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Décisions

Cass. crim., 16 juin 2021, n° 20-83.526

COUR DE CASSATION

Arrêt

Cassation

COMPOSITION DE LA JURIDICTION

Président :

M. Soulard

Rapporteur :

M. de Lamy

Avocat général :

M. Salomon

Avocats :

SCP Buk Lament-Robillot, SCP Fabiani, Luc-Thaler et Pinatel

Montpellier, du 12 juin 2020

12 juin 2020

Faits et procédure

1. Il résulte de l'arrêt attaqué et des pièces de procédure ce qui suit.

2. M. [C] a été poursuivi devant le tribunal correctionnel, notamment du chef d'abus de biens sociaux, en raison de l'imputation sur les comptes de la société Mode Promotion des dépenses engagées pour l'acquisition, à titre personnel, d'un terrain à bâtir situé à Marrakech, à concurrence de 60 094,48 euros pour l'opération immobilière, de 2 672,90 euros au titre de frais de déplacement, et en utilisant le compte courant d'associé comme un compte bancaire personnel.

3. Les juges du premier degré ont déclaré M. [C] coupable du délit reproché.

4. Le prévenu et le ministère public ont relevé appel de cette décision.

Examen des moyens

Sur les troisième et quatrième moyens

5. Ils ne sont pas de nature à permettre l'admission du pourvoi au sens de l'article 567-1-1 du code de procédure pénale.

Sur le premier moyen

Enoncé du moyen

6. Le moyen critique l'arrêt attaqué en ce qu'il a déclaré M. [C] coupable des délits d'abus de biens sociaux et d'escroquerie, alors « que le prévenu peut déposer des conclusions rédigées par un avocat honoraire ; qu'en refusant de recevoir les conclusions déposées à l'audience par le prévenu au motif qu'elles avaient été rédigées par un avocat devenu honoraire à la date d'audience, la cour d'appel a méconnu les articles 6 de la Convention européenne des droits de l'homme et 459 du code de procédure pénale. »

Réponse de la Cour

7. En l'état, il ne ressort d'aucune mention de l'arrêt attaqué ni des notes d'audience que le demandeur s'est vu empêché de déposer des conclusions à l'audience.

8. Dès lors le moyen doit être écarté.

Mais sur le deuxième moyen

Enoncé du moyen

9. Le moyen critique l'arrêt attaqué en ce qu'il a déclaré M. [C] coupable du délit d'abus de biens sociaux, alors « que l'associé titulaire d'un compte courant d'associé, restant le seul propriétaire des fonds remis à titre précaire à la société et pouvant se les faire restituer à tout moment, n'use pas des biens de la société au détriment de cette dernière lorsqu'il utilise à son bénéfice personnel une somme de la société correspondant à sa créance sur cette dernière ; qu'en jugeant M. [C] coupable du chef d'abus de biens sociaux pour avoir acquis un bien immobilier en son nom propre à Marrakech, en ayant eu recours à son compte courant d'associé au sein de la société Mode Promotion, parce qu'il était interdit bancaire et n'avait pas de fonds propres, la cour d'appel qui n'a ainsi pas caractérisé l'usage des biens de la société au détriment de cette dernière a violé l'article L. 241-3 4° du code de commerce. »

Réponse de la Cour

Vu l'article 593 du code de procédure pénale :

10.Tout jugement ou arrêt doit comporter les motifs propres à justifier la décision. L'insuffisance ou la contradiction des motifs équivaut à leur absence.

11. Pour déclarer M. [C] coupable d'abus de biens sociaux, l'arrêt attaqué énonce qu'il résulte de l'instruction et des débats tant en première instance qu'en appel, que le prévenu, alors qu'il était gérant de la société Mode promotion, a fait un virement, le 30 juin 2005 de 60 000 euros, du compte de la société pour l'achat d'un terrain à Marrakech acquis en son nom propre ainsi que des frais de voyage pour la somme de 2 672, 90 euros.

12. Les juges ajoutent qu'étant interdit bancaire, il a fait cet achat avec le compte de la société, tout en sachant qu'elle n'avait pas les disponibilités pour cette opération puisque son bilan indiquait une perte d'exploitation de 500 euros.

13. La cour d'appel retient, également, qu'il a déclaré à l'audience avoir revendu ce terrain deux ans plus tard alors qu'il en était toujours propriétaire, ne pas se souvenir du prix, ne pas avoir versé ce prix à la société et ne pas contester ce délit.

14. En l'état de ces énonciations qui ne permettent pas de déterminer si les fonds, utilisés à titre personnel, ont été prélevés sur un compte de la société ou sur un compte courant d'associé du prévenu et, le cas échéant, si les prélèvements réalisés ont rendu ce compte d'associé débiteur, la cour d'appel n'a pas justifié sa décision.

15. La cassation est, par conséquent, encourue de ce chef.

Portée et conséquences de la cassation

16. La cassation sera limitée à la culpabilité de M. [C] du chef d'abus de biens sociaux et aux peines, dès lors que la déclaration de culpabilité pour escroquerie n'encourt pas la critique.

Examen de la demande fondée sur l'article 618-1 du code de procédure pénale

17. Les dispositions de ce texte sont applicables en cas de rejet du pourvoi, qu'il soit total ou partiel.

18. La déclaration de culpabilité de M. [C] du chef d'escroquerie est devenue définitive par suite de la non-admission des troisième et quatrième moyens, or Mme [U] s'est exclusivement constituée partie civile, à l'encontre de M. [C], de ce chef et n'a nullement prétendu avoir été victime du délit d'abus de biens sociaux. Dès lors, sa demande est recevable.

PAR CES MOTIFS, la Cour :

CASSE et ANNULE l'arrêt susvisé de la cour d'appel de Montpellier, en date du 12 juin 2020, mais en ses seules dispositions relatives à la culpabilité de M. [K] [C] du chef d'abus de biens sociaux ainsi qu'aux peines, toutes autres dispositions étant expressément maintenues ;

Et pour qu'il soit à nouveau statué, conformément à la loi, dans les limites de la cassation ainsi prononcée,

RENVOIE la cause et les parties devant la cour d'appel de Montpellier, autrement composée, à ce désignée par délibération spéciale prise en chambre du conseil.