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Décisions

Cass. com., 6 décembre 2016, n° 15-19.048

COUR DE CASSATION

Arrêt

Rejet

COMPOSITION DE LA JURIDICTION

Président :

Mme Mouillard

Rapporteur :

Mme Darbois

Avocat général :

M. Debacq

Avocats :

SCP Hémery et Thomas-Raquin, SCP Spinosi et Sureau

Paris, du 31 mars 2015

31 mars 2015

Sur le premier moyen, pris en ses première, deuxième et septième à neuvième branches :

Attendu, selon l'arrêt attaqué (Paris, 31 mars 2015), que la société Vente-privee. com, qui organise des ventes sur son site internet accessible par le nom de domaine « vente-privee. com », est titulaire d'une marque semi-figurative « vente-privee » et de trois marques semi-figuratives « vente-privee. com » enregistrées en 2004 et 2005, ainsi que de la marque verbale « vente-privee. com » n° 3623085 enregistrée le 16 janvier 2009 ; que la société Showroomprive. com, qui a la même activité et qui est titulaire de marques comprenant le signe « showroomprive. com », l'a assignée, le 5 septembre 2012, en nullité, pour défaut de caractère distinctif et pour dépôt frauduleux, de la marque verbale « vente-privee. com » n° 3623085 pour les services de la classe 35 ;

Attendu que la société Showroomprive. com fait grief à l'arrêt de rejeter sa demande d'annulation de la marque verbale « vente-privee. com » n° 3623085 pour défaut de caractère distinctif alors, selon le moyen :

1°) que sont refusés à l'enregistrement ou susceptibles d'être déclarés nuls s'ils sont enregistrés les signes qui ne peuvent constituer une marque et les signes qui sont dépourvus de caractère distinctif ; que, toutefois, une marque n'est pas refusée à l'enregistrement ou, si elle est enregistrée, n'est pas susceptible d'être déclarée nulle pour absence de caractère distinctif si, avant la date d'enregistrement et après l'usage qui en a été fait, elle a acquis un caractère distinctif ; que les Etats membres peuvent prévoir la même solution lorsque le caractère distinctif a été acquis après l'enregistrement ; que la Cour de justice de l'Union européenne a dit pour droit que lorsqu'un Etat membre n'a pas fait usage de la faculté prévue à l'article 3, paragraphe 3, seconde phrase, de la directive 2008/ 95, l'article 3, paragraphe 3, première phrase, de cette directive doit être interprété en ce sens que, dans le cadre d'une procédure de nullité visant une marque dépourvue de caractère distinctif intrinsèque, il convient, afin d'apprécier si cette marque a acquis un caractère distinctif par l'usage, d'examiner si un tel caractère a été acquis avant la date du dépôt de la demande d'enregistrement de cette marque (arrêt du 19 juin 2014, Oberbank AG, Banco Santander SA, Santander Consumer Bank AG c/ Deutscher Sparkassen-und Giroverband eV, C-217/ 13 et C-218/ 13) ; qu'en affirmant que l'interprétation de l'article L. 711-2 du code de la propriété intellectuelle à la lumière de l'article 3 § 3 de la directive sur les marques permettait de tenir compte, pour apprécier la validité d'une marque dépourvue de caractère distinctif intrinsèque, de l'usage postérieur à l'enregistrement, quand l'article L. 711-2 ne prévoit pourtant pas expressément une telle possibilité, la cour d'appel a manifestement violé l'article L. 711-2 du code de la propriété intellectuelle, ensemble l'article 3 § 3 de la directive 2008/ 95/ CE du Parlement européen et du Conseil du 22 octobre 2008 rapprochant les législations des Etats membres sur les marques tel qu'interprété par la Cour de justice de l'Union européenne ;

2°) qu'en admettant même que le juge puisse tenir compte de l'usage postérieur à la demande d'enregistrement pour apprécier le caractère distinctif d'une marque qui en est intrinsèquement dépourvue, il ne peut se fonder sur des éléments postérieurs à la demande en nullité de la marque ; qu'en considérant que le juge devait se placer au jour où il statuait pour apprécier la demande en nullité de la marque « vente-privee. com », quand il devait toutefois se placer au jour où la demande en nullité avait été formée, la cour d'appel a violé l'article L. 711-2 du code de la propriété intellectuelle, ensemble l'article 3, paragraphe 3, de la directive 2008/ 95/ CE du Parlement européen et du Conseil du 22 octobre 2008 rapprochant les législations des Etats membres sur les marques ;

3°) que l'acquisition du caractère distinctif d'un signe ne peut être prouvée que par un usage dudit signe par son titulaire à titre de marque ; qu'en se référant cependant à des éléments caractérisant un usage du signe en tant que nom de domaine et non en tant que marque, la cour d'appel a violé l'article L. 711-2 du code de la propriété intellectuelle, ensemble l'article 3, paragraphe 3, de la directive 2008/ 95/ CE du Parlement européen et du Conseil du 22 octobre 2008 rapprochant les législations des Etats membres sur les marques ;

4°) que l'acquisition du caractère distinctif d'un signe ne peut être prouvée que par un usage dudit signe par son titulaire à titre de marque ; qu'en tenant compte de publications, faites dans les médias, du signe « vente-privee. com » sans expliquer en quoi cet usage avait été fait à titre de marque, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard des articles L. 711-2 du code de la propriété intellectuelle et 3, paragraphe 3, de la directive 2008/ 95/ CE du Parlement européen et du Conseil du 22 octobre 2008 rapprochant les législations des Etats membres sur les marques ;

5°) que l'acquisition du caractère distinctif d'un signe ne peut être prouvée que par un usage dudit signe par son titulaire à titre de marque ; qu'en tenant compte des articles ou des extraits d'articles de presse pour juger que la marque « vente-privee. com » avait acquis un caractère distinctif par l'usage, quand de tels usages, qui sont le fait de tiers, ne sauraient être assimilés à un usage du signe réalisé à titre de marque par la société Vente-privee. com, la cour d'appel a violé l'article L. 711-2 du code de la propriété intellectuelle ainsi que l'article 3, paragraphe 3, de la directive 2008/ 95/ CE du Parlement européen et du Conseil du 22 octobre 2008 rapprochant les législations des Etats membres sur les marques ;

Mais attendu, en premier lieu, qu'en prévoyant, au dernier alinéa de l'article L. 711-2 du code de la propriété intellectuelle, que le caractère distinctif d'un signe de nature à constituer une marque « peut, sauf dans le cas prévu au c, être acquis par l'usage », la France a usé de la faculté laissée aux Etats membres par l'article 3, § 3 dernière phrase, de la directive 2008/ 95/ CE du 22 octobre 2008 rapprochant les législations des Etats membres sur les marques, de ne pas déclarer nulle une marque enregistrée lorsque le caractère distinctif a été acquis après son enregistrement ; qu'il suit de là que le moyen, qui, pour reprocher à la cour d'appel d'avoir tenu compte, afin d'apprécier la validité de la marque verbale « vente-privee. com », de l'usage postérieur à son enregistrement, se réfère à un arrêt rendu par la Cour de justice de l'Union européenne qui avait interprété l'article 3, § 3 première phrase à l'occasion d'un litige s'étant élevé dans un Etat membre n'ayant pas usé de ladite faculté, n'est pas fondé ;

Attendu, en deuxième lieu, que l'arrêt retient, d'abord, que la société Vente-privee. com justifie d'un usage du signe litigieux à titre de marque par l'apposition de la mention « prix vente-privee. com » à côté de chacun des millions de produits proposés à la vente sur son site internet et par l'utilisation du signe dans les courriers électroniques d'invitation adressés quotidiennement à ses vingt millions de membres ainsi que dans les publicités diffusées dans les médias ; qu'il retient, ensuite, que cette société justifie, par des factures à compter de l'année 2001, de l'usage, dès avant leur enregistrement, des marques complexes « vente-privee. com », dont le signe litigieux constitue le seul élément verbal et principal dans la mesure où les éléments graphiques de couleur rose, bien que contribuant au caractère distinctif de ces marques, n'assurent qu'une fonction décorative que le public pertinent ne gardera pas nécessairement en mémoire ; qu'il relève, enfin, que, selon un sondage de juillet 2011, la marque de la société Vente-privee. com figure parmi « les marques préférées des français » ; que de ces constatations et appréciations, la cour d'appel, abstraction faite des références, erronées mais surabondantes, faites à l'usage du nom de domaine éponyme, aux articles de presse écrite ou en ligne et aux citations orales par les journalistes dans les médias, critiquées par les troisième, quatrième et cinquième branches, a pu déduire que la marque verbale « vente-privee. com » avait acquis par l'usage un caractère distinctif au regard des services de promotion des ventes pour le compte des tiers et de présentation de produits sur tout moyen de communication pour la vente au détail ainsi que des services de regroupement pour le compte de tiers de produits et de services, notamment sur un site web marchand, désignés à son enregistrement ;

Et attendu, en dernier lieu, que, la cour d'appel ayant retenu que la marque en cause avait, dès la demande de nullité, acquis par l'usage un caractère distinctif, le grief de la deuxième branche, qui critique un motif surabondant, est inopérant ;

D'où il suit que le moyen, qui ne peut être accueilli en sa deuxième branche, n'est pas fondé pour le surplus ;

Et attendu qu'il n'y a pas lieu de statuer par une décision spécialement motivée sur le premier moyen, pris en ses troisième, quatrième, cinquième, sixième et dixième branches, ni sur le second moyen, qui ne sont manifestement pas de nature à entraîner la cassation ;

PAR CES MOTIFS :

REJETTE le pourvoi.