CA Paris, Pôle 5 ch. 4, 2 mars 2022, n° 20/02823
PARIS
Infirmation
PARTIES
Demandeur :
Serviceplan Paris (SAS)
Défendeur :
Bonduelle Europe Long Life (SAS)
COMPOSITION DE LA JURIDICTION
Président :
Mme Dallery
Conseillers :
Mme Depelley, Mme Lignières
Avocats :
Me Hardouin, Me Pauvert, Me Fertier, Me Warembourg
La société Serviceplan Paris (ci-après « Serviceplan »), anciennement « Dufresne Corrigan Scarlett », est une agence de conseil en communication.
La société Bonduelle Europe long life (ci-après « Bonduelle »), spécialisée dans le domaine agroalimentaire international (autre transformation et conservation de légumes), est entrée en relation d'affaires avec une agence de conseil en communication, la société Serviceplan Paris (ci-après « Serviceplan »), anciennement « Dufresne Corrigan Scarlett », par la signature d'un contrat le 1er octobre 2017 [sic], à effet à cette date, (pièce 5 de Serviceplan) par lequel elle lui confiait en exclusivité le rôle de conseil en publicité pour la marque Cassegrain pour le territoire de la France métropolitaine.
Le 21 octobre 2008 un nouveau contrat intitulé « Contrat de collaboration Agence Annonceur » (pièce 6 de Serviceplan) était conclu entre les parties à effet du 1er janvier 2008 pour une durée indéterminée, résiliable à tout moment moyennant un préavis de trois mois. Il accordait en exclusivité à la société Serviceplan (l'Agence) la conception et la réalisation des campagnes de publicité média pour les produits « légumes en conserve » à la marque Cassegrain pour la France à l'exception des campagnes de publicité spécifiquement réalisée pour le réseau internet et ponctuellement des campagnes de sponsoring TV. Une clause de non-concurrence interdisant à la société Serviceplan d'avoir un contrat avec un concurrent commercialisant des légumes élaborés/transformés, sauf accord exprès préalable de la société Bonduelle (l'Annonceur), y était insérée.
Par lettre recommandée avec accusé de réception datée du 22 juillet 2016, envoyée le 28 juillet suivant, la société Bonduelle a notifié à la société Serviceplan la résiliation du contrat avec effet au 22 octobre 2016, conformément aux dispositions de l'article 11 de celui-ci.
Par acte d'huissier du 12 septembre 2017, la société Serviceplan a assigné la société Bonduelle devant le tribunal de commerce de Lille pour être indemnisée sur le fondement de la rupture brutale des relations commerciales établies et de la violation de la clause d'exclusivité ainsi que de la diffusion de certaines de ses créations sans lui verser la rémunération à laquelle elle avait droit.
Par jugement daté du 9 janvier 2019, le tribunal de commerce de Lille Métropole a :
- Débouté Serviceplan Paris de l'ensemble de ses demandes.
- Condamné Serviceplan Paris à payer à Bonduelle la somme de 10 000.00 € au titre de l'article 700 du CPC.
- Condamné Serviceplan Paris aux dépens, taxés et liquidés à la somme de 73.24 € en ce qui concerne les frais de Greffe.
- Débouté Bonduelle du surplus de ses demandes.
Par déclaration en date du 5 février 2020, la société Serviceplan a interjeté appel de ce jugement.
Vu les dernières conclusions de la société Serviceplan déposées et notifiées le 29 octobre 2021, par lesquelles il est demandé à la cour d'appel de Paris de :
Vu notamment les articles 1134 du Code civil et L. 442-6 du Code de commerce,
Recevoir la société SERVICEPLAN PARIS en ses présentes demandes.
Ce faisant,
Rectifier l'erreur matérielle de date dont est affecté le jugement rendu le 9 janvier 2020 par le Tribunal de commerce de Lille Métropole et remplacer la date erronée du « 9 janvier 2019 » par celle du « 9 janvier 2020. »
Infirmer ledit jugement en l'ensemble de ses dispositions, à savoir en ce qu'il a :
- Condamné la société SERVICEPLAN PARIS aux dépens ainsi qu'à payer à la société BONDUELLE EUROPE LONG LIFE la somme de 10.000 € au titre de l'article 700 du Code de procédure civile.
- Débouté la société SERVICEPLAN PARIS de ses demandes tendant à :
- Dire et juger que la société BONDUELLE EUROPE LONG LIFE a rompu brutalement ses relations avec elle sans lui accorder de préavis suffisant.
- Dire et juger que la société BONDUELLE EUROPE LONG LIFE a engagé sa responsabilité vis-à-vis d'elle en violant pendant la période de préavis la clause d'exclusivité dont cette dernière bénéficiait et en diffusant certaines de ses créations sans lui verser la rémunération à laquelle elle avait droit,
- Obtenir en conséquence condamnation de la société BONDUELLE EUROPE LONG LIFE à lui verser :
* La somme de 621.673,97 € HT correspondant à 24 mois de marge brute, déduction faite de la marge brute réalisée par elle entre les 22 juillet et 22 octobre 2016, avec intérêts au taux légal à compter de la délivrance de l'assignation.
* La somme de 149.480 € HT au titre de la violation de la clause d'exclusivité et correspondant à la moitié des rémunérations perçues par elle de la société BONDUELLE EUROPE LONG LIFE au cours des 12 mois précédant la rupture.
* La rémunération contractuelle prévue au titre de l'article 7-1 du contrat du fait de la réutilisation par la société BONDUELLE EUROPE LONG LIFE de ses créations postérieurement à l'expiration du contrat.
- Faire injonction à la société BONDUELLE EUROPE LONG LIFE de produire les créations et les plans médias correspondants.
- Obtenir enfin condamnation de la société BONDUELLE EUROPE LONG LIFE :
* Á lui verser la somme de 15.000 € au titre de ses frais irrépétibles, en application de l'article 700 du code de procédure civile.
* Aux dépens,
Puis, statuant à nouveau :
- Dire et Juger que la société BONDUELLE EUROPE LONG LIFE a rompu brutalement ses relations avec la société SERVICEPLAN PARIS sans lui accorder de préavis suffisant.
- Dire et juger que la société BONDUELLE EUROPE LONG LIFE a par ailleurs engagé sa responsabilité vis-à-vis de la société SERVICEPLAN PARIS en violant pendant la période de préavis la clause d'exclusivité dont cette dernière bénéficiait et en rediffusant certaines de ses créations sans lui verser la rémunération à laquelle elle avait droit.
- Débouter la société BONDUELLE EUROPE LONG LIFE de l'ensemble de ses demandes, fins et prétentions.
En conséquence :
- Condamner la société BONDUELLE EUROPE LONG LIFE, au titre de la rupture brutale de ses relations avec la société SERVICEPLAN PARIS, à verser à la société SERVICEPLAN PARIS la somme de 621.673,97 € HT correspondant à 24 mois de marge brute, déduction faite de la marge brute réalisée par SERVICEPLAN PARIS entre les 22 juillet et 22 octobre 2016, ce avec intérêt au taux légal à compter de la date de délivrance de l'assignation à la société BONDUELLE EUROPE LONG LIFE.
- Condamner la société BONDUELLE EUROPE LONG LIFE, au titre de la violation de sa clause d'exclusivité, à verser à la société SERVICEPLAN PARIS la somme de 149.480 € HT correspondant à la moitié des rémunérations perçues par SERVICEPLAN PARIS au cours des 12 mois précédant la rupture.
- Condamner subsidiairement la société BONDUELLE EUROPE LONG LIFE, au titre de la violation de sa clause d'exclusivité, à verser cette même somme à la société SERVICEPLAN PARIS à titre de dommages et intérêts.
- Condamner la société BONDUELLE EUROPE LONG LIFE, au titre de l'article 7-1 du contrat, à verser à la société SERVICEPLAN PARIS la rémunération contractuellement prévue, laquelle sera déterminée après communication par BONDUELLE EUROPE LONG LIFE des créations concernées et des plans média et budgets correspondants.
- Faire injonction à la société BONDUELLE EUROPE LONG LIFE de produire lesdites créations et les plans média et budgets correspondants.
- Condamner la société BONDUELLE EUROPE LONG LIFE à payer à la société SERVICEPLAN PARIS la somme de 30.000 € au titre de ses frais irrépétibles, en application de l'article 700 du Code de procédure civile.
Condamner enfin la société BONDUELLE EUROPE LONG LIFE aux entiers dépens de la présente instance dont distraction, pour ceux-là concernant, au profit de la SELARL 2H AVOCATS en la personne de Maître Patricia HARDOUIN conformément aux dispositions de l'article 699 du code de procédure civile.
Vu les dernières conclusions de la société Bonduelle déposées et notifiées le 27 octobre 2021, par lesquelles il est demandé à la cour d'appel de Paris de :
Vu l'article L. 442-6, I, 5° (ancien) du Code de commerce,
Vu l'article 1134 (ancien) du Code civil,
Vu l'article 9 du Code de procédure civile,
Vu les jurisprudences précitées et les pièces annexées au bordereau ci joint,
A titre principal,
CONFIRMANT le jugement du Tribunal de commerce de Lille Métropole du 9 janvier 2020 en toutes ses dispositions.
DIRE ET JUGER que la société Bonduelle Europe Long Life n'a pas rompu brutalement ses relations commerciales avec la société Serviceplan Paris.
DIRE ET JUGER que la société Serviceplan Paris ne justifie pas d'un préjudice découlant de la prestation confiée à Altavia par Bonduelle pour un montant de 1 750 € facturé le 24 octobre 2016.
CONSTATER que la société Bonduelle Europe Long Life n'a pas diffusé de créations de Serviceplan Paris après le 22 octobre 2016 dont la date de première diffusion serait postérieure au 22 octobre 2014.
DIRE ET JUGER que la société Bonduelle Europe Long Life n'est plus redevable d'aucun honoraire envers la société Serviceplan Paris relatif à une diffusion des créations publicitaires en application de l'article 7-1 du contrat de collaboration agence annonceur du 21 octobre 2008.
En conséquence,
DÉBOUTER la société Serviceplan Paris de toutes ses demandes.
A titre subsidiaire,
DIRE ET JUGER que la société Serviceplan Paris n'établit pas avoir subi un quelconque préjudice du fait de la durée du préavis de la rupture de ses relations commerciales avec Bonduelle Europe Long Life.
En conséquence,
DEBOUTER la société Serviceplan Paris de sa demande de réparation à hauteur de 621 673,97 €.
En tout état de cause,
CONDAMNER la société Serviceplan Paris au paiement de la somme de 10.000 € au titre de l'article 700 du code de procédure civile pour ce qui concerne la procédure de première instance et à la somme de 15 000 € sur le même fondement pour ce qui concerne la procédure d'appel.
CONDAMNER la société Serviceplan Paris aux entiers frais et dépens de première instance et d'appel dont distraction au profit de Me Fertier.
SUR CE, LA COUR
Sur la rectification de l'erreur matérielle
Il y a lieu de rectifier l'erreur de date du jugement entrepris.
Sur la rupture brutale des relations commerciales établies
La société Serviceplan soutient que la rupture opérée par la société Bonduelle présente un caractère brutal en ce que le préavis de trois mois qui lui a été accordé n'est pas raisonnable au sens de l'article L. 442-6 du Code de commerce.
Elle fait valoir à cet égard que :
- Le caractère raisonnable du préavis doit s'apprécier indépendamment des prévisions contractuelles et au seul regard de la durée de la relation commerciale et des autres circonstances au moment de sa rupture.
- Elle pouvait légitimement s'attendre à la poursuite de ses relations commerciales, connaissant une forte croissance de son activité avec un chiffre d'affaires en hausse et le chiffre d'affaires réalisé avec cette société étant en progression constante depuis 2014.
- Au regard de relations d'une durée de 20 ans, le préavis aurait dû être d'au moins 24 mois.
- Le critère prédominant retenu par la jurisprudence n'est pas celui du secteur d'activité de la victime de la rupture ou de la part représentée par son ancien cocontractant dans son chiffre d'affaires, mais celui de la durée de la relation commerciale.
- L'absence de situation de dépendance économique avec la société Bonduelle explique qu'elle ait limité ses prétentions à environ 1 mois de préavis par année d'ancienneté.
- Le tribunal aurait dû prendre en compte le secteur dans lequel elle évolue ainsi que les spécificités de celui-ci dans la mesure où un préavis de 3 mois pour retrouver un annonceur de la nature de Bonduelle, avec lequel l'agence travaillait depuis près de 20 ans, était largement insuffisant.
- Selon ses comptes de résultat pour les exercices 2015/2016 et 2016/2017, son chiffre d'affaires et son bénéfice se sont dégradés d'une année sur l'autre de sorte que la perte du budget Bonduelle/ Cassegrain, qui a entraîné en outre plusieurs licenciements, n'avait toujours pas été compensée en juin 2017, soit 12 mois environ après le début de son préavis.
- La durée du préavis utile s'apprécie au regard de la durée des relations et des autres circonstances « au moment de la notification de la rupture », et non d'événements postérieurs.
La société Bonduelle rétorque que la résiliation du contrat de collaboration agence annonceur, opérée le 22 juillet 2016, ne saurait être qualifiée de rupture brutale des relations commerciales établies en ce que :
- Ne doit pas être seulement pris en compte pour l'appréciation du caractère brutal d'une rupture, la durée de la relation entre les parties mais aussi le caractère raisonnable du préavis, la part de l'auteur de la rupture dans le chiffre d'affaires de son ancien cocontractant, le secteur d'activité des parties et les investissements éventuellement rendus nécessaires par le contrat.
- L'étude des différents critères d'appréciation de la durée du préavis permet de conclure que le délai de trois mois était suffisant pour que la société Serviceplan se réorganise, au regard de la nature intellectuelle des prestations de publicité proposées par la société Serviceplan, laquelle n'avait procédé à aucun investissement particulier pour répondre à ses attentes, soutenant que l'arrivée ou le départ d'un client ne bouleverse pas les méthodes de travail ou les équipes puisqu'aucun investissement spécifique n'est requis pour ce genre de prestations.
- La clause de non-concurrence spécifique qui est stipulée au contrat ne l'empêchait pas de trouver de nouveaux clients puisqu'elle était limitée aux seules sociétés commercialisant des conserves de légumes et qui n'étaient pas clients de l'Agence antérieurement à Bonduelle.
- Elle représentait moins de 3 % du chiffre d'affaires de Serviceplan.
- La variation très importante du résultat de la société Serviceplan démontre que cette dernière n'a pas été affectée par la rupture de ses relations avec la société Bonduelle, qui ne représentait qu'une part infime de son chiffre d'affaires.
-Lorsque l'impact de la rupture sur le chiffre d'affaires est quasi inexistant, la durée du préavis raisonnable s'en trouve nécessairement réduite de manière significative et en l'espèce la société Bonduelle représentait en moyenne 2,35 % du chiffre d'affaires de la société Serviceplan sur les trois années précédant la rupture et seulement 1,95 % de son chiffre d'affaires lors de la dernière année.
Elle estime en conséquence qu'un préavis de 3 mois était suffisant pour permettre à la société Serviceplan de se réorganiser.
Sur ce,
L'article L. 442-6, I, 5° du code de commerce dans sa rédaction antérieure à l'ordonnance du n° 2019-359 du 24 avril 2019, dispose qu'engage sa responsabilité et s'oblige à réparer le préjudice causé, celui qui rompt brutalement, même partiellement, une relation commerciale établie, sans préavis écrit tenant compte de la durée de la relation commerciale et respectant la durée minimale de préavis déterminée en référence aux usages de commerce, par des accords interprofessionnels.
Une relation commerciale « établie » présente un caractère « suivi, stable et habituel » et permet raisonnablement d'anticiper pour l'avenir une certaine continuité du flux d'affaires entre les partenaires commerciaux, ce qui implique, notamment qu'elle ne soit pas entachée par des incidents susceptibles de remettre en cause sa stabilité, voire sa régularité.
En l'espèce, le caractère établi des relations commerciales entre les parties n'est pas contesté, puisque lesdites relations présentent un caractère suivi, stable et habituel depuis l'année 1997.
En revanche, est aux débats le délai de préavis contractuel de trois mois accordés par la société Bonduelle que la société Serviceplan estime insuffisant.
Le délai de préavis doit s'entendre du temps nécessaire à l'entreprise délaissée pour préparer le redéploiement de son activité, trouver un autre partenaire ou une autre solution de remplacement. Les principaux critères à prendre en compte sont la dépendance économique, l'ancienneté des relations, le volume d'affaires et la progression du chiffre d'affaires, les investissements spécifiques effectués et non amortis, les relations d'exclusivité et la spécificité des produits et services en cause.
En l'espèce, les relations ont duré près de 20 ans.
Cependant aucune dépendance économique n'est établie ni même alléguée et il n'est fait état d'aucun investissement spécifique non amortis. Le volume de chiffres d'affaires de la société Serviceplan réalisé avec la société Bonduelle représentait en moyenne 2,35 % sur les trois années précédant la rupture et seulement 1,95 % de chiffre d'affaires lors de la dernière année.
Le chiffre d'affaires réalisé par Serviceplan avec Bonduelle était donc très limité. Il n'est pas démontré, ni même allégué que le départ de la société Bonduelle a bouleversé les méthodes de travail ou les équipes au regard de la nature intellectuelle des prestations de communication de la marque Cassegrain sur le terrritoire français confiées à la société Serviceplan et de l'exclusivité dont celle-ci bénéficiait pour les produits de conserve de légumes.
Par ailleurs la clause de non-concurrence stipulée à l'article 12 du contrat étant limitée à un concurrent commercialisant des légumes élaborés/transformés, sauf accord exprès préalable de l'annonceur, de sorte qu'il n'est pas établi que la société Serviceplan a été empêchée de trouver de nouveaux clients.
Au vu de ces éléments, la Cour estime que le préavis de trois mois contractuellement prévus était suffisant pour permettre à la société Serviceplan de se réorganiser et trouver un autre client pour ses prestations de communication représentant une part d'environ 2 % de son chiffre d'affaires.
La société Serviceplan est déboutée de sa demande tendant à voir condamner la société Bonduelle, sur le fondement de l'article L. 442-6, I, 5° du code de commerce dans sa rédaction applicable, à payer une indemnité de 621.673,97 euros à la société Serviceplan.
Le jugement est confirmé de ce chef.
Sur la violation de l'exclusivité,
La société Serviceplan affirme que la société intimée a violé l'exclusivité qui lui avait été concédée, aux articles 1 et 6-1 du dernier contrat, en faisant diffuser plusieurs publicités pour la marque Cassegrain, en violation de celle-ci courant septembre/début octobre 2016, soit en pleine période de préavis.
Elle souligne que les relations entre les parties auraient dû, au cours de cette période, se poursuivre aux mêmes conditions qu'antérieurement, ce qui était d'ailleurs rappelé expressément à l'article 11 du contrat. A cet égard, elle soutient que seul le versement par Bonduelle d'une indemnité compensatrice équivalant à la moitié des rémunérations perçues par elle au cours des 12 mois précédant la rupture, soit du 22 octobre 2015 au 22 octobre 2016 (en réalité du 29 octobre 2015 au 29 octobre 2016), aurait pu lui permettre de lever la clause d'exclusivité la liant jusqu'à la fin du contrat. Ainsi, elle demande la condamnation de la société intimée à lui verser la somme de 149.480 € HT correspondant à la moitié des rémunérations qu'elle lui a versées au cours des 12 mois précédant la rupture, à savoir 298 960 € HT.
La société Bonduelle rétorque qu'elle n'a pas violé l'exclusivité dans la mesure où si fin 2016, elle a initié une campagne de street marketing / promotion dont l'objectif était la distribution d'échantillons au public, cette opération événementielle est spécifiquement exclue du champ de l'exclusivité de la société Serviceplan par les dispositions du contrat. S'agissant de l'action de publicité dans quelques quotidiens gratuits à compter du 12 octobre 2016, jusque fin novembre 2016, soit postérieurement à l'échéance du préavis, elle affirme qu'il s'agit d'une erreur réalisée par le service marketing 10 jours avant la fin du préavis.
S'agissant de l'indemnité compensatrice de l'article 11 du contrat, elle affirme qu'elle n'est pas applicable dans la mesure où lors de la résiliation du contrat le 22 juillet 2016, elle a informé la société Serviceplan de ce qu'elle effectuerait le préavis prévu et où elle a continué de travailler avec elle jusqu'au terme de leur relation le 22 octobre 2016. Ainsi, l'option prévue dans l'article 11 n'ayant pas été mise en œuvre, l'indemnité qu'elle vise n'a pas lieu d'être versée à la société appelante.
Sur ce,
La société Bonduelle était tenue ainsi qu'il est rappelé à l'article 11 du contrat, pendant la période de préavis, de poursuivre ses relations avec l'agence, de façon loyale, sincère et normale, l'annonceur ne devant pas confier à une autre agence les ordres qui auraient dû être exécutés par l'agence pendant la durée du préavis.
En l'espèce, la société Bonduelle justifie que la campagne de street marketing/promotion dont l'objectif était la distribution d'échantillons au public, était spécifiquement exclue du champ de l'exclusivité de la société Serviceplan puisqu'en effet l'article 2.4 du contrat exclu les actions événementielles des prestations de l'agence.
En revanche, tel n'est pas le cas s'agissant de l'action de publicité dans des quotidiens gratuits à compter du 12 octobre 2016, jusqu'à la fin novembre 2016, soit postérieurement à l'échéance du préavis, qu'elle a confié à un tiers.
La société Bonduelle produit à cet égard la facture de la société Altavia du 24 octobre 2016 d'un montant HT de 1 750 euros qui correspondrait à cette prestation (sa pièce 17) et qui indique en outre : « ce devis n'intègre pas les prestations liées à l'achat d'art. »
La société Serviceplan ne peut prétendre à l'application de l'article 11 dernier alinéa du contrat qui dispose :
« L'Annonceur aura la possibilité de dispenser l'Agence de l'exécution de ce préavis en lui versant une indemnité compensatrice, égale à la moitié de la totalité des rémunérations qu'elle aurait perçues au cours des 12 mois précédant la rupture », dans la mesure où Bonduelle ne l'a pas dispensé de l'exécution de son préavis.
En revanche, ce manquement de Bonduelle à son obligation d'exécution loyale du préavis a causé un préjudice à la société Serviceplan qui sera justement réparé par le versement d'une somme de 35 000 euros à titre de dommages intérêts, en se fondant sur la moyenne annuelle des rémunérations versées au cours des 12 mois précédant la rupture (298 960 € HT), soit mensuellement 24 913 euros, soit pour les trois mois de préavis, la somme de 74 740 euros , divisée par 2 pour tenir compte d'une partie de l'exécution, soit la somme de 37 370 euros arrondie à 35 000 euros.
Le jugement est infirmé de ce chef.
Sur la violation de l'article 7-1 du contrat,
La société Serviceplan soutient que la société intimée a violé l'article 7-1 du contrat, qui prévoyait que si l'annonceur souhaitait réutiliser certaines créations postérieurement au contrat, il devait verser la rémunération prévue par cet article pendant une durée de deux ans à compter de cette « première diffusion » postcontractuelle. En effet, elle dit que Bonduelle a réutilisé, après le 22 octobre 2016, ses créations sans lui verser la rémunération prévue.
En outre, elle affirme que la société intimée procède à une dénaturation de la clause litigieuse en considérant qu'elle aurait eu droit d'exploiter ses créations sans être tenue de la rémunérer à partir du moment où lesdites créations avaient plus de deux ans d'ancienneté. En effet, elle soutient que ces clauses n'ont vocation qu'à régir la situation post-contractuelle de sorte que la période de deux ans dont il est question à l'article 7-1 du contrat ne peut être que celle commençant à courir à compter de la rupture du contrat.
La société Bonduelle dénie toute violation de l'article 7-1 du contrat faisant valoir que cet article concerne la première diffusion de la publicité qui est visée au premier alinéa, et non celle qui pourrait avoir lieu après la fin du contrat. Elle se fonde sur un courriel du directeur marketing de Bonduelle, qui liste les créations susceptibles d'être réutilisées sans obligation d'un quelconque paiement puisque postérieures de plus de deux ans par rapport à leur première diffusion.
Sur ce,
C'est par des motifs justes et pertinents que la Cour adopte que le tribunal a retenu que Bonduelle n'était redevable d'aucune somme à l'égard de Serviceplan pour l'utilisation de ses créations après l'expiration du préavis. En effet, l'article 7-1 prévoit que "cette rémunération ne sera dû que durant la période de deux ans suivant la première diffusion d'une création Agence."
Le jugement sera confirmé en ce qu'il a débouté la société Serviceplan de sa demande au titre de l'article 7-1.
Sur les autres demandes,
Le sens de l'arrêt conduit à infirmer le jugement en ce qu'il a mis les dépens à la charge de la société Serviceplan et a condamné cette dernière à payer à la société Bonduelle la somme de 10 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile.
Il convient, statuant à nouveau, de condamner la société Bonduelle aux dépens de première instance et d'appel et à verser à la société Serviceplan la somme de 10 000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile, la société Bonduelle étant déboutée de sa demande de ce chef.
PAR CES MOTIFS
RECTIFIE l'erreur matérielle figurant sur la date du jugement en remplaçant la date erronée du "9 janvier 2019" par celle du "9 janvier 2020".
INFIRME le jugement seulement ce qu'il a débouté la société SERVICEPLAN PARIS de sa demande au titre de la clause d'exclusivité, en ce qu'il a condamné SERVICEPLAN PARIS à payer à BONDUELLE EUROPE LONG LIFE la somme de 10 000.00 € au titre de l'article 700 du code de procédure civile et en ce qu'il a condamné SERVICEPLAN PARIS aux dépens, taxés et liquidés à la somme de 73.24 € en ce qui concerne les frais de Greffe ;
Statuant à nouveau des chefs infirmés et y ajoutant,
CONDAMNE la société BONDUELLE EUROPE LONG LIFE à payer à la société SERVICEPLAN PARIS la somme de 35 000 euros à titre de dommages intérêts en réparation de la violation de la clause d'exclusivité ;
DÉBOUTE la société BONDUELLE EUROPE LONG LIFE de sa demande au titre de l'article 700 du code de procédure civile ;
CONDAMNE la société BONDUELLE EUROPE LONG LIFE aux dépens de première instance et d'appel et à payer à la société SERVICEPLAN PARIS la somme de 10 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile.