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Décisions

CA Reims, ch. civ. sect. 1, 1 mars 2022, n° 21/00095

REIMS

Infirmation partielle

PARTIES

Demandeur :

Laon Distribution (SARL)

Défendeur :

ITM Entreprises (SAS), ITM Alimentaire Est (SAS), Djandhels (SC), New Market (SARL)

COMPOSITION DE LA JURIDICTION

Président :

Mme Mehl-Jungbluth

Conseillers :

Mme Maussire, M. Lecler

T. com. Reims, du 12 janv. 2021

12 janvier 2021

La société Laon Distribution exploitait un supermarché <adresse> depuis le 6 juin 2014.

La société X exploitait de son côté un supermarché <adresse> depuis le 21 mai 2015.

Ces deux supermarchés étaient exploités sous l'enseigne G20.

Mme Y, qui était la dirigeante de ces deux sociétés et qui y possédait des parts sociales avec la SC Djandhels, avait entrepris des démarches en 2017 en vue d'obtenir des sociétés ITM Entreprises (le groupement des Mousquetaires) et ITM Alimentaire Est (qui est une sous-filiale de cette dernière), sociétés du groupe Intermarché, la signature de deux contrats d'enseignes Netto et Intermarché Express pour ses deux points de vente.

La société Laon Distribution et la société X ont résilié le contrat avec le groupement G20 dont elles exploitaient l'enseigne à effet du 31 mai 2018.

Les contrats d'enseigne n'ont en définitive pas été signés.

Les sociétés X et Laon Distribution ont alors délivré une assignation aux sociétés ITM Entreprises et ITM Alimentaire Est devant le président du tribunal de commerce de Paris statuant en référé aux fins de se voir allouer une provision à valoir sur leur préjudice.

Par ordonnance rendue le 27 juillet 2018, il a été fait droit à cette demande et les sociétés ITM Entreprises et ITM Alimentaire Est ont été condamnées à régler à titre de provision :

- La somme de 220 000 euros à la société X.

- La somme de 175 000 euros à la société Laon Distribution.

- La somme de 12 000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile.

Aucun appel n'a été formé à l'encontre de cette décision.

Par exploit d'huissier du 15 novembre 2018, les sociétés ITM Entreprises et ITM Alimentaire Est ont délivré assignation aux sociétés Laon Distribution et X devant le tribunal de commerce de Reims aux fins de les voir restituer les sommes versées en exécution de l'ordonnance de référé.

Par exploit d'huissier du 22 novembre 2018, les sociétés X et Laon Distribution ont délivré assignation aux sociétés ITM Entreprises et ITM Alimentaire Est devant le même tribunal aux fins de les voir condamner solidairement à payer :

-  Á la société Laon Distribution les sommes suivantes :

* 56.616 € au titre de la perte d'exploitation du 7 juin au 31 juillet 2018.

* 127 909,68 € au titre de la perte d'exploitation du 1er août au 30 novembre 2018.

* 30 000 € au titre des frais et honoraires.

* 30 000 € au titre du coût des travaux.

* 82 000 € au titre de l'indemnité de rupture DIAPAR (propriétaire de l'enseigne G20).

* 2.500.000 € au titre des pertes sur une année, et, à défaut, la valeur du fonds de commerce à hauteur de 880 000 €.

- Á la société X les sommes suivantes :

* 52 668 € au titre de la perte d'exploitation du 7 juin au 31 juillet 2018.

* 118 990,26 € au titre de la perte d'exploitation du 1er août au 30 novembre 2018.

* 30 000 € au titre des frais et honoraires.

* 118 000 € au titre du coût des travaux.

* 40 000 € au titre de l'indemnité de rupture DIAPAR.

* 2.500.000 € au titre des pertes sur une année, et, à défaut, la valeur du fonds à hauteur de 843 000 € outre leur condamnation à régler une somme de 25000 € sur le fondement des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile.

Les demandes ont été contestées.

Les deux affaires ont été jointes.

Mme Y est intervenue à l'instance de même que les sociétés SC Djandhels et New Market.

Par jugement rendu le 15 janvier 2019, le tribunal de commerce de Reims a ouvert une procédure de liquidation judiciaire à l'encontre des sociétés Laon Distribution et X.

La SELARL Bruno R., prise en la personne de son associé, Maître R., a été désigné en qualité de mandataire judiciaire à la liquidation judiciaire.

Elle est intervenue volontairement à l'instance.

La sociétés ITM Entreprises a déclaré sa créance à hauteur de 232 000 euros s'agissant de la société X et de 187 000 euros s'agissant de la société Laon Distribution.

Par jugement avant dire droit du 5 février 2019, le tribunal de commerce, saisi par les sociétés ITM Entreprises et ITM Alimentaire Est d'une exception d'incompétence au profit de la juridiction arbitrale, s'est déclaré compétent pour statuer sur le litige.

Par jugement rendu le 12 janvier 2021, le tribunal a :

- Dit et jugé qu'aucun contrat d'enseigne n'avait été conclu entre la société ITM Entreprises et les sociétés Laon Distribution et X.

- Dit et jugé que la société ITM Entreprises et la société ITM Alimentaire Est n'avaient commis aucune faute à l'occasion de la rupture des pourparlers avec Mme Y et les sociétés X et Laon Distribution.

- Dit et jugé que Mme Y et les sociétés X et Laon Distribution n'avaient subi aucun préjudice à l'occasion de la rupture de ces pourparlers.

- Fixé la créance de la société ITM Entreprises au passif de la liquidation judiciaire de la société X à titre chirographaire à la somme de 232 000 euros.

- Fixé la créance de la société ITM Entreprises au passif de la liquidation judiciaire de la société Laon Distribution à la somme de 187 000 euros.

- Condamné les sociétés X, Laon Distribution, SC Djandhels à verser chacune aux sociétés ITM Entreprises et ITM Alimentaire Est respectivement la somme de 2 000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile.

- Condamné solidairement les sociétés X, Laon Distribution, SC Djandhels aux dépens.

- Ordonné l'exécution provisoire du jugement.

Par déclaration reçue le 19 janvier 2021, la SELARL Bruno R. ès-qualités de liquidateur des sociétés X et Laon Distribution, a formé appel de ce jugement.

Par ordonnance d'incident rendue le 22 juin 2021, le conseiller de la mise en état, saisi par les sociétés ITM Entreprises et ITM Alimentaire Est, a :

- Dit qu'il n'avait pas le pouvoir juridictionnel de se prononcer sur l'absence d'effet dévolutif de l'appel.

- Débouté les requérantes de leur fin de non-recevoir tirée de la présence de demandes nouvelles dans les écritures de la SELARL Bruno R. ès-qualités.

Par conclusions notifiées le 6 août 2021, elle demande à la cour :

Vu les articles 562 et 564 du code de procédure civile,

- De débouter la société ITM Entreprises et la société ITM Alimentaire Est de leur demande formée à titre liminaire visant à ce que les demandes soient déclarées irrecevables dans la mesure où l'acte d'appel est conforme aux dispositions de l'article 901 du code de procédure civile ayant repris tous les chefs de jugement contestés.

- De déclarer l'appel recevable et bien fondé.

En conséquence,

- D'infirmer le jugement.

Statuant à nouveau,

- De reconnaître l'existence d'un contrat d'enseigne entre les sociétés X et Laon Distribution d'une part, et les sociétés ITM Entreprises et ITM Alimentaire Est d'autre part.

- De condamner les sociétés ITM Entreprises et ITM Alimentaire Est à réparer les conséquences liées à la mise en œuvre de leur responsabilité contractuelle à l'égard des sociétés X et Laon Distribution, aujourd'hui représentées par la SELARL Bruno R., en sa qualité de mandataire judiciaire à la liquidation judiciaire.

- De condamner in solidum la SAS ITM Entreprises et la SAS ITM Alimentaire Est à régler à la SELARL Bruno R., mandataire judiciaire à la liquidation judiciaire de la société X, les sommes suivantes :

* 216 523,44 € à titre de dommages-intérêts en raison des pertes d'exploitation subies entre le 7/06/2018 et le 15/01/2019

* 1.468.979,80 € à titre de dommages-intérêts en raison des conséquences pour la liquidation judiciaire de leur attitude fautive.

- De condamner in solidum la SAS ITM Entreprises et la SAS ITM Alimentaire Est à régler à la SELARL Bruno R., mandataire judiciaire à la liquidation judiciaire de la société Laon Distribution, les sommes suivantes :

* 232 753,92 € à titre de dommages-intérêts en raison des pertes d'exploitation subies entre le 7/06/2018 et le 15/01/2019.

* 1.219.788,66 € à titre de dommages-intérêts en raison des conséquences pour la liquidation judiciaire de leur attitude fautive.

- De débouter la SAS ITM Entreprises de sa demande de fixation de créance au passif de la liquidation judiciaire de la société Laon Distribution pour 187 000 € et de la société X pour 232 000 €.

A titre subsidiaire au visa de l'article 1240 du code civil,

- De déclarer abusive la rupture des pourparlers par les sociétés ITM Entreprise et ITM Alimentaire Est en raison de la durée de ces pourparlers, de la brutalité de la rupture, de l'absence de motif donné et de la croyance légitime pour les sociétés X et Laon Distribution dans la formation prochaine d'un contrat.

- De condamner les sociétés ITM Entreprises et ITM Alimentaire Est à réparer les conséquences de leur faute.

- De condamner in solidum la SAS ITM Entreprises et la SAS ITM Alimentaire Est à régler à la SELARL Bruno R., mandataire judiciaire à la liquidation judiciaire de la société X, les sommes suivantes :

* 216 523,44 € à titre de dommages-intérêts en raison des pertes d'exploitation subies entre le 7/06/2018 et le 15/01/2019.

* 1.468.979,80 € à titre de dommages-intérêts en raison des conséquences pour la liquidation judiciaire de leur attitude fautive.

- De condamner in solidum la SAS ITM Entreprises et la SAS ITM Alimentaire Est à régler à la SELARL Bruno R., mandataire judiciaire à la liquidation judiciaire de la société Laon Distribution, les sommes suivantes :

* 232.753,92 € à titre de dommages-intérêts en raison des pertes d'exploitation subies entre le 7/06/2018 et le 15/01/2019.

* 1.219.788,66 € à titre de dommages-intérêts en raison des conséquences pour la liquidation judiciaire de leur attitude fautive.

- De débouter la SAS ITM Entreprises de sa demande de fixation de créance au passif de la liquidation judiciaire de la société Laon Distribution pour 187 000 € et de la société X pour 232 000 €.

Vu l'article 700 du code de procédure civile,

- De condamner in solidum les SAS ITM Entreprises et ITM Alimentaire Est à régler à la SELARL Bruno R., mandataire judiciaire à la liquidation judiciaire de la société Laon Distribution, une somme de 5 000 €.

- De condamner in solidum les SAS ITM Entreprises et ITM Alimentaire Est à régler à la SELARL Bruno R., mandataire judiciaire à la liquidation judiciaire de la société X, une somme de 5 000 €.

- De réformer le jugement rendu par le tribunal de commerce de Reims le 12/01/2021 en ce qu'il a cru devoir condamner les sociétés Laon Distribution et X à régler des frais irrépétibles aux sociétés ITM Entreprises et ITM Alimentaire Est.

- De débouter les sociétés ITM Entreprises et ITM Alimentaire Est de leurs demandes de condamnations au titre des frais irrépétibles formulées à l'encontre des sociétés Laon Distribution et X actuellement en liquidation judiciaire.

Vu l'article 699 du code de procédure civile,

- De condamner enfin in solidum les SAS ITM Entreprises et ITM Alimentaire Est au paiement des entiers dépens tant de première instance que d'appel, lesquels seront recouvrés directement par Maître Sandy H..

Par conclusions notifiées le 17 mai 2021, Mme Y, la société SC Djandhels et la société New Market formant appel incident demandent à la cour :

- D'infirmer la décision sauf en ce qu'elle a reçu Mme Y en sa demande d'intervention volontaire et l'a déclarée bien fondée.

A titre principal,

Vu les articles 1231-1 et 1231-2 du code civil,

- De constater la faute contractuelle de la société ITM Entreprises et de la société ITM Alimentaire Est.

A titre subsidiaire,

Vu l'article 1240 du code civil,

- De constater leur faute délictuelle.

En conséquence,

- De condamner solidairement la société ITM Entreprises et la société ITM Alimentaire Est à payer à Mme Y la somme de 355 680 euros au titre de ses apports en capital.

- De condamner solidairement la société ITM Entreprises et la société ITM Alimentaire Est à payer à la société Djandhels la somme de 354 120 euros au titre de ses apports en capital.

- De condamner solidairement la société ITM Entreprises et la société ITM Alimentaire Est à payer à Mme Y la somme de 1.332.000 euros au titre de ses pertes de dividendes sur 15 années.

- De condamner solidairement la société ITM Entreprises et la société ITM Alimentaire Est à payer à Mme Y la somme de 14 000 euros au titre de la perte de sa rémunération de dirigeant sur l'année 2018.

- De condamner solidairement la société ITM Entreprises et la société ITM Alimentaire Est à payer à la société Djandhels la somme 1.368.000 euros au titre de ses pertes de dividendes sur 15 années.

- De condamner solidairement la société ITM Entreprises et la société ITM Alimentaire Est à payer à la société Djandhels la somme de 104 044 euros au titre de son appel en garantie de la société Laon Distribution.

- De condamner solidairement la société ITM Entreprises et la société ITM Alimentaire Est à payer à la société New Market la somme de 127 000 euros au titre de la perte de ses deux fonds de commerce.

Toutes causes confondues,

- De condamner solidairement les sociétés ITM Entreprise et ITM Alimentaire Est au paiement de la somme de 25 000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile à Mme Y, la SC Djandhels et la SARL New Market.

- De condamner la société ITM Entreprises et la société ITM Alimentaire Est.

Par conclusions notifiées le 6 août 2021, les sociétés ITM Entreprises et ITM Alimentaire Est demandent à la cour :

Vu les articles 122, 562, 564, 780 à 807 et 907 du code de procédure civile,

Vu la jurisprudence,

Vu la déclaration d'appel du 19 janvier 2021,

Vu les articles 1112, 1355 et 1240 du code civil,

Vu l'article 31 du code de procédure civile,

A titre liminaire :

- De déclarer irrecevables au regard des dispositions des articles 562 et 564 du code de procédure civile, les demandes formées par les sociétés X et Laon Distribution, représentées par leur liquidateur judiciaire.

- De déclarer irrecevables au regard des dispositions de l'article 117 du code de procédure civile, les demandes formées par la société New Market.

A titre principal :

- De juger qu'aucun contrat d'enseigne n'a été conclu entre les parties.

- De juger que cette question a d'ores et déjà été tranchée par le jugement, désormais définitif, du tribunal de commerce de Reims en date du 5 février 2019.

- De juger que la société ITM Entreprises et la société ITM Alimentaire Est n'ont pas commis de faute à l'occasion de la rupture des pourparlers avec Mme Y et ses sociétés.

- De juger que les sociétés X et Laon Distribution n'ont subi aucun préjudice du fait de cette rupture de pourparlers.

- De juger que la société Djandhels et Mme Y n'ont pas d'intérêt à agir dès lors qu'elles ne justifient pas d'un préjudice personnel et distinct des sociétés X et Laon Distribution.

- De juger que les sociétés Djandhels et New Market ainsi que Mme Y ne justifient dans tous les cas pas des préjudices qu'elles auraient prétendument subis du fait de cette rupture de pourparlers.

En conséquence :

- De confirmer le jugement rendu par le tribunal de commerce de Reims le 12 janvier 2021 en toutes ses dispositions.

Subsidiairement du chef des préjudices,

- De juger que les préjudices allégués ne sont pas juridiquement admissibles en réparation d'une rupture prétendument fautive de pourparlers.

En tout état de cause,

- De fixer la créance de la société ITM Entreprises au passif de la société Laon Distribution au montant des sommes payées en exécution de l'ordonnance de référé du 27 juillet 2018, incluant les frais irrépétibles, soit 187 000 €.

- De fixer la créance de la société ITM Entreprises au passif de la société X au montant des sommes payées en exécution de l'ordonnance de référé du 27 juillet 2018, incluant les frais irrépétibles, soit 232 000 €.

- De débouter les sociétés X, Laon Distribution, SC Djandhels, New Market ainsi que Mme Y de l'ensemble de leurs demandes, fins et conclusions.

- De condamner les sociétés X et Laon Distribution à verser chacune aux sociétés ITM Entreprises et ITM Alimentaire Est, respectivement, la somme de 10 000 € conformément à l'article 700 du code de procédure civile.

- De condamner les sociétés X et Laon Distribution aux entiers dépens, dont distraction au profit de Maître Mélanie C.-R. conformément aux dispositions de l'article 699 du code de procédure civile.

MOTIFS DE LA DECISION :

L'effet dévolutif de l'appel :

Aux termes de l'article 562 du code de procédure civile, l'appel défère à la cour la connaissance des chefs de jugement qu'il critique expressément et de ceux qui en dépendent.

L'absence d'effet dévolutif de l'appel n'est pas une fin de non-recevoir et est par conséquent de la seule compétence de la cour.

Les sociétés ITM Entreprises et ITM Alimentaire Est soutiennent que l'effet dévolutif n'a pas joué sur les deux points qui sont critiqués par l'appelante, soit l'existence d'un contrat d'enseigne et la rupture abusive des pourparlers, dans la mesure où ils ne sont pas visés dans la déclaration d'appel.

Il ressort du jugement critiqué que le tribunal a fixé la créance des sociétés ITM Entreprises et ITM Alimentaire Est au passif des liquidations judiciaires des sociétés Laon Distribution et X et a débouté la SELARL Bruno R. ès-qualités de toutes ses demandes.

Les "dire et juger" qui figurent dans le dispositif de la décision n'ont aucune valeur juridique ; ils ne sont en réalité que l'expression des motifs par lesquels les juges consulaires ont débouté le mandataire liquidateur de ses prétentions indemnitaires et ont fait droit à celles des sociétés ITM Entreprises et ITM Alimentaire Est, soit la fixation de leurs créances respectives au passif des deux sociétés.

Il ne s'agit donc pas de chefs de jugement critiqués.

La déclaration d'appel a notamment pour objet d'infirmer le jugement en ce qu'il a fixé leur créance et en ce qu'il a débouté la SELARL Bruno R. ès-qualités de l'intégralité de ses demandes.

Il n'existe donc aucune atteinte à l'effet dévolutif de l'appel.

La fin de non-recevoir tirée de l'existence de demandes nouvelles :

Cette question a déjà été tranchée par le conseiller de la mise en état dans son ordonnance d'incident du 22 juin 2021 qui n'a pas été frappée de déférer.

Par application de l'article 907 renvoyant à l'article 794 du code de procédure civile, cette ordonnance a autorité de chose jugée au principal.

Les sociétés ITM Entreprises et ITM Alimentaire Est sont par conséquent, irrecevables à soulever devant la cour cette fin de non-recevoir.

La recevabilité à agir de la société New Market :

Par application de l'article 117 du code de procédure civile, constitue une irrégularité de fond affectant la validité de l'acte le défaut de capacité d'ester en justice.

Les sociétés ITM Entreprises et ITM Alimentaire Est soulèvent l'irrecevabilité à agir de la société New Market au motif qu'elle n'a plus aucune existence légale, celle-ci ayant été radiée du registre du commerce et des sociétés le 7 janvier 2020 (publication au BODACC le 14 janvier 2020).

La radiation au RCS est une simple formalité administrative qui est sans incidence juridique sur l'existence d'une société, la personnalité juridique d'une société commerciale ne prenant fin qu'à compter de la publication au RCS de la clôture de sa liquidation.

La société New Market est par conséquent recevable à agir.

La formation du contrat d'enseigne :

Il sera rappelé à titre liminaire que par application de l'article 954 du code de procédure civile, la cour ne statue que sur les seuls moyens au soutien des prétentions qui sont invoqués dans la partie "discussion" des conclusions des parties.

* L'absence d'autorité de chose jugée :

Aux termes de l'article 79 du code de procédure civile, lorsqu'il ne se prononce pas sur le fond du litige, mais que la détermination de la compétence dépend d'une question de fond, le juge doit, dans le dispositif du jugement, statuer sur cette question de fond et sur la compétence par des dispositions distinctes.

Sa décision a autorité de chose jugée sur cette question de fond.

Par décision du 5 février 2019, le tribunal de commerce de Reims a rejeté l'exception d'incompétence au profit du tribunal arbitral (en vertu de la clause compromissoire insérée dans les contrats d'enseigne) soulevée par les sociétés ITM Entreprises et ITM Alimentaire Est et s'est déclaré compétent pour trancher le litige.

Les sociétés ITM Entreprises et ITM Alimentaire Est soutiennent que le tribunal se serait ainsi déjà prononcé sur la question de fond de l'inexistence de contrats d'enseigne et que sa décision ayant autorité de chose jugée, la cour n'aurait plus à se prononcer sur cette question et que ne resterait donc en litige que celle de la rupture des pourparlers.

C'est à juste titre que la SELARL Bruno R. ès-qualités et Mme Y leur objectent que l'autorité de la chose jugée n'a lieu qu'à l'égard de ce qui a été tranché dans le dispositif de la décision.

En effet, si le tribunal, par cette décision avant-dire-droit, a nécessairement apprécié le fond du litige - L'application de la clause compromissoire en cas de reconnaissance d'un contrat d'enseigne, pour rejeter l'exception d'incompétence, il n'a pas, dans son dispositif, tranché la question de fond relative à l'existence ou non de contrats d'enseigne.

Il n'existe donc aucune autorité de chose jugée et la décision sera confirmée sur ce point.

* Les éléments essentiels du contrat d'enseigne :

Aux termes de l'article 1103 du code civil, les contrats légalement formés tiennent lieu de loi à ceux qui les ont faits.

L'article 1113 du même code dispose que le contrat est formé par la rencontre d'une offre et d'une acceptation par lesquelles les parties manifestent leur volonté de s'engager. Cette volonté peut résulter d'une déclaration ou d'un comportement non équivoque de son auteur.

Enfin, suivant l'article 1114, l'offre, faite à personne déterminée ou indéterminée, comprend les éléments essentiels du contrat envisagé et exprime la volonté de son auteur d'être lié en cas d'acceptation. A défaut, il y a seulement invitation à entrer en négociation.

Lorsque les parties ont exprimé leur accord sur les éléments objectivement essentiels du contrat, le contrat définitif est réputé conclu.

En l'espèce, Mme Y et autres et la SELARL Bruno R. ès-qualités soutiennent qu'un contrat d'enseigne définitif s'est formé entre la société X et la société Laon Distribution d'une part et la société ITM Entreprises d'autre part et ce, dès le lendemain de la date (le 6 juin 2018) à laquelle Mme Z les a informées que, dès réception des documents demandés, Mme Y pourrait venir régulariser les contrats ; qu'ainsi, le 7 juin 2018, les parties étaient parvenues à un accord ferme et définitif sur les contrats d'enseigne dans la mesure où elles ont exprimé leur accord sans équivoque et de manière irrévocable sur les clauses essentielles des deux contrats d'enseigne, de sorte que le refus exprimé par la suite de signer les contrats ne repose sur aucun motif légitime, la société ITM Entreprises ayant évidemment une connaissance précise de la situation comptable et financière des deux sociétés d'exploitation, cette situation n'ayant jamais été un obstacle à la signature des contrats.

Les intimées leur répondent que la société ITM Entreprises n'a pas consenti aux contrats d'enseigne litigieux et que contrairement à ce qu'elles prétendent, la commission de reprise du 30 mai 2018 ne s'est pas réunie, la décision ayant été ajournée, de sorte que le courriel de Mme Z, juriste de la région, dont elles s'approprient les termes, n'a ni le sens ni la portée qu'elles leur prêtent ; qu'elles ne peuvent donc ignorer qu'aucun contrat n'avait été conclu.

Pour bien appréhender ce litige, il convient de rappeler quel est le processus d'intégration dans une enseigne qui obéit à des règles spécifiques qui ne sont pas celles d'un contrat dit de droit commun.

Il obéit ainsi à des étapes essentielles pour que les parties parviennent à la formation définitive du contrat.

La société ITM Entreprises conduit un groupement de commerçants indépendants sous la dénomination "Groupement des Mousquetaires".

Elle a des franchiseurs sous les enseignes Intermarché et Netto.

L'ouverture d'un point de vente sous enseigne est soumise au processus suivant :

- Le contrat de franchiseur étant conclu intuitu personae, la personne intéressée doit adhérer aux principes et aux règles de fonctionnement du Groupement des Mousquetaires en signant la charte d'adhésion.

- Elle doit par ailleurs constituer son dossier tant sur le plan juridique que sur le plan commercial et financier.

- Dès que ces éléments ont été recueillis, l'adhérent présente son projet devant une commission dite de création ou de reprise qui porte une appréciation sur le dossier ; il est essentiel de relever qu'aucun contrat ne peut être signé sans la décision favorable de la commission.

Mme Y ne conteste pas avoir reçu le mémento 2017 édité par l'Union des Mousquetaires qui explique au candidat à la reprise d'un point de vente sous enseigne les étapes de l'affectation de son dossier avec, en point d'orgue, le passage devant la commission de reprise censé finaliser le processus avant la signature du contrat.

Mme Y ne conteste pas non plus avoir signé la charte d'adhésion rappelant à l'adhérent les principes fondamentaux qui régissent les Mousquetaires.

Elle ne pouvait donc ignorer qu'à compter d'octobre 2017, date à laquelle elle a pris contact avec la structure, elle adhérait aux procédures en vigueur telles qu'elles sont décrites dans les nombreuses attestations de candidats-adhérents produites par la société ITM Entreprises et qu'elle n'avait donc aucune garantie de signer un contrat d'enseigne avant son passage en commission.

Il ressort de l'historique des pourparlers versé aux débats que Mme Y connaissait dès le 29 novembre 2017 toutes les étapes nécessaires pour que son dossier soit accepté et en particulier le passage devant la commission de création ou de reprise.

Elle a reporté plusieurs réunions de travail prévues pour préparer son projet et ce n'est que plusieurs mois après, le 20 avril 2018, qu'elle a adressé les comptes de ses sociétés pour l'exercice 2017 qui ont révélé que leurs capitaux propres étaient inférieurs à la moitié du capital social.

Par un mail du 26 avril 2018, la juriste de la région Est (Les Mousquetaires- ITM Entreprises), Mme Z, a informé ses collègues que si Mme Y justifiait désormais avoir les fonds nécessaires pour recapitaliser la société et revenir à une situation positive par une remontée du compte courant d'associés de la société Djandhels (qui cède 51 % des parts à Mme Y), la signature était loin d'être acquise et qu'il ne fallait pas s'attendre à une réponse positive de leur part.

Au jour de la réunion prévue pour la tenue de la commission, soit le 30 mai 2018 (voir les procès-verbaux pièces n° 11 et 12 de la société ITM Entreprises) force est de constater que le dossier de Mme Y, dont les éléments chronologiques produits permettent de considérer qu'il avançait de manière très chaotique depuis l'origine, n'était pas complet et qu'en observation, il y est indiqué:

- Engagement de transformation de la société d'exploitation en SAS Groupement le jour de la cession des actions.

- Signature des statuts SAS Groupement le jour de la cession des actions.

« Sous réserve de cession de la part sociale de préférence au profit d'ITM Entreprises ainsi que d'obtention des emprunts bancaires ».

Contrairement à ce que soutiennent la SELARL Bruno R. ès-qualités et Mme Y, la commission n'a pas pris de décision ce jour-là, l'absence d'éléments entraînant son ajournement comme il est expressément indiqué dans les documents.

Ce point est conforté par le fait qu'aucune signature des participants à cette commission n'y est apposée autre que celle du bénéficiaire (Mme Y) alors que les éléments de comparaison avec d'autres commissions extérieures au présent litige révèlent que toutes les cases figurant en page 1 du document sont signées lorsque le dossier est accepté.

Ainsi, si la commission apparaît s'être effectivement tenue, aucune décision n'y a été prise en termes d'acceptation d'un projet qui n'était pas complètement finalisé.

A ce stade, Mme Y, au vu des informations qui lui avaient été données précédemment, ne pouvait se méprendre sur le fait que son dossier n'avait pas été accepté du fait de son caractère incomplet (elle a d'ailleurs transmis d'autres pièces après la tenue de cette commission).

La suite révèlera que le projet n'a pas été validé puisque la région des Mousquetaires (instance de recours) a émis un avis négatif au double motif que le prévisionnel d'évolution du chiffre d'affaires était exagérément optimiste et que le budget n'était pas soutenable en l'état des capitaux propres.

Mme Y ne pouvait ainsi se méprendre sur le sens qu'elle accorde maintenant à l'échange qu'elle a eu, à la suite de la réunion de la commission, avec Mme Z (celle-ci lui ayant indiqué le 6 juin 2018 que dès réception des documents demandés, elle pourrait venir régulariser les contrats), elle ne pouvait ignorer que cette personne n'avait aucun pouvoir décisionnaire et que son dossier étant incomplet, il devait passer de nouveau devant la commission pour être accepté, élément essentiel du contrat d'enseigne.

Il s'avèrera également que l'exigence de bonne foi expressément prévue dans les contrats par l'article 1104 du code civil n'a pas été respectée par Mme Y puisqu'il est apparu par la suite que la situation des sociétés dont elle était la gérante était obérée et qu'elles avaient des dettes auprès de la société DIAPAR, propriétaire de l'enseigne G20 (celle-ci a signifié le 25 septembre 2018 à la société ITM Entreprises des procès-verbaux de saisie-attribution pour des montants respectifs de 213 194,10 euros et 134 865,06 euros).

Sans aller jusqu'à suivre les intimées sur le fait que la signature des contrats ne visait pas l'exploitation sous enseigne du Groupement des Mousquetaires mais la perception des budgets d'ouverture qui auraient permis aux sociétés de rembourser des dettes antérieures, il ne peut qu'être constaté que Mme Y a résilié ses contrats avec l'enseigne G20 de manière imprudente avant d'avoir la certitude de l'acceptation de son dossier par Intermarché.

C'est par conséquent à bon droit que les juges consulaires ont considéré que les contrats d'enseigne n'avaient pas été formés et la décision sera confirmée sur ce point.

La rupture des pourparlers :

A titre subsidiaire, la SELARL Bruno R. ès-qualités, Mme Y et la société Djandhels soutiennent que la société ITM Entreprises a commis une faute de nature délictuelle sur le fondement de l'article 1240 du code civil en mettant fin brutalement aux pourparlers très avancés

* Sur la conclusion des contrats d'enseigne.

Les pourparlers certes avancés ont été rompus en considération de motifs financiers tels qu'ils ont été expliqués par le conseil d'administration de la région et ci-dessus reproduits.

Ces motifs tenant à la fragilité financière extrême des sociétés de Mme Y, qui n'avait en réalité pas la trésorerie suffisante pour acheter les marchandises dans ses points de vente et qui était au surplus en litige avec sa précédente enseigne en l'ayant caché à son futur cocontractant, sont légitimes et la société ITM Entreprises n'a commis aucune faute en mettant fin aux pourparlers dont la brutalité de la rupture ne peut être sanctionnée que dans l'hypothèse où elle est injustifiée.

Il a été rappelé également que la bonne foi de Mme Y est justement remise en cause puisqu'elle a dissimulé des éléments à son co-contractant dont elle connaissait la teneur.

La décision sera également confirmée en ce qu'elle a dit que les sociétés ITM Entreprises et ITM Alimentaire Est n'avaient pas non plus commis de faute à ce titre.

Aucune faute, qu'elle soit de nature contractuelle ou délictuelle, n'ayant été commise, la SELARL Bruno R. ès-qualités, Mme Y et la société Djandhels ne peuvent prétendre à l'indemnisation des préjudices qu'elles estiment avoir subis.

* La fixation des créances de la société ITM Entreprises au passif des sociétés X et Laon Distribution :

Compte tenu de la décision, il y a lieu de considérer que les sommes allouées par provision en référé aux sociétés X et Laon Distribution l'ont été à tort.

La décision sera confirmée en ce qu'elle a fixé les créances respectives au passif de ces deux sociétés.

L'article 700 du code de procédure civile :

La décision sera confirmée.

Succombant en leurs prétentions, la SELARL Bruno R. ès-qualités, Mme Y, la SARL Djandhels et la SARL New Market ne peuvent prétendre à une indemnité sur ce fondement.

La situation économique respective des parties justifie qu'il ne soit pas fait droit à la demande formée à ce titre par les sociétés ITM Entreprises et ITM Alimentaire Est.

Les dépens :

La décision sera confirmée.

La SELARL Bruno R. ès-qualités de mandataire liquidateur des sociétés D. Distibution et Laon Distribution, sera condamnée aux dépens d'appel avec recouvrement direct au profit de Maître C.-R., conformément à l'article 699 du code de procédure civile.

PAR CES MOTIFS :

Statuant publiquement et par arrêt contradictoire ;

- Déboute les sociétés ITM Entreprises et ITM Alimentaire Est de leur demande aux fins de voir priver d'effet dévolutif l'appel formé par la SELARL Bruno R. ès-qualités de mandataire judiciaire à la liquidation judiciaire de la SARL X et de la SARL Laon Distribution.

- Déclare les sociétés ITM Entreprises et ITM Alimentaire Est irrecevables à soulever devant la cour la fin de non-recevoir tirée de l'existence de demandes nouvelles formées par la SELARL Bruno R. ès-qualités.

- Déclare recevable à agir la SARL New Market.

- Confirme-en toutes ses dispositions le jugement rendu le 12 janvier 2021 par le tribunal de commerce de Reims.

Y ajoutant ;

- Déboute les parties de leurs demandes formées sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile.

- Condamne la SELARL Bruno R. ès-qualités de mandataire liquidateur des sociétés X et Laon Distribution, aux dépens d'appel avec recouvrement direct au profit de Maître C.-R., conformément à l'article 699 du code de procédure civile.