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Décisions

CA Versailles, 4e ch., 9 août 2021, n° 21/022431

VERSAILLES

PARTIES

Demandeur :

Entreprise O. Estrade (Sté), Smabtp (Sté)

Défendeur :

Recma (Sté), Bois Colombes Ilot 6 (Sté), Bet Abadie Sa (Sté)

COMPOSITION DE LA JURIDICTION

Président :

M. Robin

Conseillers :

Mme Cariou, Mme Buck

Avocats :

Me Teriitehau, Me Dumeau, Me Dontot, Me Lebatteux , Me Charlie, Me Alix

Paris, du 18 janv. 2021

18 janvier 2021

FAITS ET PROCÉDURE

La société Bois Colombes îlot 6 a fait réaliser à [Localité 2] un ensemble immobilier dénommé Résidences [Adresse 5] et l'a vendu par lots. Le syndicat des copropriétaires de cet ensemble immobilier a invoqué l'absence de levée de certaines réserves, des défauts de conformité et divers désordres.

Par arrêt en date du 18 janvier 2021, la cour, après avoir infirmé le jugement qui lui était déféré en ce qui concerne les désordres no20 (salissures et altérations superficielles de la maçonnerie des façades résultant de suintements et de ruissellements) et no23 (défaut d'étanchéité des balcons et pose défectueuse de leurs avaloirs et siphons), a :

Au titre du désordre no20

1) condamné la SMABTP assureur de la société SRM, à payer au syndicat des copropriétaires de la résidence [Adresse 5] la somme de 75 253,10 euros, augmentée de la taxe sur la valeur ajoutée et indexée sur l'évolution de l'indice BT01 du coût de la construction depuis le 6 avril 2013 et jusqu'à la date de l'arrêt, ainsi que des frais accessoires d'un montant total égal à 15,52 % de la somme ci-dessus,

2) fixé comme suit le partage de responsabilité :

– société SRM 80 %,

– BET Abadie 20 %,

Au titre du désordre no23

1) condamné in solidum la société Bois Colombes îlot 6, la société Entreprise O.Estrade et la SMABTP assureur de la société SRM, à payer au syndicat des copropriétaires de la résidence les Allées la somme de 164 321 euros, augmentée de la taxe sur la valeur ajoutée et indexée sur l'évolution de l'indice BT01 du coût de la construction depuis le 6 avril 2013 et jusqu'à la date de l'arrêt, ainsi que des frais accessoires d'un montant total égal à 15,52 % de la somme ci-dessus,

2) fixé les sommes ci-dessus au passif de la société Recma, en liquidation judiciaire,

3) fixé comme suit le partage de responsabilité :

– société Bois Colombes îlot 6, 50 %,

– société Entreprise O.Estrade, 10 %,

– société SRM 10 %,

– société Recma 20 %,

4) dit que la SMABTP, la société Entreprise O.Estrade et la société Bois Colombes îlot 6 pourront exercer entre elles les recours en principal et intérêts à proportion du partage de responsabilité ci-dessus.

Par requête reçue au greffe le 6 avril 2021, la SMABTP et la société Entreprise O.Estrade ont saisi la cour afin qu'elle corrige l'erreur matérielle affectant le partage de responsabilité au titre du désordre 23, compte tenu de l'omission d'attribuer 10 % de responsabilité, et qu'elle précise l'indexation de l'intégralité des condamnations sur l'indice BT01 du coût de la construction depuis le 6 avril 2013 et jusqu'à l'arrêt du 18 janvier 2021.

Par requête reçue au greffe le 13 avril 2021, la société Bois Colombes îlot 6 demande à la cour de réparer l'omission de statuer affectant l'arrêt du 18 janvier 2021 en ce qu'il n'a pas imputé 10 % de responsabilité au titre du désordre no23 et de rectifier une erreur matérielle affectant cet arrêt en ce qu'il mentionne que la requérante ne justifiait pas d'une déclaration de créance au passif de la société Recma alors que tel était le cas.

Les deux affaires ont été fixées à l'audience du 7 juin 2021, à laquelle les parties ont été appelées.

Par conclusions déposées le 4 juin 2021, le syndicat des copropriétaires de la résidence [Adresse 5] sollicite le rejet de la demande de la SMABTP et de la société Entreprise O.Estrade relative aux précisions à apporter concernant l'indexation, ainsi que leur condamnation au paiement d'une indemnité de 500 euros par application de l'article 700 du code de procédure civile. Il soutient qu'il s'agit en réalité d'une demande d'interprétation de la décision et qu'en l'espèce il n'y a pas lieu à une telle interprétation.

Par conclusions déposées le 31 mai 2021, la SMABTP et la société Entreprise O.Estrade réitèrent leurs demandes.

Par conclusions déposées le 1er juin 2021, la société Recma déclare ne pas s'opposer aux demandes en indiquant que seule la société Bois Colombes îlot 6 a déclaré sa créance.

MOTIFS

Les deux requêtes successives déposées par la SMABTP et la société Entreprise O.Estrade puis par la société Bois Colombes îlot 6 tendent à la rectification d'un même arrêt ; en outre, elles tendent partiellement aux mêmes fins en ce qui concerne le partage de la responsabilité dans la survenance d'un désordre.

Il convient donc, dans l'intérêt d'une bonne administration de la justice, d'ordonner la jonction de l'instance enrôlée sous le numéro 21/2419 avec celle précédemment enrôlée sous le numéro 21/2243.

Sur l'interprétation de l'arrêt du 18 janvier 2021

Conformément à l'article 461 du code de procédure civile, il appartient à tout juge d'interpréter sa décision si elle n'est pas frappée d'appel ; la demande en interprétation est formée par simple requête de l'une des parties ou par requête commune et le juge se prononce les parties entendues ou appelées.

En l'espèce, l'arrêt du 18 janvier 2021 mentionne précisément que les sommes allouées en principal au syndicat des copropriétaires de la résidence [Adresse 5] sont assorties d'une indexation depuis une date expressément fixée et jusqu'à celle de l'arrêt lui-même ; les autres sommes, fixées en proportion de la somme indexée ci-dessus, subissent ainsi nécessairement les effets de cette indexation, de même que le montant de la taxe sur la valeur ajoutée au taux en vigueur à la date de l'arrêt.

La circonstance que certaines parties ont payé des sommes en exécution du jugement, lequel ne prenait pas en compte l'indexation décidée par la cour, constitue une simple question d'imputation sur le montant de la condamnation de sommes payées à titre provisionnel et ne nécessite pas une interprétation de l'arrêt lui-même ; en ce sens, le syndicat des copropriétaires de la résidence [Adresse 5] fait valoir à juste titre que l'indexation du montant dû en principal est étranger au calcul des intérêts éventuellement dus sur le montant d'une condamnation.

Il convient en conséquence de rejeter la demande en ce qui concerne les précisions à apporter à l'indexation du montant de la condamnation en principal.

Sur la rectification d'erreur matérielle

Conformément à l'article 462 du code de procédure civile, les erreurs et omissions matérielles qui affectent un jugement, même passé en force de chose jugée, peuvent toujours être réparées par la juridiction qui l'a rendu ou par celle à laquelle il est déféré, selon ce que le dossier révèle ou, à défaut, ce que la raison commande.

En l'espèce, la société Bois Colombes îlot 6 fait valoir à juste titre que le troisième paragraphe de la page 22 de l'arrêt du 18 janvier 2021 selon lequel « ni la SMABTP, ni la SCI Bois Colombes ne justifient d'une telle décision » procède d'une erreur matérielle en ce qu'il s'agissait en réalité de désigner la SMABTP et son assurée la société Entreprise O.Estrade.

Sur l'omission de statuer

Conformément à l'article 463 du code de procédure civile, la juridiction qui a omis de statuer sur un chef de demande peut également compléter son jugement sans porter atteinte à la chose jugée quant aux autres chefs, sauf à rétablir, s'il y a lieu, le véritable exposé des prétentions respectives des parties et de leurs moyens.

1) En l'espèce, ainsi que le font valoir à juste titre les parties, dans les rapports entre les intervenants à l'opération de construction, la cour a omis de statuer en ce qui concerne 10 % de la responsabilité du désordre no 23.

Cette omission procède en réalité d'une erreur matérielle affectant les pourcentages de responsabilité dont le total n'atteint pas 100 %. L'examen du dossier révèle que la cour avait estimé que la faute du maître d'ouvrage était prépondérante et que rien ne justifiait de retenir une part de responsabilité du maître d'oeuvre ; la cour a expressément considéré que la responsabilité partielle de la société SRM avait été retenue à bon droit par le tribunal ; en revanche, la cour, a considéré que la société O.Estrade et la société Recma, chargées respectivement du lot plomberie et du lot carrelage, avaient commis des fautes d'une gravité équivalente et aucun motif de l'arrêt ne permet d'expliquer que la part de responsabilité de la société O.Estrade a été réduite en deçà de celle de la société Recma. Dès lors le partage de responsabilité doit s'établir comme suit :

– société Bois Colombes îlot 6, 50 %,

– société Entreprise O.Estrade, 20 %,

– société SRM 10 %,

– société Recma 20 %.

2) La société Bois Colombes îlot 6 demandait à la cour de fixer au passif de la société Recma toutes les condamnations qui seraient prononcées à son encontre au bénéfice du syndicat des copropriétaires, dans la limite de la créance déclarée entre les mains du mandataire judiciaire.

Or, la cour, qui a fixé au passif de la société Recma la somme principale de 164 321 euros et ses accessoires, représentant le montant des condamnations prononcées au profit du syndicat des copropriétaires au titre du désordre no23, a cependant omis de statuer sur le recours de la société Bois Colombes îlot 6.

Conformément au partage de responsabilité décidé par la cour, il convient de fixer la créance de la société Bois Colombes îlot 6 à concurrence de 20 % de ce montant.

Sur les dépens et les autres frais

Il convient de laisser les dépens de la présente instance à la charge du Trésor public.

Le syndicat des copropriétaires de la résidence [Adresse 5] sera débouté de sa demande d'indemnité par application de l'article 700 du code de procédure civile.

PAR CES MOTIFS

La Cour, statuant après débats en audience publique, par arrêt contradictoire,

ORDONNE la jonction de l'instance enrôlée sous le numéro 21/2419 avec celle précédemment enrôlée sous le numéro 21/2243 ;

DIT n'y avoir lieu à interprétation de l'arrêt du 18 janvier 2021 en ce qui concerne l'indexation du montant des condamnations ;

ORDONNE la rectification de cet arrêt en ce sens que :

1) en page 22, le troisième paragraphe ainsi rédigé :

« Or ni la SMABTP, ni la SCI Bois Colombes ne justifient d'une telle déclaration »

est remplacé par :

« Or ni la SMABTP ni la société O.Estrade ne justifient d'une telle déclaration »,

2) en page 19, le troisième paragraphe ainsi rédigé :

« La cour fixera en conséquence le partage des responsabilités comme suit :

– SCI Bois Colombes : 50 %,

– O.Estrade : 10 %,

– SRM : 10 %,

– Recma : 20 %. »,

est remplacé par :

« La cour fixera en conséquence le partage des responsabilités comme suit :

– SCI Bois Colombes : 50 %,

– O.Estrade : 20 %,

– SRM : 10 %,

– Recma : 20 %. »,

3) en page 24, la disposition ainsi libellée :

« Dit que le partage de responsabilité est fixé de la façon suivante :

– SCI Bois Colombes : 50 %,

– O.Estrade : 10 %,

– SRM : 10 %,

– Recma : 20 %. »,

est remplacée par :

« Dit que le partage de responsabilité est fixé de la façon suivante :

– SCI Bois Colombes : 50 %,

– O.Estrade : 20 %,

– SRM : 10 %,

– Recma : 20 %. » ;

COMPLÈTE la disposition de l'arrêt ainsi libellée :

« Fixe au passif de la société Recma :

– la somme de 164 321 euros HT plus la TVA au taux en vigueur au jour de l'arrêt,

– les frais de maîtrise d'oeuvre évalués à 10 % du montant total HT des travaux,

– les frais de souscription d'une assurance dommages ouvrage obligatoire correspondant à 2,02 % du montant HT des travaux,

– la prise en charge du coût d'un bureau de contrôle pour un montant de 2 % HT du montant total des travaux,

– le coût d'un coordonnateur SPS pour un montant de 1,5 % HT des travaux, »,

par la disposition suivante :

« et dit que la SCI Bois Colombes pourra exercer son recours à concurrence de la part de responsabilité de la société Recma » ;

DIT que le présent arrêt sera mentionné sur la minute et les expéditions de l'arrêt rectifié et qu'il sera notifié comme celui-ci ;

LAISSE les dépens à la charge du Trésor public ;

DÉBOUTE le syndicat des copropriétaires de la résidence [Adresse 5] de sa demande d'indemnité par application de l'article 700 du code de procédure civile.

- Prononcé publiquement par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile.

- Signé par Monsieur Emmanuel ROBIN, Président et par Monsieur Boubacar Barry, Greffier, auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.