CA Paris, Pôle 5 ch. 1, 13 février 2013, n° 11/14124
PARIS
Arrêt
Infirmation
PARTIES
Demandeur :
Davimar (Sarl)
Défendeur :
Quai 71 (Sarl)
COMPOSITION DE LA JURIDICTION
Président :
M. Rajbaut
Conseillers :
Mme Chokron, Mme Gaber
Avocats :
Me Vignes, Me Schlosser, Me Belfayol Broquet , Me Galichet, Me Champagner Katz
SUR CE, LA COUR :
Considérant qu'il est expressément renvoyé, pour un exposé complet des faits de la cause et de la procédure, à la décision entreprise et aux écritures, précédemment visées, des parties ;
Qu'il suffit de rappeler que la société DAVIMAR, exploitant sous l'enseigne BERENICE une activité de création, de fabrication et de commerce de vêtements de prêt-à-porter, ayant découvert que la société QUAI 71 proposait à la vente une robe ZINKA, un pull-over MILOLIKA 4 et des pull à manches courtes MERI 1et MERI 2 reproduisant respectivement, selon elle, les modèles qu'elle commercialise sous les dénominations NORMAN 8, TRISHA 2 et CASSIE 2 et sur lesquels elle revendique des droits d'auteur, a fait procéder le 17 novembre 2009, dûment autorisée par ordonnance présidentielle, à une saisie-contrefaçon au siège de la société [...], puis a assigné cette société, suivant acte du 16 décembre 2009 devant le tribunal de grande instance de Paris aux griefs de contrefaçon et de concurrence déloyale ;
Que le tribunal, par le jugement dont appel, a rejeté la demande en nullité des opérations de saisie-contrefaçon et, ayant constaté que ni les modèles opposés au titre du droit d'auteur ni les articles argués de contrefaçon n'avaient été produits aux débats en original, dans le respect du principe de la contradiction, a débouté la société DAVIMAR de l'ensemble de ses prétentions et l'a condamnée à verser, au titre des frais irrépétibles, une indemnité de 8000 euros à la société QUAI 71 dont la demande reconventionnelle en dommages-intérêts pour procédure abusive a été rejetée ;
Que, devant la cour, la société appelante DAVIMAR réitère ses demandes en contrefaçon au fondement des Livres I et III du Code de la propriété intellectuelle et en concurrence déloyale et parasitaire, demande respectivement de ces chefs 60 000 euros et 90 000 euros de dommages-intérêts outre des mesures d'interdiction sous astreinte, de retrait des pièces illicites de l'ensemble des circuits de fabrication et de distribution et de destruction, tandis que la société intimée QUAI 71persiste à soulever la nullité des opérations de saisie-contrefaçon et soutient pour conclure au rejet de toutes les prétentions adverses et à l'allocation de 20 000 euros de dommages-intérêts pour procédure abusive, que la matérialité des faits litigieux n'est pas établie, que la société DAVIMAR a d'ores et déjà été indemnisée du préjudice subi des suites de la commercialisation des modèles MERI 1, MERI 2, MILOLIKA4 par un arrêt de la cour d'appel de Paris du 21 novembre 2012 qui a retenu à la charge de la société VANITEX, fournisseur de ces modèles, des actes de concurrence déloyale, qu'elle ne justifie pas être titulaire de droits sur des modèles qui ne sont pas, en toute hypothèse, éligibles à la protection au titre du droit d'auteur, qu'elle n'établit pas davantage de faits distincts de concurrence déloyale ;
Sur la demande en nullité des opérations de saisie-contrefaçon,
Considérant que la société QUAI 71 poursuit l'annulation du procès-verbal de saisie-contrefaçon du 17 novembre 2009 en faisant valoir, nouvellement devant la cour, que l'horaire de la signification de l'ordonnance sur requête portant autorisation de la saisie-contrefaçon n'est pas indiqué, que l'heure à compter de laquelle les opérations ont été diligentées n'est pas davantage mentionné, et qu'il n'est pas permis, dans ces conditions, de vérifier, que le saisi a pu disposer d'un délai raisonnable pour appréhender l'étendue des pouvoirs conférés à l'huissier instrumentaire et la portée de ses droits ;
Que la société DAVIMAR soutient qu'il n'est aucunement exigé de l'huissier instrumentaire qu'il inscrive au procès-verbal l'heure de signification de l'ordonnance présidentielle et l'heure de la saisie, qu'il suffit qu'il puisse être vérifié, au vu de l'ensemble des mentions portées à l'acte, que le saisi a pu disposer d'un délai suffisant entre la signification préalable de l'ordonnance et le début des opérations, ce qui est le cas en l'espèce, l'huissier instrumentaire ayant indiqué que le saisi avait pris connaissance, avant les opérations, de la requête et de l'ordonnance ;
Considérant en droit que selon les dispositions de l'article 495 du Code de procédure civile, applicables aux mesures ordonnées sur requête et en particulier aux saisies-contrefaçon, Copie de la requête et de l'ordonnance est laissée à la personne à laquelle elle est opposée, ce dont il s'infère que l'ordonnance sur requête autorisant la saisie-contrefaçon doit être remise et portée à la connaissance du détenteur des objets saisis préalablement à la mise en oeuvre des opérations ;
Considérant qu'il est énoncé en l'espèce au procès-verbal de saisie-contrefaçon :
Je, Maître Christine PINHEIRO (...)
A la demande de (...)
Agissant en vertu d'une ordonnance rendue sur requête (...)
Requête et ordonnance signifiées ce jour antérieurement au présent procès-verbal et dont le destinataire a pris connaissance ;
Or considérant qu'il n'est pas permis au juge de vérifier, à défaut d'indication de l'heure à laquelle la requête et l'ordonnance présidentielle ont été signifiées ainsi que de l'heure à laquelle les opérations de saisie-contrefaçon ont été entreprises, que le saisi a pu disposer d'un délai suffisant pour prendre connaissance des motifs justifiant l'intrusion dans ses locaux et prendre la mesure des investigations autorisées ;
Qu'en effet, sauf à vider de son sens la prescription édictée à l'article 495 précité, il ne suffit pas que la signification de l'ordonnance sur requête ait été préalable à l'opération de saisie-contrefaçon, encore faut-il que le saisi ait pu disposer, ce qu'il appartient au juge d'apprécier au regard des circonstances de l'espèce, d'un délai utile pour exercer le cas échéant ses droits avant que ne débutent les opérations de saisie-contrefaçon ;
Qu'il s'en infère que le saisi justifie d'un grief et que le procès-verbal de saisie-contrefaçon du 17 novembre 2009 encourt la nullité ;
Que le jugement déféré sera réformé de ce chef ;
Considérant que force est de constater que, subséquemment à l'annulation de la saisie-contrefaçon, la société DAVIMAR n'est pas en mesure de justifier, faute de produire le moindre élément de preuve, tel un constat d'achat, d'actes de commercialisation, à date certaine, par la société QUAI 71, des modèles de vêtements litigieux ZINKA, MERI 1, MERI 2 et MILOLIKA4 et ne peut qu'être déboutée de ses prétentions ;
Sur la demande pour procédure abusive,
Considérant que la société QUAI 71 entend obtenir la condamnation de la société DAVIMAR au paiement de dommages-intérêts en réparation du préjudice commercial et du préjudice d'image subis des suites d'une procédure abusive, initiée à des fins purement vexatoires ;
Qu'elle entend souligner l'erreur grossière dont s'est rendue coupable la société DAVIMAR qui ne pouvait ignorer en sa qualité de professionnelle du prêt-à-porter, que les modèles invoqués sont dénués de toute originalité et qu'au surplus, les pièces incriminées sont différentes et exclusives de concurrence déloyale ;
Mais considérant que le droit d'ester en justice, qui comprend le droit de former appel, est protégé par principe et n'est susceptible de dégénérer en abus ouvrant droit à réparation que s'il est exercé de mauvaise foi, par intention de nuire ou par légèreté blâmable équipollente au dol, toutes circonstances qui ne sont pas caractérisées à la charge de la société DAVIMAR dont les prétentions sont en l'espèce rejetées faute de pièce probante de nature à établir la matérialité des faits d'offre en vente incriminés de contrefaçon et de concurrence déloyale et sans examen au fond ;
Considérant que si la société DAVIMAR, succombant à l'appel, doit en supporter les dépens, il n' y a pas lieu, en équité, de la condamner à payer à la société QUAI 71 une indemnité au titre des frais irrépétibles ;
PAR CES MOTIFS:
Infirme le jugement dont appel,
Statuant à nouveau,
Prononce la nullité du procès-verbal de saisie-contrefaçon du 17 novembre 2009,
Déboute la société DAVIMAR de ses demandes en contrefaçon et concurrence déloyale,
Déboute la société QUAI 71 de sa demande en dommages-intérêts pour procédure abusive,
Rejette toute autre demande contraire aux motifs de l'arrêt,
Condamne la société DAVIMAR aux dépens de première instance et d'appel qui pourront être, s'agissant des dépens d'appel, recouvrés conformément aux dispositions de l'article 699 du Code de procédure civile.