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Décisions

CA Paris, Pôle 5 ch. 5, 10 mars 2022, n° 18/09215

PARIS

Arrêt

Confirmation

PARTIES

Demandeur :

Neomedia (SARL)

Défendeur :

Plastoria (Sté)

COMPOSITION DE LA JURIDICTION

Président :

Mme Prigent

Conseillers :

Mme Renard, Mme Soudry

T. com. Paris, du 9 avr. 2018, RG n° 201…

9 avril 2018

Faits et procédure :

La société Plastoria est une société de droit belge qui fabrique et commercialise des accessoires pouvant servir de cadeaux d'entreprise sous diverses marques dont elle détient la licence.

La société Neomedia, dont le gérant est M. X, a pour activité la commercialisation d'objets publicitaires, le conseil et l'assistance dans le domaine de la commercialisation d'accessoires de mode à des distributeurs spécialisés en cadeaux d'affaires.

Le 22 mars 2010, la société Plastoria a conclu avec la société Neomedia un contrat dénommé « contrat de prestations de services » par lequel elle a confié à la société Neomedia des prestations de suivi et gestion de sa clientèle sur le territoire français, de conseil sur la stratégie à adopter en France pour maximiser ses ventes, d'aide à la formation des équipes commerciales de ses clients/distributeurs, ainsi que des études de marché et d'identification de clients potentiels et de leurs besoins. Il a été prévu un montant d'honoraire forfaitaire mensuel de 6 900 euros au profit de la société Neomedia.

Ce contrat a été conclu pour une durée de douze mois renouvelables par tacite reconduction.

Par lettre recommandée du 1er décembre 2014, la société Plastoria a confirmé à la société Neomedia « la non prolongation (du) contrat de prestation de service en date du 31 décembre 2014 » en précisant « comme discuté et agréé en septembre 2014 ».

Par lettre du 20 février 2015, la société Neomedia a contesté tout accord quant à la rupture du contrat et a critiqué l'absence de tout préavis et de toute proposition d'indemnité de rupture.

Par lettre du 25 février 2015, la société Plastoria a répondu que le principe de la non-prolongation du contrat avait été acté d'un commun accord lors d'une réunion au mois de septembre 2014 et que le préavis contractuel d'un mois avait été respecté.

Par acte du 24 septembre 2015, la société Neomedia a fait assigner la société Plastoria devant le tribunal de commerce de Créteil aux fins d'obtenir :

A titre principal, sa condamnation à lui verser les sommes en principal de 20 700 euros à titre d'indemnité compensatrice de préavis et 165 600 euros à titre d'indemnité de rupture d'un contrat d'agence commerciale en vertu de l'article L. 134-11 du code de commerce ; 

A titre subsidiaire, sa condamnation à lui verser la somme en principal de 165 600 euros au titre d'une rupture brutale de leur relation commerciale sur le fondement de l'article L. 442-6, I, 5° du code de commerce.

Par jugement du 11 juillet 2017, le tribunal de commerce de Créteil a dit n'y avoir lieu à disjonction entre les demandes principale et subsidiaire et s'est déclaré incompétent au profit du tribunal de commerce de Paris en application de l'article D. 443-2 du code de commerce.

Par jugement du 9 avril 2018, le tribunal de commerce de Paris a :

Dit que le contrat signé entre les parties n'est pas un contrat d'agent commercial et par conséquent débouté la SARL Neomedia de sa demande au titre d'indemnité de rupture du contrat d'agence commerciale ; 

Condamné la SA Plastoria à payer à la SARL Neomedia la somme de 20.700 euros au titre de la demande d'indemnité compensatrice de préavis ; 

Dit que la demande subsidiaire de la SARL Neomedia au visa de L. 442-6 du code de commerce n'est pas recevable ; 

Débouté la SA Plastoria de sa demande au titre de la procédure abusive ;

Condamné la SA Plastoria à payer à la SARL Neomedia la somme de 2 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile ; Ordonné l'exécution provisoire ;

Débouté les parties de leurs demandes autres, plus amples ou contraires ;

Condamné la SA Plastoria aux dépens de l'instance, dont ceux à recouvrer par le greffe, liquidés à la somme de 78,36 euros dont 12,85 euros de TVA.

Par déclaration du 9 mai 2018, la société Neomedia a interjeté appel de ce jugement en ce qu'il a :

Dit que le contrat signé entre les parties n'est pas un contrat d'agent commercial et par conséquent débouté la SARL Neomedia de sa demande tendant à voir condamner la société Plastoria à lui verser la somme de 165 600 euros en principal, assortie des intérêts au taux légal à compter du jour de la demande, à titre d'indemnité de rupture du contrat d'agence commerciale ; 

Dit que la demande subsidiaire de la SARL Neomedia au visa de L. 442-6 du code de commerce, tendant à voir condamner la société Plastoria à lui verser la somme de 165 600 euros en principal, à titre des intérêts au taux légal à compter du jour de la demande, à titre de dommages et intérêts pour rupture brutale des relations commerciales, n'est pas recevable ; 

Débouté la SARL Neomedia de toutes demandes plus amples ou contraires lui faisant grief.

Prétentions et moyens des parties

Dans ses dernières conclusions notifiées par le RPVA le 2 avril 2019, la société Neomedia demande à la cour de :

Vu l'article L. 134-11 du code de commerce,

Vu l'article L. 134-12 du code de commerce,

Vu l'article 699 du code de procédure civile,

Vu l'article 700 du code de procédure civile,

Vu l'article 515 du code de procédure civile,

Vu l'article L. 442-6 du code de commerce,

Vu l'article D. 442-3 du code de commerce,

Infirmer partiellement la décision rendue par le tribunal de commerce. 

Confirmer le jugement déféré en ce qu'il a : 

Condamné la société Plastoria à verser la somme de 20 700 euros à Neomedia à titre d'indemnité compensatrice de préavis ; 

Débouté la société Plastoria de sa demande au titre de la procédure abusive ; 

Condamné la société Plastoria à verser à la société Neomedia la somme de 2 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile ; 

Condamné la société Plastoria aux dépens de l'instance. Infirmer le jugement déféré en ce qu'il a :

A titre principal :

Rejeter la qualification d'agent commercial à la société Neomedia ;

Et en conséquence,

Condamner la société Plastoria à verser à la société Neomedia la somme de 20 700 euros en principal, assortie des intérêts au taux légal à compter du jour de la demande, à titre d'indemnité compensatrice de préavis ; 

Condamner la société Plastoria à verser à la société Neomedia la somme de 165 600 euros en principal, assortie des intérêts au taux légal à compter du jour de la demande, à titre d'indemnité de rupture du contrat d'agence commerciale.

A titre subsidiaire :

Rejeter la rupture abusive de la relation commerciale établie entre les parties ;

En conséquence,

Condamner la société Plastoria à verser à la société Neomedia la somme de 165 600 euros en principal, assortie des intérêts au taux légal à compter du jour de la demande, à titre d'indemnité de dommages et intérêts pour rupture brutale des relations commerciales.

Sur la demande reconventionnelle :

Débouter la société Plastoria de sa demande de dommages et intérêts pour procédure abusive.

En tout état de cause :

Condamner la société anonyme Plastoria aux entiers dépens ; Condamner la société anonyme Plastoria à verser à la société Neomedia la somme de 3 000 euros en application de l'article 700 du code de procédure civile ; 

Condamner la société anonyme Plastoria aux entiers dépens dont distraction, pour ceux la concernant, au profit de Me Y et ce, conformément aux dispositions de l'article 699 du code de procédure civile.

Dans ses dernières conclusions notifiées par le RPVA le 20 décembre 2019, la société Plastoria demande à la cour de :

Vu l'article L. 134-1 du code de commerce,

Vu la directive n° 86/653/CEE du 18 décembre 1986,

Vu l'article 3 de la Convention dite de Rome I n° 593/2008 du 17 juin 2008,

Vu le Livre X du code de droit économique belge,

Confirmer le jugement déféré en ce qu'il a : 

Débouté la société Neomedia de sa demande d'indemnité de rupture du contrat d'agence commerciale ; 

Déclaré irrecevable la demande subsidiaire de la société Neomedia au visa de l'article L. 442-6 du code de commerce. 

Infirmer le jugement déféré en ce qu'il a : Condamné la société Plastoria à verser la somme de 20 700 euros à la société Neomedia à titre d'indemnité compensatrice de préavis ; 

Débouté la société Plastoria de sa demande au titre de la procédure abusive ; 

Condamné la société Plastoria à verser à la société Neomedia la somme de 2 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile ; 

Condamné la société Plastoria aux dépens de l'instance.

Statuant à nouveau,

Juger que la responsabilité de la société Plastoria n'est pas engagée ; 

Débouter la société Neomedia de l'ensemble de ses demandes, fins et prétentions à l'encontre de la société Plastoria ; 

Condamner la société Neomedia à verser la somme de 15 000 euros à la société Plastoria au titre de la procédure abusive engagée à son encontre ; 

Condamner la société Neomedia à verser la somme de 10 000 euros à la société Plastoria en application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile ; 

Condamner la société Neomedia aux entiers dépens dont distraction au profit de Me Z, avocat aux offres de droit en application de l'article 699 du code de procédure civile.

La cour renvoie, pour un plus ample exposé des faits, prétentions et moyens des parties, à la décision déférée et aux écritures susvisées, en application des dispositions de l'article 455 du code de procédure civile.

L'ordonnance de clôture a été prononcée le 17 juin 2021.

MOTIFS

Sur la loi applicable

Les parties s'opposent quant au droit applicable. La société Neomedia revendique l'application du statut d'agent commercial issu de la loi française dont elle estime qu'elle revêt le caractère d'une loi de police tandis que la société Plastoria se prévaut de l'application du droit belge en vertu de l'article 8 du contrat du 22 mars 2010.

Le contrat conclu le 22 mars 2010 entre les sociétés Plastoria et Neomedia est un contrat international s'agissant d'un contrat conclu entre une société belge ayant son siège social à Bruxelles et une société française. Il convient dès lors de rechercher la règle de conflit permettant de déterminer le droit substantiel applicable à ce contrat.

Selon l'article 25 du règlement CE n'593/2008 du Parlement européen et du Conseil du 17 juin 2008 sur la loi applicable aux obligations contractuelles (Rome I), le règlement ne s'applique pas en présence d'une convention internationale à laquelle un Etat membre est partie lors de l'adoption du règlement et qui règle les conflits de lois en matière d'obligations contractuelles.

Or selon l'article 1er de la Convention de la Haye du 14 mars 1978 sur la loi applicable aux contrats d'intermédiaires, « (cette) convention détermine la loi applicable aux relations à caractère international se formant lorsqu'une personne, l'intermédiaire, a le pouvoir d'agir, agit ou prétend agir avec un tiers pour le compte d'une autre personne, le représenté.

Elle s'étend à l'activité de l'intermédiaire consistant à recevoir et à communiquer des propositions ou à mener des négociations pour le compte d'autres personnes.

La Convention s'applique, que l'intermédiaire agisse en son nom ou au nom du représenté et que son activité soit habituelle ou occasionnelle ».

Dès lors, il convient de faire primer en l'espèce l'application de la Convention de la Haye du 14 mars 1978 sur l'application du règlement Rome I.

En vertu de l'article 5 de la convention de la Haye, « La loi interne choisie par les parties régit le rapport de représentation entre le représenté et l'intermédiaire. Le choix de cette loi doit être exprès ou résulter avec une certitude raisonnable des dispositions du contrat ou des circonstances de la cause ».

Toutefois l'article 16 de la convention de la Haye dispose que: « Lors de l'application de la présente Convention, il pourra être donné effet aux dispositions impératives de tout Etat avec lequel la situation présente un lien effectif, si et dans la mesure où, selon le droit de cet Etat, ces dispositions sont applicables quelle que soit la loi désignée par ses règles de conflit. »

Ainsi la règle de conflit issue de la convention de la Haye désigne la loi choisie par les parties comme étant la loi applicable sauf s'il existe une loi de police du for.

En l'espèce, le contrat conclu le 22 mars 2010 entre les sociétés Plastoria et Neomedia prévoit en son article 8 une clause de choix de loi.

« De convention expresse entre les parties, le présent contrat est régi et soumis au droit belge. »

Malgré ce choix de la loi belge dans le contrat la liant à la société Plastoria, la société Neomedia invoque l'existence d'une loi de police du for consistant dans le statut des agents commerciaux.

Il convient de rappeler qu'une loi de police est une disposition impérative dont le respect est jugé crucial par un pays pour la sauvegarde de ses intérêts publics, tels que son organisation politique, sociale, ou économique, au point d'en exiger l'application à toute situation entrant dans son champ d'application, quelle que soit par ailleurs la loi applicable au contrat.

Or si la loi du 25 juin 1991 relative aux rapports entre les agents commerciaux et leurs mandants, codifiée aux articles L. 134-1 et suivants du code de commerce, est une loi protectrice d'ordre public interne, elle ne constitue pas une loi de police applicable dans l'ordre international.

La société Neomedia ne peut donc se prévaloir du statut d'agent commercial tel qu'il résulte de l'application du droit français dès lors que le contrat de droit international qui la lie à la société Plastoria a été expressément soumis par les parties au droit belge et ce, quand bien même ce droit prévoirait l'attribution d'une indemnité plus faible que celle prévue par le droit français en cas de rupture du contrat.

Sur la qualification du contrat

Les parties s'opposent quant à la qualification du contrat conclu le 22 mars 2010. La société Plastoria prétend qu'il s'agit d'un contrat de prestation de services et la société Neomedia affirme qu'il doit être qualifié de contrat d'agence commerciale.

La définition de l'agence commerciale doit être envisagée à l'égard du droit belge applicable au contrat litigieux.

A titre liminaire, il sera relevé que les dispositions du code de droit économique relatives au contrat d'agence commerciale entrées en vigueur le 31 mai 2014, invoquées par la société Plastoria, reprennent celles, similaires quant au présent litige, antérieures de la loi du 13 avril 1995 relative au contrat d'agence commerciale qui sont applicables au litige.

Selon l'article I. 11,1° du code de droit économique belge, le contrat d'agence commerciale est « le contrat par lequel l'une des parties, l'agent commercial, est chargée de façon permanente, et moyennant rémunération, par l'autre partie, le commettant, sans être soumis à l'autorité de ce dernier, de la négociation et éventuellement de la conclusion d'affaires au nom et pour compte du commettant. »

Dans le cadre de l'opération de qualification du contrat, le juge ne doit pas tenir compte de la qualification donnée par les parties à leur relation mais rechercher, eu égard aux stipulations contractuelles comme aux modalités d'exécution du contrat, quel est le véritable statut de la personne qui se présente comme agent commercial.

Les dispositions l'article I. 11,1° du code de droit économique sont issues de la loi du 13 avril 1995 relative au contrat d'agence commerciale ayant transposé en droit belge la directive 86/653/CEE du Conseil du 18 décembre 1986 relative à la coordination des droits des Etats membres concernant les agents commerciaux indépendants.

L'article premier de cette directive dispose que « l'agent commercial est celui qui, en tant qu'intermédiaire indépendant, est chargé de façon permanente, soit de négocier la vente ou l'achat de marchandises pour une autre personne, ci-après dénommée "commettant", soit de négocier et de conclure ces opérations au nom et pour le compte du commettant »

Par un arrêt du 4 juin 2020 (Trendsetteuse, C-828/18), la CJUE a dit pour droit que l'article 1, paragraphe 2, de la directive 86/653 doit être interprété en ce sens qu'une personne ne doit pas nécessairement disposer de la faculté de modifier les prix des marchandises dont elle assure la vente pour le compte du commettant pour être qualifiée d'agent commercial, au sens de cette disposition.

Il en résulte que doit être qualifié d'agent commercial tout intermédiaire indépendant chargé, de façon permanente, de négocier et, éventuellement, de conclure des affaires au nom et pour le compte d'un commettant quand bien même il ne disposerait pas du pouvoir de modifier les prix de ces produits ou services.

Ainsi, contrairement à ce que soutient la société Plastoria, il importe peu que l'agent commercial ne conclue pas lui-même les contrats qu'il est chargé de négocier. En outre, la mission de négociation ne s'entend pas exclusivement du pouvoir de modifier les prix des produits ou services mais consiste à faire en sorte que l'offre du mandant reçoive une acceptation du client, ce qui peut être caractérisé par le démarchage de la clientèle, l'orientation de son choix en fonction de ses besoins, sa fidélisation par des actions commerciales ou encore la valorisation du produit.

Les tâches principales d'un agent commercial consistent à apporter de nouveaux clients au commettant et à développer les opérations avec les clients existants. L'accomplissement de ces tâches peut être assuré par l'agent commercial au moyen d'actions d'information et de conseil ainsi que de discussions, qui sont de nature à favoriser la conclusion de l'opération commerciale pour le compte du commettant, même si l'agent commercial ne dispose pas de la faculté de modifier les prix.

Il convient donc d'analyser, en l'espèce, les clauses contractuelles et les modalités d'exécution du contrat litigieux.

Tout d'abord, le fait que la société Neomedia ne figure pas au registre spécial des agents commerciaux tenu sur le territoire français n'est pas exclusif de la qualification de contrat d'agence commerciale.

De même, le fait que les parties aient dénommé le contrat litigieux « contrat de prestations de services » ne peut exclure la qualification de contrat d'agence commerciale.

Contrairement à ce que soutient la société Plastoria, le fait que la rémunération de la société Neomedia ait été fixe n'exclut pas davantage la qualification de contrat d'agence commerciale. L'article X. 15 du code de droit économique belge prévoit en effet que la rémunération de l'agent commercial peut être fixe, en partie ou en totalité.

Ensuite, il résulte des termes mêmes du contrat litigieux que la société Neomedia avait pour mission de suivre et de gérer la clientèle sur le territoire français, de délivrer des conseils pour maximiser les ventes et d'identifier des clients potentiels et leurs besoins. Selon les stipulations contractuelles, elle avait donc vocation à faire progresser les ventes conclues avec les clients/distributeurs existants de la société Plastoria ainsi qu'à trouver de nouveaux clients pour distribuer en France les produits de cette société.

Par ailleurs, les documents et courriels que la société Neomedia verse aux débats attestent que son travail consistait à participer à des salons, à démarcher les distributeurs de la société Plastoria sur le territoire français pour leur faire acquérir des échantillons, catalogues et produits fabriqués par la société Plastoria et à faire souscrire à de nouveaux clients/distributeurs des contrats de distributions de cadeaux d'affaires.

En conséquence, le contrat doit être qualifié de contrat d'agent commercial.

Sur la demande d'indemnité de préavis

L'article X. 16 § 1er du code de droit économique belge dispose que: « Lorsque le contrat d'agence commerciale est conclu pour une durée indéterminée ou pour une durée déterminée avec faculté de dénonciation anticipée, chacune des parties peut y mettre fin en respectant un préavis.

La durée du préavis est d'un mois pendant la première année du contrat. Après la première année, la durée du délai de préavis sera augmentée d'un mois par année supplémentaire commencée sans que ce délai puisse excéder six mois et sans préjudice des dispositions de l'alinéa 3. Les parties ne peuvent convenir de délais de préavis plus courts. »

Aux termes du §3 du même article, « La partie qui résilie le contrat d'agence commerciale sans respecter le délai de préavis fixé au paragraphe 1, alinéa 2 ou sans invoquer un des motifs prévus à l'article X.17, alinéa 1er, est tenue de payer à l'autre partie une indemnité égale à la rémunération en cours correspondant soit à la durée du préavis, soit à la partie de ce délai restant à courir.

Lorsque la rémunération de l'agent commercial consiste en tout ou partie en commissions, la rémunération en cours est calculée sur la base de la moyenne mensuelle des commissions méritées pendant les douze mois qui précèdent la date de cessation du contrat d'agence commerciale ou, le cas échéant, les mois qui précèdent la date de cessation du contrat d'agence commerciale. »

Par ailleurs, l'article X.17 dispose que: « Chacune des parties peut, sous réserve de tous dommages-intérêts, résilier le contrat sans préavis ou avant l'expiration du terme, lorsque des circonstances exceptionnelles rendent définitivement impossible toute collaboration professionnelle entre le commettant et l'agent ou en raison d'un manquement grave de l'autre partie à ses obligations. Le contrat ne peut plus être résilié sans préavis ou avant l'expiration du terme, lorsque le fait qui l'aurait justifié est connu de la partie qui l'invoque depuis sept jours ouvrables au moins.

Peuvent seuls être invoqués pour justifier la résiliation sans préavis ou avant l'expiration du terme, les circonstances exceptionnelles ou manquements graves notifiés par exploit d'huissier de justice ou par lettre recommandée à la poste, expédiée dans les sept jours ouvrables qui suivent la résiliation.

Nonobstant toute stipulation contraire, il ne peut être dérogé avant la fin du contrat, au détriment de l'agent commercial, au présent article. »

Il résulte de ces dispositions que contrairement à ce que soutient la société Plastoria, les parties ne pouvaient pas convenir d'une réduction du préavis légal avant la fin du contrat. En tout état de cause, l'existence d'un tel accord n'est pas démontrée et ne peut résulter de témoignages imprécis ou du fait que la société Neomedia n'ait pas immédiatement dénoncé la lettre du 1er décembre 2014.

Le contrat d'agence commerciale est daté du 22 mars 2010. Sa cinquième année d'exécution était donc en cours au moment de l'annonce par la société Plastoria de son non-renouvellement, le 1er décembre 2014, de sorte qu'un préavis de cinq mois aurait dû être respecté. Il sera relevé que la société Plastoria ne se prévaut d'aucune des cirsonstances prévues à l'article X.17 pour justifier le non-respect du préavis légal.

La société Neomedia ne revendiquant qu'une indemnité correspondant à trois mois de préavis, il convient de faire droit à sa demande en paiement d'une somme de 20 700 euros (6 900 euros x 3 mois). Le jugement entrepris sera confirmé de ce chef.

Sur la demande d'indemnité de cessation

L'article X.18. du code de droit économique indique que: « Après la cessation du contrat, l'agent commercial a droit à une indemnité d'éviction lorsqu'il a apporté de nouveaux clients au commettant ou a développé sensiblement les affaires avec la clientèle existante, pour autant que cette activité puisse encore procurer des avantages substantiels au commettant.

Si le contrat prévoit une clause de non-concurrence, le commettant est réputé, sauf preuve contraire, recevoir de tels avantages substantiels.

Le montant de l'indemnité d'éviction est fixé en tenant compte tant de l'importance du développement des affaires que de l'apport de clientèle.

L'indemnité d'éviction ne peut dépasser le montant d'une année de rémunération, calculé d'après la moyenne des cinq dernières années, ou, si la durée du contrat d'agence commerciale est inférieure à cinq ans, d'après la moyenne des années précédentes.

L'indemnité d'éviction n'est pas due :

1§ si le commettant a mis fin au contrat d'agence commerciale en raison d'un manquement grave prévu à l'article X.17 alinéa 1er imputable à l'agent ;

2§ si l'agent a mis fin au contrat d'agence commerciale à moins que cette cessation ne soit due à un motif prévu à l'article X.17, alinéa 1er, imputable au commettant ou qui soit la conséquence de l'âge, l'infirmité ou la maladie de l'agent commercial, en raison desquels la poursuite de ses activités ne peut raisonnablement plus être exigée de lui ;

3§ lorsque, selon un accord avec le commettant, l'agent commercial ou ses héritiers cèdent à un tiers les droits et obligations qu'ils détiennent en vertu du contrat d'agence commerciale.

(...) »

Selon l'article X.21, « Les parties ne peuvent pas, avant l'échéance du contrat d'agence commerciale, déroger aux dispositions des articles X.18, X.19 et X.20 au détriment de l'agent commercial. »

En l'espèce, il est constant que la société Plastoria a adressé à la société Neomedia une lettre datée du 1er décembre 2014 par laquelle elle lui a annoncé que le contrat ne serait pas renouvelé à compter du 31 décembre 2014. Elle a donc ainsi pris l'initiative de mettre fin au contrat d'agence commerciale. Contrairement à ce que la société intimée prétend, il n'est aucunement démontré que la société Neomedia serait à l'origine du non-renouvellement du contrat. En outre, quand bien même la lettre du 1er décembre 2014 aurait fait suite à un accord avec la société Neomedia, ce qui n'est pas établi, cela ne dispenserait pas le commettant du paiement d'une indemnité d'éviction au regard des dispositions susvisées.

Il appartient à l'agent commercial qui revendique l'indemnité d'éviction de prouver l'apport de clientèle ou le développement de celle-ci sauf si le contrat prévoit une clause de non-concurrence.

En l'espèce, en l'absence de clause de non-concurrence, il revient à la société Neomedia de rapporter la preuve des éléments conditionnant son droit à une indemnité d'éviction.

Il résulte des documents versés aux débats par les parties que le chiffre d'affaires de la société Plastoria en France s'élevait à 1 905 165 euros en 2008, à 2 106 290 euros en 2009, à 2 161 422 en 2010, à 2 913 296 euros en 2011, à 2 479 802 euros en 2012, à 2 445 436 euros en 2013 et à 2 210 480 euros en 2014. Il est également avéré que la société Neomedia était le seul agent commercial en France à l'exception de M. Michel G. qui prêter main forte occasionnellement à M. X. Le chiffre d'affaires moyen réalisé par la société Plastoria entre 2010 et 2014 s'élevant à 2 442 087 euros a marqué une augmentation de 16% par rapport à ce qu'il était en 2009, soit avant le mandat d'agent commercial confié à la société Neomedia. Il s'en déduit que l'intervention de la société Neomedia a contribué à l'augmentation durable du chiffre d'affaires réalisé par la société Plastoria. Par ailleurs, la société Neomedia démontre que les actions qu'elle a entreprises ont permis à la société Plastoria d'avoir de nouveaux clients/distributeurs et de renouer avec d'anciens clients qui ne lui passaient plus de commandes (pièces 11 et 23).

Au vu de ces éléments, il convient d'estimer le montant de l'indemnité d'eviction à 69 000 euros, correspondant à dix mois de rémunération (6 900 euros HT x 10 mois). La société Plastoria sera donc condamnée au paiement de cette somme à la société Neomedia et le jugement entrepris sera infirmé de ce chef.

Sur la demande de dommages et intérêts pour procédure abusive

Il résulte de ce qui précède qu'aucun abus du droit d'agir en justice ne peut être reproché à la société Neomdia. Le jugement entrepris sera confirmé en ce qu'il a rejeté la demande de dommages et intérêts formulée à ce titre par la société Plastoria.

Sur les dépens et l'article 700 du code de procédure civile

La société Plastoria succombe à l'instance. Les dispositions du jugement relatives aux dépens et à l'article 700 du code de procédure civile seront confirmées. La société Plastoria sera condamnée aux dépens d'appel, qui pourront être recouvrés par Me Patricia H. « SELARL 2H Avocats, selon les modalités de l'article 699 du code de procédure civile, ainsi qu'à verser à la société Neomedia une somme supplémentaire de 3 000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile. La demande de la société Plastoria sur ce point sera écartée.

PAR CES MOTIFS

La cour,

Confirme le jugement sauf en ce qu'il a dit que le contrat signé entre les parties n'est pas un contrat d'agent commercial et par conséquent débouté la SARL Neomedia de sa demande au titre d'indemnité de rupture du contrat d'agence commerciale et dit que la demande subsidiaire de la SARL Neomedia au visa de L. 442-6 du code de commerce n'est pas recevable ;

Statuant à nouveau,

Dit que le droit belge est applicable au contrat conclu le 22 mars 2010 entre la société Plastoria et la société Neomedia ;

Dit que ce contrat doit être qualifié de contrat d'agence commerciale ;

Condamne la société Plastoria à payer à la société Neomedia une indemnité d'eviction de 69 000 euros ;

Condamne la société Plastoria à verser à la société Neomedia une somme supplémentaire de 3 000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile ;

Rejette la demande de la société Plastoria sur ce point ;

Condamne la société Plastoria aux dépens d'appel, qui pourront être recouvrés par Me Y, selon les modalités de l'article 699 du code de procédure civile.