Cass. crim., 25 octobre 2006, n° 05-86.993
COUR DE CASSATION
Arrêt
Cassation
COMPOSITION DE LA JURIDICTION
Président :
M. Cotte
Rapporteur :
M. Rognon
Avocat général :
Mme Commaret
Avocats :
SCP Gaschignard, SCP Baraduc et Duhamel
Joignant les pourvois en raison de la connexité ;
Vu les mémoires produits en demande et en défense ;
Attendu qu'il résulte des arrêts attaqués et des pièces de procédure que la société Le Manoir a fait l'objet, au cours de l'année 2000, d'un contrôle fiscal et d'une vérification de l'URSSAF qui ont établi que Bernard X..., gérant révoqué lors de l'assemblée générale du 16 juin 1998, avait perçu des compléments de rémunération non déclarés aux organismes sociaux, avait détourné des meubles, acquis au nom de la société sans être retrouvés dans ses actifs, et s'était fait rembourser des frais de déplacement injustifiés ; que, par exploit d'huissier de justice délivré le 14 août 2001, la société a fait citer Bernard X..., du chef d'abus de biens sociaux, devant le tribunal correctionnel de Chartres qui, par jugement du 28 novembre 2002, a constaté l'extinction de l'action publique par la prescription ; que, par arrêt du 9 juin 2005, la cour d'appel a, sur le seul appel de la partie civile, réformé le jugement et, évoquant, renvoyé l'examen de l'affaire à une audience ultérieure ;
En cet état :
Sur le pourvoi formé contre l'arrêt du 9 juin 2005 :
Sur le moyen unique de cassation, pris de la violation des articles L. 241-3, 4, du code de commerce, 6, 8, 427, 485, 591 et 593 du code de procédure pénale, défaut de réponse à conclusions, défaut de motifs, contradiction de motifs, manque de base légale ;
" en ce que l'arrêt infirmatif attaqué a déclaré que la prescription de l'action publique et de l'action civile visant des prétendus abus de biens sociaux n'était pas acquise au 14 août 2001, date de la citation de Bernard X... ;
" aux motifs que,
1 ) sur la connaissance des faits ou dissimulation lors de l'assemblée générale du 16 juin 1998 : étaient déposés sur le bureau l'inventaire et les comptes annuels (bilan, compte de résultat et annexe), arrêtés au 31 décembre 1997, le rapport de gestion établi par la gérance, le rapport spécial sur les conventions visées à l'article 50 de la loi du 24 juillet 1966 et le texte du projet des résolutions soumises à l'assemblée générale ; que le président indiquait sur le texte du procès-verbal que les associés avaient connaissance des documents prescrits par l'article 36 du décret du 23 mars 1967 ; que le procès-verbal établit que la révocation de Bernard X... résultait de l'opacité, envers les deux associés Loïc Y... et Z..., avec laquelle il traitait le dossier des consorts A... (cédants des parts) et le dossier de sécurité de l'établissement ; qu'il n'y était pas fait mention des sur-salaires auto-octroyés par Bernard X... sur l'exercice de 1997, mais seulement du refus d'une rémunération portée à 30 000 francs à compter de cette assemblée générale ; que le quitus de sa gestion lui a été refusé ; que le procès-verbal de l'assemblée générale du 16 juin 1998 ne contient pas d'indication permettant d'en conclure que les sur-rémunérations de courant 1997 étaient, même implicitement, connues ; que les comptes annuels au titre de 1997, non approuvés en assemblée générale, même si les associés en ont eu connaissance, ne sont pas produits au dossier soumis à la cour, de sorte qu'aucune comparaison ne peut être faite avec les comptes établis plus tard, et notamment le compte de résultat, "poste charges personnel" comportant (ou devant comporter) la ligne "rémunération du gérant" Bernard X..., par laquelle il aurait été permis de constater la présence ou l'absence des sur-rémunérations de Bernard X... ; qu'en tout cas, il est établi qu'au 16 juin 1998, il n'existe aucune connaissance des achats de mobiliers pour Bernard X... sur le compte de la société, achats qui ne seront découverts qu'en 2000 par le vérificateur ;
" 2 ) sur la connaissance des faits ou dissimulation selon le protocole du 16 juillet 1997 : que Bernard X... a signé avec l'associé Z... un protocole d'accord le 16 juillet 1997 à la suite de l'assemblée générale ayant révoqué Loïc Y... comme cogérant ; que ceux-ci se sont mis d'accord "pour autoriser Bernard X..., gérant actuel, à augmenter sa rémunération de gérance, pour la porter à 30 000 francs par mois, afin de lui permettre de faire face aux engagements de remboursement du prêt consenti à Loïc Y..." ; que M. Z..., cosignataire, n'a pas été informé du passage à l'augmentation, antérieure de 5 mois dudit protocole et qu'aucune pièce n'établit qu'il ait été informé de l'effectivité de l'augmentation, avant le 2 octobre 1998 par le nouvel expert comptable ; qu'au demeurant l'augmentation conditionnelle convenue, hors assemblée générale, entre les deux associés ne pouvait rétroagir et être effective alors que la condition, c'est-à-dire l'obligation de payer des échéances de prêt impayées par Loïc Y..., n'était pas réalisée, ni aucune demande présentée par le prêteur, la Société générale ; que le 4 novembre 1997, Bernard X... a proposé de régler les échéances impayées et à venir après avoir été invité à faire connaître sa position pour le règlement des échéances en sa qualité de caution hypothécaire ; que Bernard X... a agi à l'insu de ses deux associés, puis du coassocié Z... en dépassant le montant supposé de couverture des échéances ; qu'il ne résulte pas du procès-verbal du 16 juin 1998 que Bernard X... ait informé l'assemblée générale, par son rapport ou par les documents (comptes annuels, protocole) communiqués, de l'existence des sur-rémunérations effectives depuis mars inclus ; que le protocole d'accord ne constitue donc pas une preuve que Bernard X... ait informé la société et ses coassociés par tout moyen ou/et au cours de l'assemblée générale du 16 juin 1998 des sur-rémunérations de 1997 ; qu'en outre, rien n'est mentionné dans le protocole d'accord, des achats personnels de mobiliers ;
" 3 ) sur le montant et la nature de la connaissance partielle des faits de sur-rémunérations : que M. Z..., nouveau gérant au 16 juin 1998, a abandonné l'ancien cabinet comptable EAB et a missionné le cabinet FPC/TS, début septembre 1998, pour tenir la comptabilité de l'exercice 1998 ; que les grands livres ont été transmis à FPC/TS en septembre 1998, sans que ce nouvel expert comptable puisse obtenir les pièces comptables, dont les factures clients et fournisseurs, pièces de banque (etc ajoutait FPC), ce que le dirigeant du cabinet FPC/TS déplorait encore dans un courrier du 20 avril 2002 ; que le cabinet FPC/TS concluait à l'existence de sommes détournées : 226 309,10 francs ; qu'au 2 octobre 1998, le gérant M. Z... disposait d'une information parcellaire, qui ne sera effective et circonstanciée qu'avec la production des comptes annuels de 1998, lorsqu'ils seront soumis à l'assemblée générale de fin juin 1999 ; que ce n'est pas davantage cette information parcellaire reçue par le gérant Z..., en date du 2 octobre 1998, même conjuguée au protocole d'accord trompeur, qui a pu permettre à M. Z... ou à la société en juin 1999, de connaître la réalité des sur-rémunérations afférentes à l'année 1997, dont le report à titre de comparaison sur les comptes de l'exercice 1998 n'était pas l'objet des comptes annuels, d'autant qu'il n'a pas été fait état d'une quelconque approbation, postérieurement au 16 juin 1998, des comptes de l'exercice 1997 ; que les achats de mobiliers restaient inconnus des associés et de la société par les comptes de l'exercice 1998, objet du premier tirage des comptes au 13 avril 1999 ; qu'une révélation partielle, tronquée, sans l'appui des pièces justificatives, ne saurait constituer une connaissance de faits pouvant constituer des abus de biens sociaux, dans des conditions permettant l'exercice de l'action publique ;
" 4 ) sur la révélation complète, en 2000, dans les montants et nature des faits susceptibles d'être qualifiés d'abus de biens sociaux : que la société a fait l'objet d'un contrôle fiscal qui s'est déroulé du 3 mars 2000 au 22 juin 2000, concernant la période du 1 janvier 1997 au 31 décembre 1998 ; que la notification de redressements qui a suivi, a détaillé l'ensemble des constatations, notamment pour défaut de justificatifs et charges engagées ; que la vérification a commencé par un inventaire physique des immobilisations en présence de Loïc Y..., le vérificateur ayant alors constaté l'absence de biens comptabilisés soit en frais généraux, soit en immobilisations, c'est-à-dire un buffet Henri II acheté le 16 août 1997 pour 5 000 francs (HT) et une horloge comtoise achetée le 16 décembre 1997 pour 3 730 francs (HT), ces meubles ayant été acquis sous la signature de Bernard X... et au cours de l'exercice 1998, un congélateur de 3 267 francs HT ;
qu'en outre, au mois de décembre 2000, lors de la vérification par l'URSSAF de l'application de la législation sur la sécurité sociale au titre de la période du 1er janvier 1997 au 31 décembre 1999, il est apparu que Bernard X... avait omis de soumettre à cotisations les salaires qu'il s'était attribué du 1er octobre 1997 au 16 juin 1998 ;
que la société a donc subi une régularisation de ses cotisations pour 102 510 francs ; que si l'omission de soumettre à cotisations constitue une dissimulation à l'égard de l'URSSAF ce qui est indifférent pour la recherche de la dissimulation envers la société, il se déduit de cette omission que les associés ne pouvaient pas trouver dans les comptes annuels, au compte de résultat de 1997 et 1998, précisément dans le détail "charges sociales" celles afférentes à la rémunération de gérance, elle-même occultée au poste salaires ;
qu'ainsi, en 1997 et 1998, le gérant Bernard X... a dissimulé sa sur-rémunération et les charges y afférentes ; qu'en raison des dissimulations prouvées, dans les comptes des exercices 1997 et 1998, y compris dans les comptes annuels de l'exercice 1997 non approuvés par l'assemblée générale du 16 juin 1998, en raison de la même dissimulation dans le protocole d'accord du 16 juillet 1997 envers l'associé Z... et ce jusqu'aux découvertes complètes, détaillées de l'ensemble des détournements allégués par la partie civile, par le vérificateur, puis par l'URSSAF en 2000 et notamment, le 26 juin 2000, la prescription de l'action publique n'était pas acquise au 14 août 2001, date de la citation du prévenu ;
" 1 ) alors que, la prescription de l'action publique du chef d'abus de biens sociaux court à compter de la présentation des comptes annuels par lesquels les dépenses litigieuses sont mises indûment à la charge de la société, sauf cas de dissimulation ;
qu'après avoir expressément constaté, s'agissant des rémunérations de 1997, que les comptes annuels (bilan, compte de résultat et annexe), arrêtés au 31 décembre 1997 ont été régulièrement soumis à l'assemblée générale du 16 juin 1998 et que les associés en ont eu connaissance, la cour d'appel ne pouvait, sans se contredire ou mieux s'en expliquer, affirmer, d'une part, que les comptes annuels au titre de 1997 "ne sont pas produits au dossier soumis à la cour", d'autre part, que "si l'omission de soumettre à cotisations constitue une dissimulation à l'égard de l'URSSAF ce qui est indifférent pour la recherche de la dissimulation envers la société, il se déduit de cette omission que les associés ne pouvaient pas trouver dans les comptes annuels, au compte de résultat de 1997 et 1998, précisément dans le détail charges sociales celles afférentes à la rémunération de gérance, elle-même occultée au poste salaires" ; que la cour d'appel qui affirme en effet ne pas être en possession des comptes de résultats ne saurait dans le même mouvement affirmer que les rémunérations litigieuses étaient occultées de ce compte ; qu'en statuant par ces motifs contradictoires, la cour d'appel a violé les textes susvisés ;
"n2 ) alors de surcroît, que Bernard X... avait lui-même produit le compte de résultat pour 1997, constituant la pièce n° 24 des pièces produites selon bordereau annexé à ses conclusions ; que cette pièce faisait apparaître, au compte 644100 "rémunération gérance B..." une somme de 246 000 francs, largement supérieure à celle de 156 000 francs qui aurait dû résulter de la rémunération initialement convenue (13 000 francs par mois), la différence étant précisément de 90 000 francs, somme que la partie civile déterminait comme étant le montant de la sur-rémunération prétendument occulte ; qu'en affirmant que la rémunération de la gérance était occultée sur le compte de résultat pour 1997, la cour d'appel a dénaturé ce document ;
" 3 ) alors que, la prescription de l'action publique du chef d'abus de biens sociaux court à compter de la présentation des comptes annuels par lesquels les dépenses litigieuses sont mises indûment à la charge de la société, sauf cas de dissimulation ; qu'en affirmant à plusieurs reprises que les achats de mobiliers sont restés inconnus des associés jusqu'à ce qu'ils soient découverts en 2000, par le vérificateur, tout en reconnaissant que ce dernier a constaté que ces biens étaient comptabilisés soit en frais généraux, soit en immobilisations, la cour d'appel a privé sa décision de base légale ; qu'on ne saurait en effet, tout à la fois affirmer que les biens ont été comptabilisés et que les associés, après avoir eu connaissance des comptes, n'étaient pas informés de ces achats
" 4 ) alors que, la prescription de l'action publique du chef d'abus de biens sociaux court à compter de la présentation des comptes annuels par lesquels les dépenses litigieuses sont mises indûment à la charge de la société, sauf cas de dissimulation ; qu'en se bornant à énoncer, s'agissant des prétendues dépenses personnelles, que le vérificateur fiscal en 2000 a constaté des postes de charges non justifiées parmi lesquelles des frais de déplacements, sans établir une quelconque dissimulation, la cour d'appel n'a pas légalement justifié sa décision ;
" 5 ) alors que, la prescription de l'action publique commence à courir du jour où le délit est apparu et a pu être constaté dans des conditions permettant l'exercice de l'action publique ; que seule une dissimulation est susceptible de retarder le point de départ de l'action publique ; que, s'agissant des rémunérations de 1998 la cour d'appel a constaté qu'un protocole d'accord, signé le 16 octobre 1997 par M. Z..., prévoyait expressément une augmentation de la rémunération de Bernard X... et que ce protocole avait été soumis à l'approbation de l'assemblée générale du 16 juin 1998 ; qu'en retenant néanmoins que les associés n'auraient pas été en mesure de connaître l'existence, au premier semestre 1998, de rémunérations excédant celles fixées à l'origine, la cour d'appel, qui s'est prononcée par des motifs contradictoires, n'a pas tiré les conséquences légales de ses propres constatations ;
" 6 ) alors, enfin, que le protocole du 16 juillet 1997 se bornait à énoncer que M. Z... et Bernard X... " se sont mis d'accord pour autoriser Bernard X..., gérant actuel, à augmenter sa rémunération gérance pour la porter à 30 000 francs (trente mille francs) par mois ; ceci afin de lui permettre de faire face aux engagements de remboursement du prêt consenti à Loïc Y..." ; qu'en retenant que ce protocole prévoyait une augmentation "conditionnelle" qui "ne pouvait être effective alors que la condition, c'est-à-dire l'obligation de payer des échéances de prêt impayées par Loïc Y..., n'était pas réalisée", de sorte que les deux autres associés seraient fondés à prétendre qu'ils n'ont pas connu " l'effectivité " de l'augmentation avant le 2 octobre 1998, la cour d'appel a dénaturé les termes dudit protocole qui ne fixaient aucune "condition" pour l'augmentation de la rémunération" ;
Attendu que, pour écarter la prescription, l'arrêt prononce par les motifs partiellement repris au moyen et retient, notamment, que le montant des compléments de rémunérations que s'était octroyés Bernard X... n'avait pas été porté à la connaissance des associés et que les achats de meubles effectués par ce dernier n'apparaissaient pas dans les comptes soumis à l'approbation de l'assemblée générale ; que les juges relèvent que les termes d'un protocole d'accord signé le 16 juillet 1997, à la suite de la révocation d'un cogérant, n'ont pas été autorisés et que le prévenu a agi à l'insu des autres associés ; qu'ils ajoutent que la dissimulation des majorations de salaires aux organismes sociaux et les redressements qui en ont été la conséquence démontrent que ces compléments de rémunération ont été exclus des comptes ; qu'ils en déduisent que les faits n'ont été connus, dans des conditions permettant l'exercice de l'action publique, qu'après les vérifications fiscale et sociale, moins de trois ans avant la date de la citation introductive d'instance ;
Attendu qu'en l'état de ces énonciations, procédant de son pouvoir souverain d'appréciation, qui caractérisent, sans insuffisance ni contradiction, une dissimulation de nature à retarder le point de départ du délai de prescription, la cour d'appel a justifié sa décision ;
D'où il suit que le moyen ne peut être accueilli ;
II - Sur le pourvoi formé contre l'arrêt du 13 octobre 2005 :
Sur le premier moyen de cassation, pris de la violation des articles 569, 570, 571 et 591 du code de procédure pénale ;
" en ce que l'arrêt attaqué a rejeté la demande de sursis à statuer fondée sur l'effet suspensif du pourvoi en cassation formé par déclaration du 15 juin 2005 contre l'arrêt du 9 juin 2005 ;
"naux motifs que l'arrêt du 9 juin 2005 est un arrêt distinct de l'arrêt sur le fond, ne mettant pas fin à la procédure puisqu'il n'a pas statué sur les éléments constitutifs du délit, ni sur une éventuelle culpabilité et en ce qu'il ne saurait donner lieu à un quelconque acte d'exécution ; qu'en application des articles 570 et 571 du code de procédure pénale, l'effet suspensif invoqué par Bernard X... ne s'attache pas à l'arrêt du 9 juin 2005 ; qu'il appartient à la Cour de statuer au fond ; que Bernard X... ne justifie pas et ne prétend pas avoir déposé la requête prévue par les textes susvisés tendant à faire déclarer son pourvoi immédiatement recevable ; qu'en conséquence, la demande de sursis à statuer est rejetée ;
" alors que, l'arrêt du 9 juin 2005 qui statue sur la prescription est une décision sur le fond, n'entrant pas de ce fait dans les prévisions de l'article 570 du code de procédure pénale ;
qu'en effet, même si cet arrêt n'apporte pas au litige sa solution définitive, il statue sur un point sur lequel le juge dans une décision ultérieure ne pourra pas revenir et doit à ce titre être considéré comme une décision tranchant une partie du principal ; qu'en effet, la fixation du point de départ de la prescription est indissociable de la constitution matérielle de l'infraction de sorte que toute décision tranchant la question du point de départ du délai de prescription touche nécessairement une partie du fond ; qu'en refusant de surseoir à statuer alors que le pourvoi en cassation formé contre l'arrêt du 9 juin 2005 était de plein droit immédiatement recevable et suspensif, la cour d'appel a violé, ensemble, les articles 569 et 570 du code de procédure pénale " ;
Attendu que, pour rejeter la demande de sursis à statuer présentée par le prévenu et fondée sur l'effet suspensif du pourvoi en cassation formé contre l'arrêt précité du 9 juin 2005, les juges retiennent que cette décision ne met pas fin à la procédure et ne peut donner lieu à un quelconque acte d'exécution ; qu'ils ajoutent que, faute pour le demandeur d'avoir présenté une requête en examen immédiat du pourvoi, celui-ci n'a pas l'effet suspensif invoqué ;
Attendu qu'en cet état, la cour d'appel a fait l'exacte application des articles 570 et 571 du code de procédure pénale ;
Qu'ainsi le moyen doit être écarté ;
Sur le troisième moyen de cassation, pris de la violation des articles L. 241-3, 4 , du code de commerce, de l'article 6 1 de la Convention européenne des droits de l'homme, des articles 591 et 593 du code de procédure pénale, défaut de motifs, défaut de réponse aux conclusions, manque de base légale ;
" en ce que l'arrêt attaqué a déclaré Bernard X... coupable du délit d'abus de biens sociaux du chef de l'achat de divers meubles, et l'a condamné sur l'action civile, à payer une somme de 39 057,80 euros incluant 2 205,63 euros au titre desdits meubles ;
" aux motifs qu'au cours de la vérification fiscale (effectuée en 2000), le vérificateur a constaté que des immobilisations étaient absentes de l'entreprise, d'une part, et qu'un congélateur acheté par la société avait également disparu ;
qu'étaient concernés, en 1997 l'achat d'un buffet Henri II pour 6 030 francs TTC et d'une horloge comtoise pour 4 498 francs TTC, en 1998 l'achat d'un congélateur pour 3 940 francs TTC ; qu'en mettant à la charge de la société l'achat des meubles et d'un congélateur en 1997 et 1998 qu'il a fait disparaître de la société, Bernard X... a agi contrairement à l'intérêt social ;
" alors que, la consommation du délit d'abus de biens sociaux suppose que soit rapportée la preuve d'un acte d'usage des biens de la société, contraire à l'intérêt social ; qu'en se bornant à énoncer, s'agissant de biens acquis en 1997 et 1998, qu'au cours de la vérification fiscale de l'année 2000 "le vérificateur a constaté que des immobilisations étaient absentes de l'entreprise et qu'un congélateur acheté par la société avait également disparu", la cour d'appel n'établit en aucune façon que ces biens ont été acquis dans un but contraire à l'intérêt de la société ; que ces biens ont pu être dissipés en 1998, 1999, 2000, périodes au cours desquelles le prévenu n'exerçait plus aucune fonction dans l'entreprise ; qu'en se bornant à constater l'absence des biens en cause en 2000 sans établir autrement que par voie de pure affirmation que Bernard X... les avait fait disparaître, et ce au mépris des attestations qui établissaient que les meubles en cause étaient bel et bien présents dans l'entreprise lors du départ de Bernard X..., la cour d'appel n'a pas légalement justifié sa décision " ;
Sur le quatrième moyen de cassation, pris de la violation des articles L. 241-3, 4 , du code de commerce, 111-4 et 121-3 du code pénal, 591 et 593 du code de procédure pénale, défaut de motifs, défaut de réponse aux conclusions, manque de base légale ;
" en ce que l'arrêt attaqué a déclaré Bernard X... coupable du délit d'abus de biens sociaux et l'a condamné à payer une amende de 3 000 euros et, sur l'action civile, une somme de 39 057,80 euros à titre de dommages-intérêts ;
" aux motifs que l'élément moral du délit d'abus de biens sociaux est établi par l'omission de soumission des prétendus salaires à cotisations sociales et par l'absence d'établissement des documents justificatifs de prétendus frais remboursés ;
" alors que, d'une part, l'élément moral du délit d'abus de biens sociaux suppose non seulement la volonté d'exécuter un acte d'usage en connaissance de son caractère contraire à l'intérêt social mais encore la poursuite d'un intérêt personnel ; qu'en affirmant que cet élément est établi par l'omission de soumission des salaires à cotisations sociales alors que cette omission manifeste une méconnaissance des règles relatives au paiement des charges sociales, mais ne démontre en rien une quelconque mauvaise foi à l'égard de la société, la cour d'appel a privé sa décision de base légale ;
" alors que, d'autre part, qu'en affirmant que l'élément moral afférent aux dépenses non justifiées ressort de l'absence d'établissement des documents justificatifs de prétendus frais remboursés, sans répondre aux conclusions par lesquelles Bernard X..., qui établissait avoir mis en demeure la SARL Le Manoir de lui rendre ses agendas de gérant, de manière à établir la réalité des frais engagés au nom et pour le compte de la société, était dans l'impossibilité de produire des justificatifs que seule la partie civile détenait, la cour d'appel n'a pas légalement justifié sa décision " ;
Les moyens étant réunis ;
Attendu que les énonciations de l'arrêt attaqué mettent la Cour de cassation en mesure de s'assurer que la cour d'appel a, sans insuffisance ni contradiction, répondu aux chefs péremptoires des conclusions dont elle était saisie et caractérisé en tous ses éléments, tant matériels qu'intentionnel, le délit d'abus de biens sociaux retenu à l'encontre de Bernard X..., et a ainsi justifié l'allocation, au profit de la partie civile, de l'indemnité propre à réparer le préjudice en découlant ;
D'où il suit que les moyens, qui se bornent à remettre en question l'appréciation souveraine, par les juges du fond, des faits et circonstances de la cause, ainsi que des éléments de preuve contradictoirement débattus, ne sauraient être admis ;
Mais, sur le deuxième moyen de cassation, pris de la violation de l'article 6 1 de la Convention européenne des droits de l'homme et des articles 497, 509, 515, 591 et 593 du code de procédure pénale, défaut de motifs, manque de base légale ;
" en ce que l'arrêt infirmatif attaqué a énoncé que l'effet dévolutif de l'appel de la seule partie civile s'étend à l'action publique et condamné Bernard X... au paiement d'une amende de 3 000 euros ;
" aux motifs que lorsque la cour d'appel infirme un jugement qui a constaté la prescription, elle doit statuer sur l'action publique comme sur l'action civile, alors même que seule la partie civile avait usé de la voie de l'appel ; qu'en conséquence, la Cour statuera sur l'action publique et l'action civile ;
" alors que, l'article 509 du code de procédure pénale prévoit expressément que l'affaire n'est dévolue à la cour d'appel que dans les limites fixées, non seulement par l'acte d'appel mais également par la qualité de l'appelant ; que si l'appel de la partie civile, limité par définition à ses seuls intérêts civils, peut produire néanmoins dans certains cas exceptionnels des effets sur l'action publique, il n'en est ainsi que dans la mesure où les juges du fond n'ont pas statué au fond et n'ont statué que sur la compétence ou la validité de la poursuite ; que le jugement qui constate la prescription de l'action publique consacre l'extinction d'un droit et statue par là même sur un problème de fond, de telle sorte que l'appel de la seule partie civile ne saurait remettre en cause le jugement sur l'action publique ; que dès lors, en statuant sur une action publique qui était éteinte, en déclarant Bernard X... coupable d'abus de biens sociaux, et en le condamnant à une amende, la cour d'appel a violé les articles 509 et 515 du code de procédure pénale " ;
Vu l'article 509 du code de procédure pénale, ensemble l'article 6 du même code ;
Attendu que, sur le seul appel de la partie civile d'un jugement déclarant l'action publique éteinte par l'effet de la prescription, les juges du second degré ne peuvent prononcer une peine, la décision des premiers juges ayant acquis force de chose jugée au regard de l'action publique ;
Attendu que, statuant sur le seul appel formé par la société Le Manoir du jugement qui, après avoir constaté l'extinction de l'action publique par la prescription, l'a déboutée de ses demandes, l'arrêt énonce que, lorsque la cour d'appel infirme un jugement qui a constaté la prescription, elle doit statuer sur l'action publique comme sur l'action civile, alors même que seule la partie civile a usé de la voie de l'appel ;
Mais attendu qu'en prononçant ainsi, alors que les juges de première instance ne s'étaient pas prononcés sur la validité de la poursuite mais sur une cause d'extinction de l'action publique, la cour d'appel a méconnu le sens et la portée des textes susvisés et le principe ci-dessus énoncé ;
D'où il suit que la cassation est encourue ;
Par ces motifs :
I - Sur le pourvoi formé contre l'arrêt du 9 juin 2005 :
Le REJETTE ;
II - Sur le pourvoi formé contre l'arrêt du 13 octobre 2005 :
CASSE et ANNULE, par voie de retranchement, l'arrêt susvisé de la cour d'appel de Versailles, en date du 13 octobre 2005, en ses seules dispositions ayant condamné le demandeur à 3 000 euros d'amende, toutes autres dispositions étant expressément maintenues.