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Décisions

CA Douai, Pôle 5 ch. 5, 10 mars 2022, n° 18/10452

DOUAI

PARTIES

Défendeur :

ATTILA PROTECTION RAPPROCHÉE (Sarl)

COMPOSITION DE LA JURIDICTION

Président :

Mme Prigent

Conseillers :

Mme Soudry, Mme Arbellot

TGI de Paris, du 29 mai 2019, n° 17/0742…

29 mai 2019

Faits et procédure :

M. Laurent M. est un chef d'entreprise français qui dirige des entreprises dans le secteur de la promotion immobilière, notamment la société OCIM Finance dont le siège social est situé [...] 8ème.

La société Attila Protection Rapprochée (ci-après société Attila), dirigée par M. Rani S., exerce une activité de protection physique de personnes.

Par contrat du 2 septembre 2016, M. Laurent M. a confié à la société Attila des prestations de " protection et de sécurité " de sa personne moyennant un tarif journalier de 500 euros hors-taxes par agent mis à disposition pour tous les jours de la semaine à l'exception des jours fériés. Ce contrat a été conclu pour une durée allant jusqu'au 2 septembre 2017.

M. Rani S. est également dirigeant de la société Attila Prévention Rapide, qui a une activité de surveillance et de gardiennage.

Par contrat du 16 septembre 2016, la société OCIM Finance, représentée par M. Laurent M., a confié à la société Attila Prévention Rapide des prestations de " surveillance et de gardiennage " de l'immeuble situé [...] 17ème dont elle assure la gestion moyennant un tarif journalier de 900 euros hors-taxes pour une présence 24heures/24heures pour tous les jours de la semaine à l'exception des jours fériés. Ce contrat a été conclu pour une durée allant jusqu'au 31 décembre 2016.

Par courriel et lettre recommandée avec demande d'avis de réception datés du 20 mars 2017, M. M. a notifié à la société Attila la cessation immédiate de toute prestation de protection et de gardiennage, que ce soit pour la société OCIM Finance ou à titre personnel.

Nonobstant cette rupture, la société Attila a poursuivi la facturation de ses prestations de protection rapprochée jusqu'au 2 septembre 2017.

Par lettre recommandée avec demande d'avis de réception du 20 mars 2017, M. S. a contesté la rupture du contrat.

Par lettre recommandée avec demande d'avis de réception du 22 mars 2017, M. M. a, par l'intermédiaire de son conseil, mis en demeure M. S. de cesser toute menace, chantage et intimidation à son égard et à l'encontre des membres de sa famille.

Par lettre recommandée avec demande d'avis de réception du 23 mars 2017, la société Attila a mis en demeure M. M. de lui régler la somme totale de 764.604 euros TTC correspondant aux sommes dues au titre des prestations du 1er mars 2017 jusqu'au terme du contrat.

Par lettre recommandée avec demande d'avis de réception du 7 avril 2017, la société Attila a, par l'intermédiaire de son conseil, mis en demeure M. M. de lui régler la somme totale de 991.200,00 euros TTC correspondant aux sommes dues au titre des prestations du 1er mars 2017 jusqu'au terme du contrat.

Par acte du 19 mai 2017, la société Attila a fait assigner M. Laurent M. devant le tribunal de grande instance de Paris en vue de le voir condamner à payer les sommes de 106 200 euros correspondant aux prestations accomplies du 1er au 20 mars 2017, 56 160 euros à parfaire à titre de dommages-intérêts correspondant aux prestations qui auraient dû être accomplies entre le 20 mars 2017 et le 2 septembre 2017 et 700 000 euros à parfaire à titre de dommages-intérêts en réparation de son préjudice consistant en un gain manqué.

A titre reconventionnel, M. Laurent M. a sollicité la condamnation de la société Attila à lui restituer la somme de 70 723,92 euros au titre de surfacturations pratiquées.

Par jugement du 29 mai 2018, le tribunal de grande instance de Paris a :

• Prononcé, avec effet au 20 mars 2017, la résiliation du contrat conclu le 2 septembre 2016, entre la société Attila Protection Rapprochée et M. Laurent M., aux torts exclusifs de celui-ci ;

•  Condamné M. Laurent M. à payer à la société Attila Protection Rapprochée la somme de 123 000 euros à titre de dommages-intérêts ;

•  Condamné M. Laurent M. à payer à la société Attila Protection Rapprochée la somme de 73 864,68 euros TTC, outre intérêts au taux légal à compter du 31 mars 2017 ;

•  Condamné M. Laurent M. à payer à la société Attila Protection Rapprochée la somme de 3 000 euros, en application de l'article 700 du code de procédure civile ;

•  Débouté M. Laurent M. de sa demande de frais irrépétibles ;

•  Condamné M. Laurent M. aux entiers dépens de l'instance qui seront recouvrés par Maître Z., avocat au barreau de Paris, comme il est prévu à l'article 699 du code de procédure civile ;

•  Ordonné l'exécution provisoire du jugement sur le tout.

Par déclaration du 30 mai 2018, M. Laurent M. a interjeté appel de ce jugement.

Par déclaration du 7 juin 2018, la société Attila a également interjeté appel de ce jugement.

Les deux instances ont fait l'objet d'une jonction par ordonnance du 7 mars 2019.

Par ordonnance du 29 janvier 2019, le premier président de la cour d'appel de Paris a autorisé M. Laurent M. à consigner la somme de 196.864,68 euros en exécution du jugement du 29 mai 2018.

Le 12 février 2019, M. Laurent M. a consigné la somme de 196.864,68 euros à la caisse des dépôts et consignation.

Prétentions et moyens des parties

Dans ses dernières conclusions notifiées par le RPVA le 25 mai 2021, M. Laurent M. demande à la cour de :

Vu les articles L. 612-1 à L. 612-21, R. 612-1 à R. 612-12, R. 631-10, R. 631-15, R. 631-18, R. 631-24 du code de sécurité intérieure,

Vu l'ancien article 1149 du code civil devenu article 1231-2,

Vu l'article 1231-3 du code civil,

Vu les articles L. 111-1, L. 121-17, L. 121-18, L. 212-1, L. 241-1, R. 111-2, R. 111-3 et R. 212-2 du code de la consommation,

Vu l'article 1609 quintricies du code général des impôts,

Vu le décret n'2013-728 du 12 août 2013,

Vu l'arrêté du 19 octobre 1994,

•  Infirmer en toutes ses dispositions le jugement du tribunal de grande instance de Paris en date du 29 mai 2018.

Et statuant à nouveau,

A titre principal :

•  Dire et juger M. Laurent M. recevable et bien fondé en toutes ses demandes ;

•  Dire et juger qu'Attila Protection Rapprochée a commis des fautes graves et prononcer aux torts exclusifs d'Attila Protection Rapprochée la résiliation du contrat du 2 septembre 2016 ;

•   Condamner Attila Protection Rapprochée à rembourser à M. Laurent M. la somme de 67 307 euros au titre des surfacturations pratiquées au préjudice de M. M. et à l'insu de celui-ci ;

•   Débouter Attila Protection Rapprochée de l'ensemble de ses demandes.

A titre subsidiaire, si par extraordinaire la cour ne retenait pas l'existence de fautes graves d'Attila Protection Rapprochée :

•  Dire et juger que le préjudice allégué par Attila Protection Rapprochée pour la période comprise entre le 1er mars et le 20 mars 2017 ne peut en aucun cas excéder la somme de 24 000 euros ;

•  Dire et juger que le préjudice allégué par Attila Protection Rapprochée pour la période comprise entre le 21 mars et le 2 septembre 2017 ne peut en aucun cas excéder la somme de 33 200 euros ;

•  Condamner Attila Protection Rapprochée à rembourser à M. Laurent M. la somme de 67 307 euros au titre des surfacturations pratiquées au préjudice de M. M. et à l'insu de celui-ci ;

•   Ordonner la compensation entre les créances réciproques des parties ;

•  Débouter Attila Protection Rapprochée de l'ensemble de ses demandes.

En tout état de cause :

•  Débouter Attila Protection Rapprochée de l'ensemble de ses demandes ;

•  Condamner Attila Protection Rapprochée à verser à M. Laurent M. la somme de 20.000 euros en application de l'article 700 du code de procédure civile ;

•  Condamner Attila Protection Rapprochée aux entiers dépens de première instance et d'appel ;

•  Dire que les dépens d'appel pourront être directement recouvrés par la SELARL Lexavoué Paris-Versailles, en application de l'article 699 du code de procédure civile.

Dans ses dernières conclusions notifiées par le RPVA le 20 février 2019, la société Attila demande à la cour de :

Vu les nouveaux articles 1103, 1104, 1193, 1231-1 et 1231-2 du code civil,

•  Déclarer la société Attila recevable et bien fondée en son appel,

Y faisant droit,

•  Confirmer le jugement en ce qu'il prononce avec effet au 20 mars 2017, la résiliation du contrat conclu le 2 septembre 2016, entre la société Attila Protection Rapprochée et M. Laurent M., aux torts exclusifs de celui-ci ;

•  Réformer le jugement déféré, en toutes ses autres dispositions ;

Et statuant à nouveau,

•  Dire et juger que M. M. n'a pas exécuté son obligation de règlement des prestations réalisées du 1er mars 2017 jusqu'au 20 mars 2017, conformément aux dispositions du contrat de prestation en date du 2 septembre 2016 ;

•  Dire et juger que M. M. n'a pas exécuté son obligation de règlement des prestations dues jusqu'au terme du contrat à durée déterminée (2 septembre 2017), eu égard à sa rupture unilatérale, anticipée, brutale ;

•  Dire et juger que l'article 3 prévoit, en cas de rupture anticipée, une indemnité forfaitaire égale à la facturation qui aurait dû être émise entre la rupture et le terme du contrat, par référence à la facturation mensuelle effective antérieure à la rupture.

En conséquence,

•   Condamner M. M. au paiement de la somme de 106.200 euros, à parfaire, au profit de la société Attila Protection Rapprochée, correspondant aux prestations accomplies par cette dernière du 1er au 20 mars 2017 ;

•  Condamner M. M. à indemniser la société Attila Protecton Rapprochée du préjudice subi des suites de la rupture brutale et abusive du contrat à la somme de :

•  A titre principal, 885 000 euros, à parfaire, au profit de la société Attila Protection Rapprochée, à titre de dommages et intérêts correspondant aux prestations qui auraient dû être accomplies par cette dernière, à compter de la rupture anticipée en date du 20 mars 2017 jusqu'au terme du contrat en date du 2 septembre 2017 ;

•  A titre subsidiaire, et si par extraordinaire la cour d'appel de Paris refusait de faire application de la clause contractuelle insérée à l'article 3 du contrat, à celle de 397.600 euros, à parfaire, à titre de dommages et intérêts en réparation de la perte du gain subie par cette dernière.

En tout état de cause,

•  débouter M. M. de toutes ses demandes, fins et conclusions,

•  condamner M. M. à verser à la société Attila Protection Rapprochée la somme de 5 000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile, en l'obligeant à supporter les entiers dépens de la présente instance.

La cour renvoie, pour un plus ample exposé des faits et des prétentions et moyens des parties, à la décision déférée et aux écritures susvisées, en application des dispositions de l'article 455 du code de procédure civile.

L'ordonnance de clôture a été prononcée le 10 juin 2021.

MOTIFS

Sur la résiliation du contrat

La société Attila dénonce la résiliation unilatérale par M. M. du contrat les liant et revendique l'application de la clause prévoyant une indemnité de résiliation anticipée.

M. M. invoque diverses fautes commises par la société Attila pour justifier la résiliation unilatérale et immédiate du contrat. Il prétend ainsi que la société Attila a surfacturé ses prestations, que son gérant a adopté une attitude incompatible avec la mission confiée à sa société et qu'elle a enfreint les règles applicables aux sociétés de protection privée.

Aux termes de l'article 1184 ancien du code civil, applicable à l'espèce, le contrat litigieux ayant été conclu avant l'entrée en vigueur de l'ordonnance du 10 février 2016 portant réforme du droit des obligations contractuelles, la condition résolutoire est toujours sous-entendue dans les contrats synallagmatiques, pour le cas où l'une des deux parties ne satisferait point à son engagement.

Si la résolution doit être en principe demandée en justice, la gravité du comportement d'une partie autorise toutefois l'autre à se prévaloir unilatéralement de la rupture, à ses risques et périls, sans recourir à l'autorisation préalable du juge, celui-ci restant évidemment susceptible de contrôler a posteriori le bien-fondé de la cessation.

Sur les surfacturations illicites

M. M. fait valoir, que la société Attila a procédé à des surfacturations d'un montant de 67 307 TTC euros décomposé comme suit:

- 56 400 euros HT au titre de surfacturations liées au coût unitaire des vacations,

- 2 680 euros HT au titre de surfacturations liées à des doublons de facturations,

- 476 euros au titre d'une surfacturation de la taxe CNAPS,

- 7 751 euros au titre d'une surfacturation liée au calcul de la TVA.

La société Attila dénie toute surfacturation.

M. M. invoque l'article l'article L.121-17 du code de la consommation qui prévoit que le professionnel doit s'assurer du consentement exprès du consommateur pour tout paiement supplémentaire venant s'ajouter au prix de l'objet principal du contrat. Néanmoins cet article ne prévoit aucune sanction civile en cas de violation. En conséquence, la résolution unilatérale du contrat par M. M. ne peut être justifiée a posteriori par le non-respect des dispositions précitées.

Par ailleurs, il sera relevé que M. M. a payé l'ensemble des factures qui lui ont été adressées par la société Attila jusqu'à la date de résiliation du contrat le 20 mars 2017 et qu'à aucun moment, au cours de l'exécution du contrat, il n'a contesté les facturations qui lui étaient adressées ni n'a signalé à la société Attila une quelconque erreur. Si le paiement de factures n'interdit pas de les contester a posteriori, il sera observé que M. M. était pourtant en mesure de s'apercevoir immédiatement de la surfacturation liée au coût unitaire des vacations ainsi que de celle liée à la double facturation pour les mêmes prestations. Pourtant il n'a adressé à son cocontractant aucune contestation formelle sur ce point ni au cours de l'exécution du contrat ni au moment de sa résiliation et ce n'est que le 6 avril 2017, dans le cadre du litige l'opposant à la société Attila au sujet de la résiliation du contrat, qu'il s'est plaint expressément de " surfacturation manifeste " des prestations et de la facturation de prestations non demandées.

Dans ces conditions, la résiliation unilatérale du contrat par M. M. ne saurait être justifiée a posteriori par des erreurs de facturations qui n'ont jamais été signalées à la société Attila et qui auraient pu être rectifiées spontanément après leur signalement.

Sur le comportement du gérant de la société Attila

M. M. affirme que M. S., gérant de la société Attila, a eu un comportement violent incompatible avec la mission de cette dernière et contraire à l'article R631-10 du code de la sécurité intérieure. Il prétend que M. S. aurait proféré à son encontre des propos d'une extrême violence et des menaces de mort les 20 et 21 mars 2017.

La société Attila réplique que M. M. l'a congédiée brutalement le 20 mars 2017 et a menacé physiquement et verbalement son gérant jusqu'à le menacer de mort le 22 mars 2017.

Les faits reprochés par M. M. au gérant de la société Attila ne peuvent être démontrés par la seule déclaration de main-courante qu'il a effectuée le 21 mars 2017 auprès des services de police.

Aucun manquement contractuel n'est caractérisé de ce chef et la résiliation unilatérale du contrat ne peut pas être ainsi justifiée.

Sur la violation répétée des règles applicables aux sociétés de protection privée

M. M. soutient que la société Attila a enfreint de manière répétée la réglementation applicable aux sociétés de protection privée.

La société Attila réplique que M. M. n'a sollicité la communication de son autorisation d'exercer et de l'agrément de son dirigeant qu'à compter du 6 avril 2017, soit après avoir résilié le contrat. Elle fait valoir qu'elle dispose de toutes les autorisations pour exercer son activité.

Il convient de relever que M. M. ne justifie pas avoir sollicité de la société Attila les justificatifs des autorisations administratives nécessaires à l'exercice de son activité ou les documents relatifs à ses employés avant la résiliation du 20 mars 2016. Ainsi elle ne saurait se prévaloir de tels manquements pour justifier la résiliation unilatérale du contrat à laquelle elle a procédé, à ses risques et périls.

En outre, il convient d'observer que la société Attila justifie d'une autorisation administrative du 23 janvier 2014 l'habilitant à exercer l'activité de protection physique des personnes. Par ailleurs, elle établit que son dirigeant, M. Rani S., disposait d'un agrément en date du 23 janvier 2014 pour diriger une société de sécurité privée destinée à la protection physique des personnes ainsi que d'une carte professionnelle lui permettant d'exercer l'activité de protection physique des personnes valable du 13 octobre 2015 au 13 octobre 2020.

Si l'article L. 612-15 du code de la sécurité intérieure, dans sa version applicable au litige, prévoit que la personne qui a recours aux services d'une entreprise exerçant l'activité de protection physique des personnes peut demander la communication des références de la carte professionnelle de chacun des employés participant à l'exécution de la prestation, il apparaît que cette communication peut être exigée dans le cadre de l'exécution du contrat et non postérieurement. Or il est constant que les demandes en ce sens de M. M. n'ont été réalisées que le 4 mai 2017. En outre, il apparaît que la société Attila communique aux débats les décisions de la CNAPS portant délivrance de cartes professionnelles aux personnes qu'elle affirme avoir employées en vue de la protection physique de M. M..

M. M. ne peut pas davantage se prévaloir de la violation par la société Attila des articles L. 612-15 du code de la sécurité intérieure ainsi que les articles L. 111-1 2° et R. 111-3 1° du code de la consommation du fait de l'absence de mention du numéro d'autorisation délivrée par le CNAPS sur le contrat et l'ensemble des factures pour justifier la résolution unilatérale du contrat dès lors qu'il ne se prévaut d'aucune conséquence résultant de ce défaut d'information.

Enfin l'article L. 612-3 du code de la sécurité intérieure vise la dénomination de la personne morale. Or la dénomination de la société Attila Protection Rapprochée ne suscite aucune confusion avec un service public.

Il résulte de ce qui précède que M. M. ne justifie d'aucun manquement contractuel grave ou répété justifiant la résiliation immédiate et sans mise en demeure préalable du contrat le liant à la société Attila. En conséquence, c'est à tort qu'il a résilié unilatéralement le contrat. Le jugement entrepris sera confirmé en ce qu'il a prononcé, avec effet au 20 mars 2017, la résiliation du contrat conclu le 2 septembre 2016, entre la société Attila Protection Rapprochée et M. Laurent M., aux torts exclusifs de celui-ci.

•   Sur la demande en paiement au titre des factures couvrant la période du 1er mars au 20 mars 2017

La société Attila revendique le paiement d'une somme de 88 500 euros HT au titre des prestations effectuées pour la mission de protection rapprochée personnelle de M. M. ainsi que pour la mission de sécurité de l'immeuble sis [...] entre le 1er mars et le 20 mars 2017.

M. M. soutient que le contrat prévoit un seul tarif journalier de 500 euros par agent de sorte qu'il conteste le chiffrage de la société Attila qui a retenu la somme de 5 310 euros HT par jour correspondant à dix vacations au lieu de 1.000 euros HT par jour correspondant à deux vacations, soit 106 200 euros HT (5 310 euros HT x 20 jours) au lieu de 20 000 euros HT (1 000 euros HT x 20 jours). Par ailleurs, il soutient que la mission de sécurité de l'immeuble sis [...] a été interrompue à la fin du mois de février 2017 de sorte que la demande en paiement de ce chef n'est pas fondée.

Il résulte des termes mêmes d'un courriel adressé le 6 février 2017 intitulé "Facture Franklin" que M. M. a demandé à la société Attila d'arrêter la prestation au titre de l'immeuble sis [...] à la fin du mois de février 2017. En conséquence, la société Attila ne peut revendiquer un quelconque paiement au titre de telles prestations étant relevé que cette prestation n'est pas comprise dans le contrat conclu le 2 septembre 2016 qui ne porte que sur la protection personnelle de M. M..

Par ailleurs, il ressort de ce qui précède que la société Attila ne peut revendiquer le paiement que d'une somme de 1.000 euros par vacation, et non 1.500 euros par vacation, entre le 1er et le 20 mars 2017, soit une somme de 32.000 euros HT (1000 euros HT x 16 vacations x 20 jours) ou 38.528 euros TTC (comprenant la taxe CNAPS de 0,4% et la TVA de 20%).

En conséquence, il convient de faire droit partiellement à la demande en paiement de la société Attila sur ce point et de condamner M. M. à lui payer une somme de 38.528 euros TTC au titre des prestations de protection physique de M. M. effectuées entre le 1er et le 20 mars 2017.

•  Sur la demande en paiement au titre de la période du 20 mars au 2 septembre 2017

La société Attila revendique l'application de l'article 3 du contrat prévoyant qu'en cas de résiliation avant le terme prévu, le client devrait la totalité des mensualités jusqu'à la fin du contrat. Elle prétend que cette clause, négociée librement entre les parties, avait pour finalité de lui assurer une rémunération constante sur la durée du contrat même en cas de résiliation anticipée et que le contrat a été rédigé par M. M. qui en a donc parfaitement accepté les termes.

M. M. estime que la clause dont se prévaut la société Attila doit être réputée non écrite. Il invoque les dispositions des articles L. 212-1, L. 241-1 et R. 212-2 8° du code de la consommation.

L'article L. 212-1 du code de la consommation, dans sa version applicable au litige, dispose que: " Dans les contrats conclus entre professionnels et consommateurs, sont abusives les clauses qui ont pour objet ou pour effet de créer au détriment du consommateur un déséquilibre significatif entre les droits et obligations des parties au contrat.

L'article 3 du contrat du 2 septembre 2016 conclu entre la société Attila et M. M. prévoit que: " De convention expresse, le présent contrat pourra être rompu par chacune des parties en cas de non-respect d'une de ces clauses, une semaine après mise en demeure après la signature du contrat. Au-delà de ce délai, le client devra régler toutes les mensualités jusqu'à la fin du contrat à la société APR. "

Cette clause ayant pour objet de soumettre la résolution ou la résiliation du contrat à des conditions plus rigoureuses pour le consommateur que pour le professionnel doit être présumée abusive sauf au professionnel de démontrer le contraire.

Or la société Attila ne rapporte pas de preuve contraire. En conséquence, la clause litigieuse doit être réputée non écrite et la demande en paiement de la société Attila sur ce fondement sera écartée. Le jugement entrepris sera infirmé sur ce point.

A titre subsidiaire, la société Attila revendique le paiement d'une somme de 397 600 euros au titre d'une perte de gains.

M. M. affirme que le contrat ne contenait aucune exclusivité et que la société Attila a toujours été libre de travailler avec d'autres clients de sorte que sa demande de dommages et intérêts à hauteur de 397 600 euros au titre d'une perte de gains est infondée.

Il résulte des éléments produits aux débats que la société Attila pouvait prétendre au minimum à une somme de 30 000 euros par mois au titre du contrat la liant à M. M., correspondant à la mise à disposition de deux agents par jour au prix de 500 euros HT par jour. S'il est exact qu'aucune clause d'exclusivité ne liait la société Attila à M. M., il apparaît que l'essentiel de son personnel était, au moment de la résiliation, dédié à la protection de ce dernier et que la résiliation fautive du contrat est à l'origine d'une perte de gains qu'il convient d'indemniser sur la base d'un taux de marge brute de 20% pendant le délai de trois mois nécessaire pour se réorganiser et trouver de nouveaux clients. Dans ces conditions, il convient d'allouer à la société Attila une somme de 18 000 euros de dommages et intérêts au titre de sa perte de gains suscitée par la résiliation fautive du contrat du 2 septembre 2016.

•  Sur la condamnation de M. M. par le tribunal de grande instance de Paris à hauteur de 30 000 euros au titre d'un préjudice complémentaire de désorganisation

M. M. critique le jugement entrepris en ce qu'il a retenu et indemnisé un préjudice supplémentaire de désorganisation. Il prétend que ledit préjudice n'est démontré ni dans son principe ni dans son quantum par la société Attila.

La société Attila ne réplique pas sur ce point.

Il convient de relever que la société Attila ne justifie d'aucun préjudice complémentaire que le préjudice financier résultant d'une perte de gains de sorte que le jugement entrepris sera infirmé de ce chef.

•  Sur la demande reconventionnelle en restitution de la somme de 67 307 euros au titre des surfacturations

M. M. fait valoir, que la société Attila a procédé à des surfacturations d'un montant de 67 307 TTC euros décomposé comme suit:

- 56 400 euros HT au titre de surfacturations liées au coût unitaire des vacations,

- 2 680 euros HT au titre de surfacturations liées à des doublons de facturations,

- 476 euros au titre d'une surfacturation de la taxe CNAPS,

- 7 751 euros au titre d'une surfacturation liée au calcul de la TVA.

La société Attila dénie toute surfacturation.

•  Sur la surfacturation du coût unitaire des vacations

M. M. prétend qu'alors que le contrat prévoyait un tarif de 500 euros par jour en semaine, la société Attila lui a facturé des prestations d'un coût de 800 euros, 1 000 euros ou encore 1 500 euros, soit un coût supplémentaire de 56 400 euros HT.

La société Attila affirme qu'à compter du mois de janvier 2017, M. M. a sollicité la mise à disposition d'agents disposant d'une habilitation supérieure (« SPHP » sécurité privée haute protection) justifiant une facturation de 1 000 euros par jour au lieu de 500 euros. Elle ajoute que M. M. a donné son accord à cette facturation supplémentaire.

Il convient d'examiner chacune des factures ayant donné lieu à une prétendue surfacturation.

Facture n° 0682/16 du 16 janvier 2017 d'un montant de 22 400 euros HT

Cette facture indique 28 vacations facturées à 800 euros HT. Contrairement à ce que soutient la société Attila, il n'est aucunement indiqué sur la facture que la vacation correspond à la mise à disposition de deux agents. Il sera relevé à cet égard que dans les factures précédentes, la mise à disposition de deux agents était bien précisée. Dès lors, il apparaît qu'une somme de 8 400 euros HT a été surfacturée (22 400 euros  14 000 euros).

Facture n°0684/17 du 5 février 2017 d'un montant de 28 000 euros HT

Cette facture indique 28 vacations facturées à 1.000 euros HT avec la précision que la prestation a été effecturée par des agents " SPHP ". Il est établi que cette facture a été adressée par couriel à M. M. le 5 février 2017 avec la mention: "Je vous joins la facture protection rapprochée avec SPHP comme convenue". Cette facture a été payée par virement le 6 février 2017.

Il se déduit de ces éléments que M. M. a implicitement accepté une facturation de 1 000 euros par vacation en cas d'intervention d'un agent disposant de la qualification " SPHP ". Aucune surfacturation ne peut donc être retenue sur ce point.

Facture n°0686/17 du 20 février 2017 d'un montant de 28 000 euros HT

Cette facture indique 20 vacations correspondant à un forfait de 28.000 euros HT, soit 1.400 euros HT la vacation. Il est précisé que la prestation a été effectuée par des agents " SPHP ". Contrairement à ce que soutient la société Attila, il n'est aucunement indiqué sur la facture que deux agents par vacation ont été mis à disposition de M. M.. Dès lors, il apparaît qu'une somme de 8 000 euros HT (28 000 euros  20 000 euros) a été surfacturée.

Facture n° 0693/17 du 28 février 2017 d'un montant de 2 4000 euros HT

Cette facture indique 16 vacations correspondant à un forfait de 24 000 euros HT, soit 1 500 euros HT la vacation. Il est précisé que la prestation a été effectuée par des agents " SPHP ". Contrairement à ce que soutient la société Attila, il n'est aucunement indiqué sur la facture que deux agents ont été mis à disposition de M. M.. Dès lors, il apparaît qu'une somme de 8 000 euros HT (24 000 euros 16 000 euros) a été surfacturée.

•  Sur la surfacturation liée à des doubles facturations pour la même prestation

M. M. affirme que certaines vacations lui ont été facturées deux fois.

La société Attila ne réplique pas sur ce point.

Il résulte effectivement de l'analyse des factures n° 0675/16 relative à la période du 13 octobre au 1er novembre 2016, n° 0674/16 relative à la période du 14 octobre au 28 octobre 2016 et n° 0676/16 relative à la période du 28 octobre au 11 novembre 2016 que les journées du 14 octobre, 15 octobre, 16 octobre, 17 octobre, 18 octobre, 19 octobre, 20 octobre, 21 octobre, 22 octobre, 23 octobre, 24 octobre, 25 octobre, 26 octobre, 27 octobre, 29 octobre, 30 octobre, 31 octobre et du 1er novembre 2016 ont été facturées deux fois et que la journée du 28 octobre a été facturée trois fois.

En conséquence, une surfacturation d'un montant de 1 895 euros HT est établie au titre de la facture n° 0675/16 et d'un montant de 786 euros HT au titre de la facture n° 0676/16.

•  Sur la surfacturation liée à la surévaluation de la taxe CNAPS

M. M. affirme que la taxe CNAPS figurant sur les factures émises par la société Attila est à 0,5% alors que le taux en vigueur à compter du 1er janvier 2016 était de 0,4%.

La société Attila ne réplique pas sur ce point.

Il résulte des dispositions de l'article 1609 quintricies du code général des impôts que le taux de la contribution sur les activités privées de sécurité s'élevait à 0,4% au 1er janvier 2016. Or les factures produites aux débats font état d'un taux de 0,5% appliqué au montant hors taxe de prestations réalisées par la société Attila.

Le montant total facturé par la société Attila à M. M. par la période allant du 2 septembre 2016 au 28 février 2017 a été de 253 400 euros HT dont il faut déduire les sommes de 24 400 euros HT au titre de la surfacturation liée au coût unitaire des vacations ainsi qu'une somme de 2 680 euros HT au titre de la surfacturation liée à la double facturation. Le montant total des prestations aurait dû s'élever à 226.320 euros HT sur lequel il convient d'appliquer un taux de 0,4%, soit 905 euros. Ainsi la surfacturation au titre de la taxe CNAPS s'élève à 362 euros [(253 400 euros x 0,5%)=1.267 euros 905 euros].

•  Sur la surfacturation liée à la surévaluation de la TVA

M. M. prétend qu'il convient de recalculer le montant de la TVA qui lui a été appliqué pour tenir compte des surfacturations qui lui ont été faites. Il ajoute que la TVA devait être appliquée sur le montant HT des prestations sans addition de la taxe CNAPS.

La société Attila ne réplique pas sur ce point.

Il convient de recalculer le montant de la TVA pour tenir compte des surfacturations relevées. En outre, il y a lieu de rectifier l'erreur de facturation tenant à l'application du taux de TVA sur la taxe CNAPS.

Eu égard à ces éléments, la surfacturation de TVA sera évaluée à 5 416 euros [(253 400 euros x 20%) = 50 680 euros (226 320x20%) = 45 264 euros].

Il résulte de ces éléments que la société Attila a surfacturé un montant total de 32 859 euros à M. M..

Il résulte de ce qui précède que la société Attila a procédé à des surfacturations d'un montant de 32 859 euros décomposé comme suit:

- 24 400 euros HT au titre de surfacturations liées au coût unitaire des vacations,

- 2 680 euros HT au titre de surfacturations liées à des doublons de facturations,

- 362 euros au titre d'une surfacturation de la taxe CNAPS,

- 5 416 euros au titre d'une surfacturation liée au calcul de la TVA.

Il convient donc de faire droit à concurrence d'un montant de 32 852 euros à la demande de de condamnation de M. M. de ce chef et à sa demande de compensation. Le jugement entrepris sera infirmé sur ce point.

Sur les dépens et l'article 700 du code de procédure civile

La société Attila succombe partiellement au litige. Les dispositions du jugement entrepris relatives aux dépens et aux frais irrépétibles seront confirmées. La société Attila supportera les dépens de l'instance d'appel qui pourront être recouvrés selon les modalités de l'article 699 du code de procédure civile. La société Attila sera par ailleurs condamnée à payer à M. M. une somme de 3 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile. Sa demande de ce chef sera rejetée.

PAR CES MOTIFS,

La cour,

Confirme le jugement entrepris en ce qu'il a prononcé, avec effet au 20 mars 2017, la résiliation du contrat conclu le 2 septembre 2016, entre la société Attila Protection Rapprochée et M. Laurent M., aux torts exclusifs de celui-ci et en ce qu'il condamné M. Laurent M. à payer à la société Attila Protection Rapprochée la somme de 3 000 euros, en application de l'article 700 du code de procédure civile ainsi qu'à supporter les dépens de première instance ;

L'infirme pour le surplus,

Statuant à nouveau,

Condamne M. M. à payer à la société Attila Protection Rapprochée une somme de 38 528 euros TTC au titre des prestations de protection physique de M. M. effectuées entre le 1er et le 20 mars 2017;

Condamne M. M. à payer à la société Attila Protection Rapprochée une somme de 18 000 euros de dommages et intérêts au titre de la perte de gains suscitée par la résiliation fautive du contrat du 2 septembre 2016 ;

Condamne la société Attila Protection Rapprochée à payer à M. M. une somme de 32 852 euros au titre des surfacturations effectuées ;

Ordonne la compensation des créances réciproques des parties à concurrence d'une somme de 32 852 euros ;

Condamne la société Attila Protection Rapprochée à payer à M. M. une somme de 3 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile ;

Rejette la demande de la société Attila Protection Rapprochée au titre de ses frais irrépétibles ;

Condamne la société Attila Protection Rapprochée aux dépens de l'instance d'appel qui pourront être recouvrés selon les modalités de l'article 699 du code de procédure civile ;

Rejette les autres demandes des parties.