Cass. crim., 25 mai 1988, n° 87-90.429
COUR DE CASSATION
Arrêt
COMPOSITION DE LA JURIDICTION
Président :
M. Ledoux
Rapporteur :
M. Bayet
Avocat général :
M. Galand
Avocat :
Me Foussard, Capron
Sur le moyen unique de cassation, pris de la violation des articles 1741 et 1743 du Code général des impôts, L. 47 et L. 81 et suivants du Livre des procédures fiscales, 64, 453 et 454 du Code des douanes, 591 et 593 du Code de procédure pénale, défaut de motifs :
" en ce que l'arrêt attaqué a annulé la procédure judiciaire dont la cour d'appel de Paris était saisie " à partir et y compris la plainte " du 22 mars 1982 émanant du directeur des services fiscaux du département des Hauts-de-Seine et débouté la Direction générale des Impôts de ses demandes ;
" aux motifs que le procès-verbal relatant les opérations de perquisitions et saisies du 21 janvier 1980, s'il comporte bien la signature de MM. Y... et Z..., agents des Impôts, ne mentionne pas ceux-ci au nombre des agents verbalisateurs et n'indique pas que les agents des Impôts accompagnaient les agents des Douanes ; qu'ainsi, l'intervention des agents des Impôts ne peut être considérée comme trouvant sa motivation dans la recherche et la constatation d'infractions à la législation sur les changes ; qu'il apparaît dès lors que les deux agents des Impôts ont procédé en réalité à un contrôle d'une partie de la comptabilité de la société SEEPB sans que soient respectées les dispositions de l'article L. 47 du Livre des procédures fiscales ; qu'enfin, les mentions du rapport établi par le vérificateur établissent qu'il s'est référé aux pièces saisies lors des visites et perquisitions du 21 janvier 1980 ; que, par suite, la vérification opérée doit être considérée comme nulle ; qu'il s'ensuit que la procédure judiciaire, à partir de la plainte du 22 mars 1982, doit être annulée ;
" alors que, d'une part, la circonstance que les infractions à la législation sur les changes aient été constatées, lors des opérations du 21 janvier 1980, et aient donné lieu à une condamnation définitive faisait nécessairement obstacle, par elle-même, à ce qu'un détournement de procédure puisse être retenu ;
" alors que, d'autre part, la régularité des perquisitions et saisies opérées le 21 janvier 1980 ne pouvait être examinée, dès lors que les poursuites douanières ont été engagées, sans que le juge ait préalablement recherché si, à l'occasion de ces poursuites, l'irrégularité des perquisitions et saisies a été invoquée et constatée ;
" alors que, troisièmement, et de toute façon, le fait que des agents des Impôts, bien que signataires du procès-verbal, n'aient pas figuré en tête de ce document ou n'aient pas été mentionnés comme accompagnant les agents des Douanes pouvait tout au plus caractériser un vice de forme susceptible d'entraîner la nullité sous réserve qu'un grief fût démontré ; qu'il ne pouvait en aucune façon établir l'existence d'un détournement de procédure dès lors que les agents des Impôts pouvaient légalement participer à la constatation d'infractions à la législation sur les changes ;
" et alors que, de quatrième part, et enfin, la nullité pour détournement de procédure était nécessairement exclue dans la mesure où les pièces saisies, dont les juges du fond ont constaté qu'elles avaient été portées à la connaissance du vérificateur, consistant en des relevés de compte bancaire et des remises de chèques (4), étaient détenues par des tiers et pouvaient être obtenues par l'administration fiscale, auprès de ces tiers, dans le cadre de son droit de communication " ;
Attendu qu'il appert de l'arrêt attaqué que Pierre X..., renvoyé devant la juridiction correctionnelle en sa qualité de président de la société anonyme " SEEPB " pour fraudes à l'impôt sur les sociétés et à la TVA, commises au sein de cette société et tenue irrégulière de comptabilité, a soulevé avant toute défense au fond une exception de nullité de la procédure antérieure tirée de ce que la vérification fiscale de la comptabilité de son entreprise avait été opérée en méconnaissance des prescriptions de l'article L. 47 du Livre des procédures fiscales ;
Attendu que, sur renvoi après cassation, saisie de ladite exception et pour y faire droit, la cour d'appel constate que si des opérations de vérification fiscale de la comptabilité de la société anonyme " SEEPB ", régulièrement précédées d'un avis en date du 12 mai 1980, ont bien été entreprises du 29 mai au 30 septembre 1980 par des agents de l'administration des Impôts, il résulte cependant des énonciations de procès-verbaux de constat dressés le 21 janvier 1980 par des agents de l'administration des Douanes que ceux-ci, " accompagnés " de deux inspecteurs des Impôts, avaient procédé ce jour-là, sans aucun avis préalable, dans le cadre d'une enquête douanière ouverte du chef d'infraction à la législation et à la réglementation des relations financières avec l'étranger imputée à la SA " SEEPB ", à une visite domiciliaire chez Pierre X... et à une visite au siège social de son entreprise, au cours desquelles avaient été saisis des documents, constitués par des relevés de comptes et remises de chèques, afférents à l'activité de la société anonyme ;
Attendu que les juges observent que cette saisie, portant sur des pièces de la comptabilité auxiliaire de la société, avait nécessairement été précédée d'un examen et d'une sélection des documents détenus par la SA " SEEPB ", auxquels avaient participé les deux fonctionnaires des Impôts, ainsi que le démontre la signature par eux apposée à la fin du procès-verbal du 21 juillet 1980 constatant lesdites opérations de visite et de saisie ; que les juges en déduisent qu'en participant ainsi aux investigations douanières du 21 janvier 1980, les deux agents de l'administration des Impôts avaient procédé en réalité à un contrôle d'une partie de la comptabilité de la SA " SEEPB " sans qu'aient été respectées les dispositions de l'article L. 47 du Livre des procédures fiscales ; que les juges retiennent encore que les énonciations du rapport de vérification fiscale de la comptabilité de la société opérée entre le 29 mai et le 30 septembre 1980 établissent que le vérificateur s'est référé aux pièces saisies au cours des investigations douanières et en particulier à celles ayant fait l'objet des opérations du 21 janvier 1980 en sorte que, selon l'arrêt attaqué, cette vérification fiscale de comptabilité n'était que la continuation du contrôle, entaché de nullité, commencé le 21 janvier 1980 ;
Attendu que les juges en concluent que cette dernière vérification se trouve également entachée de nullité, l'avis de vérification du 12 mai 1980 étant inopérant pour réparer les conséquences de l'inobservation antérieure des prescriptions de l'article L. 47 précité et que, dès lors, il y a lieu d'annuler la procédure judiciaire à partir de la plainte de la direction départementale des services fiscaux du 25 mars 1982 et de débouter l'administration des Impôts, partie civile, de ses demandes ;
Attendu qu'en prononçant ainsi, la cour d'appel, loin de méconnaître les textes visés au moyen, en a fait au contraire l'exacte application ;
D'où il suit que le moyen ne saurait être accueilli ;
Et attendu que l'arrêt est régulier en la forme ;
REJETTE le pourvoi.