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Décisions

Cass. 1re civ., 16 mars 2022, n° 20-19.254

COUR DE CASSATION

Arrêt

Cassation

COMPOSITION DE LA JURIDICTION

Président :

M. Chauvin

Rapporteur :

M. Mornet

Avocat général :

Mme Mallet-Bricout

Avocats :

SCP Rocheteau et Uzan-Sarano, SCP Gatineau, Fattaccini et Rebeyrol

Pau, 1re ch., du 11 févr. 2020

11 février 2020

Faits et procédure

2. Selon l'arrêt attaqué (Pau, 11 février 2020), après avoir été opérée, le 7 janvier 2002, d'une hanche par M. [F] (le chirurgien) au sein de la société polyclinique Aguilera (la polyclinique), Mme [D] a présenté une infection.

3. Le 23 juillet 2012, elle a saisi d'une demande d'indemnisation la commission de conciliation et d'indemnisation (la CCI). Par un avis du 19 juin 2013, rendu à l'issue d'une expertise, la CCI a estimé que l'infection était nosocomiale et que son évolution défavorable était entièrement imputable au comportement fautif du chirurgien et a fixé la date de la consolidation au 22 mars 2004. Par un avis du 20 novembre 2013, notifié le 3 décembre 2013, elle a invité la société Chubb European Group Limited, en qualité d'assureur du chirurgien (l'assureur), à formuler une offre d'indemnisation à Mme [D].

4. En l'absence d'offre d'indemnisation de l'assureur, qui a refusé sa garantie, Mme [D] a demandé à l'Office national d'indemnisation des accidents médicaux, des affections iatrogènes et des infections nosocomiales (l'ONIAM) de se substituer à l'assureur et a accepté le 24 novembre 2014 les offres d'indemnisation présentées par celui-ci.

5. Les 19 et 20 janvier 2016, l'ONIAM a assigné la polyclinique et le chirurgien en remboursement des sommes versées à Mme [D] et mis en cause la caisse primaire d'assurance maladie du Lot-et-Garonne, aux droits de laquelle se trouve la caisse primaire d'assurance maladie de Pau (la caisse), qui a sollicité le remboursement de ses débours. Le chirurgien a appelé en garantie l'assureur et le Fonds de garantie des dommages consécutifs à des actes de prévention, de diagnostic ou de soins dispensés par des professionnels de santé exerçant à titre libéral (le fonds de garantie). Le chirurgien, la polyclinique, l'assureur et le fonds de garantie ont opposé la prescription.

Moyens

Examen des moyens

Sur le moyen du pourvoi n° E 20-15.172 et sur le premier moyen du pourvoi n° S 20-19.254, rédigés en termes identiques, réunis

Enoncé du moyen

6. L'ONIAM et la caisse font grief à l'arrêt de déclarer l'action de l'ONIAM irrecevable comme prescrite, alors « que le délai de prescription décennale des actions tendant à mettre en cause la responsabilité d'un professionnel ou d'un établissement de santé est suspendu entre la saisine régulière de la commission régionale de conciliation et d'indemnisation par la victime et le terme de la procédure amiable ; qu'en cas d'avis de la commission régionale de conciliation et d'indemnisation retenant la responsabilité de ce professionnel ou de cet établissement de santé suivi du silence ou du refus explicite de la part de son assureur de faire une offre, le terme de la procédure amiable mettant fin à la suspension du délai de prescription est constitué par l'acceptation, valant transaction, par la victime ou ses ayants droit de l'offre présentée par l'ONIAM ; qu'en retenant que la suspension du délai de prescription prenait fin, en l'absence d'offre de l'assureur à la victime, lors de l'expiration du délai de quatre mois faisant suite à la notification de l'avis de la commission régionale de conciliation et d'indemnisation, la cour d'appel a violé les articles L. 1142-7, L. 1142-14, L.1142-15 et L.1142-28 du code de la santé publique. »

Motivation

Réponse de la Cour

Vu les articles L. 1142-7, L. 1142-14, L. 1142-15 et L. 1142-28 du code de la santé publique :

7. Selon le dernier de ces textes, les actions tendant à mettre en cause la responsabilité des professionnels de santé ou des établissements de santé à l'occasion d'actes de prévention, de diagnostic ou de soins se prescrivent par dix ans à compter de la consolidation du dommage.

8. Aux termes du premier, la saisine de la commission de conciliation et d'indemnisation suspend les délais de prescription et de recours jusqu'au terme de la procédure de règlement amiable.

9. Selon les deuxième et troisième, lorsque la CCI estime qu'un dommage engage la responsabilité d'un professionnel ou d'un établissement de santé, l'assureur de celui-ci doit faire une offre d'indemnisation à la victime dans les quatre mois de l'avis de la commission ; en cas de silence ou de refus explicite de la part de l'assureur de faire une offre, l'ONIAM peut être saisi par la victime à l'expiration de ce délai et se substituer à l'assureur ; en cas d'acceptation par la victime de son offre d'indemnisation, l'ONIAM est subrogé, à concurrence des sommes versées, dans les droits de la victime contre la personne responsable du dommage.

10. Il s'en déduit que, dans le cas où l'ONIAM s'est substitué à l'assureur et où la victime a accepté son offre d'indemnisation, la procédure de règlement amiable a atteint son terme, de sorte que le délai de prescription, suspendu depuis la saisine de la CCI, recommence à courir à compter du jour de cette acceptation.

11. Pour déclarer irrecevable comme prescrite l'action engagée par l'ONIAM, l'arrêt retient que la suspension du délai de prescription a pris fin, en l'absence d'offre de l'assureur à la victime, lors de l'expiration du délai de quatre mois faisant suite à la notification de l'avis de la commission de conciliation et d'indemnisation, soit le 2 avril 2014.

12. En statuant ainsi, la cour d'appel a violé les textes susvisés.

Mise hors de cause

13. En application de l'article 625 du code de procédure civile, il n'y a pas lieu de mettre hors de cause la polyclinique, dont la présence est nécessaire devant la cour d'appel de renvoi.

Dispositif

PAR CES MOTIFS, et sans qu'il y ait lieu de statuer sur les autres griefs, la Cour :

CASSE ET ANNULE, en toutes ses dispositions, l'arrêt rendu le 11 février 2020, entre les parties, par la cour d'appel de Pau ;

Dit n'y avoir lieu de mettre hors de cause la société polyclinique Aguilera ;

Remet l'affaire et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant cet arrêt et les renvoie devant la cour d'appel de Bordeaux ;

Condamne M. [F] et la société Chubb European Group Limited aux dépens ;

En application de l'article 700 du code de procédure civile, rejette les demandes.

Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite de l'arrêt cassé ;

Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, première chambre civile, et prononcé par le président en son audience publique du seize mars deux mille vingt-deux.