Livv
Décisions

Cass. com., 15 décembre 2021, n° 21-11.957

COUR DE CASSATION

Arrêt

Cassation

PARTIES

Demandeur :

The National Association of Professionnal Environmentalists, Africa Institute for Energy Governance, Comité catholique contre la faim et pour le développement, ActionAid France, Collectif éthique sur l'étiquette

Défendeur :

Totalenergies (Sté), CFDT

COMPOSITION DE LA JURIDICTION

Président :

Mme Mouillard

Rapporteur :

Mme de Cabarrus

Avocat général :

Mme Gueguen

Avocats :

SARL Meier-Bourdeau, Lécuyer et associés, SCP Thouvenin, Coudray et Grévy, SCP Spinosi

Versailles, 13e et 14e ch., du 10 déc. 2…

10 décembre 2020

Jonction

1. En raison de leur connexité, les pourvois n° F 21-11.957 et Z 21-11.882 sont joints.

Exposé du litige

Faits et procédure

2. Selon l'arrêt attaqué (Versailles, 10 décembre 2020), rendu en matière de référé, par acte du 29 octobre 2019, les associations Les Amis de la Terre France, The National Association of Professionnal Environmentalists (NAPE) et Africa Institute for Energy Gouvernance (AFIEGO) ont assigné la société Total SA, devenue la société Totalenergies SE, (la société Total) devant le tribunal judiciaire de Nanterre afin de voir ordonner, à titre principal, des actions urgentes pour faire cesser le trouble manifestement illicite résultant de la méconnaissance par cette société de ses obligations en matière de vigilance et de lui enjoindre, à titre subsidiaire, sous astreinte, d'établir et publier un ensemble de mesures dans son plan de vigilance, prévues aux 2° à 5° de l'article L. 225-102-4, I, du code de commerce, propres à prévenir les risques identifiés dans la cartographie des risques et prévenir les atteintes graves envers les droits humains et les libertés fondamentales, la santé et la sécurité des personnes ainsi que l'environnement résultant des activités de la société Total, de sa filiale et de leurs sous-traitants, dans la conduite de projets en Ouganda, et de mettre en oeuvre ce plan de vigilance.

3. La Confédération française démocratique du travail (la CFDT) et les associations Comité catholique contre la faim et pour le développement - Terre solidaire (CCFD - Terre solidaire), ActionAid France et le Collectif éthique sur l'étiquette sont intervenues volontairement à l'instance.

4. La société Total ayant soulevé l'incompétence matérielle du tribunal judiciaire saisi, celui-ci a retenu que le litige relevait de la compétence exclusive des juridictions consulaires et renvoyé l'affaire devant le tribunal de commerce de Nanterre, statuant en référé.

Moyens

Examen des moyens

Sur le moyen du pourvoi n° F 21-11.957, pris en sa seconde branche

Enoncé du moyen

5. Les associations Les Amis de la Terre France, NAPE et AFIEGO, CCFD - Terre solidaire et ActionAid France et le Collectif éthique sur l'étiquette font grief à l'arrêt de renvoyer l'affaire devant le tribunal de commerce de Nanterre, alors « que, sauf à ce que la contestation porte sur un acte de commerce en la forme ou par nature, le demandeur non commerçant qui exerce une action contre un commerçant dispose d'une option de compétence en vertu de laquelle il peut choisir de porter cette action devant le tribunal judiciaire ou devant le tribunal de commerce ; qu'en considérant que les associations, bien que non commerçantes, ne disposaient pas d'une telle option pour agir contre la société Total, qui est une société commerciale, afin d'assurer le respect de ses obligations de vigilance résultant des dispositions du I de l'article L. 225-102-4 du code de commerce, dès lors que ces obligations ont une nature légale et ne constituent pas des actes mixtes, de sorte que seul le tribunal de commerce serait compétent pour connaître d'une telle action, la cour d'appel a méconnu l'option de compétence qui leur était offerte et qui leur permettait de saisir valablement le tribunal judiciaire ; que la cour d'appel a ainsi violé l'article L. 721-3 du code de commerce. »

Motivation

Réponse de la Cour

Vu l'article L. 211-3 du code de l'organisation judiciaire et les articles L. 721-3 et L. 225-102-4 du code de commerce :

6. Il résulte de ces textes que le plan de vigilance, incombant à une société anonyme en application du troisième texte, ne constitue pas un acte de commerce au sens du 3° du deuxième texte et que, si l'établissement et la mise en œuvre d'un tel plan présentent un lien direct avec la gestion de cette société, justifiant la compétence des juridictions consulaires par application du 2° du deuxième texte, le demandeur non commerçant qui entend agir à cette fin dispose toutefois, en ce cas, du choix de saisir le tribunal civil ou le tribunal de commerce.

7. Pour retenir la compétence exclusive du tribunal de commerce, l'arrêt retient que le plan de vigilance, dont l'établissement et la mise en oeuvre sont en lien direct avec la gestion de la société, constitue un acte commercial et non un acte mixte qui, seul, ouvrirait un droit d'option aux associations demanderesses.

8. En statuant ainsi, alors que les demandeurs, non commerçants, pouvaient choisir d'agir devant la juridiction civile, la cour d'appel a violé les textes susvisés.

Portée et conséquences de la cassation

9. Après avis donné aux parties, conformément à l'article 1015 du code de procédure civile, il est fait application des articles L. 411-3, alinéa 2, du code de l'organisation judiciaire et 627 du code de procédure civile.

10. L'intérêt d'une bonne administration de la justice justifie, en effet, que la Cour de cassation statue au fond.

11. Il résulte de ce qui est dit aux paragraphes 6 et 8 que le juge judiciaire est compétent pour statuer sur les demandes formées par les associations Les Amis de la Terre France, NAPE et AFIEGO, CCFD - Terre solidaire et ActionAid France et le Collectif éthique sur l'étiquette et la CFDT.

Dispositif

PAR CES MOTIFS, et sans qu'il y ait lieu de statuer sur les autres griefs, la Cour :

CASSE ET ANNULE, mais seulement en ce que, confirmant l'ordonnance rendue en référé le 30 janvier 2020 par le tribunal judiciaire de Nanterre, il renvoie l'affaire devant le tribunal de commerce de Nanterre, statuant en référé, et statue sur les dépens, l'arrêt rendu le 10 décembre 2020, entre les parties, par la cour d'appel de Versailles.