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Décisions

Cass. crim., 14 février 2007, n° 06-82.283

COUR DE CASSATION

Arrêt

Cassation

COMPOSITION DE LA JURIDICTION

Président :

M. Cotte

Rapporteur :

Mme Degorce

Avocat général :

M. Boccon-Gibod

Avocats :

SCP Defrenois et Levis, SCP Nicolaý et de Lanouvelle

Fort-de-France, du 20 févr. 2006

20 février 2006

Sur la recevabilité du pourvoi contesté en défense ;

Attendu que le pourvoi formé le jeudi 2 mars 2006 par Hélène X à l'encontre de l'arrêt rendu contradictoirement à son égard le 20 février 2006 est recevable, dès lors qu'il résulte d'une lettre signée du président de la chambre détachée de Cayenne que les lundi 27, mardi 28 février et mercredi 1er mars 2006, les locaux du greffe du tribunal de grande instance de Cayenne étaient fermés en raison du carnaval, et qu'ainsi, la demanderesse s'est trouvée dans l'impossibilité absolue d'exercer son recours en temps utile ;

Vu les mémoires produits, en demande et en défense ;

Sur le moyen unique de cassation, pris de la violation des articles 314-1 et 314-10 du code pénal,591 et 593 du code de procédure pénale, défaut de motifs et manque de base légale :

en ce que l'arrêt infirmatif attaqué a déclaré Hélène X coupable du délit d'abus de confiance et l'a condamnée, en conséquence, à une peine d'emprisonnement de deux mois assortie du sursis et au paiement de dommages et intérêts à hauteur de 5 762 euros à la BFC-AG ;

 aux motifs que, sur l'action publique, le délit d'abus de confiance est le fait par une personne de détourner, au préjudice d'autrui, des fonds, des valeurs ou un bien quelconque qui lui ont été remis et qu'elle a acceptés à charge de les rendre, de les représenter ou d'en faire un usage déterminé ; que la remise des fonds n'est pas contestée par Hélène X qui a reçu les fonds du 3 mars 1994 au 16 août 1994, sur présentation des situations de travaux établis par l'architecte, Christian Z; que les parties au contrat convenaient de la destination de ces fonds, à savoir la construction de deux villas de type F4 ; que cette destination était contractuellement et explicitement définie ; que le contrat stipulait, en outre, que l'inscription hypothécaire prise par la BFC-AG porterait sur le bail emphytéotique et  la construction qui y sera édifiée devant consister en deux villas chacune de type F4  ; qu'en conséquence, Hélène X avait pour obligation contractuelle d'affecter les fonds remis à la construction de deux villas édifiées sur la parcelle de terrain faisant l'objet du bail emphytéotique ; qu'elle n'a pas respecté cette obligation ; qu'Hélène X ne conteste pas avoir utilisé à d'autres fins les fonds destinés à la construction des deux villas sur la parcelle de terrain convenu ; qu'elle a déclaré avoir affecté ces fonds à la construction d'autres immeubles, au développement de son exploitation agricole et aussi  pour vivre  ; qu'elle ne pouvait pas ignorer avoir ainsi omis de respecter le contrat initial en ses dispositions relatives à la destination des fonds remis, d'autant plus qu'elle a fait établir frauduleusement par l'architecte des situations de travaux mensongères et a fait en sorte d'échapper aux contrôles que la plaignante tentait de mettre en place ; que les éléments matériels et intentionnels du délit d'abus de confiance sont caractérisés ; qu'il convient, en conséquence, d'infirmer le jugement querellé, de dire qu'Hélène X s'est rendue coupable de ce délit et d'entrer en voie de condamnation ; que la condamnation d'Hélène X à la peine de deux mois d'emprisonnement assortie du sursis constitue une sanction adaptée à la gravité des faits et à la personnalité de la prévenue ; que, sur l'action civile, la BFC-AG, régulièrement constituée partie civile, sollicite le paiement de la somme de 5 762 euros à titre de dommages et intérêts ; que cette demande est justifiée tant dans son principe que dans son montant ; qu'il convient de condamner Hélène X à payer cette somme à la BFC-AG ;

 1°) alors que le délit d'abus de confiance suppose que le but de la remise soit déterminé ; qu'en retenant que la destination des fonds était contractuellement et explicitement définie sans rechercher, ne serait ce que pour écarter cette circonstance, si la référence dans l'acte de prêt au permis de construire visant la création d'une exploitation agricole n'était pas de nature à créer une incertitude sur le but de la remise et, par conséquent, à justifier l'investissement des fonds par Hélène X dans son exploitation agricole ainsi que l'avaient relevé les premiers juges, la cour d'appel a violé les textes susvisés ;

 2°) alors que le délit d'abus de confiance suppose un acte matériel de détournement commis au préjudice d'autrui en ce qu'il prive le propriétaire de la chose de la possibilité d'exercer ses droits sur elle ; qu'en l'espèce où la banque n'était pas propriétaire des deux villas à construire mais seulement des fonds prêtés, la cour d'appel ne pouvait, pour infirmer le jugement en ce qu'il avait retenu que le litige était purement civil, et retenir au contraire que les éléments matériels et intentionnels du délit d'abus de confiance étaient caractérisés, se contenter de relever qu'Hélène X n'avait pas respecté son obligation contractuelle d'affecter les fonds à la construction des deux villas, sans rechercher si la BFC-AG détenait une créance certaine à son encontre résultant du non-remboursement des fonds prêtés, seule cette dernière circonstance étant de nature à établir que la demanderesse avait intentionnellement commis un acte de détournement au préjudice de la banque ; qu'en omettant de procéder à cette recherche opérante, la cour d'appel, qui a seulement caractérisé l'inexécution des obligations convenues entre les parties au contrat, laquelle ne donne droit qu'à des réparations civiles, a violé les textes susvisés  ;

Vu l'article 314-1 du code pénal ; Attendu que, selon ce texte, l'abus de confiance ne peut porter que sur des fonds, valeurs ou biens remis à titre précaire ;

Attendu qu'il résulte de l'arrêt attaqué que la Banque française commerciale Antilles-Guyane a consenti à Hélène X un prêt immobilier destiné à financer la construction de deux villas sur un terrain dont elle disposait en vertu d'un bail emphytéotique ; que l'emprunteuse ayant cessé de s'acquitter du montant de ses mensualités, la déchéance du terme a été prononcée ; que, lors d'une procédure de saisie immobilière diligentée par la banque, il est apparu que la prévenue n'avait fait construire qu'une seule maison et avait utilisé les fonds prêtés pour des besoins personnels ainsi que d'autres opérations immobilières ;

Attendu que, pour déclarer la prévenue coupable d'abus de confiance, l'arrêt énonce qu'elle n'a pas respecté l'obligation contractuelle d'affecter les fonds remis à la construction des deux villas sur la parcelle de terrain faisant l'objet du bail emphytéotique ;

Mais attendu qu'en statuant ainsi, alors qu'Hélène X était devenue propriétaire des fonds prêtés, la cour d'appel a méconnu le texte susvisé ;

D'où il suit que la cassation est encourue ;

Par ces motifs :

CASSE et ANNULE, en toutes ses dispositions, l'arrêt susvisé de la cour d'appel de Fort-de-France, en date du 20 février 2006.