Cass. com., 15 décembre 1992, n° 90-21.175
COUR DE CASSATION
Arrêt
Rejet
COMPOSITION DE LA JURIDICTION
Président :
M. Bézard
Avocat général :
Mme Piniot
Avocats :
SCP Desaché et Gatineau, Me Spinosi
Rapporteur :
M. Nicot
Attendu, selon les énonciations de l'arrêt confirmatif attaqué (Douai, 6 septembre 1990), que Mme X, associée et gérante de la société à responsabilité limitée Jardiloisir, s'est portée caution, le 25 février 1987, de cette société envers le Crédit du Nord (la banque) ; qu'elle a démissionné de ses fonctions de gérante et a cessé d'être associée le 14 septembre 1987 ; que la société Jardiloisir a été mise en redressement judiciaire quelques mois plus tard ; qu'ayant clôturé le compte courant ouvert dans ses livres au nom de la société Jardiloisir, la banque a déclaré la créance correspondant au solde débiteur du compte, et a assigné Mme X, en sa qualité de caution, lui demandant le payement du montant de cette créance ; Attendu que Mme X reproche à l'arrêt d'avoir accueilli cette demande, alors, selon le pourvoi, d'une part, que l'acte de cautionnement au profit de la société Jardiloisir n'avait été souscrit que par les associés de cette société ; que le cautionnement n'était donc intervenu qu'en considération de la qualité d'associé des souscripteurs de cet acte ; que la disparition de sa qualité d'associée entrainait donc nécessairement la fin de son engagement en tant que caution ; qu'en décidant le contraire, la cour d'appel a violé les articles 1108, 1132 et 1134 du Code civil ;
alors, d'autre part, que les conventions doivent être exécutées de bonne foi ; que la banque, créancier professionnel, ne pouvait ignorer sa démission de ses fonctions de gérante de la société Jardiloisir et la disparition de sa qualité d'associé et que, faute par elle d'exercer la faculté dont elle disposait de résilier unilatéralement le cautionnement à durée indéterminée qu'elle avait souscrit, elle continuait à s'exposer, malgré ces évènements, au remboursement des dettes de la société Jardiloisir et donc à subir un préjudice ; qu'à supposer donc que le maintien de la qualité de gérante ou d'associée n'ait pas été inclus dans le champ contractuel, la cour d'appel devait rechercher si, en qualité de professionnel du crédit et conformément à son obligation de loyauté, la banque n'était pas tenue de lui rappeler, à l'occasion de ces deux évènements, la faculté qui lui était donnée de résilier son engagement de caution ; qu'en ne procédant pas à cette recherche, la cour d'appel a privé sa décision de base
légale au regard des articles 1134 et 2034 du Code civil ; et alors, enfin, que le cautionnement avait été conclu concomitamment avec une convention de compte courant autorisant un découvert d'un montant correspondant à celui de la caution ; que, dans ses écritures d'appel, elle faisait valoir qu'elle entendait contrôler le passage sur le compte courant d'un réglement de 150 000 francs transmis par la famille X en février et mars 1988 de sorte qu'elle contestait le montant de la créance de la banque ; qu'en se bornant à faire droit à la demande de paiement du solde débiteur du compte courant de la société Jardiloisir formée par la banque sans répondre à ce chef de ses conclusions, la cour d'appel a violé l'article 455 du nouveau Code de procédure civile ; Mais attendu, d'une part, que la cessation de ses fonctions pour un dirigeant social ou, pour un associé, la disparition de sa qualité, ne mettent pas fin aux obligations du cautionnement qu'il avait contracté pour une durée indéterminée afin de garantir les dettes de la société, dès lors qu'il n'avait pas fait de l'exercice de ses fonctions ou de sa qualité une condition de son engagement ; qu'ayant retenu que l'acte de cautionnement signé par Mme X ne comportait aucune mention stipulant que la validité de son engagement était conditionnée par sa qualité de gérante et qu'il était limité à ses fonctions, la cour d'appel a décidé à bon droit qu'il n'importait pas que la caution ait démissionné de ses fonctions de gérante et cessé d'être associée ; Attendu, d'autre part, qu'il ne résulte ni de ses conclusions, ni de l'arrêt, que Mme X ait soutenu devant la cour d'appel que la banque, en qualité de professionnel du crédit, et conformément à son obligation de bonne foi n'était pas tenue de rappeler à la caution, à l'occasion de sa démission et de sa perte de la qualité d'associé, la faculté qui lui était donnée de résilier son engagement ; que le moyen est donc nouveau et qu'il est mélangé de fait et de droit ; Attendu, enfin, qu'il résulte tant de l'arrêt que des écritures des
parties devant la cour d'appel que, Mme X ayant fait valoir qu'elle attendait les extraits du fonctionnement du compte courant depuis le mois de décembre 1987 jusqu'à la production de la créance de la banque, désirant contrôler le passage sur le compte de réglements de 100 000 francs et 50 000 francs effectués par la famille X, la banque a précisé en réponse que les relevés du compte permettaient de retrouver le paiement de 100 000 francs, dont il avait été tenu compte, mais non celui de 50 000 francs ; que la banque a versé aux débats la copie des relevés de compte courant du 1er février 1988 au 30 avril 1988, ainsi que le relevé des mouvements du compte pour le mois de mai 1988 ; qu'au vu de ces écritures et de ces pièces, la cour d'appel a constaté qu'il était justifié du versement régulier aux débats de toutes les pièces dont Mme X avait sollicité la production et a retenu qu'était prouvé le montant de la créance du Crédit du Nord ; qu'ainsi la cour d'appel a répondu aux conclusions visées au pourvoi ; D'où il suit qu'irrecevable en sa seconde branche, le moyen n'est pas fondé en ses première et troisième ;
PAR CES MOTIFS ;
REJETTE le pourvoi.