CA Versailles, 12e ch. sect. 1, 13 janvier 2011, n° 10/00486
VERSAILLES
Arrêt
Infirmation
COMPOSITION DE LA JURIDICTION
Président :
Mme ROSENTHAL
Conseillers :
Mme POINSEAUX, M. TESTUT
Avoués :
Me TREYNET, SCP JULLIEN, LECHARNY, ROL
Avocats :
Me LEVI , Me BOTBOL-LALOU , SCP JULLIEN, LECHARNY, ROL ET FERTIER
* condamné solidairement Hervé Le Boursicot, Véronique Le Boursicot, Caroline Le Boursicot à payer à Guy Parrain et à la société Accueil Hôtel la somme de 500 000 euros, à charge pour les demandeurs de procéder à la répartition de cette indemnité,
* condamné solidairement Hervé Le Boursicot, Véronique Le Boursicot, Caroline Le Boursicot à payer tant à Guy Parrain qu'à la société Accueil Hôtel la somme de 2 500 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile et aux dépens;
Vu l'arrêt rendu le 30 octobre 2008, par la cour d'appel de Versailles qui a confirmé le jugement entrepris sauf à ramener à la somme de 100 000 euros le montant de la condamnation principale prononcée;
Vu l'arrêt du 15 décembre 2009, par lequel la Cour de cassation, sur le pourvoi formé par Hervé Le Boursicot , Véronique Le Boursicot et Caroline Le Boursicot , a cassé et annulé en toutes ses dispositions l'arrêt rendu par la cour d'appel de Versailles, remis la cause et les parties en l'état où elles se trouvaient avant ledit arrêt et, pour être fait droit, les a renvoyées devant la cour d'appel de Versailles autrement composée ;
Vu la déclaration de Hervé Le Boursicot , Véronique Le Boursicot et Caroline Le Boursicot en date du 21 janvier 2010, saisissant la juridiction de renvoi ;
Vu les dernières écritures en date du 28 septembre 2010, par lesquelles Hervé Le Boursicot , Véronique Le Boursicot et Caroline Le Boursicot, poursuivant l'infirmation de la décision entreprise, demandent à la cour de :
* débouter Guy Parrain et la société Accueil Hôtel de leurs demandes,
* à titre subsidiaire, fixer à un euro le montant des dommages et intérêts qui pourraient être dus à Guy Parrain,
* condamner in solidum Guy Parrain et la société Accueil Hôtel au paiement de la somme de 6 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile et aux dépens;
Vu les dernières écritures en date du 11 octobre 2010, aux termes desquelles Guy Parrain et la société Accueil Hôtel , prient la cour de confirmer en toutes ses dispositions la décision déférée et y ajoutant, condamner les consorts Le Boursicot au paiement de la somme de 5.000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile et aux dépens;
SUR CE, LA COUR,
Considérant que, pour un exposé complet des faits et de la procédure, il est expressément renvoyé au jugement déféré et aux écritures des parties; qu'il suffit de rappeler que :
* la société Afi 75 exploitait un hôtel à [...], dirigé par Guy Parrain, et détenait la quasi-totalité du capital de la société Hôtel Le Faisan, exploitant un Hôtel [...] dirigé par Caroline Le Boursicot,
* Guy Parrain et Hervé Le Boursicot étaient les principaux actionnaires de la société Afi 75,
* par acte du 7 janvier 2005, Hervé Le Boursicot, Véronique Le Boursicot et Caroline Le Boursicot ont racheté la totalité des actions de la société Hôtel Le Faisan détenues par la société Afi 75 et Guy Parrain,
* par le même acte, les actions des consorts Le Boursicot détenues au sein de la société Afi 75 ont été cédées à Guy Parrain par l'intermédiaire d'une holding, la société Accueil Hôtel,
* la convention a prévu une clause de préemption mutuelle, pour une durée de cinq ans, assortie d'une clause pénale de 500 000 euros,
* le 22 juin 2005, les consorts Le Boursicot ont constitué une société holding dénommée Herveca, apportant la totalité de leurs actions de la société Hôtel Le Faisan et recevant en contrepartie des parts sociales de la société holding,
* au mois d'avril 2006, a été envisagée la cession des titres de la société Hôtel Le Faisan à Eric Maufras du Chatellier,
* le 18 mai 2006, les consorts Le Boursicot ont notifié à la société Accueil Hôtel et à Guy Parrain leur intention de céder les titres de la société Hôtel Le Faisan,
* ces derniers n'ont pas usé de leur droit de préemption, mais ont adressé le 29 mai 2006, aux consorts Le Boursicot un courrier recommandé leur faisant grief d'avoir violé la convention en faisant apport des actions de la société Hôtel Le Faisan à la société Herveca sans leur avoir proposé l'exercice de leur droit de préemption,
* c'est dans ces circonstances, que Guy Parrain et la société Accueil Hôtel ont assigné devant le tribunal de commerce de Nanterre les consorts Le Boursicot en paiement de l'indemnité conventionnelle de 500 000 euros,
Sur le droit de préemption:
Considérant que la convention de cession d'actions du 7 janvier 2005, signée entre les consorts Le Boursicot d'une part, Guy Parrain et la société Accueil Hôtel d'autre part, comporte une clause de préemption ainsi libellée: Les soussignés se concèdent un droit de préemption mutuel en cas de cession de leurs titres AFI 75 ou HÔTEL LE FAISAN, pour le cas où ils projetteraient de céder lesdits titres. Ce droit de préemption est consenti pour une durée de cinq ans à compter de ce jour. Le droit de préemption s'exercera de la manière suivante : envoi par le cédant d'une lettre recommandée avec accusé de réception du projet de cession indiquant les conditions de la vente et le prix payé. Le récipiendaire aura un délai de 30 jours à réception de cette information pour faire part à l'expéditeur de son désir à l'acquéreur indiqué. Toujours au cas où cette procédure ne serait pas observée, la partie fautive devra indemniser l'autre d'une somme égale à 500 000 euros ;
considérant que les consorts Le Boursicot ont fait apport de leurs titres de la société Hôtel Le Faisan à la société Herveca qu'ils ont constitué le 22 juin 2005; que les apports ont été valorisés à la somme de 900 000 euros ;
que le 13 avril 2006, un protocole d'accord de cession sous conditions suspensives a été régularisé entre Hervé et Véronique Le Boursicot d'une part, et Eric Maufras du Chatellier d'autre part ;
que le 18 mai 2006, les consorts Le Boursicot ont notifié ce projet de cession à Guy Parrain et la société Accueil Hôtel ;
considérant que Guy Parrain et la société Accueil Hôtel reprochant aux consorts Le Boursicot d'avoir violé le droit de préemption institué par l'acte de cession du 7 janvier 2005, soutiennent qu'il convient d'interpréter la commune intention des parties afin de déterminer si la clause de préemption ambigüe insérée dans l'acte, faisant référence aux termes de 'vente' et de 'prix' s'applique dans le cas d'un apport ;
qu'ils font valoir que cette commune intention était d'empêcher la vente de l'un ou l'autres des hôtels à un tiers une fois réalisée la séparation entre les deux groupes d'actionnaires; qu'ils soulignent que le droit de préemption était réciproque et que l'opération constituée par l'apport des titres de la société Hôtel Le Faisan à la société Herveca, puis la vente par cette dernière de ces titres quelques mois plus tard, ne constitue qu'une manoeuvre des consorts Le Boursicot destinée à les empêcher d'exercer leur droit de préemption, en raison de la valorisation des parts sociales de la société Hôtel Le Faisan ;
mais considérant que le contrat d'apport en société est le contrat par lequel un associé transfère la propriété d'un bien à une société en contrepartie de droit sociaux; que la contrepartie n'étant pas un prix, l'apport en société ne constitue pas une vente et échappe à l'application d'une clause de préemption qui régit exclusivement la cession assortie d'un prix ;
considérant qu'en l'espèce, il résulte de la convention du 7 janvier 2005, que sa finalité était de maintenir un équilibre entre les deux groupes d'actionnaires et que son objet était de permettre à chacun des groupes d'actionnaires d'acquérir, par préférence, les actions détenues par l'autre groupe ;
que l'apport consenti par les consorts Le Boursicot à la société holding Herveca, exclusivement détenue par ces derniers, n'a pas porté atteinte à l'équilibre entre les deux groupes ;
que le pacte d'actionnaire stipule expressément que la clause de préemption ne s'applique qu'en cas de projet de cession assortie du paiement d'un prix ;
que dans ces conditions, il n'incombait pas aux consorts Le Boursicot, lors de l'apport à la société Herveca dont ils avaient l'entier contrôle, de proposer la cession de leurs titres à Guy Parrain et la société Accueil Hôtel à raison du droit de préemption dont ceux-ci bénéficiaient ;
considérant que la circonstance, selon laquelle les consorts Le Boursicot aient, eux-mêmes, notifié la cession des titres envisagée alors que la société Herveca en était devenue propriétaire par l'effet de l'apport, est sans portée et n'emporte aucune conséquence ;
que par cette notification, les consorts Le Boursicot ont respecté leurs obligations contractuelles au regard du droit de préemption consenti à Guy Parrain et la société Accueil Hôtel ;
que la cession étant envisagée au profit d'un tiers, le droit de préemption a été notifié sur la base du prix de cession, soit 1 340 000 euros ; que la valorisation de l'apport est sans incidence sur la faculté d'exercer le droit de préemption;
considérant dès lors, qu'aucune violation du droit de préemption ou de son exercice n'est établie, de sorte que la décision entreprise sera infirmée en toutes ses dispositions;
Sur les autres demandes:
Considérant que les dispositions de l'article 700 du code de procédure civile doivent bénéficier aux consorts Le Boursicot ; qu'il leur sera alloué à ce titre la somme de 6.000 euros mise à la charge in solidum de Guy Parrain et de la société Accueil Hôtel ; que ces derniers qui succombent en leurs prétentions doivent être déboutés de leurs demandes formées sur ce même fondement;
PAR CES MOTIFS
Statuant par décision contradictoire,
Statuant sur renvoi après cassation de la décision de la cour d'appel de Versailles du 11 mai 2007, par arrêt de la Cour de cassation rendu le 15 décembre 2009,
Infirme en toutes ses dispositions le jugement déféré,
Statuant à nouveau:
Déboute Guy Parrain et la société Accueil Hôtel de leurs demandes,
Condamne in solidum Guy Parrain et la société Accueil Hôtel à payer aux consorts Le Boursicot la somme de 6 000 euros au titre des frais irrépétibles,
Rejette toutes autres demandes,
Condamne in solidum Guy Parrain et la société Accueil Hôtel aux dépens et dit que ceux-ci pourront être recouvrés conformément aux dispositions de l'article 699 du code de procédure civile.
Prononcé par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la cour, les parties en ayant été préalablement avisés dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du Code de procédure civile.