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Décisions

CA Paris, 4e ch. A, 3 mars 2004

PARIS

Infirmation

PARTIES

Demandeur :

Ital mode accessoire (SARL)

Défendeur :

Swarovski France (SAS)

CA Paris

2 mars 2004

Vu l'appel interjeté le 28 mars 2002, par la société ITAL MODE ACCESSOIRES d'un jugement rendu le par le tribunal de grande instance de Bobigny qui a :

- dit que le produit proposé à la vente par la société ITAL MODE ACCESSOIRES, sous la référence "6 INJ FIX SPEC DIAM" constitue une contrefaçon du produit "ZIPPER" appartenant à la société D.SWAROSKI & Co.KG,

- dit que la société ITAL MODE ACCESSOIRES a commis un acte de concurrence déloyale au préjudice de la société SWAROVSKI FRANCE,

- interdit à la société ITAL MODE ACCESSOIRES de poursuivre ces agissements sous astreinte de 800 euros par infraction constatée à compter de la signification du jugement,

- condamné la société ITAL MODE ACCESSOIRES à verser à titre de dommages et intérêts la somme de 10.000 euros à la société D.SWAROSKI & Co.KG et la somme de 40.000 euros à la société SWAROVSKI FRANCE,

- autorisé la société SWAROVSKI FRANCE et la société D.SWAROSKI & Co.KG à faire publier le dispositif de la décision dans deux journaux ou revues pour un coût ne devant pas dépasser 1.500 euros par extrait,

- prononcé l'exécution provisoire,

- condamné la société ITAL MODE ACCESSOIRES à verser 800 euros à la société SWAROVSKI FRANCE et 800 euros à la société D.SWAROSKI & Co.KG au titre de l'article 700 du nouveau Code de procédure civile ;

Vu les dernières écritures en date du 19 janvier 2004, par lesquelles la société ITAL MODE ACCESSOIRES, poursuivant l'infirmation de la décision entreprise, demande à la Cour de :

- constater l'irrecevabilité des demandes des sociétés D.SWAROSKI & Co.KG et SWAROVSKI FRANCE,

- constater que ces sociétés ne peuvent revendiquer aucune originalité et aucune antériorité sur leur produit ZIPPER,

- condamner les sociétés D.SWAROSKI & Co.KG et SWAROVSKI FRANCE à lui payer la somme de 50.000 euros à titre de dommages et intérêts pour procédure abusive,

- en tant que de besoin, ordonner une mesure d'expertise,

- subsidiairement, dire qu'elle n'a commis aucun acte de contrefaçon ou de concurrence déloyale, constater que les sociétés D.SWAROSKI & Co.KG et SWAROVSKI FRANCE ne rapportent pas la preuve d'un préjudice, ramener la condamnation à la somme de 1.959,27 euros,

- en tout état de cause, condamner les sociétés D.SWAROSKI & Co.KG et SWAROVSKI FRANCE à lui payer chacune la somme de 5.000 euros au titre de l'article 700 du nouveau Code de procédure civile ;

Vu les dernières écritures en date du 23 janvier 2004, aux termes desquelles les sociétés D.SWAROSKI & Co.KG et SWAROVSKI FRANCE, poursuivant la confirmation du jugement déféré, sauf sur les actes de concurrence déloyale au préjudice de la société D.SWAROSKI & Co.KG, prient la Cour de:

- déclarer la société ITAL MODE ACCESSOIRES irrecevable en ses demandes d'expertise et de condamnation à des dommages et intérêts;

- rejeter les pièces non datées et la pièce communiquée sous le n°34,

- dire que la société ITAL MODE ACCESSOIRES a commis des actes de concurrence déloyale envers la société D.SWAROSKI & Co.KG et la condamner au paiement de la somme de 15.000 euros,

- condamner la société ITAL MODE ACCESSOIRES à verser à chacune d'elles la somme de 10.000 euros au titre de l'article 700 du nouveau Code de procédure civile.

Considérant que les sociétés D.SWAROSKI & Co.KG et SWAROVSKI FRANCE soutiennent que la demande subsidiaire d'expertise et la demande reconventionnelle en dommages et intérêts pour procédure abusive formées par la société ITAL MODE ACCESSOIRES seraient irrecevables en cause d'appel, au visa de l'article 564 du nouveau Code de procédure civile ;

Mais considérant que ces demandes ne sont, au sens de l'article 566 du même Code, que l'accessoire, le complément des prétentions soumises aux premiers juges; que le moyen sera rejeté ;

Considérant que, pour un exposé complet des faits et de la procédure, il est expressément renvoyé au jugement déféré et aux écritures des parties; qu'il suffit de rappeler que :

- la société D.SWAROSKI & Co.KG fabrique des articles de bijouterie et d'ornements en cristal,

- elle a concédé à la société SWAROVSKI FRANCE le droit exclusif de commercialiser ses produits en France,

- elle a créé en 1991, une fermeture à glissière sertie de pierres en cristal, dénommée "ZIPPER", distribuée par la société SWAROVSKI FRANCE depuis le mois d'octobre 1994,

- constatant que la société ITAL MODE ACCESSOIRES, exploitant un fonds de commerce de mercerie, de fermetures à glissière, fils, boutons, offrait à la vente un article référence "6 INJ FIX SPEC DIAM" similaire au produit "ZIPPER", les sociétés D.SWAROSKI & Co.KG et SWAROVSKI FRANCE ont fait procéder à une saisie contrefaçon dans les locaux de la société ITAL MODE ACCESSOIRES le 20 novembre 2000 ;

Considérant que h société D.SWAROSKI & Co.KG caractérise son modèle par la combinaison de :

- deux chaînes souples synthétiques à chatons,

- un fermoir à coulisse en métal,

- des chatons incrustés de pierres en cristal, de forme triangulaire sur la glissière en métal et arrondie au droit de la fermeture, qui s'emboîtent lors de la fermeture afin de présenter l'intégralité des pierres en cristal de même dimension sur une même ligne centrale,

- une tirette elle-même incrustée de pierres en cristal,

- l'alignement des pierres de la tirette, lors de la fermeture de la glissière ;

Considérant que la société D.SWAROSKI & Co.KG ne revendique sur ce modèle, qu'elle n'a pas déposé, que la protection du droit d'auteur instaurée par le livre I du Code de la propriété intellectuelle ;

Considérant qu'un modèle ne bénéficie de cette protection qu'à la condition qu'il présente un caractère original ;

Considérant que pour prétendre à la banalité de cette fermeture à glissière, la société ITAL MODE ACCESSOIRES produit aux débats divers documents dont l'attestation originale rédigée par le créateur Pascal M le 13 novembre 2002, aux termes de laquelle il déclare "avoir pris connaissance des prétentions avancées par les établissements SWAROSVSKI dans une procédure engagée à l'encontre de l'entreprise ITAL MODE ACCESSOIRES sis à Bobigny. Certifie que l'objet du litige, une fermeture à glissière présentant la particularité d'être habillée de diamants ou autres pierres précieuses, fut créé avec la participation de la société DE BEERS par un cercle de professionnels dont je faisais partie. Cette création fut concrétisée en 1975. Affirme que la société DE BEERS, pour cette création, a obtenu les honneurs d'un prix international..." ;

Qu'il n'est pas contesté que cette création a obtenu le prix DIAMOND I A W en 1975 ;

Considérant que les sociétés D.SWAROSKI & Co.KG et SWAROVSKI FRANCE sollicitent le rejet des débats de l'attestation délivrée par Pascal M, au motif qu'elle ne répondrait pas à toutes les conditions de forme exigées par l'article 202 du nouveau Code de procédure civile ;

Mais considérant, d'une part, que ces exigences ne sont pas prescrites à peine de nullité et que les sociétés D.SWAROSKI & Co.KG et SWAROVSKI FRANCE ne précisent aucunement en quoi ces irrégularités de pure forme leur ferait grief ;

Que d'autre part, cette attestation originale, portant la signature de son auteur et à laquelle est jointe la photocopie de la carte d'identité de celui-ci, présente des garanties suffisantes et constitue un mode pertinent de preuve; que de sorte il n'y a lieu d'écarter cette pièce des débats, communiquée sous le n° 34 ;

Considérant qu'est joint à l'attestation de Pascal M la photocopie de la fermeture à glissière incrustée de diamants, créée en 1975, permettant distinctement de visualiser les caractéristiques et les détails de cette ocuvre ; qu'il s'ensuit que les sociétés D.SWAROSKI & Co.KG et SWAROVSKI FRANCE, qui ont pu utilement examiner ce document pour présenter leur argumentation, ne peuvent davantage solliciter le rejet de cette pièce ;

Considérant que la fermeture à glissière créée par la société D.SWAROSKI & Co.KG en 1991, ne présente ni dans sa disposition d'incrustations de pierres, ni dans son architecture, ni dans sa ligne, aucun élément caractéristique qui la distingue de celle réalisée en 1975 par Pascal M et la société DE BEERS, la seule différence tenant à la forme de la tirette étant insuffisante pour révéler un effort de création portant l'empreinte de la personnalité de l'auteur ;

Que de sorte, le modèle de la société D.SWAROSKI & Co.KG ne répond pas au caractère d'originalité requis et n'est pas protégeable sur le fondement du Livre I du Code de la propriété intellectuelle ;

Qu'il s'ensuit que la société D.SWAROSKI & Co.KG sera déboutée de sa demande en contrefaçon ;

Considérant que le modèle de fermeture à glissière de la société D.SWAROSKI & Co.KG, antériorisé par le modèle créé par Pascal M et la société DE BEERS, ne bénéficiant pas de droits privatifs de propriété intellectuelle, le seul fait de commercialiser un modèle similaire ne constitue pas un acte de concurrence déloyale à l'égard de la société SWAROSVSKI & Co.KG et de la société SWAROVSKI FRANCE ;

Que la vente à un prix inférieur, justifié par la différence des matériaux utilisés, dès lors qu'il n'est pas vil, ne constitue pas un agissement fautif ;

Que de sorte, le grief de concurrence déloyale doit être rejeté ;

Considérant qu'il ne peut être faire grief aux sociétés D.SWAROSKI & Co.KG et SWAROVSKI FRANCE d'avoir voulu, par l'exercice des voies procédurales en cause, faire reconnaître ce qu'elles pouvaient, sans mauvaise foi ni intention de nuire, estimer être leurs droits ; que la demande reconventionnelle en dommages et intérêts formée par la société ITAL MODE ACCESSOIRES sera dès lors rejetée ;

Considérant en revanche que les dispositions de l'article 700 du nouveau Code de procédure civile doivent bénéficier à la société ITAL MODE ACCESSOIRES; qu'il lui sera alloué à ce titre la somme de 5.000 euros ; que les sociétés D.SWAROSKI & Co.KG et SWAROVSKI FRANCE qui succombent en leurs prétentions doivent être déboutées de leur demande formée sur ce même fondement ;

PAR CES MOTIFS

Infirme le jugement déféré, sauf en ce qu'il a débouté la société D.SWAROSKI & Co.KG de sa demande en concurrence déloyale ;

Statuant à nouveau :

Déboute la société D.SWAROSKI & Co.KG de sa demande en contrefaçon ;

Déboute la société SWAROVSKI FRANCE de sa demande en concurrence déloyale ;

Condamne in solidum les sociétés D.SWAROSKI & Co.KG et SWAROVSKI FRANCE à payer à la société ITAL MODE ACCESSOIRES la somme de 5.000 euros au titre des frais irrépétibles d'appel ;

Rejette toutes autres demandes ;

Condamne in solidum les sociétés D.SWAROSKI & Co.KG et SWAROVSKI FRANCE aux dépens et dit que ceux-ci pourront être recouvrés conformément aux dispositions de l'article 699 du nouveau Code de procédure civile.