Livv
Décisions

Cass. crim., 13 septembre 2006, n° 05-84.111

COUR DE CASSATION

Arrêt

Cassation

COMPOSITION DE LA JURIDICTION

Président :

M. Cotte

Rapporteur :

M. Chanut

Avocat général :

M. Fréchède

Avocats :

SCP Lyon-Caen, Fabiani et Thiriez, SCP Piwnica et Molinié

Bourges, du 26 mai 2005

26 mai 2005

Attendu qu'il résulte de l'arrêt attaqué qu'à la suite d'un contrôle de gestion de la commune de Montluçon par la chambre régionale des comptes d'Auvergne et de la transmission au procureur de la République par le commissaire du gouvernement d'une note dénonçant les conditions de prise en charge par la commune de la rémunération de certains agents affectés au groupe des élus communistes et républicains de la mairie et mettant en doute la réalité du travail de ces personnes au profit de la commune, ce magistrat a ordonné une enquête préliminaire le 29 août 2000 ; qu'au cours de cette enquête, Didier Z..., agent municipal, a révélé que lui-même et deux autres personnes avaient été rémunérés sur le budget de la commune, de décembre 1985 à avril 1997, au titre du secrétariat des élus communistes et républicains, alors qu'ils étaient en réalité affectés à l'exploitation d'une radio locale entretenant des liens privilégiés avec la majorité municipale communiste ; qu'il est apparu que le conseil municipal avait adopté en 1989 un règlement intérieur créant huit emplois pour le secrétariat des groupes d'élus, dont quatre pour celui du groupe des élus communistes et républicains mais qu'à la différence de ceux des autres groupes, les agents affectés à celui des élus communistes et républicains n'exerçaient pas leurs activités dans les bureaux de la mairie, mais dans ceux de la fédération de l'Allier du parti communiste et de l'association Radio Montluçon Bourbonnais ;

Attendu que le procureur de la République a fait, notamment, citer Pierre X... et Jean-Claude Y..., maires successifs de Montluçon de décembre 1985 à août 2000, devant le tribunal correctionnel pour abus de confiance et détournement de fonds publics ; que, par arrêt du 17 novembre 2004, la chambre criminelle de la Cour de cassation a cassé l'arrêt rendu le 19 juin 2003 par la cour d'appel de Riom ayant relaxé les prévenus et débouté la partie civile de ses demandes ;

En cet état :

Sur le premier moyen de cassation, pris de la violation des articles 1382 du code civil, 314-1 et 432-15 du code pénal, 7, 8 et 593 du code de procédure pénale, défaut de motifs et manque de base légale ;

" en ce que l'arrêt attaqué a rejeté l'exception de prescription de l'action publique concernant les faits commis avant le 29 août 1998 ;

" aux motifs que, "si les autorités de tutelle ont pu disposer d'informations concernant les emplois présumés fictifs relativement à l'identité des personnes recrutées énumérées par la prévention, à leur statut, à leur traitement et à leur affectation théorique, elles ne disposaient pas des informations relatives à l'affectation réelle de ces personnes, laquelle a été soigneusement dissimulée jusque et y compris pendant les opérations de contrôle de la chambre régionale des comptes d'Auvergne en 2000 et que les agissements frauduleux des prévenus n'ont pu finalement être mis à jour que grâce aux investigations approfondies de cet organisme de contrôle et par la dénonciation en date du 29 décembre 2000 de Didier Z... ;

" alors que, l'insuffisance de motifs équivaut à l'absence de motifs ; qu'il appartenait à la cour d'appel de préciser en quoi le fait d'affecter du personnel municipal hors des locaux de la municipalité ou à une radio locale pouvait être considéré comme n'ayant pas permis de découvrir l'infraction ; qu'en effet, faute de préciser quelle était l'affectation théorique prévue et donc en quoi elle aurait permis de dissimuler l'affectation réelle du personnel, l'arrêt ne met pas la Cour de cassation en mesure d'exercer son contrôle " ;

Attendu que, pour rejeter l'exception de prescription de l'action publique, les juges retiennent que l'emploi véritable des agents municipaux affectés au groupe des élus communistes et républicains a été dissimulé "jusque et y compris pendant les opérations de contrôle de la Chambre régionale des comptes d'Auvergne en 2000, et que les agissements frauduleux des prévenus n'ont pu finalement être mis à jour que grâce aux investigations approfondies de cet organisme de contrôle et à la dénonciation de Didier Z..." ; qu'ils ajoutent que le premier acte interruptif de prescription est intervenu le 29 août 2000, date à laquelle le procureur de la République, a ordonné une enquête ;

Attendu qu'en l'état de ces énonciations, procédant de son appréciation souveraine, et d'où il résulte que moins de trois ans se sont écoulés entre la date à laquelle les faits ont pu être constatés et le premier acte interruptif de prescription, la cour d'appel a justifié sa décision ;

D'où il suit que le moyen doit être écarté ;

Sur le second moyen de cassation, pris de la violation des articles 1382 du code civil, 32 bis de la loi n° 92-125 du 6 février 1992 d'orientation relative à l'administration territoriale de la République, issue de la loi n° 95-65 du 19 janvier 1995 relative au financement de la vie publique, 314-1, 432-15 du Code pénal, article 2 de la loi n° 88-828 portant amnistie, 19 de la loi n° 90-55 du 15 janvier 1990, loi relative à la limitation des dépenses électorales et à la clarification du financement des activités politiques, 459, 591 et 593 du code de procédure pénale, défaut de motifs et manque de base légale ;

" en ce que l'arrêt attaqué a déclaré Pierre X... coupable d'abus de confiance pour les faits antérieurs au 1er mars 1994 et détournement de fonds publics pour les faits postérieurs et Jean-Claude Y... coupable des mêmes faits, commis jusqu'au 31 août 2000 et les a condamnés pénalement ;

" aux motifs que "les emplois visés par la prévention concernent les postes occupés par Martine A..., Annie B..., José C... et Carole D... ; que les investigations diligentées par le SRPJ de Clermont-Ferrand ont mis en évidence l'intervention tout à fait marginale de ces 4 agents communaux contractuels affectés au secrétariat du groupe des élus communistes et républicains, de la municipalité de Montluçon, par rapport au personnel assumant des fonctions identiques au sein des autres groupes politiques constitués ; qu'ainsi à la différence des collaborateurs du groupe des élus communistes et républicains, ceux du groupe socialiste et du groupe d'opposition, entendus dans le cadre de l'enquête, travaillaient tous dans le bureau qui leur était réservé à la mairie, disposaient tous des moyens nécessaires à leur activité administrative (ordinateur, téléphone, photocopieur) moyens matériels mis à la disposition des groupes politiques par la mairie en application de la loi du 19 janvier 1995 sur le financement de la vie politique, et étaient bien connus enfin de l'ensemble des services de la mairie, même de la part de ceux qui n'avaient guère l'occasion de travailler avec eux ; que le groupe des élus communistes et républicains fonctionnait au contraire de manière totalement indépendante et autonome par rapport à la mairie et surtout dans la quasi-clandestinité ; qu'ainsi, l'accueil et le standard téléphonique de la mairie ne recevaient jamais d'appels les concernant ; que le service du courrier ne leur portait jamais de courrier rue de la Poterie, alors qu'il en portait aux autres fonctionnaires délocalisés ;

que le groupe n'était pas connecté au réseau intranet de la mairie alors que les deux autres secrétariats l'étaient ; qu'il ne figurait pas davantage sur les documents officiels de mairie, qu'il s'agisse des annuaires papier ou des listes Internet ; que d'autres fonctionnaires de mairie, également localisés à l'extérieur ou mis à la disposition d'associations, figuraient pourtant bien dans les annuaires officiels ;

que l'enquête a encore révélé que la direction du personnel de la mairie ne disposait d'aucun élément concernant les congés annuels des collaborateurs du groupe ; que les deux responsables administratifs principaux de la ville, le secrétaire général et le directeur de cabinet du maire ont été incapables d'indiquer la localisation exacte des bureaux occupés par les 4 agents concernés ; l'activité de ces mêmes agents ne se conçoit en outre que s'il n'existe pas d'autre structure pour accomplir leur travail, qui par ailleurs doit être au minimum vérifiable et quantifiable ; que le groupe des élus communistes et républicains disposait déjà à la mairie auprès des adjoints et au sein même du cabinet du maire, de fonctionnaires effectuant leur secrétariat ; que les dossiers saisis par le SRPJ rue de la poterie, qui remplissaient un carton de 70 cm de long, ne peuvent faire illusion par leur volume si on les rapporte à la période de 10 années qu'ils sont censés couvrir et si l'on considère surtout que 3 personnes, Annie B..., Martine A... et José C... ont été employées à temps plein pour ce travail de 1993 à 1998 ; que ces dossiers essentiellement constitués de photocopies de textes juridiques, d'articles de presse et de documents internes au PCF, ne représentent aucun intérêt particulier pour la municipalité et ne sont le résultat d'aucun travail des agents affectés au groupe des élus communistes et républicains si l'on considère la valeur ajoutée que ces agents sont censés apportés aux élus ; que, concernant les emplois à RMB, les emplois visés par la prévention concernent les postes occupés par Didier E..., Eric F... et Didier Z... ; que les trois salariés concernés ont toujours exprimé clairement et de manière concordante qu'ils n'avaient jamais travaillé que pour RMB et que leur rémunération par la mairie n'était qu'un subterfuge pour qu'ils soient payés ; que, de fait, jamais ces emplois ne sont apparus en tant que tels dans les comptes de la commune ; qu'il y a toujours eu à leur sujet dissimulation parfaite, au point que la chambre régionale des comptes, lors de son contrôle, s'est posée la question de la réalité des emplois occupés par les salariés affectés au secrétariat du groupe des élus communistes et républicains, mais n'a pu en faire autant pour les emplois à RMB ; que ce n'est qu'à la suite du courrier de Didier Z... du 29 décembre 2000 dénonçant la situation des salariés de RMB que l'existence de ces emplois a été révélée ; que les prévenus, expliquant qu'il s'agit plus d'une maladresse que d'un détournement, prétendent que rien n'empêchait la mairie, qui versait déjà des subventions à l'association gérant cette radio locale, de mettre aussi à sa disposition des personnels municipaux ; que cependant, la mise à disposition d'employés municipaux à RMB nécessitait une décision préalable du conseil municipal ;

qu'en l'espèce, si celui-ci a bien débattu des aides à apporter à RMB, il s'est toujours opposé à la création de nouveaux emplois aux fins de mise à disposition ; qu'en salariant des personnes travaillant pour RMB et en les déclarant comme faisant partie du groupe des élus communistes et républicains, il était ainsi possible de contourner la décision négative du conseil municipal ; que rien ne justifie en tout état de cause, au delà des subventions déjà importantes et qui n'ont fait que croître, accordées par la municipalité à RMB qu'une mairie ait pris à sa charge pendant plus de 10 ans les salaires des 3 agents en cause, l'activité d'une station de radio ne relevant pas des missions qu'une collectivité locale doit assumer ; que l'élément intentionnel se déduit suffisamment en l'espèce de la clandestinité des emplois litigieux et du choix délibéré qu'ont fait les prévenus de maintenir l'irrégularité des situations postérieurement à l'entrée en vigueur de la loi du 19 janvier 1995 sur le financement de la vie politique ; que cette loi prévoyait en effet que la création de groupes d'élus était réservée aux communes de plus de 100 000 habitants ; qu'en outre et afin de préserver les fonds publics, les crédits affectés à ces dépenses de personnel étaient plafonnés à 25 % du montant total des indemnités versées aux élus ; que l'équipe chargée à l'époque des intérêts de la ville, qui aurait dû mettre fin aux pratiques antérieures dès lors que la commune de Montluçon était peuplée de moins de 100 000 habitants, considéra au contraire que les recrutements opérés pour les besoins des groupes d'élus avant l'entrée en vigueur de la loi, n'étaient pas remis en cause par celle-ci ; que pour chacun des prévenus, l'élément intentionnel est plus spécialement caractérisé comme suit : que concernant Pierre X..., celui-ci a été à l'origine de la création du secrétariat des élus et a signé la plus grande partie des contrats d'embauche litigieux ainsi que les avenants, et ce pendant des années ; qu'il a agi de même pour RMB, sa place de maire lui faisant tenir un rôle décisionnel et d'impulsion centrale et incontournable, qu'il revendique d'ailleurs ; que la dissimulation de l'activité exacte de tous ces agents sous couvert des intitulés erronés de leurs fonctions et attributions qu'on peut lire sur leurs contrats d'embauche ou leurs avenants et sur leur feuille de salaire, atteste là encore d'une volonté délibérée de cacher la réalité de leurs attributions ; que, concernant Jean-Claude Y..., il ressort des explications de celui-ci que le personnel affecté aux différents secrétariats des élus étaient recrutés par les présidents de groupe qui soumettaient ces candidatures au maire ; qu'en l'espèce, c'est lui-même, en tant que Président du groupe communiste, qui soumettait ces propositions à Pierre X... ; qu'il a ainsi présenté à ce dernier, les candidatures de Martine A..., Annie B..., José C... et Carole D... ;

qu'il indique que ces personnes étaient placées sous son autorité et qu'il connaissait parfaitement la nature de leurs fonctions ; que de même, il n'ignorait pas qu'Eric F..., Didier E... et Didier Z... n'ont jamais travaillé pour les élus mais seulement pour RMB : que peu importe qu'il n'ait pas signé lui-même l'embauche des agents en cause, ni les contrats annuels successifs de renouvellement, tâche qui incomba à Pierre X... ; qu'il a en effet laissé perdurer cet état de fait en toute connaissance de cause alors qu'il était président du groupe des élus communistes et que tous les arrêtés municipaux, contrats et feuilles de salaire indiquent que ces personnes étaient recrutées pour travailler au secrétariat du groupe d'élus " ;

" alors que, d'une part, le détournement de fonds implique la preuve de l'utilisation des fonds à des fins autres que celles pour lesquelles ils ont été remis ; que la cour d'appel n'a pas recherché, comme l'y invitaient les conclusions déposées pour les prévenus, si l'affectation des employés municipaux prévue par les délibérations municipales ou les contrats les concernant était uniquement une affectation dans les locaux de la mairie et surtout si cette affectation aux groupes d'élus permettait de distinguer une activité de simple secrétariat dans l'intérêt communal de l'activité politique du groupe d'élus à la disposition duquel ce personnel était mis ; qu'à cet égard, la loi du 19 janvier 1995 qui est venue autoriser l'affectation de personnel aux groupes d'élus dans des conditions précises, exclut toute contrôle de l'activité de ce personnel, dès lors qu'elle ne définit pas cette activité, ne précisant pas que celle-ci ne peut être qu'une activité de secrétariat, et qu'elle ne peut en aucun cas comporter d'aspect politique ; que, dès lors, la cour d'appel ne pouvait considérer, sans répondre à ce chef péremptoire de conclusions, que les prévenus avaient détourné des fonds publics en affectant le personnel à des fonctions autres que de secrétariat dans l'intérêt communal, sans considération de l'activité politique du groupe d'élus auquel il était affecté ;

" alors que, d'autre part, le détournement de fonds publics implique la conscience d'utiliser ceux-ci à des fins autres que celles pour lesquelles ils ont été remis ; que, dès lors qu'il était soutenu, dans les conclusions déposées par les prévenus, que la délibération de 1996 portant affectation au groupe d'élus de personnel n'avait fait l'objet d'aucune opposition de l'autorité préfectorale, ce qui excluait tout détournement, la cour d'appel ne pouvait déduire du maintien de telles affectations après l'entrée en vigueur de la loi du 19 janvier 1995 qui n'autorisait plus de telles affectations que dans les communes de plus de 100 000 habitants, que les fonds publics avaient été détournés en toute connaissance de cause, sans répondre à ce chef péremptoire de conclusions ;

" alors que, de troisième part, l'abus de confiance résulte du détournement de fonds qui ont été remis à charge d'en faire un usage déterminé ; que le détournement de fonds publics ne peut être commis que par la personne qui en est dépositaire ou qui en a la disposition ; que dès lors, la cour d'appel ne pouvait déclarer Jean-Claude Y... coupable de ces infractions pour avoir fait engager par le maire de la commune des agents dont il savait qu'ils ne seraient pas affectés au groupe d'élus communistes et avoir su que d'autres agents avaient faussement été engagés en qualité de collaborateurs du groupe d'élus qu'il présidait, dès lors qu'il n'avait pas la disposition des fonds de la commune, le maire seul ayant cette disposition en sa qualité d'ordonnateur des dépenses communales, sans violer les articles 408 de l'ancien code pénal, 314-1 et 432-12 du code pénal ;

" alors qu'en tout état de cause, s'agissant des faits commis avant l'entrée en vigueur de la loi du 19 janvier 1995, l'article 32 bis III, de la loi n° 92-125 du 6 février 1992 d'orientation relative à l'administration territoriale créé par la loi précitée du 19 janvier 1995 ; prévoit que sont validés les actes pris en application des délibérations portant sur l'affectation de personnel aux groupes d'élus antérieures à l'entrée en vigueur de la loi précitée ; qu'ainsi, tous les faits en rapport avec la mise à disposition de personnel aux groupes d'élus commis avant l'entrée en vigueur de ladite loi, ne pouvaient plus être considérés comme illicites et comme tels constitutifs d'abus de confiance ou de détournement de fonds publics ; qu'en ne constatant pas une telle validation, la cour d'appel a violé l'article 32 bis III précité ;

" alors qu'enfin, la loi n° 88-828 portant amnistie prévoyait l'amnistie pour tous les délits en relation avec les élections de toute nature, notamment en relation avec le financement direct ou indirect de campagnes électorales ou de partis politiques avant le 11 mars 1988, à l'exception de ceux prévus par les articles 257-3 et 435 du code pénal et des délits concernant le vote par procuration et le vote par correspondance (art. 2, 5) ; que l'article 19 de la loi n° 90-55 du 15 janvier 1990, relative à la limitation des dépenses électorales et à la clarification du financement des activités politiques est venu prévoir que, sauf en cas d'enrichissement personnel, sont amnistiées toutes les infractions commises avant le 15 juin 1989 en relation avec le financement direct ou indirect de campagnes électorales ou de partis ou de groupements politiques ; que ces lois d'amnistie étant antérieures aux poursuites, les juges ne pouvaient connaître des faits commis avant le 15 juin 1989, même pour statuer sur l'action civile, en application de l'article 24 de la loi précitée du 11 mars 1988 prévoyant que le juge répressif peut se prononcer sur l'action civile concernant les faits amnistiés uniquement lorsqu'il est déjà saisi de tels faits, avant l'entrée en vigueur de la loi d'amnistie " ;

Sur le moyen, pris en ses trois premières branches :

Attendu que, pour déclarer Pierre-Bernard X... et Jean-Claude Y... coupables des faits reprochés, l'arrêt, par motifs propres et adoptés, énonce que, s'agissant des emplois localisés au siège de la Fédération de l'Allier du parti communiste, les fonctions effectivement exercées étaient d'ordre purement politique, sans accomplissement d'aucun travail pour la municipalité ; que trois autres agents travaillaient pour l'association Radio Montluçon Bourbonnais, emplois inexistants dans les comptes de la commune, et ce alors même que le conseil municipal s'était opposé à la création de postes pour un tel détachement ; que l'élément intentionnel des infractions est caractérisé par la clandestinité des emplois réels ; que Pierre X... a signé la plupart des contrats d'embauche des agents concernés, renouvelés d'année en année ; que Jean-Pierre Y... a admis que les agents, dont il avait présenté la candidature, affectés au secrétariat du groupe d'élus dont il était le président, étaient placés sous son autorité et qu'il connaissait parfaitement la nature de leurs fonctions ;

Attendu qu'en prononçant ainsi, et dès lors que l'affectation, en connaissance de cause, des agents municipaux, à des tâches non conformes aux emplois prévus, implique le détournement de leur rémunération, opérée par prélèvement sur le budget de la commune, la cour d'appel, qui a répondu aux chefs péremptoires des conclusions dont elle était saisie, a justifié sa décision ;

Sur le moyen, pris en sa quatrième branche :

Attendu que les demandeurs ne sauraient se prévaloir de dispositions de la loi du 19 janvier 1995 relative au financement de la vie politique, validant les actes antérieurs à son entrée en vigueur, pris en application des délibérations portant sur l'affectation de personnel des collectivités territoriales aux groupes d'élus, dès lors qu'en l'espèce, les juges ont constaté le caractère fictif des emplois en cause ;

Mais, sur le moyen, pris en sa cinquième branche :

Vu l'article 19 de la loi du 15 janvier 1990 ;

Attendu qu'en application de ce texte, sont amnistiées, sauf en cas d'enrichissement personnel de leurs auteurs, toutes infractions commises avant le 15 juin 1989 en relation avec le financement direct ou indirect de campagnes électorales ou de partis et de groupements politiques, à l'exclusion des infractions prévues par les articles 132 à 138 et 175 à 179 du code pénal ;

Attendu que, pour refuser au prévenu le bénéfice de l'amnistie prévue par l'article 19 de la loi du 15 janvier 1990, la cour d'appel énonce que les faits délictueux commis avant le 15 juin 1989 se sont poursuivis au-delà de cette date ;

Mais attendu qu'en statuant ainsi, alors que le délit d'abus de confiance résultant du paiement de salaires rémunérant des emplois fictifs est une infraction instantanée, consommée lors de chaque paiement indû, la cour d'appel, qui ne fait état d'aucun enrichissement personnel, a méconnu le texte susvisé ;

D'où il suit que la cassation est encourue de ce chef ; qu'elle aura lieu par voie de retranchement, les peines étant justifiées par les déclarations de culpabilité prononcées pour les faits non amnistiés ;

Par ces motifs :

CASSE et ANNULE, par voie de retranchement, l'arrêt susvisé de la cour d'appel de Bourges, en date du 26 mai 2005, mais en ses seules dispositions ayant déclaré les prévenus coupables des faits commis antérieurement au 15 juin 1989, toutes autres dispositions étant expressément maintenues ;

DECLARE l'action publique éteinte en ce qui concerne les faits amnistiés ;

DIT n'y avoir lieu à renvoi ;

ORDONNE l'impression du présent arrêt, sa transcription sur les registres du greffe de la cour d'appel de Bourges, sa mention en marge où à la suite de l'arrêt partiellement annulé ;

Ainsi jugé et prononcé par la Cour de cassation, chambre criminelle, en son audience publique, les jour, mois et an que dessus.