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Décisions

Cass. crim., 26 juin 2018, n° 78-51.124

COUR DE CASSATION

Arrêt

COMPOSITION DE LA JURIDICTION

Président :

M. Soulard

Avocat :

SCP Le Bret-Desaché

Bordeaux, du 4 juill. 2017

4 juillet 2017

Statuant sur le pourvoi formé par :

-
M. Ludovic X...,


contre l'arrêt de la cour d'appel de BORDEAUX, chambre correctionnelle, en date du 4 juillet 2017, qui, pour recel de vol et infractions au code de l'environnement, l'a condamné à deux ans d'emprisonnement partiellement assorti d'un sursis avec mise à l'épreuve, à 50 000 euros d'amende, à une interdiction temporaire de gérer et a prononcé sur les intérêts civils ;

La COUR, statuant après débats en l'audience publique du 29 mai 2018 où étaient présents dans la formation prévue à l'article 567-1-1 du code de procédure pénale : M. Soulard, président, Mme A..., conseiller rapporteur, M. Pers, conseiller de la chambre ;

Greffier de chambre : Mme Hervé ;

Sur le rapport de Mme le conseiller A..., les observations de la société civile professionnelle LE BRET-DESACHÉ, avocat en la Cour, et les conclusions de Mme l'avocat général B... ;

Vu le mémoire produit ;

Attendu qu'il résulte de l'arrêt attaqué, du jugement qu'il confirme et des pièces de procédure que M. X... a été cité devant le tribunal correctionnel afin d'y être jugé des chefs de recel et infractions aux codes de l'urbanisme et de l'environnement ; que les premiers juges l'ont relaxé des infractions relatives au traitement des pneumatiques, l'ont déclaré coupable du surplus des faits reprochés et ont ajourné le prononcé de la peine ; que l'ensemble des parties ont relevé appel de cette décision ;

En cet état ;

Sur le premier moyen de cassation, pris de la violation des articles 6 de la Convention européenne des droits de l'homme, 321-1 du code pénal, 459, 512 et 593 du code de procédure pénale, insuffisance de motifs, défaut de base légale ;

"en ce que la cour d'appel a confirmé le jugement entrepris en ce qu'il a déclaré le prévenu coupable de recel ;

"aux motifs que, sur le recel reproché à M. X..., lors d'un contrôle en octobre 2011 sur le site exploité par M. X..., les enquêteurs ont découvert 2,2 tonnes de cuivre provenant de lignes ERDF ; que M. X... prétend avoir acquis ce cuivre de manière régulière mais n'a jamais pu produire de justificatif d'achat assurant la traçabilité de ce cuivre ; que les vérifications faites par les enquêteurs auprès des personnes ou des sociétés que M. X... a mis en avant comme ayant pu lui vendre ce cuivre ont toutes infirmé ses dires ; qu'un témoin, M. Y..., employé d'EDF puis de ERDF depuis plus de trente ans, qui a assisté au contrôle au cours duquel ce cuivre a été découvert, affirme que ce cuivre ne peut provenir que d'ERDF, cuivre de dépose, et qu'en aucun cas, compte tenu du circuit qu'emprunte le cuivre de dépose, il ne pouvait avoir été régulièrement acquis par M. X... ; que, bien qu'ayant expressément accepté de conserver ce cuivre à disposition, M. X... admet en fait l'avoir revendu, sans avoir avisé les services de gendarmerie de son intention, expliquant simplement qu'il savait que le capitaine Z... avait pris sa retraite et que donc la procédure était abandonnée ; qu'il apparaît en conséquence de l'ensemble de ces éléments que ce cuivre acquis par M. X... , cuivre de dépose de lignes ERDF, ne pouvait être remis régulièrement sur un circuit commercial classique ; que lorsque M. X..., professionnel d'expérience, en a fait l'acquisition, il en connaissait nécessairement la provenance frauduleuse, comme le confirment sa volonté de cacher l'origine du cuivre et le fait qu'il l'ait revendu malgré son obligation de le conserver ; que l'infraction est caractérisée ;

"1°) alors que le juge répressif ne peut prononcer une peine sans avoir relevé tous les éléments constitutifs de l'infraction qu'il réprime ; que le recel, infraction de conséquence, n'est caractérisé qu'en cas d'infraction primitive punissable ; qu'il revient donc au juge d'établir l'existence et la nature exacte d'un crime ou d'un délit préalable et d'en relever les éléments constitutifs ; qu'en l'espèce, afin de rentrer en voie de condamnation du chef de recel, la cour d'appel s'est contentée d'affirmer que le prévenu « connaissait nécessairement la provenance frauduleuse du cuivre » ; que la cour d'appel, qui n'a ainsi, ni établi la nature exacte de l'infraction principale, ni caractérisé les éléments constitutifs d'une telle infraction, n'a pas légalement justifié sa décision ;

"2°) alors que tout jugement ou arrêt doit comporter les motifs propres à justifier la décision et répondre aux chefs péremptoires des conclusions dont les juges sont régulièrement saisis ; qu'en l'espèce, la cour d'appel a relevé que le prévenu n'a « jamais pu produire de justificatif d'achat assurant la traçabilité » du cuivre et qu'il résulte des déclarations d'un employé d'ERDF que, « compte tenu du circuit qu'emprunte le cuivre de dépose, il ne pouvait avoir été régulièrement acquis par » le prévenu ; qu'or, le prévenu faisait valoir dans ses conclusions régulièrement déposées et de ce chef délaissées qu'il avait produit, lors de sa dernière audition, des factures pour un cuivre de type « Depose » dans des quantités supérieures aux 2,2 tonnes objets de la prévention et qu'il avait produit aux débats le contrat qui lie E.R.D.F. et la société Sotrel, elle-même fournisseur en cuivre « Depose » de la société X... ; qu'en ne répondant pas à ces moyen péremptoires, ne serait-ce que pour les écarter, la cour d'appel a violé les textes visés au moyen et a entaché sa décision d'un défaut de motifs" ;

Attendu que, pour déclarer X... coupable du recel de 2,2 tonnes de cuivre de dépose de lignes ERDF retrouvées chez lui, l'arrêt relève, par motifs propres et adoptés, qu'il soutient l'avoir acquis d'un sous-traitant d'ERDF mais qu'il résulte des auditions de responsables d'ERDF que, compte tenu du circuit commercial du cuivre de dépose, il ne peut l'avoir régulièrement acquis ; que les juges ajoutent que ses explications sur la provenance de ce cuivre ont été systématiquement démenties tout au long de l'enquête par les vérifications de la gendarmerie et que, bien qu'institué gardien de ce cuivre par les enquêteurs, il admet l'avoir revendu sans les en aviser ; que la cour d'appel en conclut que, professionnel d'expérience, il en connaissait nécessairement la provenance frauduleuse, comme le confirme sa volonté d'en cacher l'origine et sa revente, malgré son obligation de le conserver ;

Attendu qu'en l'état de ces énonciations la cour d'appel a, sans insuffisance ni contradiction, répondant aux chefs péremptoires des conclusions dont elle était saisie, caractérisé en tous ses éléments, tant matériels qu'intentionnel, le délit de recel de vol dont elle a déclaré le prévenu coupable ;

D'où il suit que le moyen ne saurait être accueilli ;

Sur le deuxième moyen de cassation, pris de la violation des articles 6 de la Convention européenne des droits de l'homme, 459, 512 et 593 du code de procédure pénale, insuffisance de motifs, défaut de base légale ;

"en ce que la cour d'appel a confirmé le jugement entrepris en ce qu'il a déclaré le prévenu coupable de gestion de déchets (VHU) sans agrément spécifique ;

"aux motifs que, ainsi que l'explique le rapport de la Drire de 2008 susvisé, l'activité réelle de M. X... concernant /.../ les VHU /../ était susceptibles de rendre également nécessaire un agrément spécifique, prévu par /.../ les articles R. 543-161 et R. 543-162 pour les VHU ; /.../ ; que M. X... était parfaitement avisé qu'un agrément préfectoral était nécessaire pour son activité concernant la récupération, le stockage, la dépollution et le démontage des VHU, puisque des demandes d'agrément avaient été faites dès 2006 pour régulariser une situation qui préexistait ; que jamais M. X... n'a obtenu d'agrément, de sorte que l'infraction est donc caractérisée, aux différentes dates visées par la prévention, correspondant aux différents constats faits ;


"alors que tout jugement ou arrêt doit comporter les motifs propres à justifier la décision et répondre aux chefs péremptoires des conclusions dont les juges sont régulièrement saisis ; qu'en l'espèce, le prévenu faisait valoir dans ses conclusions régulièrement déposées et de ce chef délaissées que les opérations de gestion des V.H.U. relèvent de la rubrique 2712 de la nomenclature des ICPE, qui n'impose d'autorisation que lorsque la surface de l'installation est supérieure ou égale à 30 000 m², ce qui n'est pas le cas des installations en cause ; qu'en ne répondant pas à ces moyens péremptoires, ne serait-ce que pour les écarter, la cour d'appel a violé les textes visés au moyen et a entaché sa décision d'un défaut de motifs" ;

Attendu que, pour déclarer M. X... coupable de gestion de déchets (VHU) par exploitant d'une installation non agréée, les juges, relèvent, par motifs propres et adoptés, au vu des différents constats effectués depuis 2007 sur les lieux et de la perquisition du 5 décembre 2013, que l'activité réelle de X... rendait nécessaire un agrément spécifique prévu par les articles R 543-161 et 162 pour les VHU, que les juges ajoutent que des demandes d'agrément avaient été faites dès 2006, pour régulariser une situation qui préexistait, mais que M. X... n'a jamais obtenu d'agrément ;

Attendu que, en l'état de ces énonciations, d'où il se déduit que le prévenu avait lui-même admis qu'au regard de sa surface son installation nécessitait un agrément,la cour d'appel a justifié sa décision ;

D'où il suit que le moyen ne saurait être accueilli ;

Sur le troisième moyen de cassation, pris de la violation des articles 6 de la Convention européenne des droits de l'homme, 132-1, 132-19, 132-20 du code pénal, 485, 512, 591 et 593 du code de procédure pénale, insuffisance de motifs, manque de base légale ;

"en ce que la cour d'appel a condamné le demandeur à la peine de deux ans d'emprisonnement, dont un assorti d'un sursis, avec mise à l'épreuve pendant une durée de deux ans, à la peine d'amende de 50 000 euros et à la peine complémentaire d'interdiction de gérer durant dix ans ;

"aux motifs qu'aux termes des articles 130-1, 132-1 et 132-24 du code pénal, afin d'assurer la protection de la société, de prévenir la commission de nouvelles infractions et de restaurer l'équilibre social dans le respect des intérêts de la victime, la peine a pour fonctions de sanctionner l'auteur de l'infraction et de favoriser son amendement, son insertion ou sa réinsertion et doit être individualisée avec prise en compte des circonstances de l'infraction, de la personnalité de son auteur et de situation matérielle, familiale et sociale, l'article 132-19 du même code édictant qu'une peine d'emprisonnement sans sursis ne doit être prononcée qu'en dernier recours si la gravité de l'infraction et la personnalité de son auteur rendent cette peine nécessaire et si toute autre sanction est manifestement inadéquate et doit, si la personnalité et la situation du condamné le permettent et sauf impossibilité matérielle, faire l'objet d'une mesure d'aménagement ; qu'une peine d'emprisonnement sans sursis ou ne faisant pas l'objet de mesures d'aménagement prévues aux articles 132-25 à 132-28 du code pénal doit être spécialement motivée au regard des faits de l'espèce et de la personnalité de leur auteur ainsi que de situation matérielle, familiale et sociale ; qu'en l'espèce, la cour prend en compte le fait que, depuis 2008, M. X... se maintient dans l'illégalité malgré les multiples efforts pour tenter d'obtenir une régularisation, au moins partielle, de sa situation ; que, certes, la cour relaxe partiellement M. X... mais la situation de récidive légale en ce qui concerne les faits de recel doivent conduire la cour à prononcer une peine mixte de deux ans d'emprisonnement, incluant un emprisonnement ferme d'un an, toute autre sanction apparaissant manifestement inadéquate ; qu'un sursis avec mise à l'épreuve assortira le restant de la peine selon les modalités figurant au dispositif du présent arrêt ; que faute de disposer d'éléments avérés, vérifiés et actualisés sur sa situation personnelle, socio-professionnelle et sur les possibilités matérielles de mise en oeuvre d'une mesure d'aménagement de peine, il ne peut être envisagé en l'état d'aménager la peine d'emprisonnement prononcée ; que l'exploitation du site dans des conditions irrégulières a généré des revenus très importants pour M. X... ; qu'il lui sera infligé une amende de 50 000 euros ; que par ailleurs, compte tenu de l'attitude de M. X... durant cinq ans, qui a continué à développer une activité en sachant parfaitement toutes les irrégularités dont il se rendait coupable, il convient de prononcer une interdiction de gérer pendant dix ans ;

"1°) alors que l'article 6 de la Convention européenne des droits de l'homme commande au juge de motiver sa décision de manière à garantir, non des droits théoriques ou illusoires, mais des droits concrets et effectifs ; qu'aux termes de l'article 132-19 du code pénal, en matière correctionnelle, une peine d'emprisonnement sans sursis ne peut notamment être prononcée que si toute autre sanction est manifestement inadéquate ; qu'en se contentant d'affirmer que toute autre sanction que l'emprisonnement était manifestement inadéquate, sans mieux s'en expliquer, la cour d'appel n'a pas justifié sa décision ;

"2°) alors que toute peine doit être individualisée en fonction des circonstances de l'infraction, de la personnalité de son auteur, de sa situation matérielle, familiale et sociale ; que tout jugement doit comporter les motifs propres à le justifier ; que la peine d'amende doit notamment être motivée au regard des ressources et des charges du condamné ; qu'en se contentant, pour justifier la peine d'amende, de faire référence au profit qu'a tiré le prévenu de l'exploitation irrégulière du site, la cour d'appel n'a pas justifié sa décision ;

"3°) alors qu'en matière correctionnelle, toute peine, même complémentaire, doit être motivée en tenant compte de la gravité des faits, de la personnalité de leur auteur et de sa situation personnelle ; que tout jugement doit comporter les motifs propres à le justifier ; qu'en prononçant la peine complémentaire d'interdiction de gérer pendant dix ans, sans motiver sa décision au regard de la personnalité du prévenu, la cour d'appel a violé les textes visés au moyen" ;

Attendu, d'une part, que pour prononcer une peine d'emprisonnement en partie sans sursis, l'arrêt relève que le prévenu se maintient depuis 2008 dans l'illégalité malgré les multiples efforts pour tenter d'obtenir une régularisation au moins partielle de sa situation et se trouve, concernant le recel, en état de récidive légale, qu'il en résulte que toute autre sanction que la peine d'emprisonnement en partie sans sursis apparaît manifestement inadéquate ;

Que, d'autre part, pour fixer le montant de la peine d'amende, la cour énonce devoir se fonder sur les revenus très importants générés par l'exploitation dans des conditions irrégulières du site, faute de disposer d'éléments avérés, vérifiés et actualisés sur les revenus, la situation personnelle et socio-professionnelle du prévenu ;

Qu'enfin, pour édicter une interdiction temporaire de gérer, les juges reprennent, par motifs propres et adoptés, les différents constats effectués depuis 2008 sur les infractions reprochées à M. X..., par le biais de la société dont il était le gérant et relèvent qu'il a durant cinq ans, malgré les multiples efforts tentés pour obtenir une régularisation, continué à développer une activité en sachant parfaitement toutes les irrégularités dont il se rendait coupable ;

Attendu qu'en l'état de ces énonciations dont il résulte que les juges ont nécessairement apprécié qu'était inadéquate toute autre sanction que l'emprisonnement sans sursis et qu'ils se sont expliqués tant sur la peine d'amende que sur la nécessité de prononcer une interdiction temporaire de gérer en raison de la persistance des activités illégales du prévenu, la cour d'appel a justifié sa décision, sans méconnaître les dispositions légales et conventionnelles invoquées ;

D'où il suit que le moyen ne saurait être accueilli ;

Et attendu que l'arrêt est régulier en la forme ;

REJETTE le pourvoi ;

Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre criminelle, et prononcé par le président le vingt-six juin deux mille dix-huit.