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Décisions

Cass. com., 19 décembre 2006, n° 04-14.420

COUR DE CASSATION

Arrêt

Rejet

COMPOSITION DE LA JURIDICTION

Président :

M. Tricot

Rapporteur :

Mme Garnier

Avocat général :

M. Jobard

Avocats :

SCP Thomas-Raquin et Bénabent, SCP Boré et Salve de Bruneton

Paris, du 19 déc. 2003

19 décembre 2003

Sur le moyen unique :

Attendu, selon l'arrêt confirmatif déféré (Paris, 19 décembre 2003), que la société Belvédère, titulaire de la marque dénominative "Sobieski" n° 94 503 524 déposée le 27 janvier 1994 pour désigner en classe 33 les boissons alcoolisées à l'exception des bières, a fait assigner en annulation de ses marques la société Bat Group Poland sp ZO.O (société Bat), titulaire de la marque dénominative "Jan III Sobieski" n° 95 589 724 déposée le 26 septembre 1995 et des marques semi-figuratives reproduisant cette dénomination, n° 95 589 974 et n° 95 589 975, déposées le 27 septembre 1995, pour désigner en classe 34 les produits du tabac; qu'elle soutenait à l'appui de son action que l'adoption comme marques de produits du tabac sous la dénomination "Sobieski" portait atteinte à ses droits antérieurs sur sa propre marque, eu égard aux dispositions du code de la santé publique qui prohibent toute publicité évoquant de tels produits ;

Attendu que la société Bat fait grief à l'arrêt d'avoir annulé ses trois marques et de l'avoir condamnée au paiement de dommages-intérêts, alors, selon le moyen :

1°) qu'est prohibée toute propagande ou publicité indirecte pour un produit autre que du tabac sur lequel est apposée une marque qui rappelle des produits du tabac; que pour rappeler des produits du tabac, une marque doit être susceptible d'évoquer dans l'esprit du public un signe exploité pour désigner de tels produits ; qu'en l'absence d'exploitation d'un signe pour désigner des produits du tabac, son seul dépôt à titre de marque pour désigner de tels produits n'est pas en lui-même de nature à permettre au public d'associer ledit signe à des produits du tabac; que l'usage pour des produits autres que ceux du tabac portant sur un signe identique ou similaire à une autre marque déposée pour désigner des produits du tabac mais non exploitée pour de tels produits ne peut ainsi rappeler ceux-ci ; qu'en retenant en l'espèce que, même si elles n'étaient pas exploitées, le dépôt par elle de trois marques comportant la dénomination "Jan III Sobieski" aboutirait à l'interdiction de toute publicité ou communication utilisant cette marque et anéantirait donc la commercialisation des produits désignés sous cette appellation, en sorte que ce dépôt porterait à lui seul atteinte aux droits de la société Belvédère sur sa marque dénominative antérieure "Sobieski" désignant des boissons alcooliques, à l'exception des bières, la cour d'appel a violé ensemble les articles L. 355-25 et L. 356-26 du code de la santé publique et L. 711-4 du code de la propriété intellectuelle ;

2°) que seul un dommage actuel et certain ouvre droit à réparation ; qu'en retenant en l'espèce l'absence d'exploitation des trois marques déposées par la société BAT pour désigner du tabac et des produits de tabac, la société Belvédère n'en subissait pas moins un préjudice réparable dès lors qu'elle "devra cesser" de promouvoir ses produits sous sa marque antérieure lorsque la société Bat "exploitera" les siennes, la cour d'appel, qui a ainsi réparé un préjudice qui n'était qu'éventuel, a violé l'article 1382 du code civil ;

Mais attendu qu'aux termes de l'article L. 711-4 du code de la propriété intellectuelle, ne peut être adopté à titre de marque un signe portant atteinte à des droits antérieurs et notamment à une marque antérieurement enregistrée ; que l'arrêt retient, par motifs propres et adoptés, que le dépôt de marques, par la société Bat, est de nature à paralyser l'usage que la société Belvédère fait de sa marque, dès lors qu'elle ne peut plus exercer son droit de propriété sur le signe Sobieski, le dépôt par la société Bat des marques litigieuses privant la marque première de son efficacité et troublant gravement la jouissance résultant de cette inscription ; que, par ce seul motif, peu important l'absence d'exploitation des marques déposées par la société Bat, la cour d'appel a légalement justifié sa décision et a souverainement apprécié l'existence et le montant du préjudice ; d'où il suit que le moyen n'est pas fondé ;

PAR CES MOTIFS :

REJETTE le pourvoi.