Cass. crim., 7 septembre 2021, n° 19-87.367
COUR DE CASSATION
Arrêt
Cassation
COMPOSITION DE LA JURIDICTION
Président :
M. Soulard
Rapporteur :
M. Barbier
Avocat général :
M. Desportes
Avocats :
SCP Bauer-Violas, Feschotte-Desbois et Sebagh, SCP Zribi et Texier, SCP Spinosi, SCP Lyon-Caen et Thiriez, SARL Cabinet Munier-Apaire, SCP Célice, Texidor, Périer
Faits et procédure
1. Il résulte de l'arrêt attaqué et des pièces de la procédure ce qui suit.
2. La société Lafarge SA (la société Lafarge), de droit français, dont le siège social se trouve à [Localité 2], a fait construire une cimenterie près de Jalabiya (Syrie), pour un coût de plusieurs centaines de millions d'euros, qui a été mise en service en 2010. Cette cimenterie est détenue et était exploitée par une de ses sous-filiales, dénommée Lafarge Cement Syria (la société LCS), de droit syrien, détenue à plus de 98 % par la société mère.
3. Entre 2012 et 2015, le territoire sur lequel se trouve la cimenterie a fait l'objet de combats et d'occupations par différents groupes armés, dont l'organisation dite Etat islamique (EI).
4. Pendant cette période, les salariés syriens de la société LCS ont poursuivi leur travail, permettant le fonctionnement de l'usine, tandis que l'encadrement de nationalité étrangère a été évacué en Egypte dès 2012, d'où il continuait d'organiser l'activité de la cimenterie. Logés à [Localité 1] par leur employeur, les salariés syriens ont été exposés à différents risques, notamment d'extorsion et d'enlèvement par différents groupes armés, dont l'EI.
5. Concomitamment, la société LCS a versé des sommes d'argent, par l'intermédiaire de diverses personnes, à différentes factions armées qui ont successivement contrôlé la région et étaient en mesure de compromettre l'activité de la cimenterie.
6. Celle-ci a été évacuée en urgence au cours du mois de septembre 2014, peu avant que l'EI ne s'en empare.
7. Le 15 novembre 2016, les associations Sherpa et European Center for Constitutional and Human Rights (ECCHR), ainsi que onze employés syriens de la société LCS, ont porté plainte et se sont constitués partie civile auprès du juge d'instruction des chefs, notamment, de financement d'entreprise terroriste, de complicité de crimes de guerre et de crimes contre l'humanité, d'exploitation abusive du travail d'autrui et de mise en danger de la vie d'autrui.
8. Le ministère public, le 9 juin 2017, a requis le juge d'instruction d'informer sur les faits notamment de financement d'entreprise terroriste, de soumission de plusieurs personnes à des conditions de travail incompatibles avec la dignité humaine et de mise en danger de la vie d'autrui.
9. M. [KP], directeur sûreté du groupe Lafarge de 2008 à 2015, a été mis en examen le 1er décembre 2017 des chefs précités.
10. M. [R], directeur général de la société LCS de juillet 2014 à août 2016, a été mis en examen le même jour, également des chefs précités.
11. La société Lafarge a été mise en examen le 28 juin 2018 des chefs, notamment, de complicité de crimes contre l'humanité, financement d'entreprise terroriste, mise en danger de la vie d'autrui, sur réquisitions conformes du ministère public du 27 juin 2018.
12. Par requête en date du 31 mai 2018, M. [KP] a saisi la chambre de l'instruction pour statuer sur la nullité, notamment, de sa mise en examen.
13. Par requête en date du 1er juin 2018, M. [R] a également saisi la chambre de l'instruction pour statuer sur la nullité d'actes de la procédure ainsi que de sa mise en examen.
14. Mmes [J] et [AG], victimes yézidies de l'EI, se sont constituées partie civile le 30 novembre 2018.
15. Par requête en date du 27 décembre 2018, la société Lafarge a saisi la chambre de l'instruction pour statuer sur la nullité, notamment, de sa mise en examen.
16. La chambre de l'instruction de la cour d'appel de Paris, par trois arrêts du 24 octobre 2019, a, notamment, déclaré irrecevables les constitutions de partie civile des associations Sherpa et ECCHR. Des pourvois ont été formés contre ces décisions.
Examen de la recevabilité des pourvois contre les arrêts de la chambre de l'instruction n° 5 et 8 du 7 novembre 2019, en tant qu'ils sont formés par l'association Sherpa
17. Par un arrêt de ce jour (Crim., 7 septembre 2021, pourvoi n° 19-87.031), la Cour de cassation a déclaré irrecevable le pourvoi en tant que formé par l'association Sherpa, sa constitution de partie civile ayant été à bon droit jugée irrecevable.
18. Il s'ensuit que les pourvois en tant qu'il sont formés par cette association sont irrecevables.
Examen des moyens
Sur les deux moyens proposés pour M. [R] contre l'arrêt de la chambre de l'instruction n° 7 du 7 novembre 2019
Sur le premier moyen, sur le troisième moyen, pris en ses quatrième et septième branches, sur le quatrième moyen, pris en ses première, troisième, quatrième, cinquième et sixième branches, sur le cinquième moyen, sur le sixième moyen, sur le septième moyen proposés pour la société Lafarge contre l'arrêt de la chambre de l'instruction n° 8 du 7 novembre 2019
19. Ils ne sont pas de nature à permettre l'admission du pourvoi au sens de l'article 567-1-1 du code de procédure pénale.
Sur les deux moyens proposés pour l'association ECCHR contre l'arrêt de la chambre de l'instruction n° 5 du 7 novembre 2019
Enoncé des moyens
20. Le premier moyen critique l'arrêt attaqué en ce qu'il a déclaré irrecevable le mémoire déposé par les associations Sherpa et ECCHR, annulé la mise en examen de M. [KP] pour mise en danger de la vie d'autrui et ordonné la cancellation des passages des pièces de la procédure faisant référence à cette mise en examen, alors « que la cassation à intervenir des arrêts n° 2018/05060 et 2019/02572 du 24 octobre 2019, objets des pourvois n° 19-87.031 et n° 19-87.040, qui ont déclaré irrecevables les constitutions de parties civiles des associations Sherpa et ECCHR entraînera, par voie de conséquence, la cassation du dispositif de l'arrêt attaqué qui a déclaré irrecevables les mémoires des parties civiles et de l'arrêt en son entier faute d'avoir répondu aux articulations essentielles des mémoires des associations parties civiles exposantes. »
21. Le second moyen critique l'arrêt attaqué en ce qu'il a annulé la mise en examen de M. [KP] pour mise en danger de la vie d'autrui et ordonné la cancellation des passages des pièces de la procédure faisant référence à cette mise en examen, alors :
« 1°) que le juge d'instruction peut mettre en examen les personnes à l'encontre desquelles il existe des indices graves ou concordants rendant vraisemblable qu'elles aient pu participer, comme auteur ou comme complice, à la commission des infractions dont il est saisi ; que l'article 80-1 du code de procédure pénale n'exige pas que la participation de l'intéressé à l'infraction soit certaine mais seulement que la possibilité de cette participation soit vraisemblable ; que le respect des obligations particulières de prudence ou de sécurité prévues aux articles L. 4121-3, R. 4121-1 et suivants et R. 4141-13 du code du travail incombe au dirigeant de la personne morale employeur ou à son délégataire en matière de sécurité ; que la délégation de pouvoir peut résulter des circonstances de fait établissant que le délégataire est doté de la compétence, de l'autorité et des moyens nécessaires ; qu'en annulant la mise en examen de M. [KP] aux motifs de sa qualité de directeur de la sûreté, et non de la sécurité, du groupe Lafarge, de l'absence de preuve de l'inclusion dans cette fonction de celles de protection de la santé et de la sécurité des salariés et d'amélioration des conditions de travail au sens du code du travail et du défaut de preuve d'une délégation de pouvoirs écrite ou orale dont il aurait été titulaire, lorsqu'il résulte des constatations, d'une part, de la chambre de l'instruction qu'il existait des indices rendant vraisemblable l'autorité effective de la société Lafarge sur les salariés de l'usine de Jalabiya et sa participation au délit de mise en danger de la vie d'autrui faute de formation des salariés, de plan d'évacuation garantissant la sécurité des salariés lors d'une attaque et de mise à jour du document unique de sécurité en fonction de l'évolution des opérations militaires sur place et d'autre part, de celles de l'arrêt attaqué que M. [KP] occupait, du fait de ses fonctions de directeur de la sûreté du groupe Lafarge après une carrière militaire chez les fusiliers marins, dans les forces spéciales et les commandos, une position stratégique dans l'évaluation des risques susvisés, a joué un rôle essentiel dans la décision du groupe de verser des taxes à l'EI dont l'objet aurait été d'assurer la sécurité des salariés puisqu'il a recruté M. [H] [NV], gestionnaire des risques en Syrie, le supervisait, animait des réunions hebdomadaires sur la situation en Syrie, a rencontré M. [S] [EX], intermédiaire avec l'EI, et a été en contact avec celui-ci au sujet de la fixation d'une taxe pour l'EI dont l'acceptation par la direction du groupe était conditionnée à une discussion préalable avec M. [KP] et, enfin, a donné l'ordre à M. [NV] d'établir un plan d'évacuation de l'usine et a participé à son élaboration, la chambre de l'instruction qui a constaté qu'il existe des indices graves ou concordants rendant vraisemblable que M. [KP], qui disposait d'un pouvoir décisionnaire concernant la sécurité des salariés de l'usine de Jalabiya, ait participé au délit de mise en danger de la vie d'autrui, a violé les articles 80-1 du code de procédure pénale et 223-1 du code pénal, ensemble les articles 591 et 593 du code de procédure pénale ;
2°) que le juge d'instruction peut mettre en examen les personnes à l'encontre desquelles il existe des indices graves ou concordants rendant vraisemblable qu'elles aient pu participer, comme auteur ou comme complice, à la commission des infractions dont il est saisi ; que l'article 80-1 du code de procédure pénale n'exige pas que la participation de l'intéressé à l'infraction soit certaine mais seulement que la possibilité de cette participation soit vraisemblable ; que le respect des obligations particulières de prudence ou de sécurité prévues aux articles L. 4121-3, R. 4121-1 et suivants et R. 4141-13 du code du travail incombe au dirigeant de la personne morale employeur ou à son délégataire en matière de sécurité ; qu'une délégation de pouvoirs peut être orale et résulter de circonstances de fait établissant que le délégataire est doté de la compétence, de l'autorité et des moyens nécessaires ; qu'en retenant qu'il ne résultait d'aucune pièce de la procédure, document ou audition, que M. [KP] aurait été titulaire d'une délégation de pouvoirs orale lorsqu'il résulte, d'une part, de l'arrêt n° 2018/07495, confirmant la mise en examen de la société Lafarge, l'absence de formation adéquate des personnels de l'usine et de plan d'évacuation de l'usine garantissant la sécurité des salariés lors d'une attaque et, d'autre part, des constatations de l'arrêt attaqué et du mémoire de M. [KP] que non seulement, au vu de la situation sur le terrain, il appartenait à M. [KP], en sa qualité de directeur de la sûreté ayant une solide expérience militaire, d'établir ou superviser l'élaboration du plan d'évacuation des salariés de l'usine, la perspective d'une prise de l'usine par les membres de l'EI étant un risque identifié mais que celui-ci avait ordonné à M. [NV] d'établir un tel plan d'évacuation et avait participé personnellement à son élaboration sans que pour autant soit garantie la sécurité des salariés de l'usine, la chambre de l'instruction qui a constaté l'existence d'indices sérieux permettant de penser que M. [KP] avait les compétences, l'autorité et les moyens de faire établir un plan d'évacuation de l'usine et avait participé au délit de mise en danger de la vie d'autrui, n'a pas justifié légalement sa décision au regard des articles 80-1 du code de procédure pénale et 223-1 du code pénal, ensemble les articles 591 et 593 du code de procédure pénale ;
3°) qu'est complice la personne qui sciemment, par aide ou assistance, a facilité la préparation ou la consommation d'une infraction ; qu'en annulant la mise en examen de M. [KP] du chef de mise en danger de la vie d'autrui sans rechercher, alors qu'elle a confirmé par ailleurs la mise en examen de la société Lafarge et de son PDG pour absence de formation des salariés, de plan d'évacuation garantissant la sécurité des salariés lors d'une attaque en cas d'attaque de l'usine et de mise à jour du document unique de sécurité en fonction de l'évolution des opérations militaires dans la zone de l'usine et a constaté que M. [KP] était chargé d'évaluer les risques pour la sécurité dans la zone de l'usine contrôlée par l'EI et a donné l'ordre à M. [NV] d'établir un plan d'évacuation de l'usine, s'il n'existait pas des indices graves ou concordants de participation de M. [KP], comme complice, à l'infraction de mise en danger de la vie d'autrui, la chambre de l'instruction n'a pas justifié légalement sa décision au regard des articles 80-1 du code de procédure pénale, 121-6, 121-7 et 223-1 du code pénal, ensemble les articles 591 et 593 du code de procédure pénale. »
Réponse de la Cour
22. Les moyens sont réunis.
23. Par l'arrêt susvisé (Crim., 7 septembre 2021, pourvoi n° 19-87.031), la Cour de cassation a déclaré recevable la constitution de partie civile de l'association ECCHR sur le fondement de l'article 2-4 du code de procédure pénale et, en ce qui la concerne, a cassé sans renvoi l'arrêt n° 5 de la chambre de l'instruction de la cour d'appel de Paris du 24 octobre 2019.
24. C'est donc à tort que la chambre de l'instruction a déclaré irrecevable le mémoire déposé dans son intérêt.
25. Néanmoins, l'arrêt n'encourt pas la censure.
26. En effet, en premier lieu, pour annuler la mise en examen de M. [KP] du chef de mise en danger de la vie d'autrui, l'arrêt énonce que l'intéressé n'occupait pas la fonction de directeur de la sécurité mais celle de directeur de la sûreté du groupe Lafarge, laquelle fonction consistait à évaluer les menaces potentielles sur les différentes zones d'activité des sociétés du groupe en fonction des informations recueillies et à proposer des recommandations pour assurer la protection des biens et des personnes.
27. Les juges ajoutent qu'il ne ressort d'aucun élément de la procédure que cette fonction incluait la protection de la santé et de la sécurité des salariés au sens du code du travail ainsi que l'amélioration des conditions de travail, tandis que les obligations prévues par les articles L. 4121-3, R. 4121-1 et suivants du code du travail incombent à l'employeur.
28. La chambre de l'instruction précise enfin qu'il ne résulte d'aucune pièce de la procédure que M. [KP] aurait été titulaire d'une délégation de pouvoirs écrite ou orale aux fins de s'assurer du respect de ces obligations prévues par le code du travail.
29. Il résulte de ces énonciations que la chambre de l'instruction a justifié sa décision quant à l'annulation de ladite mise en examen.
30. En deuxième lieu, la Cour de cassation est en mesure de vérifier que le mémoire des parties civiles ne contenait aucune articulation essentielle à laquelle il n'aurait pas été répondu par l'arrêt attaqué.
31. Enfin, il n'était pas permis aux requérantes de demander la mise en examen de M. [KP] du chef de complicité de mise en danger de la vie d'autrui, un tel acte n'étant pas en soi utile à la manifestation de la vérité (Crim., 15 février 2011, pourvoi n° 10-87.468, Bull. crim. 2011, n° 22).
32. Il s'ensuit que les moyens doivent être rejetés en ce qu'ils sont proposés pour l'association ECCHR.
Sur le premier moyen proposé pour l'association ECCHR contre l'arrêt de la chambre de l'instruction n° 8 du 7 novembre 2019
Enoncé du moyen
33. Le moyen critique l'arrêt attaqué en ce qu'il a déclaré irrecevables les mémoires déposés par les associations Sherpa et ECCHR et prononcé la nullité de la mise en examen de la société Lafarge pour les faits de complicité de crimes contre l'humanité, alors « que la cassation à intervenir des arrêts n° 2018/05060 et 2019/02572 du 24 octobre 2019, objets des pourvois n° 19-87.031 et n° 19-87.040, qui ont déclaré irrecevables les constitutions de parties civiles des associations Sherpa et ECCHR entraînera, par voie de conséquence, la cassation du dispositif de l'arrêt attaqué qui a déclaré irrecevables les mémoires des parties civiles et de l'arrêt en son entier faute d'avoir répondu aux articulations essentielles des mémoires des associations parties civiles exposantes. »
Réponse de la Cour
34. Il résulte de ce qui précède que c'est à tort que la chambre de l'instruction a déclaré irrecevable le mémoire en tant qu'il a été déposé dans l'intérêt de l'association ECCHR.
35. En conséquence, il y a lieu d'examiner les moyens proposés pour cette association.
Sur le deuxième moyen proposé pour la société Lafarge contre l'arrêt de la chambre de l'instruction n° 8 du 7 novembre 2019
Enoncé du moyen
36. Le moyen critique l'arrêt en ce qu'il a rejeté la demande d'annulation de la mise en examen de la société Lafarge du chef de financement de terrorisme, alors :
« 1°) qu'il résulte de l'article 421-2-2 du code pénal que l'élément matériel du délit de financement d'entreprise terroriste consiste dans « le fait de financer une entreprise terroriste en fournissant, en réunissant ou en gérant des fonds, des valeurs ou des biens quelconques ou en donnant des conseils à cette fin » ; qu'en se bornant à énoncer, pour refuser d'annuler la mise en examen de l'exposante de ce chef, que les paiements effectués au moyen de la trésorerie de la société LCS apparaissent l'avoir été « avec l'accord, voire les instructions de M. [A] », lorsqu'un simple accord ne peut s'analyser en une fourniture de conseils au sens de ce texte, la chambre de l'instruction, qui n'a pas exposé les indices graves ou concordants rendant vraisemblable que M. [A] aurait fourni des instructions, mais s'est contenté d'émettre une simple hypothèse, n'a pas justifié sa décision au regard des articles 80-1 du code de procédure pénale et 421-2-2 du code pénal ;
2°/ qu'en se fondant, pour dire n'y avoir lieu à annuler la mise en examen de la société Lafarge du chef de financement de terrorisme, sur le fait que M. [L] aurait eu connaissance de ce que la société LCS avait procédé aux paiements litigieux, lorsque l'article 421-2-2 du code pénal ne réprime pas la connaissance d'actes de financement de terrorisme mais ces actes eux-mêmes, la chambre de l'instruction n'a pas justifié sa décision au regard des articles 80-1 du code de procédure pénale et 421-2-2 du code pénal ;
3°) qu'enfin, la société Lafarge a été mise en examen du chef de financement de terrorisme pour, premièrement, avoir rémunéré des intermédiaires afin d'être approvisionné en matières premières par l'organisation « Etat islamique », deuxièmement, avoir versé des commissions et des taxes à l'organisation « Etat islamique » afin de garantir la circulation des employés et des marchandises de l'usine de Jalabiya (Syrie) et, troisièmement, pour avoir vendu le ciment fabriqué par l'usine de Jalabiya au bénéfice de l'organisation terroriste « Etat islamique » ; qu'en retenant exclusivement, pour refuser d'annuler la mise en examen de la société Lafarge de ce chef, même partiellement, que celle-ci était impliquée dans le paiement de frais de passage à cette organisation terroriste afin de sécuriser l'acheminement des salariés et des marchandises de l'usine de Jalabiya, tout en s'abstenant de répondre aux articulations essentielles du mémoire régulièrement déposée par la société Lafarge, qui soutenaient qu'il était matériellement impossible que sa filiale indirecte Lafarge Cement Syria se soit approvisionnée en matières premières auprès d'un groupe terroriste et qu'elle lui ai vendu du ciment, la chambre de l'instruction n'a pas justifié sa décision au regard des articles 80-1 du code de procédure pénale et 421-2-2 du code pénal. »
Réponse de la Cour
37. Pour refuser d'annuler la mise en examen de la société Lafarge du chef de financement d'entreprise terroriste, l'arrêt retient, d'une part, qu'une enquête et un rapport internes, diligentés à la demande du groupe Lafarge-Holcim, ont mis en évidence que des paiements ont été effectués à hauteur de 15 562 261 dollars américains au moyen de la trésorerie de la société LCS, par le truchement d'intermédiaires, dont en particulier M. [S] [EX], homme d'affaires de nationalité syrienne, auprès des groupes armés qui ont successivement pris le contrôle de la région où se déroulait l'activité de la société LCS (Armée Syrienne Libre, Kurdes puis Etat islamique), d'autre part, que la trésorerie de la société LCS a été alimentée à hauteur de 86 000 000 dollars par des fonds en provenance de la société Lafarge Cement Holding, de droit chypriote, elle-même contrôlée par la société Lafarge.
38. Les juges précisent que ces opérations ont fait l'objet d'un enregistrement manuel, et non de l'enregistrement électronique habituel, et qu'un compte dédié a été créé pour les versements en faveur de M. [EX], sous la rubrique « frais de représentation ».
39. Ils ajoutent que les directeurs opérationnels successifs de la société LCS, MM. [GN] puis [R], ont permis, avec l'accord, voire les instructions, de leur superviseur et supérieur hiérarchique, appartenant à la société Lafarge, M. [A], dont M. [L], président directeur général, était le supérieur direct, les versements de sommes à M. [EX] afin de sécuriser l'acheminement des salariés de l'usine au travers des différentes routes les conduisant de leur domicile à leur lieu de travail, dont certains points étaient contrôlés par des membres de l'EI.
40. La chambre de l'instruction retient encore que le caractère terroriste de l'EI ne pouvait être ignoré de la société Lafarge, qui était informée de la situation en Syrie au travers des comptes rendus des réunions hebdomadaires du comité de sûreté pour la Syrie, et précise que lors de celle du 12 septembre 2013, il a été indiqué que « depuis juillet, les flux logistiques et les mouvements de personnels sont perturbés, voire parfois bloqués par les islamistes, AN et ISIS (...), que la présence de ces groupes islamistes constitue pour nous une menace (...), qu'il devient de plus en plus difficile d'opérer sans être amenés à négocier directement ou indirectement avec ces réseaux classés terroristes par les organisations internationales et les Etats-Unis ».
41. Elle rappelle enfin que la résolution 2170/2014 du Conseil de sécurité de l'Organisation des Nations unies vise, parmi les organisations terroristes à l'égard desquelles il proscrit tout soutien financier et tout échange commercial, l'EI, outre le Front Al Nosra.
42. En l'état de ces énonciations, procédant de son appréciation souveraine des faits, et qui font ressortir que la société Lafarge et sa filiale locale ont pu être amenées à négocier, fût-ce indirectement, avec l'EI ou d'autres groupes terroristes en vue de maintenir les flux logistiques, en sorte que la requérante ne saurait reprocher aux juges de ne pas avoir établi positivement l'impossibilité factuelle pour la société LCS de s'être approvisionnée en matières premières auprès de l'EI ou de lui avoir vendu du ciment, la chambre de l'instruction s'est déterminée par des motifs exempts d'insuffisance comme de contradiction.
43. En effet, il résulte des dispositions de l'article 421-2-2 du code pénal qu'il suffit pour que les faits soient susceptibles d'être établis que l'auteur du financement sache que les fonds fournis sont destinés à être utilisés par l'entreprise terroriste en vue de commettre un acte terroriste, que cet acte survienne ou non, peu important en outre qu'il n'ait pas l'intention de voir les fonds utilisés à cette fin.
44. Ainsi, le moyen doit être écarté.
Mais sur le troisième moyen, pris en ses première, deuxième, troisième, cinquième, sixième branches, et sur le quatrième moyen, pris en sa deuxième branche, proposés pour la société Lafarge contre l'arrêt de la chambre de l'instruction n° 8 du 7 novembre 2019
Enoncé des moyens
45. Le troisième moyen critique l'arrêt attaqué en ce qu'il a rejeté la demande d'annulation de la mise en examen de la société Lafarge du chef de mise en danger de la vie d'autrui, alors :
« 1°) que le lien de subordination, nécessaire à l'existence d'un contrat de travail, est caractérisé par l'exécution d'un travail sous l'autorité d'un employeur qui a le pouvoir de donner des ordres et des directives, d'en contrôler l'exécution et de sanctionner les manquements de son subordonné ; qu'en l'espèce, en se bornant à retenir l'existence d'une « autorité effective » de la société Lafarge exercée sur l'usine syrienne, sans en déterminer le contenu et, surtout, sans préciser s'il existait, ou non, entre la société Lafarge et lesdits salariés un lien de subordination caractérisé par l'exécution d'un travail sous l'autorité d'un employeur qui a le pouvoir de donner des ordres et des directives, d'en contrôler l'exécution et de sanctionner les manquements de ses subordonnés, la chambre de l'instruction a privé sa décision de base légale au regard des articles L. 1221-1, R. 4121-1, R. 4121-2, R. 4141-13 du code du travail et 223-1 du code pénal ;
2°) qu'un salarié travaillant pour le compte d'une filiale, auprès de laquelle il déploie sa force de travail et dont il reçoit les ordres et sollicite les instructions, se trouve placé sous sa subordination, peu important les liens capitalistiques et de groupe existant entre la filiale et sa société mère ; qu'en l'espèce, en se fondant sur les seules circonstances tirées de liens capitalistiques, caractérisés par un contrôle, indirect, à hauteur de 98,7 % (sic), et d'une structure de groupe intégrée entre la société Lafarge et sa filiale LCS, pour imposer à la société mère des obligations qui incombent à l'employeur, sans faire ressortir en quoi ce système dépasserait les relations qui peuvent exister au sein d'un groupe de sociétés, et sans préciser à quel titre il conviendrait de regarder la société mère comme l'employeur des salariés de sa filiale syrienne, la chambre de l'instruction a privé sa décision de base légale au regard des articles L. 1221-1, R. 4121-1, R. 4121-2, R. 4141-13 du code du travail, L. 225-1 du code de commerce et 223-1 du code pénal ;
3°) qu'en présence d'un contrat de travail apparent, son existence est présumée, sauf à ce que soit rapportée la preuve de son caractère fictif ; qu'en l'espèce, en se bornant à énoncer que les salariés de l'usine syrienne avaient été « employés sous le couvert de contrats de droit syrien » passés avec la société LCS pour en conclure que ce serait la société Lafarge qui serait tenue, à leur égard, d'obligations qui incombent à l'employeur, sans faire ressortir, ni le caractère prétendument fictif de ces contrats de droit syrien, ni l'existence d'un faisceau d'indices de nature à établir la présence d'un lien de subordination, caractéristique de l'existence de contrats de travail, entre la société Lafarge et ces mêmes salariés de l'usine syrienne, la chambre de l'instruction a privé sa décision de base légale au regard des articles L. 1221-1, R. 4121-1, R. 4121-2, R. 4141-13 du code du travail et 223-1 du code pénal ;
5°) que, nul n'est responsable pénalement que de son propre fait ; qu'en l'espèce, en refusant d'annuler la mise en examen de la société Lafarge du chef de mise en danger de la vie d'autrui par violation des obligations de sécurité prévues par les articles R. 4121-1, R. 4121-2 et R. 4141-13 du code du travail, lesquelles n'incombent qu'à l'employeur, tandis que les salariés supposément mis en danger n'étaient pas employés par la société Lafarge, mais par sa sous-sous-filiale syrienne, la société LCS, la chambre de l'instruction, qui a méconnu le principe de la responsabilité pénale du fait personnel, a violé les articles 121-1 et 223-1 du code pénal ;
6°) que l'existence de liens capitalistiques et de groupe entre deux sociétés ne sauraient, en tant que telle, faire naître une responsabilité pénale de la société-mère du fait de sa filiale, en particulier lorsque celle-ci n'est qu'indirectement contrôlée ; qu'en l'espèce, en ne se fondant que sur l'existence de tels liens, marqués par une participation indirecte de la société Lafarge au capital de la société LCS et par l'existence d'un pouvoir de décision fort de la société mère sur la politique de ses filiales, notamment en matière de sécurité des salariés, pour retenir que la société Lafarge pouvait avoir engagé sa responsabilité pénale du fait d'agissements commis par sa filiale, la chambre de l'instruction a méconnu le principe de la responsabilité pénale du fait personnel et a violé les articles 121-1 et 223-1 du code pénal. »
46. Le quatrième moyen critique l'arrêt attaqué du même chef, alors :
« 2°) qu'en retenant, pour rejeter la demande d'annulation de la mise en examen de la société Lafarge du chef de mise en danger de la vie d'autrui commise au préjudice de plusieurs salariés de sa filiale indirecte, la société LCS, que le personnel de l'usine exploitée par celle-ci n'avait pas reçu de formation adéquate en cas d'attaque et que le document unique de sécurité n'apparaissait pas avoir été mis à jour en fonction de l'évolution des opérations militaires sur la zone où se situait l'usine, cependant que la société LCS, société de droit syrien exerçant son activité en Syrie et liée à ses employés par des contrats de droit syrien, n'était pas soumise aux obligations particulières de sécurité prévues par le droit français, et notamment à celles fixées par les articles R. 4121-1, R. 4121-2 et R. 4141-13 du code du travail, la chambre de l'instruction n'a pas justifié sa décision au regard des articles 223-1 du code pénal et 80-1 du code de procédure pénale. »
Réponse de la Cour
47. Les moyens sont réunis.
Vu les articles 223-1 du code pénal et 593 du code de procédure pénale :
48. Le premier de ces textes punit le fait d'exposer directement autrui à un risque immédiat de mort ou de blessures de nature à entraîner une mutilation ou une infirmité permanente par la violation manifestement délibérée d'une obligation particulière de sécurité ou de prudence prévue par la loi ou le règlement.
49. En application du second de ces textes, tout jugement ou arrêt doit comporter les motifs propres à justifier la décision. L'insuffisance ou la contradiction des motifs équivaut à leur absence.
50. Pour confirmer l'ordonnance du juge d'instruction ainsi que la mise en examen de la société Lafarge du chef de mise en danger de la vie d'autrui par la violation manifestement délibérée des obligations particulières de l'employeur fixées aux articles R. 4121-1 et R. 4121-2 et R. 4141-13 du code du travail, découlant de l'obligation générale de sécurité imposée à tout employeur à l'égard de ses salariés prévue aux articles L. 4121-1 à L. 4121-3 du code du travail, l'arrêt retient que si le personnel concerné de l'usine exploitée par la société LCS a été employé sous le couvert de contrats de droit syrien, il n'a cependant pas reçu de formation adéquate en cas d'attaque et que son évacuation, lors de la prise du site par les combattants de l'EI le 19 septembre 2014, n'a été rendue possible que par l'utilisation de véhicules de fournisseurs, ceux mis à disposition par l'entreprise s'étant révélés insuffisants en nombre.
51. Les juges ajoutent que la société LCS est une filiale contrôlée indirectement à hauteur de 98,7% par la société Lafarge, tandis que les déclarations de M. [R], directeur opérationnel de la société LCS, laissent penser que les décisions en matière de sécurité des salariés étaient prises au niveau de la direction de la maison mère.
52. La chambre de l'instruction conclut qu'il apparaît ainsi exister des indices graves ou concordants permettant de penser que les salariés de l'usine syrienne se trouvaient sous l'autorité effective de la société Lafarge.
53. C'est à juste titre que les juges ont pu relever les indices graves ou concordants, soit de l'existence d'un lien de subordination des salariés syriens envers la société Lafarge, soit, au-delà de la nécessaire coordination des actions économiques entre la société Lafarge, maison mère, et la société LCS, sa sous-filiale, et de l'état de domination économique que cette appartenance peut engendrer, d'une immixtion permanente de la maison mère dans la gestion économique et sociale de la société employeur, conduisant à la perte totale d'autonomie d'action de cette dernière (Soc., 6 juillet 2016, pourvoi n° 15-15.493, notamment, Bull. 2016, V, n° 147 ; Soc., 25 novembre 2020, pourvoi n° 18-13.769, en cours de publication).
54. Cependant, la chambre de l'instruction ne pouvait déduire de ces seules constatations l'applicabilité du code du travail français.
55. Il lui appartenait dans un premier temps de rechercher, au regard notamment du règlement CE n° 593/2008 du 17 juin 2008 sur la loi applicable aux obligations contractuelles (Rome I), dont ses articles 8 et 9, et le cas échéant des autres textes internationaux, quelles étaient les dispositions applicables à la relation de travail entre la société Lafarge et les salariés syriens.
56. Il lui incombait ensuite de déterminer celles de ces dispositions susceptibles de renfermer une obligation particulière de sécurité ou de prudence, au sens de l'article 223-1 du code pénal, ayant pu être méconnue (Crim., 13 novembre 2019, pourvoi n° 18-82.718, publié).
57. La cassation est par conséquent encourue de ce chef.
Et sur le second moyen proposé pour l'association ECCHR ainsi que pour Mmes [C] [J] et [X] [AG] contre l'arrêt de la chambre de l'instruction n° 8 du 7 novembre 2019
Et sur le moyen unique proposé pour MM. [YJ] [G], [RM] [XC] [E], [O] [U], [BQ] [W], [T] [NK] [Z], [JT] [CW] [K], [Y] [GC], [QQ] [M] [RB], [MZ] [UH], [Q] [DH], [YJ] [I], [P] [KE], [BG] [N], contre l'arrêt de la chambre de l'instruction n° 8 du 7 novembre 2019
Enoncé des moyens
58. Le second moyen proposé pour l'association ECCHR, Mmes [J] et [AG] critique l'arrêt attaqué en ce qu'il a prononcé la nullité de la mise en examen de la société Lafarge pour les faits de complicité de crimes contre l'humanité, alors :
« 1°) que le juge d'instruction peut mettre en examen les personnes à l'encontre desquelles il existe des indices graves ou concordants rendant vraisemblable qu'elles aient pu participer, comme auteur ou comme complice, à la commission des infractions dont il est saisi ; que l'article 80-1 du code de procédure pénale n'exige pas que les éléments constitutifs de l'infraction soient établis mais seulement que la possibilité de la participation de l'intéressé à l'infraction soit vraisemblable ; qu'en retenant l'absence de preuve de l'intention coupable de la société Lafarge, pour annuler sa mise en examen du chef de complicité de crimes contre l'humanité, alors qu'elle rappelait que la nécessité de l'existence au moment de la mise en examen d'indices graves ou concordants exigés par l'article 80-1 ne pouvait se confondre avec l'exigence d'avoir rassemblé les preuves des éléments constitutifs de l'infraction reprochée et concernait, à ce stade de la procédure, le seul rassemblement d'indices matériels pouvant laisser présumer que la personne a pu participer aux faits objets de l'information et qu'elle constatait l'existence d'éléments matériels suffisants permettant de penser, d'une part, que l'EI a commis des crimes contre l'humanité dans la zone irako-syrienne et dans celle située à proximité de la cimenterie courant 2013 et 2014 et, d'autre part, que la société Lafarge a financé régulièrement l'EI pendant la même période, ce dont il résultait la réunion d'indices graves ou concordants rendant vraisemblable la participation de la société Lafarge comme complice à la commission des crimes contre l'humanité perpétrés par l'EI, la chambre de l'instruction, qui n'a pas tiré les conséquences légales de ses propres constatations, a violé l'article 80-1 du code de procédure pénale et le principe sus-rappelé, ensemble les articles 591 et 593 du même code ;
2°) que le juge d'instruction peut mettre en examen les personnes à l'encontre desquelles il existe des indices graves ou concordants rendant vraisemblable qu'elles aient pu participer, comme auteur ou comme complice, à la commission des infractions dont il est saisi ; que l'intention coupable du complice réside dans le fait d'apporter sciemment une aide ou assistance à l'auteur principal dans les faits qui ont facilité la préparation ou la consommation de l'infraction ; qu'en retenant qu'il ne peut être prétendu que le financement de l'EI par la société Lafarge, en ce qu'il était destiné à permettre la poursuite de l'activité de la cimenterie dans une zone en proie à la guerre civile puis contrôlée par l'EI, manifesterait l'intention de la société Lafarge de s'associer aux crimes contre l'humanité perpétrés par cette entité, lorsque le but économique poursuivi par la société Lafarge ne saurait constituer le moindre fait justificatif de la commission de l'infraction de complicité de crimes contre l'humanité et sans rechercher si la société Lafarge, dont la chambre de l'instruction a constaté qu'elle avait financé volontairement de façon répétée sur plusieurs mois en 2013 et 2014 l'organisation criminelle Etat islamique, n'avait pas agi en connaissance de l'intention de cette organisation de commettre des crimes contre l'humanité, la chambre de l'instruction n'a pas justifié légalement sa décision au regard des articles 80-1 du code de procédure pénale, 121-3, 121-6, 121-7 et 212-1 du code pénal, ensemble les articles 591 et 593 du code de procédure pénale ;
3°) que le juge d'instruction peut mettre en examen les personnes à l'encontre desquelles il existe des indices graves ou concordants rendant vraisemblable qu'elles aient pu participer, comme auteur ou comme complice, à la commission des infractions dont il est saisi ; que l'intention coupable du complice réside dans le fait d'apporter sciemment une aide ou assistance à l'auteur principal dans les faits qui ont facilité la préparation ou la consommation de l'infraction ; qu'en retenant que le financement de l'EI par la société Lafarge ne manifestait pas l'intention de la société Lafarge de s'associer aux crimes contre l'humanité perpétrés par l'EI lorsqu'il s'inférait de ses constatations que la société Lafarge était informée de la situation en Syrie au travers des comptes rendus des réunions hebdomadaires du comité de sûreté pour la Syrie qui étaient effectués téléphoniquement et qu'à la période des faits, ont été diffusés plusieurs rapports de la commission d'enquête internationale indépendante sur la République arabe syrienne mandatée par le Conseil des droits de l'homme des Nations unies établis en juillet 2013, août 2013, février 2014 et août 2014 évoquant « des crimes contre l'humanité » à Raqqah avec une recrudescence de ces actes d'exécutions, enlèvements, emprisonnements et tortures dont la chambre de l'instruction a reconnu qu'ils étaient suffisants à rendre vraisemblable la commission par l'EI de tels crimes, ainsi que des vidéos de propagande de l'EI relatives à des exécutions et décapitations de masse à raison de l'appartenance des victimes civiles à un groupe particulier, de sorte qu'il existe des indices graves ou concordants laissant penser que la société Lafarge a financé de façon répétée sur plusieurs mois en 2013 et 2014 l'organisation criminelle Etat islamique en sachant que cette organisation avait déjà commis des crimes contre l'humanité et avait l'intention d'en commettre, la chambre de l'instruction n'a pas tiré les conséquences légales de ses propres constatations et a violé les articles 80-1 du code de procédure pénale, 121-3, 121-6, 121-7 et 212-1 du code pénal, ensemble les articles 591 et 593 du code de procédure pénale ;
4°) que le juge d'instruction peut mettre en examen les personnes à l'encontre desquelles il existe des indices graves ou concordants rendant vraisemblable qu'elles aient pu participer, comme auteur ou comme complice, à la commission des infractions dont il est saisi ; que l'intention coupable du complice réside dans le fait d'apporter sciemment une aide ou assistance à l'auteur principal dans les faits qui ont facilité la préparation ou la consommation de l'infraction ; qu'en retenant que le financement de l'EI par la société Lafarge ne manifestait pas l'intention de la société Lafarge de s'associer aux crimes contre l'humanité perpétrés par l'EI sans rechercher, ainsi qu'elle y était invitée par le mémoire de Mmes [C] [J] et [X] [AG], si, les déclarations officielles et des publications de l'EI lui-même intervenues pendant la période des faits, ne révélaient pas l'existence d'indices graves ou concordants laissant penser que la société Lafarge avait financé de façon répétée sur plusieurs mois en 2013 et 2014 l'organisation criminelle Etat islamique en sachant que cette organisation avait déjà commis des crimes contre l'humanité et avait l'intention d'en commettre, la chambre de l'instruction n'a pas justifié légalement sa décision au regard des articles 80-1 du code de procédure pénale, 121-3, 121-6, 121-7 et 212-1 du code pénal, ensemble les articles 591 et 593 du code de procédure pénale ;
5°) que le juge d'instruction peut mettre en examen les personnes à l'encontre desquelles il existe des indices graves ou concordants rendant vraisemblable qu'elles aient pu participer, comme auteur ou comme complice, à la commission des infractions dont il est saisi ; que l'intention coupable du complice réside dans le fait d'apporter sciemment une aide ou assistance à l'auteur principal dans les faits qui ont facilité la préparation ou la consommation de l'infraction ; qu'en retenant que le financement de l'EI par la société Lafarge, destiné à permettre la poursuite de l'activité de la cimenterie dans une zone en proie à la guerre civile puis contrôlée par l'EI, ne manifestait pas l'intention de la société Lafarge de s'associer aux crimes contre l'humanité perpétrés par cette entité criminelle, sans rechercher, comme elle y était invitée et tenue, s'il ne résultait pas de l'importance des sommes remises au profit de M. [S] [EX] et de fournisseurs liés à l'EI d'un montant de 15 562 261 dollars et de la nécessaire affectation des fonds constituant le budget de l'EI, organisation criminelle, à des attaques criminelles contre des populations constitutives de crimes contre l'humanité, dont la société Lafarge avait connaissance, que la société Lafarge avait financé l'EI en sachant que les fonds remis par elle devaient servir à la commission par l'EI de crimes contre l'humanité, la chambre de l'instruction n'a pas justifié légalement sa décision au regard des articles 80-1 du code de procédure pénale, 121-3, 121-6, 121-7 et 212-1 du code pénal, ensemble les articles 591 et 593 du code de procédure pénale ;
6°) que le juge d'instruction peut mettre en examen les personnes à l'encontre desquelles il existe des indices graves ou concordants rendant vraisemblable qu'elles aient pu participer, comme auteur ou comme complice, à la commission des infractions dont il est saisi ; que l'intention coupable du complice réside dans le fait d'apporter sciemment une aide ou assistance à l'auteur principal dans les faits qui ont facilité la préparation ou la consommation de l'infraction ; que l'élément moral de la complicité ne requiert pas que le complice ait partagé l'intention de l'auteur principal de commettre l'infraction principale ; qu'à supposer que la chambre de l'instruction ait retenu, en relevant que l'intention coupable du complice réside en la volonté de s'associer à la réalisation de l'infraction principale, que le complice doit partager l'intention de l'auteur de commettre l'infraction principale, la chambre de l'instruction a ajouté une condition à la loi et a violé les articles 80-1 du code de procédure pénale, 121-7 et 121-3 du code pénal, ensemble les articles 591 et 593 du code de procédure pénale ;
7°) que le juge d'instruction peut mettre en examen les personnes à l'encontre desquelles il existe des indices graves ou concordants rendant vraisemblable qu'elles aient pu participer, comme auteur ou comme complice, à la commission des infractions dont il est saisi ; que l'intention coupable du complice réside dans le fait d'apporter sciemment une aide ou assistance à l'auteur principal dans les faits qui ont facilité la préparation ou la consommation de l'infraction, le complice devant prévoir toutes les qualifications et aggravations dont le fait principal est susceptible ; que si les crimes de terrorisme et les crimes contre l'humanité sont distincts, des crimes contre l'humanité peuvent résulter de l'intensification d'actes terroristes d'atteintes à la vie ciblant des populations spécifiques, constitutive d'une attaque généralisée ou systématique ; qu'en retenant que le financement de l'EI par la société Lafarge ne manifestait pas l'intention de la société Lafarge de s'associer aux crimes contre l'humanité perpétrés par l'EI lorsqu'elle a retenu que la société Lafarge savait que les fonds apportés étaient destinés à être utilisés à la commission d'actes de terrorisme et qu'elle a qualifié les mêmes faits d'atteintes à la vie figurant sur les vidéos de propagande de l'EI relatifs à des exécutions et de décapitations de masse de populations civiles selon un motif discriminatoire « d'actes de terrorisme » et de « crimes contre l'humanité », de sorte que le complice qui avait connaissance de l'intention de l'auteur de commettre ces faits devait les envisager sous toutes les qualifications y compris celle de crimes contre l'humanité, la chambre de l'instruction n'a pas justifié légalement sa décision au regard des articles 80-1 du code de procédure pénale, 121-3, 121-6, 121-7, 212-1 du code pénal, ensemble les articles 591 et 593 du code de procédure pénale ;
8°) que le juge d'instruction peut mettre en examen les personnes à l'encontre desquelles il existe des indices graves ou concordants rendant vraisemblable qu'elles aient pu participer, comme auteur ou comme complice, à la commission des infractions dont il est saisi ; que l'intention coupable du complice réside dans le fait d'apporter sciemment une aide ou assistance à l'auteur principal dans les faits qui ont facilité la préparation ou la consommation de l'infraction ; qu'en se bornant à retenir que si la poursuite de l'activité de l'usine a manifestement exposé les salariés à un risque pour leur intégrité physique, voire leur vie, il ne peut être soutenu que l'intention de la société Lafarge a été de s'associer aux crimes contre l'humanité susceptibles d'avoir été commis à l'encontre de certains d'entre eux, sans rechercher, comme elle y était invitée par les mémoires des associations Sherpa et ECCHR qui se prévalait d'actes de complicité autres que le financement, si l'ensemble des actes de la société Lafarge, sous l'autorité de laquelle se trouvaient les salariés de l'usine syrienne, ayant consisté à décider de poursuivre malgré l'évacuation de ses expatriés en 2012 l'activité de l'usine, à imposer aux employés de l'usine d'être hébergés à proximité de celle-ci dans une zone contrôlée par l'EI et notamment à [Localité 1], d'avoir à retirer leurs salaires à Alep, ce qui a valu à un salarié d'être enlevé et d'avoir à passer quotidiennement des checkpoints contrôlés par l'EI, à gérer avec négligence les enlèvements d'employés et à donner l'instruction aux employés de rester dans l'usine en dépit de l'absence de tout plan d'évacuation suffisant jusqu'à l'attaque de celle-ci par l'EI le 19 septembre 2014, dont la direction de la société Lafarge avait été informée du caractère imminent, contraignant ainsi les employés à fuir dans l'improvisation et la panique, alors que la société Lafarge était informée de la situation en Syrie et que des rapports internationaux et des vidéos de propagande relayaient les crimes contre l'humanité commis par l'EI en 2013 et 2014 notamment à proximité de l'usine, n'établissaient pas l'existence d'indices graves ou concordants laissant penser que la société Lafarge a sciemment aidé ou assisté l'EI dans les faits qui ont facilité la préparation ou la consommation de crimes contre l'humanité à l'encontre des employés de l'usine, la chambre de l'instruction n'a pas justifié légalement sa décision au regard des articles 80-1 du code de procédure pénale, 121-3, 121-6, 121-7 et 212-1 du code pénal, ensemble les articles 591 et 593 du code de procédure pénale. »
59. L'autre moyen critique l'arrêt attaqué en ce qu'il a prononcé la nullité de la mise en examen de la société Lafarge pour les faits de complicité de crimes contre l'humanité et a ordonné la cancellation à la cote D1338/2 de certains passages, alors :
« 1°) que le juge d'instruction peut mettre en examen une personne dès lors qu'il constate l'existence d'indices graves ou concordants rendant vraisemblable qu'elle ait pu participer, comme auteur ou complice, à la commission des infractions dont il est saisi ; qu'après avoir relevé l'existence d'éléments suffisants permettant de penser que l'EI et d'autres groupes affiliés ont commis des crimes contre l'humanité dans la zone comprenant les provinces de Raqqah et d'Alep à proximité de la cimenterie exploitée par la société Lafarge Cement Syria et l'existence d'éléments permettant de penser que la société Lafarge a pu financer cette entreprise terroriste, dans le but d'assurer la continuité de l'activité de la cimenterie dans cette zone, dont il s'évinçait la réunion d'indices graves ou concordants rendant vraisemblable la participation des personnes mises en examen, comme complice, à la commission de l'infraction de crimes contre l'humanité dont le juge d'instruction était saisi, la chambre de l'instruction ne pouvait, sans méconnaître l'article 80-1 du code de procédure pénale, retenir, pour prononcer comme elle l'a fait, qu'il ne peut être prétendu que ce financement manifesterait l'intention de la société Lafarge de s'associer aux crimes contre l'humanité perpétrés par l'EI ;
2°) que la répression de la complicité de crimes contre l'humanité n'exige pas que le complice ait eu l'intention de s'associer ou de concourir à de tels crimes ; qu'il suffit que le complice ait, en connaissance de cause, apporté son soutien à l'auteur de ces crimes ; qu'en énonçant le contraire, la chambre de l'instruction a méconnu les articles 80-1 du code de procédure pénale, 121-7 et 212-1 du code pénal. »
Réponse de la Cour
60. Les moyens sont réunis.
Vu l'article 121-7 du code pénal :
61. Aux termes du premier alinéa de ce texte, est complice d'un crime ou d'un délit la personne qui sciemment, par aide ou assistance, en a facilité la préparation ou la consommation.
62. La question se pose de savoir si la complicité doit être définie différemment du droit commun lorsqu'est en cause le crime contre l'humanité.
63. Il résulte de l'article 212-1 du code pénal que constituent un crime contre l'humanité, lorsqu'ils sont commis en exécution d'un plan concerté à l'encontre d'un groupe de population civile dans le cadre d'une attaque généralisée ou systématique, notamment, l'atteinte volontaire à la vie, la réduction en esclavage, le transfert forcé de population, la torture, le viol, la prostitution forcée, la persécution de tout groupe ou de toute collectivité identifiable pour des motifs notamment d'ordre religieux.
64. Le crime contre l'humanité est le plus grave des crimes car au-delà de l'attaque contre l'individu, qu'il transcende, c'est l'humanité qu'il vise et qu'il nie.
65. Sa caractérisation, qui doit porter sur chacun de ses éléments constitutifs, implique en conséquence, notamment, la démonstration de l'existence, en la personne de son auteur, du plan concerté défini par le texte précité, un tel crime ne se réduisant pas aux crimes de droit commun qu'il suppose.
66. En revanche, l'article 121-7 du code pénal n'exige ni que le complice de crime contre l'humanité appartienne à l'organisation, le cas échéant, coupable de ce crime, ni qu'il adhère à la conception ou à l'exécution d'un plan concerté à l'encontre d'un groupe de population civile dans le cadre d'une attaque généralisée ou systématique, ni encore qu'il approuve la commission des crimes de droit commun constitutifs du crime contre l'humanité.
67. Il suffit qu'il ait connaissance de ce que les auteurs principaux commettent ou vont commettre un tel crime contre l'humanité et que par son aide ou assistance, il en facilite la préparation ou la consommation.
68. Cette analyse s'inscrit dans la continuité de la jurisprudence de la Cour de cassation portant sur l'application de l'article 6 du statut du Tribunal militaire international de Nuremberg (Crim., 23 janvier 1997, pourvoi n° 96-84.822, Bull. crim., 1997, n° 32).
69. Ne portant que sur la notion de complicité, elle n'a pas pour conséquence de banaliser le crime contre l'humanité lui-même, dont la caractérisation reste subordonnée aux conditions strictes rappelées aux paragraphes 63 et 65.
70. Une interprétation différente des articles 121-7 et 212-1 du code pénal, pris ensemble, qui poserait la condition que le complice de crime contre l'humanité adhère à la conception ou à l'exécution d'un plan concerté, aurait pour conséquence de laisser de nombreux actes de complicité impunis, alors que c'est la multiplication de tels actes qui permet le crime contre l'humanité.
71. Dès lors que l'article 121-7 du code pénal ne distingue ni selon la nature de l'infraction principale, ni selon la qualité du complice, cette analyse a vocation à s'appliquer aux personnes morales comme aux personnes physiques.
72. Pour annuler la mise en examen de la société Lafarge du chef de complicité de crimes contre l'humanité, l'arrêt énonce en premier lieu que des éléments suffisants permettent de penser que l'EI et d'autres groupes affiliés ont commis des crimes contre l'humanité dans la zone comprenant les provinces de Raqqah et d'Alep à proximité desquelles se trouvait la cimenterie exploitée par la société LCS.
73. Les juges mentionnent à titre d'exemples de faits imputables à l'EI, notamment, l'exécution d'un garçon de 15 ans accusé de blasphème, des enlèvements et prises d'otages, des meurtres et des exécutions sans procédure, des actes de maltraitance et de torture, l'exécution de quatre cents jeunes hommes à Taqba, à quatre-vingts kilomètres au sud de l'usine, le 2 septembre 2014, la décapitation des jeunes de la tribu des Chaaitat le 30 août 2014 pour leur refus de prêter allégeance, des arrestations de kurdes à [Localité 1].
74. Ils ajoutent que l'objectif de l'EI, comme des autres groupes qui lui sont associés, était d'imposer la « charia » sur le territoire contrôlé, et qu'il est vraisemblable que ces actes ont procédé d'un plan concerté en vue de contraindre les populations concernées à respecter les principes religieux propagés par cette entité.
75. Ils précisent encore que la recrudescence de ces actes observée sur la période du 15 juillet 2013 au 20 janvier 2014 dans le secteur de Raqqah permet de considérer qu'ils présentent le caractère d'une attaque généralisée et systématique de la population civile.
76. La chambre de l'instruction relève que la société Lafarge était informée de la situation en Syrie au travers des comptes rendus des réunions hebdomadaires du comité de sûreté pour la Syrie, qui étaient effectués téléphoniquement, et précise que lors de celle du 12 septembre 2013, il a été indiqué que « depuis juillet, les flux logistiques et les mouvements de personnels sont perturbés, voire parfois bloqués, par les islamistes, AN et ISIS », « la présence de ces groupes islamistes constitue pour nous la menace principale à prendre en compte. Il devient de plus en plus difficile d'opérer sans être amenés à négocier directement ou indirectement avec ces réseaux classés terroristes par les organisations internationales et les États-Unis ».
77. Elle ajoute que la résolution 2170/2014 du Conseil de sécurité de l'ONU vise, parmi les organisations terroristes à l'égard desquelles il proscrit tout soutien financier et tout échange commercial, l'EI, outre le Front Al Nosra.
78. La chambre de l'instruction relève ensuite que des paiements ont été effectués à hauteur de 15 562 261 dollars au profit de M. [EX] et de fournisseurs liés à l'EI au moyen de la trésorerie de la société LCS, elle-même alimentée à hauteur de 86 000 000 dollars en provenance de la société Lafarge Cement Holding, filiale contrôlée par le groupe Lafarge.
79. Elle conclut que le financement de l'EI par la société Lafarge était destiné à permettre la poursuite de l'activité de la cimenterie dans une zone en proie à la guerre civile puis contrôlée par l'EI, et qu'il ne peut être prétendu, quand bien même, dans ce contexte, la poursuite de l'activité de l'usine a manifestement exposé les salariés à un risque pour leur intégrité physique, voire leur vie, que ledit financement manifesterait l'intention de la société Lafarge de s'associer aux crimes contre l'humanité perpétrés par cette entité.
80. En statuant ainsi, alors qu'il se déduisait de ses constatations, d'abord, que la société Lafarge a financé, via des filiales, les activités de l'EI à hauteur de plusieurs millions de dollars, ensuite, qu'elle avait une connaissance précise des agissements de cette organisation, susceptibles d'être constitutifs de crimes contre l'humanité, la chambre de l'instruction a méconnu les textes susvisés et les principes ci-dessus rappelés.
81. En effet, en premier lieu, le versement en connaissance de cause d'une somme de plusieurs millions de dollars à une organisation dont l'objet n'est que criminel suffit à caractériser la complicité par aide et assistance.
82. Il n'importe, en second lieu, que le complice agisse en vue de la poursuite d'une activité commerciale, circonstance ressortissant au mobile et non à l'élément intentionnel.
83. La cassation est par conséquent de nouveau encourue.
PAR CES MOTIFS, la Cour :
Sur le pourvoi formé contre l'arrêt n° 7 de la chambre de l'instruction du 7 novembre 2019 :
DÉCLARE NON ADMIS le pourvoi de M. [R] ;
Sur le pourvoi formé contre l'arrêt n° 5 de la chambre de l'instruction du 7 novembre 2019 :
DÉCLARE IRRECEVABLE le pourvoi en ce qu'il est formé par l'association Sherpa ;
REJETTE le pourvoi en ce qu'il est formé par l'association European Center for Constitutional and Human Rights ;
Sur les pourvois formés contre l'arrêt n° 8 de la chambre de l'instruction du 7 novembre 2019 :
DÉCLARE IRRECEVABLE le pourvoi en ce qu'il est formé par l'association Sherpa ;
CASSE ET ANNULE l'arrêt susvisé, mais en ses seules dispositions ayant déclaré le mémoire de l'association European Center for Constitutional and Human Rights irrecevable, ayant annulé la mise en examen de la société Lafarge du chef de complicité de crimes contre l'humanité et ordonné une cancellation à la cote D 1338/2, et ayant rejeté le moyen d'annulation de la mise en examen de ladite société du chef de mise en danger de la vie d'autrui ;
Et pour qu'il soit à nouveau jugé, conformément à la loi, dans les limites de la cassation ainsi prononcée,
RENVOIE la cause et les parties devant la chambre de l'instruction de la cour d'appel de Paris, autrement composée, à ce désignée par délibération spéciale prise en chambre du conseil.