CA Paris, 4e ch. B, 9 novembre 2007, n° 05/21697
PARIS
Arrêt
Infirmation partielle
PARTIES
Demandeur :
Galerie Lafayette (SA)
Défendeur :
M. Chapelier, Lovat (SA), Glencoe (Sarl), Ayr (Sarl), Nevis (Sarl), Iona (Sarl), Red And Blue (SA), Sap Polyne (SA)
COMPOSITION DE LA JURIDICTION
Conseillers :
Mme Regnier, M. Marcus
Avoués :
SCP Mira - Bettan, Me Huyghe, SCP Baufume - Galland - Vignes
Avocats :
Me Lubet, Me Zazzo, Me Cycman, Me Schlosser
- contradictoire
- rendu par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du nouveau Code de procédure civile.
- signé par Madame REGNIEZ, conseiller le plus ancien ayant délibéré et par Madame L. MALTERRE PAYARD, greffier à laquelle la minute du présent arrêt a été remise par le magistrat signataire.
La cour est saisie de l'appel interjeté par la société anonyme SOCIÉTÉ DES GALERIES LAFAYETTE (société GALERIES LAFAYETTE) à l'encontre du jugement contradictoire rendu le 9 septembre 2005 par le tribunal de grande instance de Paris (3ème Chambre, 2ème section) qui a :
- dit qu'en commercialisant un modèle de sac reproduisant les caractéristiques du modèle de sac cabas déposé sous len°94.6684, la société GALERIES LAFAYETTE et la société anonyme SOCIÉTÉ D'EXPLOITATION SAP SOUVENIRS ET ARTICLES DE PARIS - SOCIETE D'EXPLOITATION DES ETABLISSEMENTS POLYNE (ci-après la société POLYNE) ont porté atteinte au droit moral de Monsieur Hervé CHAPELIER ainsi qu'aux droits patrimoniaux dont la société à responsabilité limitée BUSH HOLDING est investie,
- dit qu'elles ont, ce faisant, commis des actes de concurrence déloyale à l'égard de la société anonyme LOVAT et RED AND BLUE, des sociétés à responsabilité limitée GLENCOE, AYR, NEVIS et IONA.
- en conséquence, leur a interdit la poursuite des actes litigieux sous astreinte de 150 euros par infraction constatée à compter de la signification de la décision,
- condamné in solidum les sociétés GALERIES LAFAYETTE et POLYNE. à verser les sommes suivantes :
* 3 000 euros à Monsieur CHAPELIER en réparation de l'atteinte portée à son droit moral,
* 4 000 euros à la société BUSH HOLDING en réparation de l'atteinte portée à ses droits patrimoniaux,
* 5 000 euros à la société LOVAT, grossiste, et 2 000 euros à chacune des sociétés GLENCOE, AYR, NEVIS, IONA et RED AND BLUE en réparation du préjudice qu'elles subissent du fait de la commercialisation du modèle de sac litigieux,
- ordonné l'exécution provisoire de la mesure d'interdiction et des condamnations financières énoncées ci-avant mais dans la limite de la moitié du montant de celles-ci,
- autorisé les demandeurs à faire publier le dispositif dans deux revues de leur choix, aux frais in solidum des sociétés défenderesses sans que le coût total de ces insertions ne dépasse la somme de 7 000 euros hors taxes,
- rejeté toutes autres demandes,
- condamné in solidum les sociétés GALERIES LAFAYETTE et POLYNE à verser aux demandeurs la somme de 3 000 euros au titre de l'article 700 du nouveau Code de procédure civile,
- condamné in solidum les sociétés GALERIES LAFAYETTE; et POLYNE aux dépens ;
Il convient de rappeler que Monsieur CHAPELIER expose qu'il est le créateur d'un modèle de sac cabas, déposé à l'INPI le 7 décembre 1994, avec réquisition de publicité sous len°94.6684.
La société BUSH HOLDING est devenue cessionnaire des droits de modèle, par acte de cession du 12 juillet 1996.
Les sociétés LOVAT, GLENCOE, AYR, NEVIS, IONA et RED AND BLUE indiquent qu'elles commercialisent ledit sac, la première en qualité de grossiste et les autres en qualité de détaillantes.
A la suite à d'opérations de saisie-contrefaçon réalisées le 21 avril 2003 dans les locaux de la société GALERIES LALAYETTE, Monsieur Hervé CHAPELIER et les six sociétés susnommées ont, par acte du 5 novembre 2003, fait assigner les sociétés GALERIES LAFAYETTE et POLYNE en contrefaçon et concurrence déloyale.
C'est ainsi qu'est né le présent litige.
La société GALERIES LAFAYETTE, appelante, prie la cour, dans ses dernières conclusions signifiées le 4 octobre 2007, de :
- la déclarer recevable et bien fondée en son appel,
- confirmer le jugement entrepris en ce qu'il a annulé les opérations de saisie-contrefaçon diligentées dans ses locaux à son insu le 21 octobre 2003 et rejeter des débats toutes pièces subséquentes,
- infirmer le jugement déféré pour le surplus et en ce qu'il l'a condamnée pour actes de contrefaçon et de concurrence déloyale,
Statuant à nouveau,
A titre principal,
- juger que le ticket de caisse versé aux débats en première instance par Monsieur CHAPELIER et la société BUSH HOLDING et datée du 26 septembre 2003 est dépourvu de toute force probante et, en conséquence, rejeter les demandes de Monsieur CHAPELIER et les sociétés BUSH HOLDING, LOVAT, GLENCOE, AYR, NEVIS, IONA ET RED AND BLUE,
A titre subsidiaire,
- juger que Monsieur CHAPELIER et la société BUSH HOLDING ne peut s'approprier un genre de sacs à main,
- dire que la société GALERIES LAFAYETTE n'a commis aucun acte de contrefaçon du dessin et modèle enregistré en France sous len°946 684 à l'encontre de la société BUSH HOLDING,
- juger qu'elle n'a commis aucune atteinte au droit moral de Monsieur CHAPELIER,
- dire qu'elle n'a commis aucun acte de concurrence déloyale et parasitaire à l'encontre des sociétés BUSH HOLDING, LOVAT, GLENCOE, AYR, NEVIS, IONA ET RED AND BLUE,
- constater, en tout état de cause, que Monsieur CHAPELIER et les sociétés BUSH HOLDING, LOVAT, GLENCOE, AYR, NEVIS, IONA ET RED AND BLUE ne rapportent pas la preuve d'avoir subi un quelconque préjudice du fait de la société GALERIES LAFAYETTE,
En conséquence,
- rejeter purement et simplement l'intégralité des demandes de Monsieur CHAPELIER et des sociétés BUSH HOLDING, LOVAT, GLENCOE, AYR, NEVIS, IONA ET RED AND BLUE,
A titre très subsidiaire,
- juger qu'elle est recevable et bien fondée en son appel en garantie de la société POLYNE,
- lui donner acte de ce que son appel en garantie ne constitue aucunement une quelconque reconnaissance du bien fondé des prétentions de Monsieur CHAPELIER et les sociétés BUSH HOLDING, LOVAT, GLENCOE, AYR, NEVIS, IONA ET RED AND BLUE,
En conséquence,
- condamner la société POLYNE à la relever indemne de toute condamnation qui serait prononcée à son encontre,
En tout état de cause,
- condamner Monsieur CHAPELIER et les sociétés BUSH HOLDING, LOVAT, GLENCOE, AYR, NEVIS, IONA et RED AND BLUE à lui verser in solidum la somme de 15 000 euros sur le fondement des dispositions de l'article 700 du nouveau Code de procédure civile, et subsidiairement, condamner la société POLYNE à lui payer une somme de 20 000 euros sur le même fondement,
- condamner Monsieur CHAPELIER et les sociétés BUSH HOLDING, LOVAT, GLENCOE, AYR, NEVIS, IONA et RED AND BLUE aux entiers dépens .
Dans leurs dernières conclusions signifiées le 11 septembre 2007, Monsieur CHAPELIER, les sociétés BUSH HOLDING, LOVAT, GLENCOE, AYR, NEVIS, IONA et RED AND BLUE, intimés, demandent à la cour de :
- confirmer partiellement le jugement déféré en ce qu'il a déclaré valable le modèle de sacn° 94.6684 et reconnu coupables de contrefaçon et de concurrence déloyale la société GALERIES LAFAYETTE et la société POLYNE, au préjudice de Monsieur CHAPELIER et des sociétés GLENCOE, AYR, NEVIS, IONA et RED AND BLUE en ordonnant la publication du jugement,
L'infirmant pour le surplus,
- déclarer valable la saisie contrefaçon opérée le 21 octobre 2003,
- condamner in solidum la société GALERIES LAFAYETTE et la société POLYNE à verser :
* à Monsieur CHAPELIER la somme de 30 000 euros en réparation de l'atteinte portée à son droit moral,
* à la société BUSH HOLDING la somme de 60 000 euros en réparation de l'atteinte portée à ses droits patrimoniaux,
* à la société LOVAT la somme provisionnelle de 30 000 euros et à chacune des sociétés GLENCOE, AYR, NEVIS, IONA et RED AND BLUE celle de 15 000 euros en réparation des actes de concurrence déloyale et parasitaire,
- ordonner pour le surplus aux sociétés GALERIES LAFAYETTE et POLYNE la production de la comptabilité concernant le sac cabas vendu sous références13 46926 et ce sous astreinte de 1 000 euros par jour de retard,
A titre tout a fait subsidiaire,
- désigner tel comptable ou tel expert qu'il plaira à la cour et ordonner une mesure d'instruction aux frais avancés de l'appelante permettant à partir des bons de commandes, bons de livraisons, factures et statistiques pour les années 2000 à 2007 des sociétés POLYNE et GALERIES LAFAYETTE correspondant aux sacs cabas de déterminer la masse contrefaisante, les ventes manquées et les préjudices subis par les sociétés BUSH HOLDING, LOVAT, GLENCOE, AYR, NEVIS, IONA et RED AND BLUE,
- condamner in solidum la société appelante à la somme de 7 500 euros en application des dispositions de l'article 700 du nouveau Code de procédure civile ainsi qu'aux entiers dépens de première instance et d'appel .
La société POLYNE, intimée, sollicite la cour, dans ses dernières conclusions signifiées le 4 octobre 2007, de :
- la recevoir en son appel incident et l'y dire bien fondée, y faisant droit et statuant à nouveau,
- débouter les sociétés RED AND BLUE, IONA, NEVIS, AYR, GLENCOE, LOVAT, BUSH HOLDING et Monsieur CHAPELIER de toutes leurs demandes, fins et conclusions,
Subsidiairement,
Si la Cour par extraordinaire entrait en voie de condamnation à l'encontre de la société GALERIES LAFAYETTE,
- confirmer le jugement en ce qu'il a débouté la société GALERIES LAFAYETTE de leur demande en garantie formée contre elle,
En tout état de cause,
- condamner solidairement les sociétés RED AND BLUE, IONA, NEVIS, AYR, GLENCOE, LOVAT, BUSH HOLDING et Monsieur CHAPELIER au paiement de 4 000 euros au titre de l'article 700 du nouveau Code de procédure civile et sous la même solidarité aux entiers dépens .
SUR CE, LA COUR
Sur les conclusions et productions de pièces postérieures à la clôture
Considérant que, alors que l'ordonnance de clôture a été rendue le 5 octobre 2007, Monsieur CHAPELIER et les sociétés BUSH HOLDING, LOVAT, GLENCOE, AYR, NEVIS, IONA et RED AND BLUE ont signifié le 9 octobre 2007 des conclusions en réplique et récapitulatives, qui ont été déposées à la cour et visées par le greffier le 10 octobre 2007, jour des plaidoiries, et produit aux débats huit pièces, communiquées le 9 octobre 2007 selon le bordereau également soumis au visa du greffier le 10 octobre 2007 ;
Que dans les conclusions du 9 octobre 2007, il a été demandé la révocation de l'ordonnance de clôture et le renvoi de l'affaire à la mise en état ; qu'en page 16 de ces écritures qui contiennent un exposé de faits et de prétentions aboutissant à un dispositif pratiquement identique à celui figurant dans les conclusions signifiées par ces parties le 11 septembre 2007 (la différence consistant en ce que la demande de production de comptabilité n'est plus formée qu'à titre très subsidiaire), il a été indiqué que le conseiller de la mise en état a renvoyé la clôture au 5 octobre 2007, délai insuffisant pour les intimés de pouvoir examiner et répliquer auxdites conclusions ;
Qu'il apparaît toutefois qu'en l'espèce, alors que la cour est saisie depuis le mois de novembre 2005 et que le calendrier de l'affaire a été établi de longue date, l'ordonnance de clôture a dû être reportée à quatre reprises (13 septembre 2007, 27 septembre 2007, 4 octobre 2007 et 5 octobre 2007) ;
Qu'il est rappelé que la date de la clôture doit être aussi proche que possible de celle des plaidoiries et que le vendredi 5 octobre 2007 correspond à la dernière date d'audience de la 4e chambre section B avant la date des plaidoiries fixée au mercredi 10 octobre à 9 heures 30, lors de laquelle un seul avoué était présent ;
Qu'il n'est justifié d'aucune cause grave révélée depuis que l'ordonnance de clôture a été rendue et qu'il n'a pas été formé de demande tendant à ce que les conclusions signifiées par les autres parties le 4 octobre 2007 soient écartées des débats ;
Qu'il convient de déclarer irrecevables les conclusions et communications de pièces susvisées postérieures à la clôture ;
Sur la nullité des opérations de saisie-contrefaçon
Considérant que le tribunal a annulé le procès-verbal de saisie-contrefaçon du 21 octobre 2003 et ordonné son retrait des débats, ainsi que celui de toutes les pièces subséquentes, au motif que l'ordonnance du 13 octobre 2003, aux termes de laquelle M. CHAPELIER et la société BUSH HOLDING ont été autorisés à pratiquer une saisie-contrefaçon de modèle dans les locaux du magasin Galeries Lafayette situé [...], ainsi qu'au siège de la société Galeries Lafayette, n'a été signifiée qu'à Madame Edwige KOTAS, salariée de la société POLYNE, sur le stand de cette dernière situé dans l'enceinte des galeries Lafayette, ce qui a constitué un vice de forme ayant causé un grief à la société GALERIES LAFAYETTE, privée de la possibilité de faire valoir ses droits au cours des opérations et d'exercer un recours contre la décision avant la saisine du tribunal ;
Considérant que Monsieur CHAPELIER et les sociétés BUSH HOLDING, LOVAT, GLENCOE, AYR, NEVIS, IONA et RED AND BLUE soutiennent que cette saisie était en réalité valable car l'huissier a signifié l'ordonnance à la personne tenant un stand où se trouvaient exposés les sacs argués de contrefaçon, laquelle n'avait évidemment pas précisé si elle était préposée des GALERIES LAFAYETTE ou d'une autre société, étant ajouté, d'une part, que l'huissier s'est contenté de procéder à l'achat de deux exemplaires du sac litigieux, sans aller jusqu'à procéder à la saisie des stocks, d'autre part, qu'il était autorisé à procéder à des constatations auprès de toutes sociétés ou personnes dans le ressort du tribunal;
Mais considérant qu'il appartenait à l'huissier, quelles qu'aient pu être les personnes susceptibles d'être concernées par ses constatations et l'étendue de la saisie, de signifier l'ordonnance du 13 octobre 2003 non point simplement à l'intérieur des Galeries Lafayette, mais à la société GALERIES LAFAYETTE, laquelle devait être à même d'agir pour la protection de ses propres intérêts ; que pourtant cet huissier, qui s'était entretenu avec l'employeur de Madame KOTAS, dont il lui était apparu qu'il était le directeur de la société POLYNE, s'est abstenu d'effectuer les diligences qui lui auraient permis d'assurer la délivrance de l'acte à une personne ayant qualité pour le recevoir au nom de la société GALERIES LAFAYETTE ; que, dans ces conditions, il apparaît que c'est par des motifs pertinents, que la cour fait siens, que les premiers juges ont statué relativement à la nullité du procès-verbal de saisie et aux conséquences de son annulation ;
Sur la recevabilité de l'action des sociétés LOVAT, GLENCOE, AYR, NEVIS, IONA et RED AND BLUE
Considérant que le droit d'agir des six sociétés susnommées n'est pas remis en question devant la cour et que le jugement entrepris doit être en tant que de besoin confirmé en ce qu'il les a déclarées recevables à agir sur le fondement de la concurrence déloyale, en réparation du préjudice qu'elles soutiennent avoir subi ;
Sur la contrefaçon
Considérant que la validité du modèle invoqué et la réalité des droits le concernant ne sont pas directement contestées par la société POLYNE, laquelle indique néanmoins, en exposant ses arguments relatifs à la comparaison entre les modèles en cause, que Monsieur CHAPELIER ne prouve pas avoir été le premier à ajouter une bande au sommet du sac pour assurer une fermeture plus efficace, un tel système, qui est extrêmement courant et correspond à une idée de libre parcours, appartenant d'ailleurs au domaine public ; que la société GALERIES LAFAYETTE indique quant à elle que Monsieur CHAPELIER et la société BUSH HOLDING se contentent de soutenir que les éléments qui à leur sens caractérisent le modèle sont originaux, ce qui est insuffisant, en l'absence de démonstration de leur part ; qu'elle leur reproche aussi de ne pas établir en quoi ils seraient nouveaux ;
Considérant toutefois que la combinaison des anses, de la poche en toile enduite en forme de petit bateau ornée de surpiqûres particulières, et du système de fermeture à glissière placé sur une gorge rectangulaire formant un quatrième côté constitue un ensemble original, révélant indéniablement un effort créatif de la part de son auteur ; que, par ailleurs rien n'établit une divulgation antérieure à celle opérée par Monsieur CHAPELIER sans qu'elle ait fait l'objet de contestation ; qu'en conséquence, ces sacs sont protégeables tant au titre du livre I du CPI qu'à celui de l'ancien article L 511-3 du CPI ;
Considérant que la société GALERIES LAFAYETTE reprend devant la cour l'argumentation qu'elle avait déjà soumise en première instance pour tenter de démontrer le défaut de force probante du ticket de caisse du 26 septembre 2003 et de l'étiquette autocollante ; qu'elle fait valoir qu'en réalité l'origine des produits incriminés n'est nullement démontrée par ces éléments ;
Considérant cependant qu'en l'espèce l'original du ticket de caisse communiqué est suffisamment détaillé pour faire apparaître que l'un des sacs (identique à l'autre si l'on se réfère aux présentations effectuées sans protestation aucune devant la cour lors de l'audience du 10 octobre 2007) comporte une étiquette de référence et un prix correspondant parfaitement à ce qui y est mentionné ;
Que la société POLYNE ne conteste pas avoir vendu le sac litigieux et qu'il est démontré que les exemplaires remis à la cour ont été achetés sur son stand situé aux Galeries Lafayette ;
Considérant que la société POLYNE prétend néanmoins que les faits de contrefaçon incriminés ne sauraient être retenus, car les traits spécifiques des deux modèles en présence s'opposent ; que les anses du sac qu'elle commercialise sont ainsi plus longues, en matière plastique brillante et non en cuir et dépourvues des pattes de fixation en forme de blason qui sont présentées comme emblématiques de l'originalité revendiquée ; que le système de fermeture placé sur le sac par elle vendu répond à un impératif strictement technique et ne possède pas la caractéristique de largeur du modèle invoqué ; que son sac a un fond plat en matière rigide, alors que celui de Monsieur CHAPELIER possède un fond en nylon extrêmement souple; que le sien est aussi plus haut et moins large, ce qui lui donne une ligne différente ; que les matières sont radicalement différentes et que sur son sac figure en lettres brochées dorées la mention 'PARIS POLYNE FRANCE' qui ne se retrouve pas sur les sacs de Monsieur CHAPELIER ;
Que la société GALERIES LAFAYETTE relève aussi des différences selon elles patentes au niveau des anses, de la quatrième surface avec fermeture à glissière et de la poche formant le sac ;
Mais considérant que les éléments originaux du sac de M. CHAPELIER se retrouvent à l'identique dans celui argué de contrefaçon et que les différences mentionnées sont en réalité dénuées d'incidence .
Que, dans ces conditions, c'est avec pertinence qu'il a été jugé par le tribunal que le modèle de sac offert à la vente le 26 septembre 2003 reproduit les caractéristiques du modèle présenté et que l'atteinte aux droits moraux et patrimoniaux d'auteur et aux droits invoqués respectivement par Monsieur CHAPELIER et la société BUSH HOLDING est constituée ;
Sur la concurrence déloyale
Considérant que la société GALERIES LAFAYETTE soutient qu'elle n'a commis aucun acte de concurrence déloyale à l'égard des sociétés LOVAT, GLENCOE, AYR, NEVIS, IONA et RED AND BLUE ; qu'elle critique la motivation adoptée par le tribunal pour entrer à cet égard en voie de condamnation contre elle en se fondant uniquement sur la distribution et la vente à bas prix de sacs contrefaisants ; qu'elle estime qu'aucune de ces sociétés, dont cinq sont des détaillants dont Monsieur CHAPELIER est le gérant ou le président directeur général, ne possède un intérêt spécifique à exercer une action distincte de la sienne; qu'elles ne justifient pas non plus de faits distincts de la contrefaçon invoquée et qu'elles n'établissent pas avoir subi un préjudice qu'elle leur aurait causé ;
Que la société POLYNE fait quant à elle valoir que le tribunal, s'il l'a reconnue, comme la société GALERIES LAFAYETTE, coupable d'acte de concurrence déloyale, n'a articulé aucune faute particulière ;
Considérant que les sociétés LOVAT, GLENCOE, AYR, NEVIS, IONA et RED AND BLUE répondent que les différentes sociétés exploitant sous le nom et l'enseigne Hervé CHAPELIER peuvent solliciter, en l'absence de droit privatif, la réparation du préjudice subi au titre de la concurrence déloyale ; que la distribution de copies a généré pour les distributeurs une perte de marché, accompagnée d'un trouble commercial, le modèle dont il s'agit ayant été de toute évidence banalisé aux yeux des consommateurs ; qu'ont été subtilisés des efforts de création, d'investissement et de commercialisation ; qu'elles font grief aux appelantes de soutenir qu'elles ne seraient pas en situation de concurrence et font observer qu'il a été particulièrement déloyal de la part de la société GALERIES LAFAYETTE de vendre tout à la fois l'original et la copie ;
Considérant que même s'il est exact, comme l'ont relevé les premiers juges, que les six sociétés susnommées commercialisent le modèle de sac de Monsieur CHAPELIER qui a été contrefait, il n'apparaît néanmoins pas que le prix de 12 euros par unité puisse être en soi qualifié de bas prix, étant ajouté qu'il n'a pas été effectué de démonstration par rapport au prix des sacs qui ont été contrefaits, dont l'examen révèle qu'ils ne sont ni réalisés en matières précieuses, ni d'apparence hautement luxueuse ; que, par ailleurs, les affirmations relatives aux divers troubles qui auraient été subis ne sont corroborées par aucun élément de nature à en établir la réalité et qu'en définitive il ne se trouve prouvé l'existence d'aucune faute unie par un lien de cause à effet avec le préjudice allégué ; que, dans ces conditions, le jugement doit être infirmé en ce qu'il a prononcé des condamnations au titre de la concurrence déloyale ;
Sur les mesures réparatrices
Considérant que les premiers juges ont exactement apprécié la réparation du droit moral et celle de l'atteinte aux droits patrimoniaux de Monsieur CHAPELIER et de la société BUSH HOLDING ; que, sans qu'il s'avère nécessaire de recourir aux mesures d'instruction sollicitées, le jugement doit être sur ce point confirmé ; qu'il doit en revanche être infirmé en ce qui concerne les sommes allouées au titre de la concurrence déloyale et aussi relativement aux publications judiciaires qui ne s'imposent pas en l'espèce ;
Sur la demande de garantie
Considérant que la société GALERIES LAFAYETTE soutient qu'elle doit être garantie de toute condamnation par la société POLYNE, vendeuse des produits argués de contrefaçon et qui avait aussi, en sa qualité de fournisseur des produits litigieux, l'obligation de lui délivrer un produit exempt de tout vice et conforme à l'usage auquel il était destiné ; qu'elle ajoute que la société POLYNE doit être condamnée, sur le fondement des articles 1134 et 1147 du Code civil, à réparer le préjudice qu'elle lui a causé en lui fournissant un produit jugé contrefaisant, peu important qu'elle ait eu connaissance de l'existence des sacs de Monsieur CHAPELIER, dont elle commercialisait aussi les produits ;
Mais considérant que la société GALERIES LAFAYETTE, qui exploite les locaux dans lesquels ont été effectivement commercialisés tant le modèle contrefait que le modèle contrefaisant, ne pouvait ignorer, en tant que professionnelle de la mode et de la distribution, qu'elle s'exposait à un risque d'action en contrefaçon ; que, par ailleurs, elle ne justifie d'aucune clause de garantie contractuelle et point davantage d'une quelconque obligation de garantie susceptible de peser sur la société POLYNE ; que le jugement attaqué doit donc être confirmé en ce qu'il a rejeté ses prétentions à cet égard ;
Sur les dépens et l'application de l'article 700 du nouveau Code de procédure civile
Considérant que le sens du présent arrêt conduit à confirmer le jugement en ce qui concerne les dépens et l'application équitable qui y a été globalement faite des dispositions de l'article 700 du nouveau Code de procédure civile, laquelle ne pourra cependant profiter aux sociétés LOVAT, GLENCOE, AYR, NEVIS, IONA et RED AND BLUE, dont les prétentions ne sont pas admises ;
Qu'il convient de condamner in solidum les sociétés GALERIES LAFAYETTE et POLYNE aux dépens d'appel et à payer globalement à Monsieur CHAPELIER et à la société BUSH HOLDING la somme complémentaire de 3 000 euros, au titre des frais irrépétibles de procédure par eux exposés en cause d'appel ;
Par ces motifs,
La cour :
Déclare irrecevables les conclusions signifiées et les pièces produites après que l'ordonnance de clôture a été rendue ;
Confirme le jugement entrepris en toutes ses dispositions, sauf celles aux termes desquelles, d'une part, il a été dit que les sociétés GALERIES LAFAYETTE et POLYNE ont commis des actes de concurrence déloyale à l'égard des sociétés LOVAT, GLENCOE, AYR, NEVIS, IONA et RED AND BLUE et ont été prononcées des mesures et condamnations au profit de ces six sociétés, d'autre part, ont été autorisées des mesures de publication ;
L'infirme de ces chefs et rejette les prétentions formées à ces titres ;
Rejetant toute autre prétention, condamne in solidum les sociétés GALERIES LAFAYETTE et POLYNE aux dépens d'appel, dont le recouvrement pourra être poursuivi par Me Louis-Charles HUYGHE, avoué, conformément aux dispositions de l'article 699 du nouveau Code de procédure civile, ainsi qu'à payer, en application de l'article 700 du même code, globalement la somme de 3 000 euros à Monsieur CHAPELIER et à la société BUSH HOLDING.