrats souscrits et la dispense de restituer le capital emprunté à la SA Cofidis.
Par jugement du 31 décembre 2019, le tribunal a :
- prononcé la nullité du contrat souscrit entre M. V. et la SARL JS Services suivant bon de commande du 22 février 2017 ;
- constaté l'annulation subséquente et de plein droit du contrat de crédit conclu le 22 février 2017 entre M. V. et la SA Cofidis ;
- ordonné que les parties soient replacées sans leur état originel ;
- débouté la SA Cofidis, privée de son droit à restitution, de sa demande de remboursement du capital emprunté ;
- condamné la SA Cofidis à restituer à M. V., au titre des sommes versées en application du contrat de prêt annulé, la somme de 823,71 euros arrêtée au 31 août 2018, outre les échéances de crédit payées postérieurement sur justification dudit paiement, le tout portant intérêts au taux légal à compter de la décision ;
- ordonné l'exécution provisoire du jugement ;
- débouté les parties du surplus de leurs demandes ;
- condamné la SA Cofidis et la SARL JS Services in solidum aux dépens.
Le tribunal a énoncé :
- que le contrat principal versé aux débats ne contenait aucune information sur la faculté de rétractation offerte à M. V. en application de l'article L. 221-18 du code de la consommation ;
- que la confirmation par M. V. du contrat de vente nul devait être écartée dès lors qu'il n'était pas établi qu'à l'époque des faits, M. V. avait connaissance des vices affectant l'opération et qu'il pouvait légitimement se croire tenu par la signature du devis sans possibilité de revenir sur ce choix ;
- que le contrat de crédit devait subir le même sort en application de l'article L. 312-55 du code de la consommation ;
- que la banque n'avait pas commis de faute quant au fait d'avoir versé les fonds au vu des documents transmis par M. V. quant à l'exécution de la prestation ;
- que toutefois, en libérant les fonds au vendeur sans procéder aux vérifications nécessaires qui lui auraient permis de constater que le contrat était affecté d'une cause de nullité, la banque avait commis une négligence fautive causant un préjudice à l'emprunteur, qui la privait de son droit à restitution du capital emprunté.
La SA Cofidis a interjeté appel du jugement le 3 février 2020.
Par conclusions déposées et notifiées le 18 janvier 2021, la SA Cofidis demande à la cour d'infirmer le jugement, et statuant à nouveau, de :
- dire et juger M. V. mal fondé en ses demandes, fins et conclusions et l'en débouter ;
- dire et juger la SARL JS Services mal fondée en ses demandes, fins et conclusions et l'en débouter ;
- dire et juger la SA Cofidis recevable et bien fondée en ses demandes, fins et conclusions ;
- condamner M. V. à reprendre l'exécution pleine et entière du contrat de crédit, conformément aux dispositions contractuelles telles que retracées dans le tableau d'amortissement ;
- condamner M. V. à rembourser à la SA Cofidis en une seule fois, l'arriéré des échéances impayées depuis le jugement assorti de l'exécution provisoire, jusqu'au jour du prononcé de l'arrêt à intervenir ;
- condamner M. V. à rembourser à la SA Cofidis l'intégralité des sommes perçues dans le cadre de l'exécution provisoire ;
- à titre subsidiaire, condamner M. V. à rembourser à la SA Cofidis le capital emprunté d'un montant de 29 400 euros au taux légal à compter de l'arrêt à intervenir ;
- à titre plus subsidiaire, condamner la SARL JS Services à payer à la SA Cofidis la somme de 40 405,64 euros au taux légal à compter de l'arrêt à intervenir ;
- à titre infiniment subsidiaire, condamner la SARL JS Services à payer à la SA Cofidis la somme de 29 400 euros au taux légal à compter de l'arrêt à intervenir ;
- en tout état de cause, condamner la SARL JS Services à relever et garantir la SA Cofidis de toute condamnation qui pourrait être mise à sa charge au profit de l'emprunteur ;
- condamner tout succombant à payer à la SA Cofidis une indemnité d'un montant de 3 000 euros en application de l'article 700 du code de procédure civile, et aux dépens dont distraction au profit de Me L.
Par conclusions déposées et notifiées le 9 novembre 2020, la SARL JS Services exerçant sous le nom commercial 'Green Planet' demande à la cour de :
- réformer le jugement en toutes ses dispositions et y revenant ;
- dire et juger parfaitement conforme au droit applicable, le contrat de vente et d'installation en date du 22 février 2017 ;
- débouter M. V. de l'intégralité de ses demandes, fins et conclusions ;
- condamner M. V. à payer à la SARL JS Services la somme de 2 500 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile, ainsi qu'aux dépens.
Aux termes de ses dernières conclusions déposées et notifiées le 8 février 2021, M. Christophe V. demande à la cour, de :
• à titre principal, au visa des articles L. 221-5 et suivants, L. 111-1 et suivants, R. 221-1 et suivants, R. 111-1 et suivants, D. 111-9 dans sa version applicable, L. 312-48 et suivants du code de la consommation, 1184 devenu 1227 du code civil :
- dire et juger recevable et bien fondé M. V. en ses demandes ;
- confirmant :
- prononcer la nullité du contrat conclu le 22 février 2017 entre M. V. et la SARL JS Services ;
- constater que M. V. tient à disposition de la SARL JS Services les installations photovoltaïques en vue de leur restitution ;
- condamner la SARL JS Services à restituer le prix de la prestation à savoir la somme de 29 400 euros, et ce avec intérêts au taux légal à compter de l'assignation, et capitalisation des intérêts au sens de l'article 1154 du code civil ;
- prononcer la nullité du contrat de crédit affecté conclu entre la SA Cofidis et M. V. ;
- dire et juger que M. V. sera dispensé de restituer à la SA Cofidis le capital prêté ;
- débouter la SARL JS Services et la SA Cofidis de l'intégralité de leurs demandes, fins et prétentions plus amples ou contraires ;
- réformant :
- ordonner sous astreinte de 100 euros par jour de retard dans le délai d'un mois à compter de la signification de la décision à intervenir la remise en état de l'immeuble de M. V. sur lequel ont été installés les panneaux photovoltaïques, aux frais et à la charge de la SARL JS Services et la SA Cofidis ;
- condamner la SA Cofidis à restituer à M. V. l'intégralité des échéances et sommes réglées, et ce sous astreinte de 100 euros par jour de retard dans le délai d'un mois à compter de la signification de la décision à intervenir ;
- condamner in solidum la SARL JS Services et la SA Cofidis à payer à M. V. la somme de 10 000 euros à titre de dommages et intérêts en réparation du préjudice subi ;
- prononcer la capitalisation des intérêts ;
- débouter la SARL JS Services et la SA Cofidis de l'intégralité de leurs demandes, fins et prétentions plus amples ou contraires ;
- condamner in solidum la SARL JS Services et la SA Cofidis à payer à M. V. la somme de 3 000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile, outre les dépens de la procédure de première instance et d'appel ;
• à titre subsidiaire, au visa des articles L. 221-5 et suivants, L. 111-1 et suivants, R. 221-1 et suivants, R. 111-1 et suivants, D. 111-9 dans sa version applicable, L. 312-48 et suivants du code de la consommation, 1184 devenu 1227 du code civil :
- prononcer la résolution du contrat conclu le 22 février 2017 entre M. V. et la SARL JS Services ;
- constater que M. V. tient à disposition de la SARL JS Services les installations photovoltaïques en vue de leur restitution ;
- condamner la SARL JS Services à restituer le prix de la prestation à savoir la somme de 29 400 euros, et ce avec intérêts au taux légal à compter de l'assignation et capitalisation des intérêts au sens de l'article 1154 du code civil ;
- prononcer la nullité du contrat de crédit affecté conclu entre la SA Cofidis et M. V. [sic];
- dire et juger que M. V. sera dispensé de restituer à la SA Cofidis le capital prêté ;
- débouter la SARL JS Services et la SA Cofidis de l'intégralité de leurs demandes, fins et prétentions plus amples ou contraires ;
- réformant :
- ordonner sous astreinte de 100 euros par jour de retard dans le délai d'un mois à compter de la signification de la décision à intervenir la remise en état de l'immeuble de M. V. sur lequel ont été installés les panneaux photovoltaïques, aux frais et à la charge de la SARL JS Services et la SA Cofidis ;
- condamner la SA Cofidis à restituer à M. V. l'intégralité des échéances et sommes réglées, et ce sous astreinte de 100 euros par jour de retard dans le délai d'un mois à compter de la signification de la décision à intervenir ;
- condamner in solidum la SARL JS Services et la SA Cofidis à payer à M. V. la somme de 10 000 euros à titre de dommages et intérêts en réparation du préjudice subi ;
- prononcer la capitalisation des intérêts ;
- débouter la SARL JS Services et la SA Cofidis de l'intégralité de leurs demandes, fins et prétentions plus amples ou contraires ;
- condamner in solidum la SARL JS Services et la SA Cofidis à payer à M. V. la somme de 3 000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile, outre les dépens de la procédure de première instance et d'appel ;
Il sera renvoyé pour l'exposé complet des demandes et moyens des parties, à leurs dernières conclusions.
La procédure a été clôturée le 4 novembre 2021.
MOTIFS :
- Sur la nullité des contrats
Le bon de commande souscrit le 22 février 2017 mentionne que le contrat a été signé à Meilhaud, qui est la commune du domicile de M. V. et non le lieu du siège ou d'une agence de la société prestataire, ce qui confirme que l'opération litigieuse a été conclue sur démarchage à domicile.
S'agissant d'un contrat conclu hors établissement, il est en conséquence régi par les dispositions des articles L. 221-1 et suivants du code de la consommation dans leur version en vigueur à la date du contrat, soit les dispositions du code de la consommation postérieures à l'ordonnance n°2016-301 du 14 mars 2016.
Aux termes de l'article L. 221-5, préalablement à la conclusion d'un contrat de vente ou de fourniture de services, le professionnel communique au consommateur, de manière lisible et compréhensive, notamment les informations suivantes :
1° les informations prévues aux articles L. 111-1 et L. 111-2 ;
2° lorsque le droit de rétractation existe, les conditions, le délai et les modalités d'exercice de ce droit ainsi que le formulaire type de rétractation, dont les conditions de présentation et les mentions qu'il contient sont fixées par décret en Conseil d'Etat.
Les informations de l'article L. 111-1 sont notamment les suivantes :
1° les caractéristiques essentielles du bien ou du service ;
2° le prix du bien ou du service ;
3° en l'absence d'exécution immédiate du contrat, la date ou le délai auquel le professionnel s'engage à livrer le bien ou à exécuter le service (l'article R.111-1 précise que le contrat indique les modalités d'exécution et de livraison du contrat).
Selon l'article L. 221-18, le consommateur dispose d'un délai de quatorze jours pour exercer son droit de rétractation d'un contrat conclu à distance, à la suite d'un démarchage téléphonique ou hors établissement, sans avoir à motiver sa décision ni à supporter d'autres coûts que ceux prévus aux articles L. 221-23 à L. 221-25.
Le délai mentionné au premier alinéa court à compter du jour :
- de la conclusion du contrat, pour les contrats de prestation de services et ceux mentionnés à l'article L. 221-4 ;
- de la réception du bien par le consommateur ou un tiers, autre que le transporteur, désigné par lui, pour les contrats de vente de biens. Pour les contrats conclus hors établissement, le consommateur peut exercer son droit de rétractation à compter de la conclusion du contrat.
Aux termes de l'article L. 221-9, le professionnel fournit au consommateur un exemplaire daté du contrat conclu, sur papier signé par les parties ou, avec l'accord du consommateur, sur un autre support durable, confirmant l'engagement exprès des parties. Ce contrat comprend toutes les informations mentionnées à l'article L. 221-5. [...]. Le contrat est accompagné du formulaire type de rétractation mentionné au 2° de l'article L. 221-5.
Enfin, l'article L. 242-1 prévoit que les dispositions de l'article L. 221-9 sont prévues à peine de nullité du contrat conclu hors établissement.
Ainsi que l'a retenu à juste titre le premier juge, le bon de commande du 22 février 2017 comporte les mentions relatives au nombre de panneaux (20), leur marque, leur puissance totale (6 Kw), le nombre de micro onduleurs (20) et leur marque, outre divers éléments techniques (passerelle de communication, coffrets de protection électrique AC/DC...) ; ainsi, les mentions du bon de commande sont suffisamment précises concernant la nature, la marque, la quantité, et les qualités de l'installation.
Il est également conforme aux exigences du code de la consommation s'agissant du délai d'exécution ('4 à 12 semaines à compter de la prise de cotes par le technicien et l'encaissement de l'acompte ou l'accord définitif de la société de financement').
Toutefois, au niveau du bordereau de rétractation, il est fait mention de l'article L. 121-21 et suivants du code de la consommation, dispositions qui étaient abrogées au moment de la signature du document le 22 février 2017.
Il est précisé au niveau de ce même bordereau que le formulaire doit être 'expédié au plus tard le quatorzième jour à partir du jour de la commande ou si ce délai expire normalement un samedi, un dimanche ou un jour férié ou chômé, le premier jour ouvrable suivant'.
Il est en outre énoncé dans les conditions générales, s'agissant du droit de rétractation, que 'le client a le droit de se rétracter du présent contrat, sans donner de motif, dans un délai de quatorze jours après le jour de la signature du bon de commande par les parties, à l'issue de la visite chez le client, conformément à l'article 3.2 ci-dessus.'
Ainsi, les modalités d'exercice du droit de rétraction, et notamment le point de départ du délai pour exercer ce droit, n'ont pas été exposées conformément aux dispositions en vigueur au moment de la signature du bon de commande, dispositions qui ont été rappelées ci-dessus. Le point du départ du délai est la réception du bien, le consommateur pouvant, dans le cadre des contrats conclus hors établissement, exercer son droit de rétractation à compter de la conclusion du contrat.
Le jugement doit être confirmé en ce qu'il a prononcé la nullité du contrat principal, le tribunal ayant à juste titre retenu que le contrat ne contenait pas les informations sur la faculté de rétractation offerte conformément à l'article L. 221-18 du code de la consommation, rien ne permettant d'établir que cette information avait été donnée et qu'elle l'avait été dans les conditions prévues par ledit article.
La SA Cofidis fait valoir que M. V. a signé un contrat de crédit, a signé une fiche de dialogue relative à ses revenus et charges, a remis à l'organisme de crédit ses éléments d'identité et de solvabilité, a accepté la livraison de la marchandise, a suivi les travaux, a signé une attestation de livraison, a signé un mandat de prélèvement SEPA, a payé l'intégralité des mensualités depuis l'origine jusqu'au jour du jugement, a obtenu les autorisations administratives. Aussi, en application de l'article 1182 alinéa 3 du code civil, la SA Cofidis considère que M. V. a réitéré son consentement par tous les actes positifs dénués de toute ambiguïté alors même que le bon de commande faisait apparaître tous les articles relatifs au démarchage à domicile.
Or, selon l'article 1181 du code civil, la nullité relative peut être couverte par la confirmation. L'article 1182 définit la confirmation : l'acte par lequel celui qui pourrait se prévaloir de la nullité y renonce, cet acte mentionne l'objet de l'obligation et le vice affectant le contrat. L'exécution volontaire du contrat, en connaissance de la cause de nullité, vaut confirmation.
Néanmoins, si la méconnaissance des dispositions des article L. 221-1 et suivants du code de la consommation n'est sanctionnée que par une nullité relative susceptible d'être couverte par des actes manifestant de la part de l'acquéreur une volonté même tacite de confirmer l'acte, il ne ressort pas des éléments de la cause que M. V., consommateur profane en la matière, adjoint technique en laboratoire, ait eu conscience des vices affectant le contrat principal lorsque celui-ci a commencé à être exécuté et ait manifesté de façon non équivoque une volonté de couvrir les irrégularités du bon de commande.
Le jugement sera en conséquence confirmé en ce qu'il a prononcé la nullité du contrat principal, sans qu'il soit nécessaire d'examiner les autres moyens de nullité soulevés par l'intimé, et en ce qu'il a prononcé, par application des dispositions de l'article L. 312-55 du code de la consommation, l'annulation subséquente du contrat de crédit affecté.
L'annulation du contrat de crédit étant prononcée, la SA Cofidis ne peut agir en exécution du contrat.
- Sur les conséquences de l'annulation des contrats
Le jugement sera confirmé en ce qu'il a ordonné que les parties soient replacées dans leur état originel, sauf à préciser que :
- la SAS JS Services doit restituer à M. V. le prix de 29 400 euros, avec intérêts au taux légal à compter de l'arrêt et application de la capitalisation des intérêts conformément à l'article 1343-2 du code civil ;
- M. V. doit laisser la SAS JS Services reprendre possession de son matériel, avec remise en état des lieux à ses frais, sans que qu'il n'apparaisse nécessaire d'assortir l'obligation de la SAS JS Services d'une astreinte.
Ensuite, dans les rapports entre M. V. et la SA Cofidis, l'annulation du contrat entraîne l'obligation pour le prêteur de rembourser à l'emprunteur les échéances réglées par ce dernier.
Le jugement sera confirmé sur le principe de cette restitution, sauf à dire qu'elle portera sur la totalité des sommes réglées par M. V. à la SA Cofidis, y compris celles réglées dans le cadre de l'exécution du plan de surendettement, sans qu'il ne soit nécessaire d'assortir cette condamnation d'une astreinte.
S'agissant du remboursement par l'emprunteur du capital prêté, il s'évince des articles L.312-48 et L. 312-55 du code de la consommation que le prêteur qui a versé les fonds sans s'être assuré, comme il y était tenu, de la régularité formelle du contrat principal ou de sa complète exécution, peut être privé en tout ou partie de sa créance de restitution, dès lors que l'emprunteur justifie avoir subi un préjudice en lien avec cette faute (Cass. Civ 1ère 25 novembre 2020, 19-14.908).
Le tribunal a à juste considéré que l'organisme prêteur n'avait pas commis de faute dans la libération des fonds : en effet, sont versés aux débats plusieurs documents, tous datés du 21 mars 2017, soit un mois après la signature du contrat, aux termes desquels M. V. a reconnu la bonne exécution de la prestation. Le tribunal a ainsi relevé qu'il avait signé un procès-verbal de réception de travaux, une fiche expertise installation et une fiche de validation d'implantation ; que si le premier document mentionnait une acceptation avec réserves, ces dernières n'étaient pas détaillées, et qu'il était mentionné par M. V. sur la fiche expertise que le chantier était propre et le travail satisfaisant.
Cette analyse est confirmée par la teneur de la pièce n°9 versée par la SA Cofidis, document intitulé 'Attestation de livraison et d'installation demande de financement', signé par M. V. et dans lequel il a repris de sa main, des mentions figurant dans un encadré :
'Je confirme avoir obtenu et accepté sans réserve la livraison des marchandises.
Je constate expressément que tous les travaux et prestations qui devaient être effectués à ce titre ont été pleinement réalisés et que les démarches de raccordement au réseau ont bien été engagées.
En conséquence, je demande à COFIDIS de bien vouloir procéder au décaissement de ce crédit et d'en verser le montant directement entre les mains de la société Green Planet'.
Toutefois, il appartient aussi à la banque prêteuse de vérifier à son initiative la régularité du bon de commande en sollicitant sa communication par le vendeur.
En l'espèce, la SA Cofidis a versé les fonds à la société prestataire alors même que l'examen du bon de commande fait ressortir une irrégularité manifeste du contrat. Alors que la SA Cofidis est un organisme de crédit rompu aux mécanismes de financement de ce type d'installations, elle aurait dû constater que le bon de commande n'était visiblement pas conforme aux dispositions des articles L. 221-1 et suivants du code de la consommation.
L'imprudence fautive de la SA Cofidis est en conséquence caractérisée. La privation de la créance de restitution du prêteur ne peut toutefois être prononcée qu'à la mesure du préjudice subi par l'emprunteur en lien avec la faute retenue. Le jugement sera donc infirmé en ce qu'il a énoncé que la banque serait privée de son droit à restitution du capital emprunté du seul fait de l'existence de cette négligence fautive.
Or, de l'aveu même de M. V., son installation photovoltaïque produit de l'électricité (il produit en pièce n°10 un relevé journalier de production d'énergie) et la SAS JS Services verse aux débats l'attestation de conformité du Consuel en date du 23 mars 2017.
Mais surtout, il y a lieu de constater que la SAS JS Services est à ce jour une société in bonis, ce qui signifie que M. V. dispose d'une créance en restitution du prix de 29 400 euros à l'égard de son vendeur qui lui permettra de restituer le capital emprunté à la banque. En effet, M. V. n'établit pas qu'il est dans l'impossibilité de recouvrer le prix de vente versé par l'organisme de crédit directement entre les mains du vendeur, que celui-ci doit lui restituer du seul fait de l'annulation du contrat de vente entraînant la remise des parties dans leur état antérieur, de sorte que son préjudice pouvant résulter de la privation de sa créance de restitution n'est hypothétique. Il n'y a pas lieu dans ces circonstances de dispenser M. V. de rembourser à la SA Cofidis le capital emprunté d'un montant de 29 400 euros.
La compensation des sommes respectivement dues entre les parties sera ordonnée.
Il n'y a pas lieu d'examiner les demandes de la SA Cofidis formées 'à titre plus subsidiaire' et 'à titre infiniment subsidiaire' à l'encontre de la SAS JS Services.
- Sur la demande de dommages et intérêts de M. V.
M. V. sollicite l'octroi d'une somme de 10 000 euros à titre de dommages et intérêts, faisant valoir que le professionnel et son partenaire prêteur avaient une obligation de conseil sur le caractère adapté de leurs produits ou prestations à ses besoins, et qu'aucune vérification n'a été faite sur sa solvabilité, sur l'adéquation de son projet avec son budget ou encore sur le caractère suffisant du rendement.
Il soutient qu'une étude de rendement contractuellement prévue devait être réalisée préalablement à la souscription du contrat, document qui ne lui a jamais été transmis, et qu'en outre, le commercial de la SAS JS Services avait assuré que la société prendrait en charge la différence si la revente d'électricité était insuffisante à couvrir les mensualités du prêt.
Si le bon de commande fait état d'une 'visite de contrôle technique de chantier ayant pour objet de déterminer la faisabilité de la prestation envisagée', il n'est nullement mentionné la réalisation d'une étude de rendement, et aucun engagement contractuel n'a été pris par la SAS JS Services quant au rendement de l'installation.
Par ailleurs, il résulte de la fiche de dialogue relative aux revenus et charges produite aux débats par le prêteur, qu'il n'existait, au vu des déclarations de l'emprunteur, aucun risque d'endettement excessif :
- M. V. avait déclaré des revenus mensuels de 1 600 euros et au titre des charges un emprunt immobilier avec des échéances mensuelles de 220 euros jusqu'en février 2026,
- il avait mentionné qu'il était célibataire sans enfant à charge.
Des pièces justificatives avaient été communiquées par l'emprunteur.
Il s'agit en outre d'un document que M. V. ne conteste pas avoir signé.
Celui-ci sera par conséquent débouté de sa demande de dommages et intérêts.
- Sur les dépens et l'article 700 du code de procédure civile
Chacune des parties succombant partiellement sur ses demandes conservera la charge des dépens par elle exposés en cause d'appel sans qu'il y ait lieu à condamnation sur le fondement des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile.
PAR CES MOTIFS :
La cour, statuant publiquement, par arrêt contradictoire mis à disposition au greffe,
Confirme le jugement entrepris en ce qu'il a :
- prononcé la nullité du contrat souscrit entre M. Christophe V. et la SAS JS Services suivant bon de commande du 22 février 2017 ;
- constaté l'annulation subséquente et de plein droit du contrat de crédit conclu le 22 février 2017 entre M. Christophe V. et la SA Cofidis ;
- ordonné que les parties soient replacées sans leur état originel ;
- condamné la SA Cofidis à restituer à M. Christophe V. les sommes versées en application du contrat de prêt annulé ;
- condamné la SA Cofidis et la SARL JS Services in solidum aux dépens de première instance ;
Infirme le surplus des dispositions du jugement ;
Statuant à nouveau et y ajoutant :
Dit que la SAS JS Services doit restituer à M. Christophe V. le prix de 29 400 euros, avec intérêts au taux légal à compter de l'arrêt, et application de la capitalisation des intérêts conformément à l'article 1343-2 du code civil, et l'y condamne en tant que de besoin ;
Dit que M. Christophe V. doit laisser la SAS JS Services reprendre possession de son matériel, avec remise en état des lieux à ses frais ;
Déboute M. Christophe V. de ses demandes visant à assortir les condamnations de la SAS JS Services d'astreintes ;
Condamne M. Christophe V. à restituer à la SA Cofidis la somme de 29 400 euros au titre du capital, avec intérêts au taux légal à compter de l'arrêt ;
Déboute M. Christophe V. de sa demande visant à assortir la condamnations de la SA Cofidis d'une astreinte ;
Déboute M. Christophe V. de sa demande de dommages et intérêts ;
Ordonne la compensation des sommes respectivement dues entre les parties ;
Déboute les parties du surplus de leurs demandes ;
Dit n'y avoir lieu à condamnation sur le fondement des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile ;
Dit que chacune des parties conservera la charge des dépens par elle exposés en cause d'appel.