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Décisions

Cass. 3e civ., 17 juillet 1996, n° 94-16.590

COUR DE CASSATION

Arrêt

Cassation

COMPOSITION DE LA JURIDICTION

Président :

M. Beauvois

Rapporteur :

M. Toitot

Avocat général :

M. Lucas

Avocats :

SCP Célice et Blancpain, SCP Defrénois et Levis, SCP Peignot et Garreau.

Paris, du 4 mai 1994

4 mai 1994

Sur le premier moyen du pourvoi incident :

Attendu, selon l'arrêt attaqué (Paris, 4 mai 1994), que l'établissement Electricité de France (EDF), preneur de locaux à usage commercial appartenant à la société civile immobilière du ..., a conclu avec la société Conforama une convention d'occupation précaire ; qu'un incendie ayant détruit les lieux, la société L'Alliance, assureur de la propriétaire, subrogée dans les droits de celle-ci, a assigné EDF et la société Conforama en remboursement de l'indemnité qu'elle avait versée ;

Attendu qu'EDF fait grief à l'arrêt de la condamner solidairement avec la société Conforama à payer une certaine somme à la société L'Alliance, alors, selon le moyen, 1° que l'assureur du bailleur agissait à l'encontre de son locataire principal sur le fondement exclusif de l'article 1733 du Code civil ; qu'en statuant à l'encontre d'EDF sur un autre fondement la cour d'appel a, en conséquence, méconnu les termes du litige, en violation de l'article 4 du nouveau Code de procédure civile ; 2° qu'en ne provoquant pas les explications préalables des parties quant au fondement sur lequel elle entendait déclarer EDF tenue envers le bailleur, la cour d'appel a méconnu le principe du contradictoire et violé l'article 16 du nouveau Code de procédure civile ; 3° que la cour d'appel constate que les causes de l'incendie étaient restées indéterminées ; qu'en l'absence de fait caractérisé du sous-locataire en relation avec l'incendie la cour d'appel ne pouvait donc déclarer EDF tenue des dégradations et des pertes, sans violer l'article 1735 du Code civil, ainsi que l'article 1134 du Code civil ; 4° qu'en déclarant EDF responsable, au motif que les locataires principaux sont tenus de rendre l'immeuble en bon état à l'expiration du bail, sans relever que le bail litigieux aurait expiré, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard de l'article 1730 du Code civil ; 5° que le preneur ne répond de l'incendie survenu en cours de bail que sur le fondement des articles 1733 et 1734 du Code civil ; qu'en s'abstenant de faire application de ces dispositions pour condamner EDF à réparer les conséquences de l'incendie litigieux et en retenant la responsabilité de celle-ci sur un autre fondement la cour d'appel a violé les articles 1134 ainsi que 1730 à 1735 du Code civil ; 6° qu'en toute hypothèse, la présomption de responsabilité instituée par l'article 1733 du Code civil ne joue pas lorsque le bailleur a conservé la jouissance d'une partie des locaux et que n'est pas rapportée la preuve de ce que l'incendie a pris naissance dans la partie des locaux occupés par le locataire ou est dû à la faute de ce dernier ; qu'en l'espèce il était constant que le bailleur s'était réservé la jouissance de locaux dans l'immeuble litigieux ; qu'à supposer que la cour d'appel eût statué à l'encontre d'EDF sur le fondement de l'article 1733 du Code civil, elle aurait donc, en s'abstenant de relever que l'incendie avait pris naissance dans les locaux occupés par EDF ou était dû à la faute de celle-ci, privé sa décision de toute base légale au regard de la disposition susvisée ;

Mais attendu qu'ayant relevé que l'article 1733 du Code civil réglait les rapports du bailleur avec le locataire et qu'EDF ne rapportait pas la preuve de l'un des cas d'exonération prévus par ce texte, la cour d'appel, qui n'était pas tenue de procéder à une recherche qui ne lui était pas demandée, a, par ces seuls motifs, propres et adoptés, légalement justifié sa décision de ce chef ;

Mais sur le premier moyen du pourvoi principal :

Vu l'article 1733 du Code civil ;

Attendu que le preneur répond de l'incendie, à moins qu'il ne prouve que l'incendie est arrivé par cas fortuit ou force majeure, ou par vice de construction, ou que le feu a été communiqué par une maison voisine ;

Attendu que, pour condamner la société Conforama solidairement avec EDF à payer une certaine somme à la société L'Alliance, l'arrêt retient que l'occupation contractuelle des lieux moyennant une contrepartie, fût-ce à titre précaire, soumet l'occupant à la présomption de responsabilité en cas d'incendie et que le propriétaire dispose d'une action directe contre cet occupant, obligé personnellement envers lui ;

Qu'en statuant ainsi, alors que l'article 1733 du Code civil ne s'applique que dans les rapports entre bailleur et locataire, la cour d'appel a violé le texte susvisé ;

PAR CES MOTIFS, et sans qu'il y ait lieu de statuer sur les deuxième et troisième moyens du pourvoi principal et sur le second moyen du pourvoi incident :

CASSE ET ANNULE, sauf en ce qu'il a condamné EDF à payer à la société L'Alliance la somme de 13 233 299 francs avec intérêts de droit ainsi que la somme de 20 000 francs en application de l'article 700 du nouveau Code de procédure civile, débouté EDF et la société Conforama de leur recours en garantie et ordonné la capitalisation des intérêts, l'arrêt rendu le 4 mai 1994, entre les parties, par la cour d'appel de Paris ; remet, en conséquence, quant à ce, la cause et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant ledit arrêt et, pour être fait droit, les renvoie devant la cour d'appel de Versailles.