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Décisions

Cass. com., 9 juin 2004, n° 01-13.349

COUR DE CASSATION

Arrêt

Cassation

COMPOSITION DE LA JURIDICTION

Président :

M. Tricot

Rapporteur :

Mme Gueguen

Avocat général :

M. Lafortune

Avocats :

SCP Nicolay et de Lanouvelle, SCP Thouin-Palat et Urtin-Petit

Angers, du 7 mai 2001

7 mai 2001

Attendu, selon l'arrêt attaqué, que M. X, horticulteur à titre individuel, a constitué, en 1994, une EARL avec son épouse et ses enfants ; que M. et Mme X, mariés sous le régime de la communauté légale, ont fait apport en nature à cette société d'un ensemble de serres et de tunnels, ainsi que de matériel d'exploitation, de transport, de bureau et de stocks, pour un montant brut total estimé à 3 278 558 francs, la société s'engageant à prendre en charge le remboursement de divers prêts aux lieu et place de M. et Mme X pour un montant de 2 728 558 francs en capital ; qu'à l'occasion de l'enregistrement des statuts de la société, cet apport, déclaré par M. et Mme X comme étant de nature mobilière, a fait l'objet de la perception d'un droit fixe de 500 francs ; qu'en 1995, les époux X ont également cédé à titre onéreux à l'EARL le reste des éléments mobiliers constituant l'exploitation horticole, avec effet rétroactif au 1er février 1994 ; qu'à la suite d'une vérification de comptabilité de l'EARL, l'administration fiscale, estimant qu'il y avait eu apport à la société de l'ensemble des éléments d'actif immobilisé affectés à l'exercice de l'activité professionnelle, a considéré que les dispositions de l'article 809-I bis du Code général des impôts étaient applicables, et qu'en l'absence d'engagement de conserver les titres remis en contrepartie de l'apport net, la prise en charge du passif dont étaient grevés les immeubles, qui transformait l'apport en nature pur et simple en apport en nature à titre onéreux à due concurrence, devait donner ouverture au droit de mutation ; que M. et Mme X ont alors, par acte enregistré le 30 décembre 1996, pris l'engagement de conserver les parts de l'EARL pendant une durée de cinq ans ; que, cependant, et malgré les protestations de celle-ci, le redressement notifié à l'EARL a été mis en recouvrement ; qu'après le rejet de sa réclamation, l'EARL a saisi le tribunal qui, par jugement du 9 novembre 1999, dont l'Administration a fait appel, a prononcé la décharge des impositions ;

Sur le moyen unique, pris en sa première branche :

Attendu que l'EARL fait grief à l'arrêt d'avoir infirmé le jugement et rejeté ses demandes, alors, selon le moyen, que le caractère d'immeuble par destination, que présente tout effet mobilier que le propriétaire a attaché au fonds pour son service ou son exploitation, disparaît lorsque l'objet immobilisé, qui peut sans dommage être détaché du fonds, se trouve séparé de celui-ci ; qu'en retenant pourtant, pour décider qu'à défaut d'engagement des apporteurs de conserver pendant cinq ans les parts sociales reçues en contrepartie de leur apport, celui-ci devait être soumis aux droits de mutation prévus à l'article 809-I bis du Code général des impôts, que le caractère temporaire des serres démontables édifiées dans le cadre de l'exploitation qui était transmise à la société était sans incidence sur leur nature puisqu'elles étaient fixées au sol par des dés de béton qui assuraient leur immobilité, la cour d'appel a violé les articles 524 et 525 du Code civil ;

Mais attendu que la cour d'appel, qui a relevé que la fixation au sol des serres était réalisée par des dés de béton, assurant leur immobilité, et assimilables à des fondations, a, à bon droit, décidé que ces serres constituaient des immeubles par nature ; que le moyen n'est pas fondé ;

Mais sur le moyen unique, pris en sa deuxième branche :

Vu l'article 809-I bis du Code général des impôts ;

Attendu que pour rejeter les demandes de l'EARL, la cour d'appel a considéré que la vente à celle-ci par M. et Mme X d'éléments mobiliers, en 1995, avec effet rétroactif de la cession au moment de la constitution de l'EARL, montrait que cette dernière était en possession de l'ensemble des biens de l'exploitation horticole ; qu'elle en a déduit que la preuve était ainsi rapportée de la réalité de l'apport à l'EARL de l'ensemble des éléments d'actif immobilisé affectés à l'exercice de l'activité professionnelle, rendant applicable les dispositions de l'article 809-I bis du Code général des impôts ;

Attendu qu'en statuant ainsi, alors qu'une vente ne peut être assimilée à un apport, la cour d'appel, qui n'a pas tiré les conséquences légales de ses constatations, a violé le texte susvisé ;

PAR CES MOTIFS, et sans qu'il y ait lieu de statuer sur les troisième et quatrième branches du moyen :

CASSE ET ANNULE, dans toutes ses dispositions, l'arrêt rendu le 7 mai 2001, entre les parties, par la cour d'appel d'Angers ;

remet, en conséquence, la cause et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant ledit arrêt et, pour être fait droit, les renvoie devant la cour d'appel de Rennes.