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Décisions

CA Dijon, 2e ch. civ., 3 mars 2022, n° 20/00036

DIJON

Arrêt

Infirmation partielle

PARTIES

Défendeur :

Groupe Elabor (SA)

COMPOSITION DE LA JURIDICTION

Président :

Mme Vautrain

Conseillers :

M. Wachter, Mme Dumurgier

Avocats :

Me Pizzolato, Me Joubert, Me Gerbay

T. com. Dijon, du 21 nov. 2019, n° 20170…

21 novembre 2019

FAITS, PROCÉDURE, PRÉTENTIONS ET MOYENS DES PARTIES

Par acte sous seing privé du 29 janvier 2008, la SA Groupe Elabor, bureau d'études spécialisé dans l'aménagement des territoires, l'ingénierie, l'expertise et le conseil, a confié à Mme X le mandat de la représenter en vue de la vente de ses prestations et produits d'ingénierie et de conseils en réaménagement des cimetières, auprès des communes de moins de 10 000 habitants du département de l'Oise.

Le contrat prévoyait la réalisation par l'agent commercial d'un chiffre d'affaires annuel minimum de 150 000 euros HT.

Il était expressément stipulé que, sur le secteur attribué, l'agent ne bénéficierait pas de l'exclusivité de la représentation du mandant des produits listés en annexe 1 mais, qu'à l'échéance de la période probatoire d'un an, il pourrait bénéficier de l'exclusivité sur ce département sous certaines réserves.

Le contrat s'est poursuivi au-delà de la période probatoire et, par courrier du 21 juillet 2011, la société Groupe Elabor a informé Mme X que les logiciels de gestion de cimetières ne pourraient plus être commercialisés, le service logiciels du Groupe ayant décidé d'abandonner les logiciels existants.

Au cours de l'année 2014, la société Groupe Elabor, qui avait décidé de modifier les contrats de ses agents commerciaux, a soumis un projet de nouveau contrat à Mme X qui l'a retourné avec des modifications qui n'ont pas été acceptées par le mandant.

Les relations contractuelles se sont ainsi poursuivies dans les termes et conditions du contrat du 29 janvier 2008.

A compter de l'année 2014, Mme X a formulé un certain nombre de réclamations à son mandant, portant notamment sur un arriéré de commissions, sur le non-respect par ce dernier de l'exclusivité accordée sur le département de l'Oise et sur l'extension de son secteur au département de la Somme.

Par courrier du 4 juillet 2016, Mme X, constatant que son mandant ne respectait pas son exclusivité et considérant qu'il avait pris l'initiative de la révoquer dans des conditions abusives, a sollicité une indemnité de cessation de contrat et une indemnité de préavis de trois mois ainsi que le paiement de ses commissions sur toutes les affaires occultées.

Par courrier du 12 juillet 2016, le conseil de Mme X a reproché à la SA Groupe Elabor le non-respect de la clause d'exclusivité et la rupture abusive et sans préavis du mandat de représentation sur le secteur de la Somme.

Par courrier du 18 juillet 2016 la SA Groupe Elabor a contesté avoir accordé une quelconque exclusivité territoriale à l'agent et lui être redevable de commissions et a pris acte de la rupture du contrat d'agent commercial à l'initiative de Mme X, privant cette dernière de toute indemnité compensatrice.

Par acte du 29 mai 2017, Mme X a fait assigner la SA Groupe Elabor devant le Tribunal de commerce de Dijon afin d'obtenir sa condamnation à lui payer, au visa des articles 1134 ancien du code civil, 1103 et 1104 nouveaux du code civil, L. 134-1 et suivants du code de commerce :

- La somme de 36 000 euros à titre de dommages-intérêts liés à la perte d'exploitation pour la période de 2012 à 2016.

- La somme de 30 000 euros à titre de dommages-intérêts liés à la rupture injustifiée du contrat d'agent commercial.

- La somme de 13 161 euros à titre de commissions impayées.

- La somme de 3 000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile.

- Les entiers dépens.

Elle prétendait que la modification de son contrat d'agent commercial en 2011, par le retrait de la commercialisation du logiciel cimetière, lui a généré une perte d'exploitation importante constatée dès l'année 2013.

Elle reprochait à son mandant d'avoir violé la clause d'exclusivité figurant au contrat en lui cachant la conclusion de plusieurs contrats sur sa zone d'exclusivité, pour lesquels elle est en droit de prétendre au versement de commissions, en considérant que l'alinéa 2 de l'article 3 du contrat pose difficulté car, tout en indiquant que l'agent ne bénéficie pas d'une exclusivité de la représentation, il prévoit qu'il pourra, à l'échéance de la période probatoire, néanmoins bénéficier de l'exclusivité sous deux réserves, à savoir que certaines prestations sont exclues et que le mandant peut travailler en direct avec ses propres clients.

Elle contestait enfin être à l'origine de la rupture du contrat d'agent commercial, alors que, d'une part, il s'agit d'une initiative du mandant dans son courrier du 18 juillet 2016, et que, d'autre part, la SA Groupe Elabor a manqué à ses obligations contractuelles en refusant de lui payer certaines commissions, en démarchant des clients en fraude de ses droits et en modifiant unilatéralement son contrat.

La SA Groupe Elabor a conclu au débouté de l'ensemble des demandes formées par Mme X en sollicitant sa condamnation au paiement d'une indemnité de procédure de 5 000 euros.

Elle a soutenu que l'agent commercial ne pouvait prétendre à aucune exclusivité, le secteur de l'Oise lui ayant été concédé sans exclusivité et celui de la Somme ne lui ayant jamais été octroyé, et qu'il ne pouvait pas davantage prétendre au paiement de commissions alors que le contrat ne prévoyait pas de droit à commission sur les ventes indirectes et que les ventes litigieuses avaient été conclues sans son intervention.

Elle précisait, qu'aux termes du contrat, elle s'était réservé la faculté d'accorder l'exclusivité à son agent, à l'issue de la période probatoire d'un an, ce qui aurait dû nécessairement faire l'objet d'un avenant, conformément aux dispositions de l'article 11 du contrat, en indiquant, qu'à l'issue de la période d'un an, elle n'a pas souhaité consentir d'exclusivité à Mme X.

Elle a également relevé que Mme X ne rapportait pas la preuve de la perte d'exploitation consécutive à la modification du contrat intervenue en 2011, n'ayant jamais atteint les objectifs fixés au contrat.

Elle contestait avoir manqué à ses obligations contractuelles et prétendait que la rupture du contrat était imputable à la demanderesse qui en a pris l'initiative au mois de juillet 2016.

Par jugement rendu le 21 novembre 2019, le Tribunal de commerce de Dijon a :

- Débouté Mme X de l'intégralité de ses demandes.

- Condamné Mme X à payer à la SA Groupe Elabor la somme de 500 euros en application de l'article 700 du code de procédure civile.

- Condamné Mme X en tous les dépens de l'instance.

Mme X a régulièrement relevé appel de ce jugement, par déclaration reçue au greffe le 8 janvier 2020, portant sur l'ensemble des chefs de dispositif de la décision.

Saisi d'une demande de l'appelante aux fins de condamnation de l'intimée à lui communiquer son compte de résultat détaillé de 2008 à 2019, et, sur la même période, les devis acceptés et les factures portant sur les produits et prestations similaires à ceux dont la commercialisation lui était confiée dans les départements de l'Oise et de la Somme, sous astreinte de 300 euros par jour de retard, le magistrat de la mise en état, par ordonnance du 12 octobre 2021, a débouté Mme X de l'intégralité de ses prétentions en la condamnant aux dépens de l'incident et au paiement d'une indemnité de procédure de 800 euros.

Au terme de ses conclusions n° 2 notifiées le 19 octobre 2020, l'appelante demande à la Cour de :

Vu les articles 1104, 1110, 1188 et suivants du code civil,

Vu les articles L. 134-5, L. 134-6, L. 134-12 et L. 134-13 du code de commerce,

- La dire et juger recevable et bien fondée en son appel.

- Dire et juger qu'elle bénéficiait d'une exclusivité sur le département de l'Oise et sur celui de la Somme.

- Dire et juger que le Groupe Elabor a manqué à ses obligations contractuelles en refusant le paiement des commissions directes et indirectes qui lui étaient dues.

- Dire et juger que le Groupe Elabor a manqué à son obligation de loyauté en lui retirant la commercialisation d'une partie de ses produits et en la confiant à un autre agent commercial.

- Dire et juger que le comportement fautif du Groupe Elabor est à l'origine de la rupture du contrat d'agent commercial.

En conséquence,

- Infirmer le jugement en ce qu'il l'a déboutée de l'ensemble de ses demandes et l'a condamnée à payer au Groupe Elabor la somme de 500 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile outre les entiers dépens.

Statuant à nouveau,

- Condamner le Groupe Elabor à lui payer la somme de 12 881,11 euros au titre des commissions impayées.

- Condamner le Groupe Elabor à lui payer la somme de 36 000 euros de dommages et intérêts au titre de la perte d'exploitation résultant de ses manquements à son obligation de loyauté.

- Condamner le Groupe Elabor à lui payer la somme de 30 000 euros de dommages et intérêts à titre d'indemnité compensatrice du préjudice subi du fait de la rupture.

- Condamner le Groupe Elabor à lui payer la somme de 5 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile outre les entiers dépens.

- Statuer ce que de droit quant aux dépens de première instance et d'appel.

Par conclusions n° 2 notifiées le 30 mars 2021, l'intimée demande à la Cour de :

- Dire son appel incident recevable et bien fondé.

- Écarter des débats la pièce 13 communiquée par Mme X.

- Confirmer le jugement rendu par le Tribunal de commerce de Dijon le 21 novembre 2019 sauf à le réformer partiellement pour condamner Mme X au paiement de la somme de 8 170 euros au titre des frais irrépétibles exposés en première instance.

- Confirmer le jugement pour le surplus.

- Débouter Mme X de toutes ses demandes.

Y ajoutant

- Condamner Mme X à lui payer la somme de 5 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile.

- Condamner Mme X aux dépens d'appel.

La clôture de la procédure a été prononcée le 30 novembre 2021.

En application de l'article 455 du code de procédure civile, il est référé, pour l'exposé des moyens des parties, à leurs dernières conclusions susvisées.

SUR QUOI

La demande des intimées tendant à voir écarter la pièce n° 13 communiquée par Mme X au seul motif qu'elle ne respecte pas les prescriptions de l'article 202 du code de procédure civile sera rejetée, cette prétendue irrégularité étant seulement de nature à affecter la force probante de cette attestation.

Sur l'imputabilité de la rupture du contrat,

A hauteur d'appel, Mme X ne conteste plus avoir pris l'initiative de la rupture du contrat d'agent commercial par courrier du 4 juillet 2016 mais elle prétend que le comportement fautif du mandant est à l'origine de cette rupture.

Elle reproche ainsi à la société Groupe Elabor d'avoir modifié unilatéralement plusieurs éléments essentiels du contrat, ce qui a entraîné une chute de son chiffre d'affaires et l'a contrainte à mettre fin au contrat.

Elle considère ainsi avoir droit au paiement d'une indemnité de fin de contrat en application de l'article L. 134-13 2° du code de commerce.

Sur le non-respect par le mandant d'une clause d'exclusivité prévue au contrat.

En premier lieu, l'appelante, après avoir rappelé que le contrat d'agent commercial est soumis aux règles spécifiques prévues aux articles L. 134-1 et suivants du code de commerce et non au principe de liberté contractuelle comme le soutient l'intimée, prétend que, conformément aux règles d'interprétation des contrats prévues aux articles 1188 et suivants du code civil, la clause du contrat d'agent commercial relative à l'exclusivité de la représentation sur le département de l'Oise doit être être interprétée comme accordant automatiquement l'exclusivité sur le secteur à l'issue de la période probatoire.

Elle fait valoir que l'emploi du futur, et non du conditionnel, est sans équivoque et considère que cette interprétation est la plus logique en combinant les termes de la clause relative à la durée et ceux de la clause relative à l'exclusivité, le renouvellement automatique du contrat à l'issue de la durée d'un an entraînant automatiquement l'octroi de l'exclusivité.

Elle estime que le Groupe Elabor ne peut tirer avantage de la rédaction équivoque de la clause car le contrat doit être considéré comme un contrat d'adhésion au sens de l'article 1110 du code civil, son contenu ayant été rédigé et imposé par le Groupe Elabor, et l'exclusivité était expressément mentionnée dans le projet d'avenant de 2014.

Elle conteste les affirmations de l'intimé selon lesquelles ses résultats auraient été insuffisants pour bénéficier d'une exclusivité, qui ne reposent sur aucune pièce, alors que, pendant plusieurs années, la relation contractuelle s'est poursuivie sans qu'aucun reproche ne lui soit adressé.

Elle soutient que l'existence d'une clientèle réservée au mandant n'est pas incompatible avec une exclusivité en rappelant avoir contesté, dès qu'elle en a eu connaissance, l'intervention du mandant sur les communes d'Amblainville et de Catenoy qui ne figuraient pas sur la liste de la clientèle réservée, le Groupe Elabor ayant modifié unilatéralement la liste de la clientèle réservée.

Elle prétend enfin démontrer qu'elle bénéficiait d'une exclusivité sur le département de la Somme qui lui était également octroyé, au moyen du témoignage de M. B... qui, si il n'est pas établi selon le formalisme de l'article 202 du code de procédure civile, est un commencement de preuve par écrit corroboré par l'organigramme du Groupe Elabor et le courrier de l'association des maires de France.

La SA Groupe Elabor conteste l'exclusivité revendiquée en faisant valoir que le département de l'Oise a été contractuellement attribué à Mme X mais sans exclusivité, l'article 3 du contrat prévoyant que cette exclusivité pourrait lui être consentie à l'issue d'une période probatoire d'un an, sans qu'il soit fait mention du caractère automatique du bénéfice de l'exclusivité, l'utilisation du verbe pouvoir renforçant le caractère hypothétique de l'octroi d'un tel droit.

Elle estime que la clause est très claire et dénuée de toute ambiguïté et qu'elle n'est sujette à aucune interprétation et conteste la qualification de contrat d'adhésion revendiquée par l'appelante en expliquant que les accords conclus avec les agents commerciaux sont systématiquement soumis à une négociation libre et éclairée, ce que démontrent les échanges entre les parties sur le nouveau contrat d'agent en 2014 mais également la désignation parmi les agents d'un représentant chargé de mener les discussions avec le mandant.

Elle ajoute, qu'en formulant ainsi la clause du contrat, elle s'est réservé la faculté d'accorder ou non l'exclusivité à Mme X à l'issue de la période probatoire au vu notamment de ses résultats commerciaux et de ses compétences professionnelles et précise que ses résultats se sont révélés loin d'être suffisants pour qu'elle puisse bénéficier d'une exclusivité, ce qu'elle lui a rappelé en 2012 mais également en 2014.

Elle affirme que le bénéfice de l'exclusivité aurait nécessairement dû faire l'objet d'un avenant, conformément aux dispositions de l'article 11 alinéa 2 du contrat prévoyant que toute modification au contrat sera faite par un avenant signé par les parties, et relève qu'aucun avenant n'a été établi en l'espèce.

Elle indique enfin que le département de la Somme n'a jamais été octroyé à l'agent en faisant valoir que le contrat n'en fait pas mention et que l'attestation de M. B... dont se prévaut l'appelante pour rapporter la preuve qu'elle lui aurait confié le territoire de la Somme n'est pas conforme aux dispositions de l'article 202 code de procédure civile, n'étant pas datée et ne précisant pas le lien du témoin avec Mme X, ni qu'elle est établie en vue de sa production en justice.

L'article 3 du contrat d'agent commercial prévoit expressément que l'agent commercial exercera son mandat dans le département de l'Oise et qu'il ne bénéficiera pas de l'exclusivité de la représentation du mandant en précisant « néanmoins, à l'échéance de la période du présent contrat considéré comme probatoire, l'agent pourra bénéficier de l'exclusivité sur ce département sous réserve des exceptions suivantes », ce qui signifie, sans aucune équivoque, qu'il s'agissait d'une simple faculté et que l'exclusivité n'était pas automatiquement acquise à Mme X à l'issue de la période probatoire, comme l'a exactement retenu le tribunal.

Il ne ressort pas du contrat que l'agente s'est vu confier le département de la Somme et l'attestation rédigée par M. Y., qu'elle produit pour apporter cette preuve, est dépourvue de toute force probante faute d'avoir été établie selon les formes légales.

Le prétendu organigramme versé aux débats sur lequel Monsieur Y apparaît comme chargé des départements 60 et 80 est dépourvu de toute pertinence pour démontrer que le mandant a confié le département de la Somme à l'appelante.

Par ailleurs, il résulte des éléments du dossier que Mme X savait, dès la conclusion du contrat, que le mandant concluait directement des opérations avec des communes situées sur le département de l'Oise, qualifiées par les parties de « clientèle réservée ».

Le manquement reproché par Mme X à la société Groupe Elabor au titre du non-respect d'une clause d'exclusivité n'est donc pas caractérisé et ne saurait justifier une rupture du contrat aux torts de cette dernière.

Sur le non-paiement de commissions dues,

En second lieu, Mme X reproche à son mandant d'avoir refusé de payer les commissions directes qui lui étaient dues au motif que ses clientes avaient pris attache directement avec lui et d'avoir également refusé le paiement de commissions indirectes relatives à des ventes conclues par un autre prestataire sur son secteur et auprès de sa clientèle prétendument réservée, faisant grief à l'intimée de refuser de produire la liste des ventes réalisées sur son secteur et sur la période concernée.

Elle prétend que l'absence d'exclusivité n'est pas un obstacle au droit à commission puisque l'article L. 134-6 alinéa 2 du code de commerce prévoit le commissionnement indirect né de la seule localisation de l'opération concernée dans le secteur confié et/ou auprès d'un groupe de personnes déterminées.

Elle ajoute que, si les parties peuvent expressément déroger à ces dispositions légales, la clause du contrat relative à son droit à commissions ne traite que du droit au commissionnement direct de l'agent commercial, encadrant le formalisme des ventes réalisées par l'intermédiaire de l'agent, et non de celles réalisées sans son intermédiaire.

Elle en déduit que le contrat ne contient aucune dérogation au droit de commission indirect prévu par l'article L. 134-6 alinéa 2, en rappelant que cette dérogation doit être expressément convenue car la renonciation à un droit ne peut résulter que d'actes manifestant, sans équivoque, la volonté de renoncer, laquelle n'a jamais été exprimée en l'espèce concernant son droit de percevoir des commissions indirectes sur les ventes réalisées sans son intermédiaire.

Elle estime être d'autant plus fondée à réclamer le paiement de commissions que des ventes ont été réalisées auprès de clients qu'elle avait démarchés, ce qu'a reconnu l'intimée dans un courrier du 3 décembre 2014, en précisant avoir identifié huit ventes pour lesquelles le Groupe Elabor, qui n'avait jusqu'alors jamais contesté le calcul des commissions, se retranche désormais derrière le fait que les pièces produites ne seraient que des devis, en s'abstenant toutefois de produire les relevés de ses ventes sur le secteur pendant la durée de la relation contractuelle.

Selon l'article L. 134-6 alinéa 2 du code de commerce, lorsqu'il est chargé d'un secteur géographique ou d'un groupe de personnes déterminé, l'agent commercial a également droit à la commission pour toute opération conclue pendant la durée du contrat d'agence avec une personne appartenant à ce secteur ou à ce groupe.

Or, comme l'affirme à bon droit l'intimée, si le droit à commission indirecte existe en vertu du texte précité, c'est à la condition qu'aucune clause contraire ne figure dans le contrat.

En l'espèce, il résulte de l'article 7-1. 1 du contrat d'agent commercial que le droit à commission est ouvert sur les ventes réalisées par l'intervention de l'agent commercial matérialisées par un bon de commande signé du client et contresigné par l'agent, complété de la délibération du conseil municipal et de la fiche signalétique dûment remplie par l'agent et accepté par le mandant après établissement d'une fiche de mise en production conforme aux prix et conditions de vente en vigueur à la date de signature de la commande.

Cette clause qui prévoit que le droit à commission est ouvert pour les seules ventes conclues par l'intermédiaire de l'agent exclut le droit à commissions sur les ventes indirectes et Mme X n'est donc pas fondée à réclamer le paiement de commissions sur des ventes réalisées sans son intervention.

Elle ne justifie par ailleurs pas que des commissions sur des ventes conclues par son intermédiaire ne lui ont pas été réglées, étant observé que le détail du calcul des commissions réclamées n'est pas expliqué.

Elle ne démontre donc pas que la rupture du contrat a été justifiée par l'inexécution par le mandant de son obligation au paiement de commissions qui lui étaient dues.

Sur la perte d'exploitation résultant du retrait de la commercialisation des logiciels de gestion de cimetières.

En dernier lieu, l'appelante reproche à la société Groupe Elabor de lui avoir retiré sans délai la commercialisation de ses logiciels de gestion de cimetières en invoquant un motif mensonger, ayant confié la commercialisation de ces logiciels à un autre prestataire.

Se prévalant des dispositions de L. 134-5 du code de commerce en vertu desquelles les rapports entre l'agent commercial et le mandant sont régis par une obligation de loyauté et un devoir réciproque d'information, Mme X relève que l'intimée ne démontre pas qu'elle a pu continuer à commercialiser les logiciels de gestion de cimetières après le courrier du 21 juillet 2011, alors que son mandant lui avait faussement affirmé qu'ils n'étaient plus commercialisés.

Elle affirme que la société Groupe Elabor a reconnu avoir confié la vente des logiciels à un autre agent commercial, la société JVS Mairisteam, sur son secteur, et qu'elle a tenté ensuite de lui imposer cette modification en lui proposant la signature d'un nouveau contrat.

Elle considère, qu'en procédant ainsi, le mandant a manqué à son obligation de loyauté et lui a causé un préjudice puisque son chiffre d'affaires a subi une baisse importante.

Or, comme l'a exactement retenu le tribunal, l'article 1er alinéa 9 du contrat permettait au mandant de confier ultérieurement à l'agent la vente de tout autre produit et/ou article ou de supprimer la vente de certains de ses produits.

Si, par courrier du 21 juillet 2011, la société Groupe Elabor a informé l'agente qu'elle ne pourrait plus commercialiser les logiciels de gestion de cimetières, le service Logiciels Innovation de la société ayant décidé d'abandonner les logiciels existants, à savoir Sélénia, 4.21 et CDF Web, aucune des pièces produites ne démontre que la commercialisation de ces mêmes logiciels a été confiée à la société JVS-Mairisteam.

En outre, Mme X ne justifie pas de la perte d'exploitation que lui aurait causé le retrait de ces produits, les chiffres d'affaires sur lesquels elles se base pour calculer son préjudice ne distinguant pas la part de chiffre d'affaire afférente à la commercialisation des produits litigieux.

Le manquement de la société Groupe Elabor à son devoir de loyauté n'est donc pas davantage caractérisé et l'appelante échoue ainsi à démontrer que la rupture du contrat était justifiée par des circonstances imputables au mandant, le jugement méritant confirmation en toutes ses dispositions.

Sur les demandes accessoires,

L'appelante qui succombe supportera la charge des dépens d'appel.

Il est par ailleurs équitable de mettre à sa charge une partie des frais de procédure non compris dans les dépens exposés par l'intimée.

Elle sera ainsi condamnée à lui verser une somme de 2 000 euros en application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile.

PAR CES MOTIFS

La Cour,

Déclare Mme X recevable mais mal fondée en son appel principal et l'en déboute,

Rejette la demande de la SA Groupe Elabor tendant à voir écarter des débats la pièce n° 13 communiquée par l'appelante,

Confirme en toutes ses dispositions soumises à la cour le jugement rendu le 21 novembre 2019 par le tribunal de commerce de Dijon,

Y ajoutant,

Condamne Mme X à payer à la SA Groupe Elabor la somme de 2 000 euros en application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile,

Condamne Mme X aux dépens d'appel.