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Décisions

Cass. com., 5 juin 2019, n° 16-25.110

COUR DE CASSATION

Arrêt

Cassation

COMPOSITION DE LA JURIDICTION

Président :

Mme Mouillard

Avocats :

Me Bertrand, SCP Didier et Pinet, SCP Gaschignard, SCP L. Poulet-Odent, SCP Piwnica et Molinié, SCP Richard

Paris, du 26 juin 2015

26 juin 2015

Statuant tant sur le pourvoi principal formé par les sociétés Villeroy et Boch AG et Villeroy et Boch Arts de la table que sur le pourvoi incident relevé par la société Confiserie du Tech ;

Attendu que, se prévalant des droits attachés au dépôt d'un modèle international désignant la France, enregistré sous le numéro DM/060 953 et couvrant la forme d'une tasse, ainsi que de droits d'auteur sur cette création, la société allemande Villeroy et Boch AG (la société Villeroy et Boch) a fait pratiquer divers constats au siège de la société Confiserie du Tech, en lui reprochant d'offrir à la vente des articles de vaisselle contenant des chocolats et reproduisant les caractéristiques de son modèle ; que la société Villeroy et Boch et sa filiale française, la société Villeroy et Boch Arts de la table (les sociétés Villeroy et Boch) ont assigné la société Confiserie du Tech, ainsi que son fournisseur, la société Diodon, en contrefaçon de modèle et de droits d'auteur, et concurrence déloyale et parasitaire ; qu'elles ont étendu leur action à diverses entreprises distribuant les produits litigieux, les sociétés Système U Centrale régionale Sud, Système U Centrale régionale Est, Système U centrale régionale Ouest, Système U Centrale régionale Nord-ouest, Coopérative d'approvisionnement de l'Ile-de-France - Scadif, SCACENTRE, Scalandes spécialisations, Coopérative d'approvisionnement normande - Scanormande, Scapalsace, Coopérative d'approvisionnement Paris Est - SCAPEST, Coopérative d'approvisionnement Paris Nord - Scapnor, Coopérative d'approvisionnement de L'Armorique - Scamor, Leclerc approvisionnement Sud - Lecasud, Socamaine, Centrale d'approvisionnement Charente-Poitou - Scachap, Socamil, Coopérative d'approvisionnement Rhône-Alpes - Socara, Coopérative d'approvisionnement de l'Ouest - Scaouest, Centrale d'approvisionnement du Sud-Ouest - Scaso, Atac, Auchan France, Carrefour hypermarchés et Distribution Casino France ;

Sur le premier moyen du pourvoi principal :

Attendu que les sociétés Villeroy et Boch font grief à l'arrêt de rejeter leur demande tendant à l'exercice de leur droit d'information alors, selon le moyen, que la victime d'une contrefaçon est en droit de solliciter de la juridiction saisie qu'elle ordonne, au besoin sous astreinte, afin de déterminer l'origine et les réseaux de distribution des marchandises portant atteinte à ses droits, la production de tous documents ou informations détenus par le défendeur ou par toute personne qui a été trouvée en possession de telles marchandises ou a été signalée comme intervenant dans la production, la fabrication ou la distribution de ces marchandises ; qu'en se bornant à énoncer, pour rejeter la demande d'information des sociétés Villeroy et Boch, que l'origine des produits litigieux et l'étendue des préjudices subis étaient connues sans s'expliquer, comme elle y était invitée, sur le fait que, en raison des dissimulations imputables aux défendeurs en ce qui concerne le nombre réel de produits importés et vendus en France toutes références confondues, une partie de la masse contrefaisante demeurait indéterminée, la mesure sollicitée étant seule de nature à aboutir à une définition exacte de cette masse, la cour d'appel a privé sa décision de toute base légale au regard des articles L. 331-1-2 et L. 521-5 du code de la propriété intellectuelle, dans leur rédaction résultant de la loi du 29 octobre 2007 ;

Mais attendu que c'est dans l'exercice de son pouvoir souverain d'appréciation que la cour d'appel a retenu qu'il n'y avait pas lieu d'ordonner les mesures ainsi demandées ; que le moyen n'est pas fondé ;

Sur le troisième moyen de ce pourvoi :

Attendu qu'il n'y a pas lieu de statuer par une décision spécialement motivée sur ce moyen, qui n'est manifestement pas de nature à entraîner la cassation ;

Et sur le quatrième moyen de ce pourvoi :

Attendu que les sociétés Villeroy et Boch font grief à l'arrêt de rejeter la demande de la société Villeroy et Boch en paiement d'une somme de 75 000 euros en réparation de l'atteinte portée à ses droits d'auteur et à son modèle n° 060 953 alors, selon le moyen, qu'après avoir énoncé, dans les motifs de son arrêt, que le jugement serait confirmé en ce qu'il avait alloué à la société Villeroy et Boch la somme de 8 000 euros en réparation des atteintes portées à son modèle n° 060 953 et à ses droits d'auteur et que cette somme devait être à la charge in solidum de toutes les parties, à l'exception de la société Scalandes spécialisations, la cour d'appel ne pouvait, dans le dispositif de sa décision, après avoir déclaré excepter les mesures réparatrices de la confirmation du jugement qu'elle a prononcée, rejeter la demande de la société Villeroy et Boch à ce titre sans entacher sa décision d'une contradiction qui la prive de motifs en violation de l'article 455 du code de procédure civile ;

Mais attendu que, sous le couvert d'une contradiction de motifs, le grief tend à dénoncer une erreur matérielle pouvant être réparée selon la procédure prévue à l'article 462 du code de procédure civile et qui ne donne pas ouverture à cassation ; que le moyen est irrecevable ;

Mais sur le deuxième moyen de ce pourvoi, pris en sa deuxième branche :

Vu les articles L. 331-1-3 et L. 521-7 du code de la propriété intellectuelle ;

Attendu que pour condamner in solidum les sociétés Diodon et Confiserie du Tech à payer à la société Villeroy et Boch la somme de 20 000 euros et à la société Villeroy et Boch Arts de la table la somme de 60 000 euros en réparation de leur préjudice commercial résultant de la commercialisation des produits contrefaisants sous les références CW 07-2. CW 07-2G/400 et CW 14/404, fixer à la somme de 10 000 euros et à celle de 40 000 euros le préjudice commercial respectif des sociétés Villeroy et Boch et Villeroy et Boch Arts de la table résultant de la commercialisation des produits sous la référence CW 07/403, condamner in solidum les sociétés Diodon, Confiserie du Tech et Atac à payer à la société Villeroy et Boch la somme de 860 euros et à la société Villeroy et Boch Arts de la table la somme de 3 440 euros en réparation de leur préjudice commercial résultant de la commercialisation des produits contrefaisants sous la référence CW 07/403, condamner in solidum les sociétés Diodon, Confiserie du Tech et Auchan France à payer à la société Villeroy et Boch la somme de 1 675 euros et à la société Villeroy et Boch Arts de la table la somme de 6 700 euros en réparation de leur préjudice commercial résultant de la commercialisation des produits contrefaisants sous la référence CW 07/403, condamner in solidum les sociétés Diodon, Confiserie du Tech et Distribution Casino France à payer à la société Villeroy et Boch la somme de 790 euros et à la société Villeroy et Boch Arts de la table la somme de 3 160 euros en réparation de leur préjudice commercial résultant de la commercialisation des produits contrefaisants sous la référence CW 07/403, condamner in solidum les sociétés Diodon et Confiserie du Tech ainsi que les sociétés Système U à payer à la société Villeroy et Boch la somme de 2 933 euros et à la société Villeroy et Boch Arts de la table la somme de 11 732 euros en réparation de leur préjudice commercial résultant de la commercialisation des produits contrefaisants sous la référence CW 07/403, condamner in solidum les sociétés Diodon, Confiserie du Tech, Leclerc approvisionnement - Lecasud, Coopérative SCACENTRE, Centrale d'approvisionnement Charente-Poitou - Scachap, Coopérative d'approvisionnement d'Ile-de-France - Scadif, Scalandes spécialisations, Coopérative d'approvisionnement normande - Scanormande, Coopérative d'approvisionnement de l'Ouest - Scaouest, Scapalsace, Coopérative d'approvisionnement Paris-Est - SCAPEST, Coopérative d'approvisionnement Paris-Nord - Scapnor, Coopérative d'approvisionnement de l'Armorique - Scarmor, Coopérative d'approvisionnement du Sud-Ouest - Scaso, Coopérative Socamaine, Socamil et Socara à payer à la société Villeroy et Boch la somme de 1 674 euros et à la société Villeroy et Boch Arts de la table la somme de 6 696 euros en réparation de leur préjudice commercial résultant de la commercialisation des produits contrefaisants sous la référence CW 07/403 et condamner in solidum les sociétés Diodon, Confiserie du Tech et Carrefour hypermarchés à payer à la société Villeroy et Boch la somme de 439 euros et à la société Villeroy et Boch Arts de la table la somme de 1 756 euros en réparation de leur préjudice commercial résultant de la commercialisation des produits contrefaisants sous la référence CW 07/403, l'arrêt constate que la société Villeroy et Boch a été privée de sa marge industrielle sur les produits contrefaisants importés et vendus en France et que la société Villeroy et Boch Arts de la table a été privée de sa marge commerciale sur ces produits contrefaisants, puis retient qu'il existe assez d'éléments pour fixer les réparations ;

Qu'en se déterminant ainsi, en fixant l'indemnisation des sociétés Villeroy et Boch à des sommes inférieures à celles qui étaient réclamées par ces sociétés sur la base de la totalité de la masse contrefaisante, sans constater que leur calcul était erroné sur ce point, ni que ces sociétés n'auraient pas été en mesure de commercialiser la totalité des produits correspondant à cette masse contrefaisante, la cour d'appel n'a pas donné de base légale à sa décision ;

Sur ce moyen, pris en sa troisième branche :

Vu l'article 455 du code de procédure civile ;

Attendu que pour statuer ainsi, l'arrêt constate que les demandes formées par les sociétés Villeroy et Boch au titre du solde de 716 tasses contrefaisantes tenaient compte du nombre de tasses ayant fait l'objet d'une transaction avec la société Métro et du nombre de tasses dont la commercialisation était imputée à la société Cora dans une autre procédure, puis retient que la cour d'appel n'est pas en mesure de vérifier l'ensemble de ces données dans le cadre de la présente procédure ;

Qu'en statuant ainsi, sans s'expliquer, comme elle y était invitée, sur le fait que le solde de 716 tasses contrefaisantes ne comprenait pas les tasses commercialisées auprès de ces tiers à l'instance, ce dont les sociétés Villeroy et Boch déduisaient qu'elles étaient en droit de prétendre, dans le cadre de la présente procédure, à la réparation du préjudice que leur avait causé la commercialisation de ce solde de tasses, la cour d'appel n'a pas satisfait aux exigences du texte susvisé ;

Et sur le moyen unique du pourvoi incident, pris en sa première branche :

Vu l'article 1626 du code civil ;

Attendu que pour dire que la société Confiserie du Tech sera garantie par la société Diodon à hauteur de 70 % de toutes les condamnations prononcées à son encontre, l'arrêt se prononce au regard de leur rôle respectif dans la réalisation des actes incriminés ;

Qu'en se déterminant ainsi, en limitant la garantie due par la société Diodon, sans constater que la société Confiserie du Tech avait une connaissance effective de l'existence de la contrefaçon, la cour d'appel n'a pas donné de base légale à sa décision ;

PAR CES MOTIFS, et sans qu'il y ait lieu de statuer sur les autres griefs :

CASSE ET ANNULE, mais seulement en ce qu'il condamne in solidum les sociétés Diodon et Confiserie du Tech à payer à la société Villeroy et Boch la somme de 20 000 euros et à la société Villeroy et Boch Arts de la table la somme de 60 000 euros en réparation de leur préjudice commercial résultant de la commercialisation des produits contrefaisants sous les références CW 07-2. CW 07-2G/400 et CW 14/404, en ce qu'il fixe à la somme de 10 000 euros et à celle de 40 000 euros le préjudice commercial respectif des sociétés Villeroy et Boch et Villeroy et Boch Arts de la table résultant de la commercialisation des produits sous la référence CW 07/403, en ce qu'il condamne in solidum les sociétés Diodon, Confiserie du Tech et Atac à payer à la société Villeroy et Boch la somme de 860 euros et à la société Villeroy et Boch Arts de la table la somme de 3 440 euros en réparation de leur préjudice commercial résultant de la commercialisation des produits contrefaisants sous la référence CW 07/403, en ce qu'il condamne in solidum les sociétés Diodon et Confiserie du Tech et Auchan France à payer à la société Villeroy et Boch la somme de 1 675 euros et à la société Villeroy et Boch Arts de la table la somme de 6 700 euros en réparation de leur préjudice commercial résultant de la commercialisation des produits contrefaisants sous la référence CW 07/403, en ce qu'il condamne in solidum les sociétés Diodon, Confiserie du Tech et Distribution Casino France à payer à la société Villeroy et Boch la somme de 790 euros et à la société Villeroy et Boch Arts de la table la somme de 3 160 euros en réparation de leur préjudice commercial résultant de la commercialisation des produits contrefaisants sous la référence CW 07/403, en ce qu'il condamne in solidum les sociétés Diodon et Confiserie du Tech ainsi que les sociétés Système U à payer à la société Villeroy et Boch la somme de 2 933 euros et à la société Villeroy et Boch Arts de la table la somme de 11 732 euros en réparation de leur préjudice commercial résultant de la commercialisation des produits contrefaisants sous la référence CW 07/403, en ce qu'il condamne in solidum les sociétés Diodon, Confiserie du Tech, Leclerc approvisionnement - Lecasud, Coopérative SCACENTRE, Centrale d'approvisionnement Charente-Poitou - Scachap, Coopérative d'approvisionnement d'Ile-de-France - Scadif, Scalandes spécialisations, Coopérative d'approvisionnement normande - Scanormande, Coopérative d'approvisionnement de l'Ouest - Scaouest, Scapalsace, Coopérative d'approvisionnement Paris-Est - SCAPEST, Coopérative d'approvisionnement Paris-Nord - Scapnor, Coopérative d'approvisionnement de l'Armorique - Scarmor, Coopérative d'approvisionnement du Sud-Ouest - Scaso, Coopérative Socamaine, Socamil et Socara à payer à la société Villeroy et Boch la somme de 1 674 euros et à la société Villeroy et Boch Arts de la table la somme de 6 696 euros en réparation de leur préjudice commercial résultant de la commercialisation des produits contrefaisants sous la référence CW 07/403, en ce qu'il condamne in solidum les sociétés Diodon, Confiserie du Tech et Carrefour hypermarchés à payer à la société Villeroy et Boch la somme de 439 euros et à la société Villeroy et Boch Arts de la table la somme de 1 756 euros en réparation de leur préjudice commercial résultant de la commercialisation des produits contrefaisants sous la référence CW 07/403, et en ce qu'il dit que la société Confiserie du Tech sera garantie par la société Diodon à hauteur de 70 % de toutes les condamnations prononcées à son encontre, l'arrêt rendu le 26 juin 2015, entre les parties, par la cour d'appel de Paris ; remet, en conséquence, sur ces points, la cause et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant ledit arrêt et, pour être fait droit, les renvoie devant la cour d'appel de Paris, autrement composée ;

Condamne les sociétés Diodon, Confiserie du Tech, Atac, Auchan France, Distribution Casino France, Système U Centrale régionale Sud, Système U Centrale régionale Est, Système U centrale régionale Ouest, Système U Centrale régionale Nord-ouest, Leclerc approvisionnement - Lecasud, Coopérative SCACENTRE, Centrale d'approvisionnement Charente-Poitou - Scachap, Coopérative d'approvisionnement d'Ile-de-France - Scadif, Scalandes spécialisations, Coopérative d'approvisionnement normande - Scanormande, Coopérative d'approvisionnement de l'Ouest - Scaouest, Scapalsace, Coopérative d'approvisionnement Paris-Est - SCAPEST, Coopérative d'approvisionnement Paris-Nord - Scapnor, Coopérative d'approvisionnement de l'Armorique - Scarmor, Coopérative d'approvisionnement du Sud-Ouest - Scaso, Coopérative Socamaine, Socamil, Socara et Carrefour hypermarchés aux dépens.