Cass. com., 13 décembre 2011, n° 10-27.413
COUR DE CASSATION
Arrêt
Rejet
COMPOSITION DE LA JURIDICTION
Président :
Mme Favre
Avocats :
SCP Hémery et Thomas-Raquin, SCP Ortscheidt
Sur le moyen unique :
Attendu, selon l'arrêt attaqué (Paris, 22 septembre 2010), que la société ITP est titulaire d'un brevet français n° 96 04812 couvrant un tuyau pour canalisations du type à double enveloppe d'isolation thermique ; que la société Technip France a demandé l'annulation des revendications 1 à 16 de ce brevet pour défaut d'activité inventive ;
Attendu que la société Technip France fait grief à l'arrêt d'avoir rejeté cette demande, alors, selon le moyen :
1°) que l'homme du métier est celui du domaine technique dans lequel se pose le problème que se propose de résoudre l'invention ; qu'en l'espèce, la description du brevet français n° 96 04812 intitulé, de manière générale, "tuyau pour canalisations du type à double enveloppe d'isolation thermique", indique que l'invention concerne "la conception et la réalisation de tuyaux à double enveloppe tels notamment que ceux qui sont destinés à être raccordés bout à bout pour constituer des canalisations, ou qui sont plus particulièrement construits pour former des canalisations au fond des mers, pour servir à véhiculer des produits pétroliers, sous forme liquide et/ou gazeuse" et qu'elle apporte perfectionnement "aux tuyaux qui, d'une manière générale, sont prévus à double enveloppe d'isolation thermique ménageant un espace annulaire étanche entre deux tubes coaxiaux" ; que la revendication 1 de ce brevet, définissant le moyen général de l'invention, couvre un "tuyau à double enveloppe pour canalisations, notamment pour canalisations de produits pétroliers à poser en mer" ; qu'en définissant l'homme du métier comme un ingénieur en conception et fabrication de pipelines, quand le brevet français n° 96 04812 ne concernait pas uniquement des pipelines, mais se rapportait au domaine technique général des canalisations, ne se référant aux canalisations sous-marines de produits pétroliers qu'à titre d'exemple non limitatif d'application de l'invention, la cour d'appel a violé l'article L. 611-14 du code de la propriété intellectuelle ;
2°) qu'en retenant, sur la base d'une lecture erronée de la description, que l'homme du métier serait le technicien des canalisations répondant aux mêmes besoins ou présentant les mêmes qualités que les gazoducs et oléoducs sous-marins, quand il résultait, au contraire, du texte même de la description que le brevet français n° 96 04812 ne mentionnait les canalisations sous-marines de produits pétroliers sous-marins qu'à titre d'exemple d'application possible de l'invention, et visait, de manière générale, des canalisations, sans exiger que celles-ci présentent des caractéristiques analogues à celles des gazoducs et oléoducs sous-marins, ni se limiter à ce type de canalisations, la cour d'appel a méconnu la portée du brevet français n° 96 04812, et a violé les articles L. 611-14 et L. 613-2 du code de la propriété intellectuelle ;
3°) qu''en relevant que la définition de l'homme du métier soutenue par la société Technip France serait contradictoire avec la qualité des témoins, qu'elle a fait intervenir lors de la procédure écossaise, qui avaient tous une grande expérience dans l'ingénierie des pipelines, quand une telle circonstance, dans le cadre d'un litige étranger où il était précisément reproché à la société Technip France d'avoir contrefait les droits de brevet de la société ITP en réalisant des pipelines, ne pouvait valoir reconnaissance de ce que l'homme du métier ne serait pas le technicien de l'isolation des canalisations, et ne pouvait induire la société ITP en erreur sur les intentions de la société Technip France, qui contestait déjà, devant le tribunal d'Edimbourg, l'activité inventive du dispositif breveté par la société ITP, et ne pouvait davantage valoir renonciation à se prévaloir de cette définition de l'homme du métier, la cour d'appel s'est prononcée par un motif inopérant, en violation de l'article L. 611-14 du code de la propriété intellectuelle ;
Mais attendu que l'arrêt retient, par motifs propres et adoptés, que l'invention vise à réaliser des canalisations, à double enveloppe d'isolation thermique, présentant une bonne étanchéité et durabilité tout en étant susceptibles de couvrir de très importantes distances et de résister à des opérations de transport, d'assemblage et d'immersion ainsi qu'à de fortes contraintes au regard des fluides véhiculés qui doivent rester à des températures constantes ; qu'en l'état de ces constatations et appréciations, la cour d'appel qui a retenu, sans méconnaître la portée du brevet, que l'invention ne pouvait s'étendre au-delà des tuyaux devant répondre aux mêmes exigences que les gazoducs et oléoducs sous-marins, a pu décider, abstraction faite du motif surabondant visé par la troisième branche, que l'homme du métier était un ingénieur en conception et fabrication de pipelines ; que le moyen n'est pas fondé ;
PAR CES MOTIFS :
REJETTE le pourvoi ;
Condamne la société Technip France aux dépens.