CA Paris, Pôle 5 ch. 9, 13 novembre 2014, n° 13/24800
PARIS
Arrêt
Confirmation
La société CREDIT COOPERATIF (ci-après COOPAMAT) a conclu le 5 mai 2010 un contrat de crédit-bail portant le numéro 89004401 avec la société TECHNIQUE MANUTENTION SERVICE, ayant pour objet la location de quinze gerbeurs LOGOS, tels que désignés dans la facture n° 2010/05 émise le 28 avril 2010 par la société HOILDING CROGUE, et représentant un investissement total de 179 400,00 € TTC.
Par jugement en date du 2 janvier 2012, le Tribunal de Commerce d'Evry a ouvert une procédure de redressement judiciaire à l'encontre de la SARL TECHNIQUE MANUTENTION SERVICE, la SELARL A&M AJ associés ayant été désignée ès qualités d'administrateur judiciaire, et Maître HUILLE-ERAUD ès qualités de Mandataire judiciaire.
Par jugement en date du 6 février 2012, le Tribunal de Commerce d'Evry a converti le redressement judiciaire de la société TECHNIQUE MANUTENTION SERVICE en liquidation judiciaire, Maître HUILLE-ERAUD ayant été désignée ès qualités de Liquidateur.
Par courrier recommandé AR en date du 7 février 2012, la société CREDIT COOPERATIF a déclaré sa créance entre les mains de Maitre HUILLE-ERAUD, ès qualités, pour la somme totale de 119 768,81 € à titre chirographaire.
Par courrier recommandé du 2 avril 2012, COOPAMAT a interrogé Maître HUILLE-ERAUD afin de connaître ses intentions sur la poursuite du contrat de location.. Le même jour, COOPAMAT adressait une déclaration rectificative, déclarant au passif de la liquidation judiciaire de la société TECHNIQUE SERVICE MANUTENTION une créance de 94 861, 87 euros.
Cette créance correspondait au montant de loyers échus et impayés d'un contrat de crédit bail ainsi qu'au montant de l'indemnité de résiliation.
Par courrier en date du 24 avril 2012, Maître HUILLE-ERAUD, ès qualités, a informé COOPAMAT de la non poursuite du contrat de crédit bail.
La créance déclarée au titre de l'indemnité de résiliation , soit 86 961, 22 euros, ayant été contestée par Maître HUILLE ERAUD, ès qualités, le juge commissaire d'Evry rendait le 3 décembre 2013 une ordonnance admettant la créance pour la somme de 7 900,65 euros à titre chirographaire, soit le montant des loyers échus impayé, la rejetant pour le surplus.
Le juge commissaire a relevé que la société COOPAMAT ne produisait aucune pièce fondant sa demande d'admission de au titre de l'indemnité de résiliation.
La société COOPAMAT a interjeté appel de cette décision le 24 décembre 2013.
Dans ses dernières conclusions transmises par RPVA le 2 octobre 2014, la société CREDIT COOPERATIF demande à la cour d'appel de :
- Dire que l'appel interjeté par la société CREDIT COOPERATIF contre l'ordonnance rendue le 3 décembre 2013 par le Juge commissaire du Tribunal de Commerce d'EVRY est recevable et bien fondée.
- Infirmer toutes les dispositions de l'ordonnance rendue le 3 décembre 2013 par le Juge commissaire du Tribunal de Commerce d'EVRY.
Et statuant à nouveau,
- Admettre la créance de la société CREDIT COOPERATIF au passif de la liquidation judiciaire de la Société TECHNIQUE MANUTENTION SERVICE, à hauteur des sommes de :
- 7 900,65 € TTC, à titre chirographaire, au titre des loyers échus impayés du 5 novembre au 5 décembre 2011, antérieurs au jugement d'ouverture,
- 86 961,22 €, à titre chirographaire, au titre de l'indemnité de résiliation, non soumise à TVA.
- Débouter Maître HUILLE-ERAUD, ès qualités de Liquidateur de la société TECHNIQUE MANUTENTION SERVICE, de toutes ses demandes, fins et conclusions.
- Condamner Maitre HUILLE-ERAUD ès qualités es qualités de Liquidateur de la société TECHNIQUE MANUTENTION SERVICE à verser à la société CREDIT COOPERATIF la somme de 3 000 € sur le fondement de l'article 700 du Code de procédure civile.
Maître HUILLE ERAUD a transmis ses dernières conclusions le 26 septembre 2014. Elle demande à la cour d'appel de :
A titre principal,
- Constater que la créance déclarée par COOPAMAT est fondée sur la clause 8 des conditions générales du contrat de crédit-bail conclu le 5 mai 2010 ;
- Constater que la clause 8 n'est pas applicable en l'espèce ;
En conséquence,
- Confirmer l'ordonnance de Madame le Juge commissaire en date du 3 décembre 2013,
- Rejeter la créance déclarée par la société COOPAMAT au passif de la société TSM à hauteur de 86 961,22 euros,
A titre subsidiaire,
- Constater que la clause 8 des conditions générales du contrat de crédit-bail constitue une clause pénale,
- Constater qu'au regard du préjudice subi par la société COOPAMAT, l'application de cette clause pénale est excessive,
En conséquence,
- Confirmer l'ordonnance de Madame le Juge commissaire en date du 3 décembre 2013,
- Rejeter la créance déclarée par la société COOPAMAT au passif de la société TSM à hauteur de 86 961,22 euros,
En tout état de cause,
- Condamner la société COOPAMAT à payer à Maître HUILLE ERAUD es qualité de mandataire liquidateur de la société TSM la somme de 2.500 euros au titre de l'article 700 du Code de procédure civile.
SUR CE,
La société COOPAMAT fait valoir qu'elle avait produit le contrat de crédit bail et les conditions générales du contrat et que l'article 8 de ce contrat stipule une indemnité de résiliation en cas de redressement judiciaire du crédit preneur.
Elle soutient également que cette indemnité n'a aucun caractère excessif.
Maître HUILLE ERAUD fait valoir qu'il résulte des dispositions de l'article L. 641-11-1 du code de commerce que la clause de résiliation pour ouverture d'une procédure de liquidation judiciaire doit être réputée non écrite et que la résiliation du contrat n'est pas intervenue en l'espèce dans le cadre d'une procédure de redressement judiciaire mais de liquidation judiciaire. Elle ajoute qu'elle n'est pas non plus intervenue consécutivement au défaut de réponse du mandataire pendant plus d'un mois à la mise en demeure de COOPAMAT puisqu'elle est intervenue sur décision du mandataire liquidateur conformément à l'article L. 641-11-1 II du code de commerce. COOPAMAT ne peut donc, selon elle, invoquer une cause de résiliation conventionnelle.
Il résulte des dispositions de l'article L. 641-11-1 du code de commerce que :
I. - Nonobstant toute disposition légale ou toute clause contractuelle, aucune indivisibilité, résiliation ou résolution d'un contrat en cours ne peut résulter du seul fait de l'ouverture ou du prononcé d'une liquidation judiciaire.
Le cocontractant doit remplir ses obligations malgré le défaut d'exécution par le débiteur d'engagements antérieurs au jugement d'ouverture. Le défaut d'exécution de ces engagements n'ouvre droit au profit des créanciers qu'à déclaration au passif.
II. - Le liquidateur a seul la faculté d'exiger l'exécution des contrats en cours en fournissant la prestation promise au cocontractant du débiteur.
Lorsque la prestation porte sur le paiement d'une somme d'argent, celui-ci doit se faire au comptant, sauf pour le liquidateur à obtenir l'acceptation, par le cocontractant du débiteur, de délais de paiement. Au vu des documents prévisionnels dont il dispose, le liquidateur s'assure, au moment où il demande l'exécution, qu'il disposera des fonds nécessaires à cet effet. S'il s'agit d'un contrat à exécution ou paiement échelonnés dans le temps, le liquidateur y met fin s'il lui apparaît qu'il ne disposera pas des fonds nécessaires pour remplir les obligations du terme suivant.
III. - Le contrat en cours est résilié de plein droit :
1° Après une mise en demeure de prendre parti sur la poursuite du contrat adressée par le cocontractant au liquidateur et restée plus d'un mois sans réponse. Avant l'expiration de ce délai, le juge-commissaire peut impartir au liquidateur un délai plus court ou lui accorder une prolongation, qui ne peut excéder deux mois, pour se prononcer ;
2° A défaut de paiement dans les conditions définies au II et d'accord du cocontractant pour poursuivre les relations contractuelles ;
3° Lorsque la prestation du débiteur porte sur le paiement d'une somme d'argent, au jour où le cocontractant est informé de la décision du liquidateur de ne pas poursuivre le contrat.
IV. - A la demande du liquidateur, lorsque la prestation du débiteur ne porte pas sur le paiement d'une somme d'argent, la résiliation est prononcée par le juge-commissaire si elle est nécessaire aux opérations de liquidation et ne porte pas une atteinte excessive aux intérêts du cocontractant.
V. - Si le liquidateur n'use pas de la faculté de poursuivre le contrat ou y met fin dans les conditions du II ou encore si la résiliation du contrat est prononcée en application du IV, l'inexécution peut donner lieu à des dommages et intérêts au profit du cocontractant, dont le montant doit être déclaré au passif. Le cocontractant peut néanmoins différer la restitution des sommes versées en excédent par le débiteur en exécution du contrat jusqu'à ce qu'il ait été statué sur les dommages et intérêts.
VI. - Les dispositions du présent article ne concernent pas les contrats de travail. Elles sont également inapplicables au contrat de fiducie et à la convention en exécution de laquelle le débiteur constituant conserve l'usage ou la jouissance de biens ou droits transférés dans un patrimoine fiduciaire.
L'article 8-3° des conditions générales du contrat de crédit-bail stipule notamment que la résiliation est acquise de plein droit en cas de liquidation judiciaire ou en cas de redressement judiciaire , après mise en demeure adressée à l'administrateur restée plus d'un mois sans réponse.
En l'espèce, la résiliation du contrat est intervenue dans le cadre d'une procédure de liquidation judiciaire et elle n'est pas intervenue à la suite d'une mise en demeure restée sans réponse mais sur décision du liquidateur.
La cour constate en conséquence que cette clause stipulant une résiliation de plein droit en cas de liquidation judiciaire doit être réputée non écrite en vertu de l'article L. 641-11-1 du code de commerce.
La cour relève de plus que la résiliation n'est pas non intervenue dans les conditions prévues au contrat en cas de redressement judiciaire à la suite d'une mise en demeure restée sans réponse pendant un mois.
Il résulte de ces éléments qu'en l'absence de cause de résiliation conventionnelle, l'indemnité de résiliation conventionnelle n'est pas due.
Il convient en conséquence de confirmer l'ordonnance entreprise dans sa totalité, l'admission au passif de la somme de 7 900, 65 euros représentant des loyers échus impayés, n'étant pas critiquée.
Sur l'article 700 du Code de procédure civile
Maître HUILLE ERAUD, ès qualités, sollicite le paiement de la somme de 2 500 euros sur le fondement de l'article 700 du Code de procédure civile.
Il serait inéquitable de laisser à sa charge les frais qu'elle a exposé et qui ne sont pas compris dans les dépens.
Il convient en conséquence de faire droit à lé demande.
PAR CES MOTIFS,
Confirme l'ordonnance rendue le 3 décembre 2013 par le juge commissaire du tribunal de commerce d'Evry dans le cadre de la liquidation judiciaire de la société TECHNIQUE SERVICE MANUTENTION.