Livv
Décisions

CA Paris, Pôle 5 ch. 4, 9 mars 2022, n° 20/07456

PARIS

Arrêt

Confirmation

PARTIES

Demandeur :

Propre Image (SARL)

Défendeur :

Esset (SAS)

COMPOSITION DE LA JURIDICTION

Président :

Mme Dallery

Conseillers :

Mme Depelley, Mme Lignières

T. com. Paris, du 27 avr. 2020, n° 20190…

27 avril 2020

FAITS ET PROCEDURE

La SARL Propre Image exerce une activité de nettoyage et d'entretien d'immeubles et autres bâtiments.

La SAS Esset exerce une activité d'administrateur des biens immobiliers et, en qualité de mandataire, assure la gestion des prestations en matière de nettoyage des immeubles de différents propriétaires.

Entre le 29 décembre 1998 et le 12 février 2014, 13 contrats ont été conclus par la société Propre Image pour le nettoyage d'immeubles dont la société Esset (anciennement dénommée SAS Foncia Institutional Property Management) assure la gestion en qualité de mandataire des divers propriétaires.

Chacun de ces contrats a été conclu pour une durée d'un an, renouvelable annuellement pour une durée maximale de cinq ans et résiliable après l'observation d'un délai de préavis annuel contractuel de non-renouvellement d'un mois.

L'un de ces contrats, conclu le 2 décembre 2010, a été résilié par la société Esset le 31 décembre 2014 après préavis de 3 mois.

Un autre contrat, conclu le 14 juin 2012, a été résilié par la société Esset par courrier recommandé du 23 juillet 2015 et à effet au 31 décembre 2015.

Neuf autres contrats conclus entre le 29 septembre 1998 et le 19 novembre 2013 ont été résiliés le 31 décembre 2015 par courriers recommandés en date du 9 septembre 2015, soit après un préavis inférieur à 4 mois. Par courriers recommandés de la même date du 9 septembre 2015, les deux autres contrats ont été résiliés avec effet au 31 janvier et 31 mars 2016 soit, respectivement, après préavis de 5 et 7 mois.

Le 13 février 2019, la société Propre Image a assigné la société Esset devant le tribunal de commerce de Paris aux fins, notamment, de faire constater la rupture brutale d'une relation établie en application de l'article L. 442-6-I-5° du Code de commerce et condamner la société Esset au paiement de la somme de 1 200 000 euros correspondant à la perte de marge brute subie pendant la durée de préavis qui aurait dû lui être octroyée.

Par jugement du 27 avril 2020, le tribunal de commerce de Paris a :

Dit la SARL Propre Image irrecevable en sa demande de condamnation de la SAS Esset pour rupture brutale de la relation commerciale établie et débouté la SARL Propre Image de sa demande de dommages-intérêts à ce titre.

Débouté la SARL Propre Image de sa demande de condamnation de la SAS Esset à des dommages-intérêts au titre de sa responsabilité pour faute.

Débouté la SAS Esset de sa demande de condamnation de la SARL Propre Image à des dommages intérêt pour atteinte à son image et à sa réputation.

Condamné la SARL Propre Image à payer à la SAS Esset la somme de 3000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile.

Débouté les parties de leurs demandes plus amples ou contraires.

Ordonné l'exécution provisoire du jugement sans constitution de garantie.

Condamné la SARL Propre Image aux dépens, dont ceux à recouvrer par le greffe, liquidés à la somme de 74,50 euros dont 12,20 euros de TVA.

Par déclaration reçue au greffe le 16 juin 2020, la société Propre Image a interjeté appel du jugement devant la cour d'appel de Paris.

Aux termes de ses dernières conclusions, déposées et notifiées le 25 mai 2021, la société Propre Image demande à la Cour de :

Dire et juger la SARL Propre Image recevable et bien fondée en son appel,

Y faisant droit,

Infirmer en tous points le jugement dont appel,

Et statuant à nouveau,

A titre principal,

Constater que le délai de préavis inférieur à quatre mois précédant la résiliation de l'ensemble de ses relations commerciales établies avec la SAS Esset ne constitue pas un délai raisonnable au sens de l'article L. 442-6-I-5° du Code de commerce.

Dire et juger qu'un délai de préavis de 24 mois constituait une durée raisonnable eu égard à l'ancienneté et à la stabilité des relations commerciales comme de la dépendance économique existante entre la SARL Propre Image et la SAS Esset.

En conséquence, condamner la SAS Esset à payer à la SARL Propre Image la somme de 1 200 000 euros correspondant à la perte de marge brute subie pendant la durée de préavis qui aurait dû lui être octroyée.

A titre subsidiaire,

Dire et juger que la SAS Esset a commis une faute délictuelle en sa qualité de mandataire à l'égard de la SARL Propre Image en résiliant de manière brutale les marchés dont elle était attributaire.

En conséquence,

Dire et juger que la faute commise par la SAS Esset dans l'exécution de son mandat a causé un préjudice commercial à la SARL Propre Image correspondant à la perte de marge brute subie pendant la durée de préavis qui aurait dû lui être octroyée.

Condamner la SAS Esset à payer à la SARL Propre Image la somme de 1 200 000 euros correspondant à la perte de marge brute subie pendant la durée de préavis qui aurait dû lui être octroyée.

En tout état de cause, condamner la SAS Esset à payer à la SARL Propre Image la somme de 10 000 euros en application des dispositions de l'article 700 du Code de procédure civile ainsi qu'aux entiers dépens.

Aux termes de ses dernières conclusions, déposées et notifiées le 17 décembre 2021, la SAS Esset (anciennement dénommée Foncia Institutional Property Management) demande à la Cour de :

Juger la SARL Propre Image mal fondée dans son appel.

Débouter la SARL Propre Image de toutes ses demandes, fins et conclusions.

Confirmer en toutes ses dispositions le jugement rendu le 27 avril 2020 par le tribunal de commerce de Paris 13e chambre.

En conséquence,

A titre principal,

Débouter la SARL Propre Image de toutes ses demandes fins et conclusions irrecevables et mal fondées dirigées à l'encontre de la Sas Esset (anciennement dénommée SAS Foncia Institutional Property Management), administrateur des biens simple mandataire des différents propriétaires susvisés, sur le fondement inapplicable en l'espèce de l'article L. 442-6-I-5° du code de commerce.

A titre subsidiaire,

Débouter la SARL Propre Image de toutes ses demandes, fins et conclusions irrecevables et mal fondées dirigées à l'encontre de la SAS Esset (anciennement dénommée SAS Foncia Institutional Property Management), administrateur des biens simple mandataire des différents propriétaires susvisés, sur les fondements inapplicables des articles 1989, 1991, 1992 du Code civil et L. 442-6-I-5° du code de commerce et sur le fondement de l'article 1240 (anciennement 1382) du Code civil, la SARL Propre Image étant incapable de rapporter la preuve cumulative d'une faute quelconque de la SAS Esset, d'un préjudice et d'un lien de causalité entre la prétendue faute et le prétendu préjudice.

A titre très subsidiaire,

Débouter la SARL Propre Image de toutes ses demandes, fins et conclusions irrecevables et mal fondées au titre du prétendu préjudice qu'elle invoque et qui n'est justifié ni dans son principe ni dans son quantum.

Dans tous les cas,

Débouter la SARL Propre Image de toutes ses demandes, fins et conclusions.

Condamner la SARL Propre Image à payer à la SAS Esset la somme de 10 000 euros à titre de dommages-intérêts, pour procédure d'appel abusive.

Condamner la SARL Propre Image à payer à la SAS Esset la somme de 15 000 euros au titre de l'article 700 du Code de procédure civile, en sus de l'indemnité allouée en première instance.

Condamner la SARL Propre Image aux dépens de première instance et d'appel dont distraction au profit de Maître Didier S., avocat, conformément à l'article 699 du Code de procédure civile.

La cour renvoie à la décision entreprise et aux conclusions susvisées pour un exposé détaillé du litige et des prétentions des parties, conformément à l'article 455 du code de procédure civile.

SUR CE, LA COUR

Sur la recevabilité des demandes de la société Propre Image.

Pour dire la société Propre image irrecevable dans sa demande de condamnation au titre de l'article L. 442-6 du code de commerce, le tribunal de commerce de Paris a considéré que la société Foncia n'était pas partie au contrat, qu'en conséquence, la relation commerciale concernait Propre Image et les différents propriétaires et qu'enfin, la société Foncia agissant en qualité de mandataire de ces derniers ne pouvait voir sa responsabilité engagée au titre de la rupture de la relation commerciale établie.

La société Esset sollicite la confirmation du jugement en ce qu'il a déclaré irrecevables et mal fondées les demandes de la société Propre Image.

Toutefois, les moyens soulevés au soutien de la demande de la société Esset de voir juger irrecevable les demandes de la société Propre Image, relèvent du fond du litige, et la société Esset a bien qualité à se défendre à l'encontre des demandes de la société Propre Image.

La fin de non-recevoir soulevée par la société Esset sera rejetée et le jugement sera infirmé sur ce point.

Sur la demande de la société Propre Image sur le fondement des dispositions de l'article L. 442-6, I, 5° du code de commerce

La société Propre Image soutient que les deux sociétés ont entretenu une relation commerciale en vertu de la qualité de mandataire de la société Esset. Elle précise à cet égard que la responsabilité attachée à l'article L. 442-6 du Code de commerce est de nature délictuelle, de telle sorte que la qualité de mandataire ne saurait exonérer la société Esset de l'application de cette disposition. Elle fait valoir par ailleurs que la société Esset retenait sa candidature pour l'entretien des locaux dont elle avait la charge et signait les contrats au nom et pour le compte des propriétaires et, qu'en conséquence, la société Esset était seule décisionnaire pour la retenir en qualité de prestataire et qu'elle était seule à l'initiative de l'ensemble de ses relations contractuelles avec les propriétaires, qu'elle déterminait les conditions d'exécution, que la totalité des factures étaient adressées directement au siège de la société Esset et que les paiements étaient directement réalisés par cette dernière. Enfin, elle relève que la société Esset a agi de son propre chef, quant à la rupture de l'ensemble des contrats et sans instruction des mandants et ce après le rachat de la société Icade.

La société Esset demande à la cour de confirmer le jugement de première instance en tous points et, ainsi, juger la société Propre Image mal fondée dans son action engagée sur le fondement de l'article L. 642-6-I-5° du code de commerce, dans la mesure où les différents contrats résiliés dans la présente affaire ont tous été conclus entre différents propriétaires et la société Propre Image. La société Esset ajoute qu'elle exerce une activité d'administration des biens, qu'elle gère des immeubles pour le compte de ses clients, qu'elle a toujours agi en qualité de mandataire des clients pour lesquels elle gérait les immeubles, qu'elle avait la qualité de mandataire professionnel, n'a entretenu de relations avec la société Propre Image qu'en sa qualité de gestionnaire des biens et, à ce titre, signait les contrats au nom et pour le compte des propriétaires. La société Esset fait également valoir que la société Propre Image n'apporte ni la preuve qu'elle aurait été seule décisionnaire à l'effet de la retenir en qualité de prestataire ni la preuve qu'elle serait seule à l'initiative de la rupture de l'ensemble des relations contractuelles. Elle estime dès lors que la société Propre Image est mal fondée à agir à l'encontre de la société Esset, administrateur des biens et mandataire des différents propriétaires, sur le fondement de l'article L. 442-6-I-5° du Code de commerce.

Sur ce,

L'article L. 442-6, I, 5° du Code de commerce dans sa rédaction antérieure à l'ordonnance n° 2019-359 du 24 avril 2019 applicable au litige, dispose qu'engage la responsabilité de son auteur et l'oblige à réparer le préjudice causé le fait, par tout producteur, commerçant, industriel ou personne immatriculée au répertoire des métiers, de rompre brutalement, même partiellement, une relation commerciale établie, sans préavis écrit tenant compte de la durée de la relation commerciale et respectant la durée minimale de préavis déterminée en référence aux usages du commerce ou par des accords interprofessionnels.

* Sur l'existence d'une relation commerciale établie au sens de l'article L. 442-6-I-5° du code de commerce

La notion de relation commerciale établie suppose l'existence d'une relation d'affaires qui s'inscrit dans la durée, la continuité et avec une certaine intensité, de sorte que la victime de la rupture de telles relations devait pouvoir raisonnablement s'attendre pour un avenir, même bref, à une certaine pérennité du flux d'affaires avec son partenaire commercial, la relation commerciale établie s'entendant d'échanges commerciaux opérés entre les parties.

Il ressort des circonstances de l'espèce que la société Esset a constamment sollicité la société Propre Image pour assurer les services de nettoyage de plusieurs immeubles dont elle assure l'administration et qu'elle était à l'initiative des différents accords en vue de l'attribution des marchés à la société Propre Image. Les contrats établis en deux exemplaires étaient libellés au nom de la société Agifrance, puis d'Icade Property Management aux droits desquelles vient la société Foncia puis Esset en qualité de gérant et qui déterminait « les conditions particulières ». Les factures lui étaient directement adressées afin qu'elle en assure le règlement même si elle exigeait qu'elles soient établies au nom des « propriétaires ». Enfin, il est établi que la société Icade était seule à l'initiative de la résiliation des contrats dès lors qu'elle est l'auteur de l'ensemble des lettres de résiliation (pièces 17 à 23) et qu'elle ne justifie d'aucune instruction particulière des propriétaires des immeubles pour procéder à ces résiliations, révélant ainsi une autonomie de décision. Compte tenu des modalités de cette relation, et en dépit de sa qualité d'administrateur des biens et de mandataire des différents propriétaires, la société Esset venant aux droits de la société Icade a directement entretenu une relation d'affaires avec la Société Propre Image.

Par ailleurs, le nombre, la fréquence et les dates de conclusion des contrats justifient l'existence entre ces sociétés d'un courant d'affaires significatif, régulier et stable de 1998 à 2015. En effet, il n'est pas contesté qu'entre le 29 décembre 1998 et le 14 février 2014, treize contrats ont été conclus avec la société Propre Image pour les immeubles dont la gestion était assurée par les sociétés aux droits desquelles est venue la société Esset. Même si l'ensemble de ces contrats était initialement prévu pour une durée maximale de 5 ans, l'exécution d'une dizaine de contrats s'est poursuivie au-delà de cette durée et pour la plupart, jusqu'au 31 décembre 2015, date de prise d'effet de la résiliation à l'initiative de la société Icade. Il en ressort que la société Propre Image pouvait donc légitimement croire que la relation d'affaires entretenue avec la société Esset avait vocation à perdurer.

Au regard de l'ensemble de ces éléments, la Cour constate que la société Esset et la société Propre Image avaient noué une relation commerciale établie au sens des dispositions de l'article L. 442-6, I, 5° du Code de commerce, et ce, depuis 1998 en considération du courant régulier et significatif d'affaires entre ces deux sociétés depuis cette date.

* Sur la brutalité de la rupture

La société Propre Image souligne que l'ensemble des contrats étaient conclus pour une durée maximale de 5 ans, mais la relation commerciale se serait poursuivie sans discontinuité au-delà de cette durée et, pour certains contrats, pour une durée comprise entre de 6 à 17 ans. Or tous les contrats comportent « la même clause de durée ». La société Propre Image ajoute ainsi qu'il s'est installé dans son esprit, la croyance légitime que l'ensemble des marchés seraient renouvelés comme pour les années précédentes. Elle soutient également que c'est dans le contexte du rachat de la Société Icade Property Management par la société Esset que la première a choisi délibérément de résilier l'ensemble des marchés qui lui étaient confiés avec un délai de préavis de 4 mois. Elle estime que ce délai de préavis ne serait pas suffisant pour permettre à la société Propre Image de retrouver aussi rapidement des partenaires commerciaux afin de combler une perte de près de 70 % de son chiffre d'affaires. La société Propre Image estime par ailleurs que le délai raisonnable de préavis qui aurait dû être observé serait de 24 mois.

La société Esset fait valoir cependant qu'une partie des contrats étaient encore dans leur durée initiale maximale de 5 ans avec préavis contractuel annuel de résiliation d'un mois et que les contrats ont été résiliés sur une période allant du 26 septembre 2014 au 31 mars 2016 soit sur une période de 18 mois et des délais de préavis variant de 4 à 7 mois.

Sur ce,

L'article L. 442-6, I, 5° du code de commerce s'attache à sanctionner non la rupture d'une relation commerciale en elle-même, mais sa brutalité caractérisée par l'absence de préavis écrit ou l'insuffisance du délai de préavis. À cet égard, il est constant que la brutalité de la rupture d'une relation commerciale au sens de cette disposition résulte soit de l'absence de tout préavis écrit soit d'un délai de préavis trop court ne permettant pas à la partie qui soutient être victime de la rupture brutale de pouvoir trouver des solutions de rechange et de retrouver un partenaire commercial équivalent. La suffisance du délai de préavis, qui s'apprécie au moment de la notification de la rupture, doit s'entendre du temps nécessaire à l'entreprise délaissée pour se réorganiser, c'est-à-dire, pour préparer le redéploiement de son activité, trouver un autre partenaire ou une solution de remplacement.

En l'espèce, c'est la durée du préavis qui est jugé insuffisante par la société Propre Image. En effet, il est établi que l'ensemble des contrats a été résilié à l'initiative de la société Icade par cinq lettres du 9 septembre 2015 et celles du 26 septembre 2014, du 23 juillet 2015 (pièces 17 à 23 de la société Propre Image).

Concernant la notification de la rupture, il ressort des pièces produites aux débats que le contrat conclu le 2 décembre 2010 a été résilié depuis le 31 décembre 2014 et le contrat du 14 juin 2012 a été résilié par LRAR du 23 juillet 2015 à effet du 31 décembre 2015.

Toutefois, l'ensemble des autres contrats ont été résiliés par lettres recommandées en date du 9 septembre 2015. Ainsi, huit contrats, en l'occurrence, les deux contrats conclus le 29 décembre 1998, ainsi que ceux du 14 octobre 1999, du 20 septembre 2000, du 9 octobre 2001, du 10 janvier 2003, du 4 novembre 2009, et du 19 novembre 2013 ont tous été résiliés par LRAR du 9 septembre 2015 avec effet au 31 décembre 2015. Trois autres contrats conclus le 9 février 2010, le 11 octobre 2012, et le 12 février 2014 ont été résiliés par LRAR de la même date du 9 septembre 2015, à effet, respectivement, du 28 février 2016, du 31 janvier 2016 et du 31 mars 2016. Il convient donc de retenir la date du 9 septembre 2015 au titre de la notification de la rupture. Concernant le délai accordé, il ressort des observations précédentes qu'en dehors des deux contrats préalablement résiliés, 8 sur les 11 contrats restants l'ont été par LRAR du 9 septembre 2015 à effet du 31 décembre de la même année. Il s'ensuit qu'à la date du 31 décembre 2015, la relation commerciale entre les sociétés Esset et Propre Image était certes partiellement, mais substantiellement rompue.

Il convient par conséquent de retenir ce délai de 3 mois et 20 jours comme délai de préavis effectif et d'en apprécier la suffisance.

S'agissant de l'ancienneté de la relation, il a déjà été relevé qu'un flux régulier d'affaires s'est établi entre les sociétés aux droits desquelles vient la société Esset et la société Propre Image de 1998 à 2014 notamment à travers la conclusion de 13 contrats concernant le nettoyage de différents immeubles. Toutefois, ainsi que la société Esset le soutient, il est également établi que ces contrats ont tous été conclus pour une durée d'un an renouvelable par tacite reconduction, pour une durée maximale de 5 ans et résiliables unilatéralement après l'observation d'un délai de préavis contractuel de non-renouvellement d'un mois après réception d'une lettre recommandée avec avis de réception, que si un certain nombre de contrats ont continué à être exécutés au-delà de cette durée maximale initialement prévue, d'autres n'avaient pas encore épuisé cette durée maximale de cinq années.

Par ailleurs, même si la société Propre Image justifie avoir perdu plus de la moitié de son chiffre d'affaires à la suite de la rupture, et évalue le délai de préavis raisonnable à 24 mois, elle n'établit pas en quoi l'activité concernée, nettoyage et entretien d'immeuble, est source de difficultés pour trouver d'autres partenaires et redéployer l'activité. Elle ne justifie pas, non plus, en quoi les investissements affectés à la relation, ni en quoi l'existence d'obstacles en termes de délais et de coût pour entrer dans une relation équivalente serait de nature à caractériser l'insuffisance du délai imparti, étant observé qu'une reprise de personnel peut s'opérer en application de la convention collective des entreprises de propreté auprès de l'entreprise entrante sur le marché.

Au regard de l'ensemble de ces éléments, la Cour constate que le délai de préavis accordé à la société Propre Image était nécessaire mais suffisant au sens de l'article L. 442-6, I, 5° du code de commerce. Il s'ensuit que si une relation commerciale établie existait entre la société Propre Image et la société Esset, la brutalité de sa rupture n'est pas démontrée.

Le jugement sera confirmé, par motifs substitués, en ce qu'il a débouté la société Propre Image de sa demande de dommages-intérêts au titre de la rupture brutale de la relation commerciale établie.

Sur la demande de dommages-intérêts fondée sur la responsabilité civile du mandataire à l'égard des tiers.

La société Propre Image soutient que la société Esset a engagé sa responsabilité sur le fondement des articles 1991 alinéa 1er, 1989, et 1382 du code civil, dans leur rédaction antérieure à l'ordonnance de 2016, en rompant de façon concomitante et brutale, en l'absence de toutes instructions réelles et donc en dépassant ses pouvoirs, la quasi-totalité des contrats, et ce, dans son intérêt exclusif suivant le rachat de la société Icade PM par cette dernière, sans prendre en considération l'intérêt de ses mandants, ni la relation établie depuis plus de 17 ans avec la société Propre Image.

La société Esset relève en revanche que la société Propre Image serait irrecevable et mal fondée à agir sur le fondement des dispositions du code civil applicables au mandat. Elle ajoute que cette dernière ne saurait davantage s'appuyer sur l'article 1382 du code civil dès lors qu'elle ne rapporterait pas la preuve d'une faute, d'un préjudice et de leur lien de causalité.

Sur ce,

Il résulte de ce qui précède que la société Esset a notifié la résiliation des contrats de prestation de service suivant un délai de préavis, supérieur au délai contractuel d'un mois, et d'une durée considérée comme raisonnable au regard de la nature de l'activité en cause. Par ailleurs, la société Propre Image n'apporte aucun élément particulier pour corroborer ses allégations suivant lesquelles la société Esset n'aurait pas agi dans l'intérêt de ses mandataires et d'un manquement préjudiciable à la société Propre Image, autre qu'une rupture prétendue brutale.

Compte tenu de ces circonstances, la société Propre Image sera déboutée de sa demande fondée sur la responsabilité civile du mandataire à l'égard des tiers. Le jugement sera confirmé sur ce point.

Sur la procédure d'appel abusive

Cette demande doit être rejetée, la société Esset ne démontrant pas que la société Propre Image a fait dégénérer en abus son droit d'ester en justice.

Sur les dépens et l'application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile

Le jugement sera confirmé en ce qu'il a condamné la société Propre Image aux dépens de première instance et à payer à la société Esset la somme de 3 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile.

La société Propre Image, partie perdante, sera condamnée aux dépens d'appel.

En application de l'article 700 du code de procédure civile, la société Propre Image sera déboutée de sa demande et condamnée à payer à la société Esset la somme de 5 000 euros.

PAR CES MOTIFS,

CONFIRME le jugement sauf en ce qu'il a déclaré irrecevable la demande de la société Propre Image en sa demande de condamnation de la société Esset pour rupture brutale de la relation commerciale établie.

Statuant à nouveau du chef infirmé et Y ajoutant,

DÉCLARE la société PROPRE IMAGE recevable en sa demande de perte de marge brute au titre de la rupture brutale de la relation commerciale établie, mais l'en déboute ;

DEBOUTE la société ESSET (anciennement dénommée FONCIA INSTITUTIONAL PROPERTY MANAGEMENT) de sa demande de dommages et intérêts pour appel abusif ;

CONDAMNE la société PROPRE IMAGE aux dépens d'appel ;

En application de l'article 700 du code de procédure civile, CONDAMNE la société PROPRE IMAGE à payer à la société ESSET (anciennement dénommée FONCIA INSTITUTIONAL PROPERTY MANAGEMENT) la somme de 5 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile ;

REJETTE toute autre demande.