CA Paris, Pôle 5 ch. 1, 9 février 2021, n° 028/2021
PARIS
Arrêt
PARTIES
Demandeur :
Zhejiang Geely Holding Group Co Ltd (Sté)
COMPOSITION DE LA JURIDICTION
Président :
Mme Douillet
Conseillers :
Mme Barutel, Mme Bohee
Avocat :
Me Sion
Vu la décision du 27 août 2019 par laquelle le directeur général de l'Institut national de la propriété industrielle (INPI) a rejeté l'opposition formée le 1er août 2017 par la société de droit chinois ZHEJIANG GEELY HOLDING GROUP COMPANY (ci après, société ZHEJIANG) à l'encontre de la demande d'enregistrement n° 17 4 360 821 déposée par M. X A ;
Vu le recours formé le 26 novembre 2019 contre cette décision par la société ZHEJIANG et son mémoire reçu au greffe le même jour ;
Vu la convocation à l'audience du 15 décembre 2020 adressée au directeur général de l'INPI, à la société ZHEJIANG et à M. A par lettres recommandées adressées le 9 mars 2020 ;
Vu les observations écrites du directeur général de l'INPI transmises le 6 novembre 2020 ;
Vu l'absence de mémoire transmis par M. A qui n'a pas comparu bien que régulièrement convoqué et ayant accusé réception le 11 mars 2020 de sa convocation ;
La société ZHEJIANG et le représentant de l'INPI entendus en leurs observations orales reprenant leurs écritures et le ministère public entendu en ses réquisitions ;
SUR CE :
M. A a déposé, le 11 mai 2017 la demande d'enregistrement n° 17 4 360 821 portant sur le signe verbal 'LINK & CO' destiné à distinguer, en classe 35, les services de conseils en organisation et direction des affaires ; audits d'entreprises (analyses commerciales) et, en classe 41, les services de formation.
Le 1er août 2017, la société ZHEJIANG a formé opposition à l'enregistrement de cette marque en invoquant sa marque verbale de l'Union européenne « LYNK & CO » déposée le 18 avril 2017, enregistrée sous le numéro 16 616 311, portant notamment sur les produits et services suivants :
- classe 9 : Ordinateurs; C; Matériel informatique; Microprocesseurs, cartes de mémoire, moniteurs, écrans et claviers; Y, et DVD; Mémoires vives, mémoires mortes; Tablettes électroniques; Z électroniques pour la réception, le stockage et/ou la transmission sans fil de données et message et Z électroniques permettant à l'utilisateur de garder en mémoire ou de gérer des informations personnelles; Appareils de communication; Appareils et instruments de télécommunication; matériel et C de récupération d' informations basés sur la téléphonie; Z GPS (système de repérage universel) pour véhicules; Téléphones mobiles, visiophones; Appareils de reconnaissance vocale; Z de communication sans fil pour la transmission vocale, de données ou d'images; Récepteurs et émetteurs radio; Équipement audio pour voitures; C pour la création, la distribution, le téléchargement, la transmission, la réception, la lecture, l'édition, l'extraction, le codage, le décodage, l'affichage, le stockage et l'organisation de textes, graphiques, images, contenu audio, vidéo et multimédia, C de synchronisation de données, C de reconnaissance vocale; Applications logicielles à activation vocale; Programmes informatiques pour l'accès, la navigation et la recherche dans des bases de données en ligne; C pour la réorientation de messages, équipements informatiques utilisés avec tous les produits précités
- en classe 35 : Services de vente au détail de véhicules, pièces détachées et accessoires pour véhicules, vêtements, chaussures, chapellerie et jouets
- en classe 38 : Fourniture de services de communication de données par code d'accès; Fourniture de salons de discussion sur l'internet et de forums sur l'internet; Fourniture d'accès à des forums Internet; Fourniture d'accès à des réseaux informatiques et des tableaux d'affichage sur l'internet
- en classe 42 : Services de conseils en matière de développement de produits, Services de conseil technique en matière d'ingénierie de conception.
Pour rejeter l'opposition, le directeur général de l'INPI a estimé que, malgré l'imitation de la marque antérieure par le signe contesté, les produits et services en cause sont à ce point différents qu'aucun risque de confusion n'est possible pour le consommateur. Il a estimé que la société opposante n'établissait pas la grande connaissance de sa marque antérieure par le public français au regard des produits et services invoqués à l'appui de l'opposition et qu'en tout état de cause, le risque de confusion ou d'association reste subordonné à l'existence d'un certain degré de similarité entre les produits et services.
La société ZHEJIANG demande à la cour :
- d'annuler la décision du directeur général de l'INPI,
- d'ordonner la notification de l'arrêt à intervenir au directeur général de l'INPI,
- de condamner M. A à lui verser la somme de 5 000 € en application de l'article 700 du code de procédure civile.
Elle fait valoir que la demande d'enregistrement constitue l'imitation de sa marque antérieure, tant du point de vue visuel, que du point de vue phonétique ou intellectuel et, s'agissant de la comparaison des produits et services concernés, que :
- les services de conseils en organisation et direction des affaires ; audits d'entreprises (analyses commerciales) désignés en classe 35 par la demande contestée, qui s'entendent de prestations de mise à disposition et de mise en oeuvre de connaissances particulières en matière commerciale ou financière au service d'entités économiques dans la détermination de leurs choix et de leurs stratégie d'entreprise, sont :
- similaires aux services de vente au détail de véhicules, pièces détachées et accessoires pour véhicules, vêtements, chaussures, chapellerie et jouets couverts en classe 35 par la marque antérieure, qui désignent des prestations relatives aux promotions des produits des entreprises, l'ensemble de ces services présentant les mêmes nature, fonction et destination, répondant aux mêmes besoins, s'adressant à la même clientèle et étant susceptibles d'être fournis par les mêmes prestataires ;
- également similaires, par complémentarité, aux services de conseils en matière de développement de produits couverts en classe 42 par la marque antérieure, les seconds pouvant être inclus dans la catégorie plus générale des premiers, ayant les mêmes nature, fonction et destination et étant susceptibles d'être rendus par les mêmes prestataires ;
- les services de formation désignés en classe 41par la demande contestée sont similaires aux services de conseils en matière de développement de produits, services de conseil technique en matière d'ingénierie de conception couverts par la marque antérieure, comme l'a déjà reconnu l'INPI dans de précédentes affaires.
Elle soutient que le risque de confusion, qui comprend le risque d'association, est en l'espèce évident, résultant à la fois du caractère distinctif élevé de la marque antérieure pour les produits et services visés, du fait qu'elle même, principal constructeur automobile chinois, bénéficie d'une importante connaissance auprès du public mondial, la marque antérieure « LYNK & CO », associée à la marque « VOLVO », ayant, de plus, bénéficié d'une importante couverture médiatique.
Le directeur général de l'INPI conteste la similarité entre :
- les services de conseils en organisation et direction des affaires'; audits d'entreprises (analyses commerciales)'de la demande d'enregistrement et les services de vente au détail de véhicules, pièces détachées et accessoires pour véhicules, vêtements, chaussures, chapellerie et jouets de la marque antérieure, observant que tous ces services n'ont pas le même objet, ne sont pas fournis par les mêmes prestataires et ne sont pas destinés au même public et que le public ne sera pas fondé à leur attribuer la même origine ;
- les services de conseils en organisation et direction des affaires'; audits d'entreprises (analyses commerciales) de la demande d'enregistrement et les services de conseils en matière de développement de produits de la marque antérieure, observant que ces derniers concernent des prestations destinées aux entreprises, qui ont pour objet l'aide à la création ou l'amélioration de produits, et peuvent être rendues par des ingénieurs ou par des cabinets de conseils spécialisés dans l'étude de marchés et le placement de produits, alors que les premiers n'ont pas pour objet les outils commerciaux et l'organisation de l'entreprise, mais concernent les produits que cette entreprise fabrique, de sorte que tous ces services n'ont pas le même objet, ne sont pas fournis par les mêmes prestataires et ne sont pas destinés au même public ;
- les services de formation de la demande d'enregistrement, qui visent à instruire et transmettre des connaissances et s'adressent à un public désireux d'apprendre, et les services de conseils en matière de développement de produits'; services de conseil technique en matière d'ingénierie de conception de la marque antérieure, qui ont pour objet d'aider techniquement des professionnels dans la réalisation de leur tâches (développement de produits / ingénierie de conception) et qui n'ont donc pas le même objet et ne sont pas rendus par les mêmes prestataires.
Le directeur général de l'INPI ajoute que la requérante ne développe pas d'argumentation propre à démontrer le caractère distinctif intrinsèque élevé de sa marque, alors que le terme LINK aisément compris comme signifiant « lien » est faiblement distinctif pour les services de conseil invoqués, que les pièces qu'elle fournit ne permettent pas d'établir que la marque « LYNK & CO » serait connue d'une partie non négligeable du public pertinent et que la proximité des signes ne saurait avoir pour effet d'écarter le principe de spécialité et de pallier, en l'espèce, l'absence de similarité entre les services.
Ceci étant exposé, il n'est pas discuté que les signes en litige présentent des ressemblances visuelles, phonétiques et intellectuelles prépondérantes, de sorte que le signe verbal contesté « LINK & CO » constitue l'imitation de la marque verbale antérieure « LYNK & CO ».
Il sera rappelé que la similitude entre des produits ou entre des services suppose que ces produits ou services présentent la même nature, la même fonction ou la même destination, ou encore qu'il existe entre eux un lien étroit et obligatoire, de sorte que le public puisse leur attribuer une origine commune.
En l'espèce, c'est à juste raison que le directeur général de l'INPI observe que les services de conseils en organisation et direction des affaires'; audits d'entreprises (analyses commerciales)'de la demande d'enregistrement et les services de vente au détail de véhicules, pièces détachées et accessoires pour véhicules, vêtements, chaussures, chapellerie et jouets de la marque antérieure n'ont pas le même objet, ne sont pas fournis par les mêmes prestataires et ne sont pas destinés au même public, de sorte que le public ne sera pas fondé à leur attribuer la même origine. Les premiers ont, en effet, pour objet l'aide à la gestion des entreprises, sont destinés aux entreprises afin d'améliorer leur organisation et leur fonctionnement, ainsi que leurs outils d'analyse et sont fournis par des prestataires externes spécialisés dans l'analyse et l'organisation commerciale (cabinets d'audit, cabinets de conseils) qui aident les entreprises à améliorer leurs résultats. Les services de vente au détail de la marque antérieure désignent, quant à eux, des prestations, réalisées par des vendeurs ou des commerciaux formés aux techniques de vente, directement destinées au consommateur afin de lui proposer les produits, en l'occurrence des véhicules et pièces détachées, des articles d'habillement et des jouets.
De même, la décision du directeur général de l'INPI n'encourt pas de critique en ce qu'elle retient l'absence de similarité entre les services de formation de la demande d'enregistrement et les services de conseils en matière de développement de produits; services de conseil technique en matière d'ingénierie de conception de la marque antérieure. Nonobstant l'analyse adoptée par l'INPI dans une autre espèce, le directeur général de l'INPI et a fortiori la cour d'appel n'étant pas liés par des décisions antérieurement prises par l'Institut, les services de formation de la demande visent à instruire et transmettre des connaissances et s'adressent à un public désireux d'apprendre et de se former afin d'enrichir son savoir, tandis que les services de conseils de la marque antérieure visent spécifiquement à apporter aux entreprises un soutien ponctuel (développement de produits / ingéniérie de conception) leur permettant d'améliorer leurs résultats. Ils n'ont donc pas le même objet ni la même fonction.
En revanche, les services de conseils en organisation et direction des affaires'; audits d'entreprises (analyses commerciales)'de la demande d'enregistrement présentent un lien de similarité avec les services de conseils en matière de développement de produits de la marque antérieure. Les uns et les autres ont en effet pour objet d'aider les entreprises à améliorer leurs résultats au travers, notamment, de l'adaptation de leur stratégie commerciale ; ils sont donc destinés au même public (les entreprises) et peuvent être fournis par les mêmes prestataires (cabinets de conseils, consultants, experts conseils...). Il existe donc entre eux un lien de similarité, le public étant fondé à leur attribuer une origine commune.
La requérante argue à juste titre qu'une faible similitude entre les services peut être compensée par le caractère distinctif élevé de la marque antérieure et par un degré élevé de similitude entre les signes.
La marque antérieure n'est pas dépourvue de caractère distinctif intrinsèque, le terme LINK, en admettant qu'il soit aisément traduit par « lien », n'étant pas descriptif des services de conseil invoqués par la requérante.
Surtout, la proximité des signes est telle que, selon la décision même du directeur général de l'INPI, le signe de la demande contestée constitue une imitation de la marque antérieure.
En conséquence, bien que, comme l'observe le directeur général de l'INPI, la requérante ne fasse pas la démonstration de la connaissance qu'aurait une partie non négligeable du public pertinent de la marque « LYNK & CO » elle même, il existe un risque de confusion, ou du moins d'association entre le signe contesté et la marque antérieure, le consommateur étant susceptible d'attribuer une même origine commerciale aux services couverts par l'un et par l'autre.
La décision du directeur général de l'INPI doit en conséquence être annulée.
En égard à la situation respective des parties, il ne serait pas équitable de faire application de l'article 700 du code de procédure civile au profit de la société ZHEJIANG.
PAR CES MOTIFS, LA COUR :
Statuant publiquement, par arrêt réputé contradictoire,
Annule la décision du directeur général de l'INPI du 27 août 2019,
Déboute la société ZHEJIANG de sa demande fondée sur l'article 700 du code de procédure civile,
Dit que le présent arrêt sera notifié par le greffe au parties et au directeur général de l'Institut national de la propriété industrielle par lettre recommandée avec accusé de réception.