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Décisions

Cass. 3e civ., 2 mars 2022, n° 21-10.753

COUR DE CASSATION

Arrêt

Cassation

PARTIES

Défendeur :

O Spa des Sens (Sarl)

COMPOSITION DE LA JURIDICTION

Président :

Mme Teiller

Rapporteur :

M. Maunand

Avocat général :

M. Burgaud

Avocats :

Me Balat, SCP Foussard et Froger

Cass. 3e civ. n° 21-10.753

2 mars 2022

Désistement partiel

1. Il est donné acte à la société [B] [G] et [U] (la société [B]) du désistement de son pourvoi en ce qu'il est dirigé contre M. [D].

Faits et procédure

2. Selon l'arrêt attaqué (Pau, 24 novembre 2020), M. [O] [B] a confié à la société [B] la construction d'un bâtiment à usage professionnel.

3. Le prix des travaux comprenait la souscription d'une assurance dommages-ouvrage pour le compte du maître d'ouvrage.

4. La propriété de l'immeuble a été transférée à la société civile immobilière 2M (la SCI 2M) et les locaux ont ensuite été donnés à bail à la société O spa des sens.

5. M. [B], la SCI 2M et la société O Spa des sens ont assigné la société [B] aux fins d'indemnisation de préjudices résultant de l'absence d'assurance dommages-ouvrage et décennale ainsi que de différentes malfaçons et non-conformités.

Examen des moyens

Sur les deuxième et cinquième moyens du pourvoi principal, ci-après annexés

6. En application de l'article 1014, alinéa 2, du code de procédure civile, il n'y a pas lieu de statuer par une décision spécialement motivée sur ces moyens qui ne sont manifestement pas de nature à entraîner la cassation.

Sur le premier moyen du pourvoi principal

Enoncé du moyen

7. La société [B] fait grief à l'arrêt de la condamner à verser à M. [B] une certaine somme, dont celle de 15 000 euros au titre de l'absence des assurances obligatoires, alors :

« 1°/ que la réfaction du prix a un objet distinct de celui des dommages-intérêts réparant les conséquences dommageables d'un manquement à l'obligation de délivrance ; qu'en allouant à M. [O] [B] la somme de 15 000 euros au motif que, « le prix convenu comprenant la souscription d'une assurance dommages-ouvrage, M. [O] [B] est fondé, en sa qualité de maître de l'ouvrage, à demander en compensation du préjudice subi réfaction du prix à hauteur du coût d'une telle assurance », la cour d'appel a fondé sa décision à la fois sur la réfaction du prix et sur la compensation d'un préjudice lié à un manquement à l'obligation de délivrance et qu'en statuant ainsi, elle a violé les articles 1134 et 1147 anciens du code civil, dans leur rédaction applicable en l'espèce ;

2°/ que le juge ne peut, dans l'état du droit antérieur à l'ordonnance n° 2016-131 du 10 février 2016, modifier le prix convenu par les parties ; qu'en fondant la condamnation prononcée à l'encontre de la société [G] et [U] [B] sur la réfaction du prix convenu dans un contrat conclu le 21 avril 2011, la cour d'appel a violé l'article 1134 ancien du code civil, dans sa rédaction applicable en l'espèce ;

3°/ qu'en déclarant, pour allouer à M. [O] [B] la somme de 15 000 euros au titre de l'absence de souscription par la société [G] et [U] [B] d'une assurance dommages-ouvrages, compenser un préjudice subi par M. [O] [B] du fait de cette non-conformité, sans caractériser le préjudice subi par ce dernier, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard de l'article 1147 ancien du code civil, dans sa rédaction applicable en l'espèce. »

Réponse de la Cour

8. Par motifs propres et adoptés, la cour d'appel a relevé que la police d'assurance dommages-ouvrage, dont le coût était compris dans le prix du marché de travaux, n'avait pas été souscrite par le constructeur pour le compte du maître d'ouvrage.

9. Elle a évalué à la somme de 15 000 euros le coût de la souscription d'une telle assurance et alloué cette somme au maître d'ouvrage en réparation de son préjudice.

10. En dépit d'une impropriété de termes, la cour d'appel n'a pas réduit le prix convenu mais a octroyé au maître d'ouvrage des dommages-intérêts pour compenser un préjudice dont elle a souverainement fixé le montant.

11. Le moyen n'est donc pas fondé.

Sur le moyen du pourvoi incident éventuel

Enoncé du moyen

12. M. [B] et la SCI 2M font grief à l'arrêt de rejeter leur demande en paiement d'une indemnité à raison du défaut de souscription par la société [B] d'une assurance de responsabilité décennale, alors « que l'absence de souscription d'une assurance obligatoire de responsabilité décennale par un entrepreneur prive le maître de l'ouvrage et les propriétaires successifs du bien de la sécurité procurée par l'assurance en prévision de sinistres et constitue un préjudice certain ; qu'en retenant, pour écarter la demande indemnitaire formée par M. [O] [B], maître de l'ouvrage et la SCI 2M, actuel propriétaire du bien, à raison du défaut de souscription d'une assurance de responsabilité décennale, qu'en l'absence de désordre de gravité décennale survenu à ce jour, le préjudice invoqué n'était qu'éventuel, les juges du fond ont violé l'article L. 241-1 du code des assurances. »

Réponse de la Cour

13. Dans leurs conclusions d'appel, M. [B] et la SCI 2M réclamaient l'indemnisation d'un préjudice constitué, d'une part, de la dépréciation du bâtiment en cas de vente de l'immeuble dans les dix ans, d'autre part, de l'absence de toutes assurances tant de dommages que de responsabilité, en cas de désordres survenant pendant les dix années suivant la réception.

14. Ils ne réclamaient pas l'indemnisation d'un préjudice moral lié à l'insécurité engendrée par l'absence d'assurance décennale.

15. La cour d'appel, a pu en déduire, en l'absence de vente de l'immeuble et de dommages de nature décennale, que le préjudice invoqué n'était qu'éventuel.

16. Le moyen n'est donc pas fondé.

Sur le quatrième moyen du pourvoi principal

Enoncé du moyen

17. La société [B] fait grief à l'arrêt de la condamner à verser à la SCI 2M une certaine somme, dont celle de 608 euros au titre du dysfonctionnement des commandes électriques des volets roulants, alors « que la réception des travaux couvre tout vice ou défaut de conformité apparent qui n'a pas fait l'objet de réserves ; qu'en l'état d'une réception intervenue sans réserve, il appartient donc au maître d'ouvrage de rapporter la preuve de ce que le défaut de conformité qu'il allègue n'était pas apparent le jour de la réception intervenue sans réserve ; qu'en affirmant qu'il incombait à la société [B] [G] et [U] de rapporter la preuve de ce que le vice allégué par le maître d'ouvrage, relatif au fonctionnement des volets roulants, était apparent le jour de la réception intervenue sans réserve, la cour d'appel qui a inversé la charge de la preuve a violé l'article 1353 du code civil. »

Réponse de la Cour

18. Par motifs propres et adoptés, la cour d'appel a retenu que le dysfonctionnement des commandes électriques de volets roulants provenait, à dire d'expert, de l'inadaptation de cet équipement, extrêmement sensible à l'humidité, à un local spa.

19. Les désordres étant apparus à l'usage, elle a pu en déduire, abstraction faite du motif surabondant critiqué par le moyen, que le constructeur en devait réparation.

20. Le moyen n'est donc pas fondé.

Mais sur le troisième moyen du pourvoi principal

Enoncé du moyen

21. La société [B] fait grief à l'arrêt de la condamner à verser à la SCI 2M une certaine somme, dont celle de 6 335 euros au titre de la non-conformité des bois des terrasses extérieures, alors « que la réception des travaux couvre tout vice ou défaut de conformité apparent qui n'a pas fait l'objet de réserves ; qu'en l'état d'une réception intervenue sans réserve, il appartient donc au maître d'ouvrage de rapporter la preuve de ce que le défaut de conformité qu'il allègue n'était pas apparent le jour de la réception intervenue sans réserve ; qu'en affirmant qu'il incombait à la société [B] [G] et [U] de rapporter la preuve de ce que le défaut de conformité relatif au bois des terrasses extérieures était apparent le jour de la réception intervenue sans réserve, la cour d'appel qui a inversé la charge de la preuve a violé l'article 1353 du code civil. »

Réponse de la Cour

Vu l'article 1315, alinéa 1er, devenu 1353, alinéa 1er, du code civil :

22. Selon ce texte, celui qui réclame l'exécution d'une obligation doit la prouver.

23. Il s'ensuit qu'il incombe au maître ou à l'acquéreur de l'ouvrage qui agit sur le fondement de l'article 1792 du code civil de rapporter la preuve que les conditions d'application de ce texte sont réunies (3e Civ., 7 juillet 2004, pourvoi n° 03-14.166, Bull., 2004, III, n° 142).

24. Pour condamner la société [B] à payer une certaine somme au titre de la non-conformité du bois de la terrasse, l'arrêt retient que l'entrepreneur ne rapporte pas la preuve du caractère apparent de cette non-conformité pour un maître d'ouvrage profane au jour de la réception.

25. En statuant ainsi, alors qu'il incombait à la SCI 2M, qui réclamait l'indemnisation d'une non-conformité n'ayant pas fait l'objet d'une réserve lors de la réception, de prouver qu'elle n'était pas apparente à cette date pour le maître d'ouvrage, la cour d'appel, qui a inversé la charge de la preuve, a violé le texte susvisé.

Portée et conséquences de la cassation

26. La cassation prononcée sur le troisième moyen du pourvoi principal est limitée à la condamnation de la société [B] à payer à la SCI 2M la somme de 6 335 euros au titre de la non-conformité des bois des terrasses extérieures et ne s'étend pas aux autres sommes comprises dans la condamnation globale.

PAR CES MOTIFS, la Cour :

CASSE ET ANNULE, mais seulement en ce que qu'il condamne la société [B] [G] et [U] à payer à la société civile immobilière 2M la somme de 6 335 euros au titre de la non-conformité des bois des terrasses extérieures comprise dans la condamnation globale au paiement de la somme de 52 062,37 euros, l'arrêt rendu le 24 novembre 2020, entre les parties, par la cour d'appel de Pau ;

Remet, sur ce point, l'affaire et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant cet arrêt et les renvoie devant la cour d'appel de Pau autrement composée ;

Condamne la société civile immobilière 2M aux dépens ;

En application de l'article 700 du code de procédure civile, rejette les demandes.