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Décisions

CA Toulouse, 3e ch., 16 mars 2022, n° 21/00336

TOULOUSE

Arrêt

Infirmation

PARTIES

Demandeur :

Générali Iard (SAS), Haier France (Sasu)

Défendeur :

Aréas Dommages (SAMCV), MMA Iard Assurances (SA)

COMPOSITION DE LA JURIDICTION

Président :

Beneix-Bacher

Conseillers :

Stienne, Maffre

TJ de Castres, du 17 déc. 2020, n° 19/00…

17 décembre 2020

FAITS

Le 24 septembre 2009, Mme Géraldine B. a fait l'acquisition d'un lave- linge de marque Haier auprès de la société D..

Suivant contrat de bail du 9 août 2015, Jean-Christophe B. et Géraldine B. sont devenus locataires d'un immeuble à usage d'habitation appartenant à Marc et Christine F., situé [...]. Ils ont souscrit une police d'assurances multirisques habitation auprès de la société Areas Dommages.

Le 14 mars 2016, un incendie s'est déclaré dans la buanderie de ce logement, endommageant trois pièces. Mme B. a déclaré le sinistre auprès de son assureur, Areas Dommages, qui a mandaté le cabinet Polyexpert.

Par actes des 19 et 24 mai 2016, M. B. et Mme B. ont fait assigner les époux F. et leur assureur (la SA MMA Iard), la société Haier France et son assureur (la SA Generali Iard) et la SNC D. Grand Ouest, ainsi que leurs assureurs, aux fins d'expertise. Le juge des référés du tribunal judiciaire de Castres a désigné M. Van S. pour y procéder, suivant ordonnance du 14 juin 2016, avec mission principalement de "déterminer la cause du sinistre en examinant notamment les restes du lave-linge Haier, ses conditions de fonctionnement interne, d'installation et de raccordement".

À la suite de la première réunion d'expertise sur les lieux le 6 septembre 2016, la SA Generali Iard, assureur de la société Haier France présentée comme le vendeur intermédiaire, a fait appeler en intervention forcée la société Alianz China Insurance Company Ltd, assureur du fabricant Haier Chine par acte d'huissier du 3 juillet 2017, et suivant ordonnance du 12 janvier 2018, le juge des référés a déclaré commune à Allianz China l'ordonnance du 14 juin 2016.

PROCÉDURE

Par actes en date des 30 avril et 2 mai 2019, Mme Géraldine B., M. Jean-Christophe B. et la société Areas Dommages ont fait assigner la SASU Haier France, la SNC D. Grand Ouest ainsi que M. et Mme F. devant le tribunal de grande instance de Castres pour qu'il soit sursis à statuer dans l'attente du rapport définitif d'expertise judiciaire et que leurs droits à l'encontre de la SASU Haier France, la SNC D. Grand Ouest et des époux F. soient réservés.

L'expert a déposé son rapport définitif le 9 juillet 2019.

Par jugement du 17 décembre 2020, le tribunal judiciaire de Castres a :

- Déclaré recevables les interventions de la SA MMA Iard et la SA Generali Iard.

- Dit que l'action intentée par Mme B., M. B. et la Compagnie Areas Dommages est recevable.

- Dit que la responsabilité de la SASU Haier France est engagée du fait du produit défectueux.

- Condamné par conséquent la SASU Haier France à payer les sommes suivantes :

. 21.035 € à la Compagnie Areas Dommages, subrogée dans les droits des consorts Burger-B. pour l'indemnisation des dommages matériels.

. 159 € à Mme B. et M. B. au titre de la franchise contractuelle restée à leur charge après indemnisation de leurs dommages matériels par l'assureur.

. 3.000 € à Mme B. et M. B. au titre du préjudice de jouissance subi.

. 2.500 € à Mme B. et M. B. au titre du préjudice moral subi.

- Dit que les demandes subsidiaires à l'encontre de la SNC D. Grand Ouest sont sans objet.

- Dit que les demandes des époux F. sont recevables, et rejeté les fins de non-recevoir tirées de la prescription et de la forclusion.

- Condamné solidairement la SASU Haier France et son assureur la SA Generali Iard au paiement des sommes de :

. 57.267,02 euros au profit de la SA MMA Iard.

. 6.387,76 euros au profit de M. Marc F. et Mme Christine F..

- Dit que la responsabilité des consorts B. B. n'est pas engagée, et rejette toutes les demandes de ce chef.

- Dit que la SA Generali Iard est recevable et bien fondée à opposer à toute personne qui sollicite la mise en 'œuvre de sa garantie la franchise de 5.000,00 euros stipulée par la police pour les préjudices immatériels et les garanties non obligatoires.

- Condamné la SASU Haier France à payer les sommes de :

. 3.000 euros aux consorts B. B. au titre de l'article 700 du code de procédure civile.

. 3.000 euros aux époux F. au titre de l'article 700 du code de procédure civile.

- Condamné la SASU Haier France aux entiers dépens distraits au profit de Maître Jérémy S. conformément aux dispositions de l'article 699 du code de procédure civile.

- Rejeté les autres demandes des parties.

- Ordonné l'exécution provisoire de la décision.

Pour se déterminer ainsi, le juge a retenu notamment que :

. Le moyen de défense relatif à l'identification du lave-linge litigieux doit être écarté au nom de l'interdiction de se contredire au détriment d'autrui, la société Haier France et son assureur ayant participé aux réunions d'expertise et à la procédure de référé antérieure sans jamais discuter que ce lave-linge soit de marque Haier.

. Le fait pour le tableau de commande du lave-linge de prendre feu suite à un défaut électrique selon les conclusions expertales révèle une défectuosité intrinsèque au vu de la sécurité légitimement attendue par le consommateur lors de l'utilisation d'appareils électroménagers dont la société Haier France est seule responsable, l'incendie ne pouvant être lié avec certitude avec un usage anormal de la chose par les demandeurs qui exonérerait le producteur sur la base des seules hypothèses formulées par l'expert, et celui-ci ayant exclu toute imputabilité à l'installation électrique du logement.

. Aucune condamnation ne pouvant se fonder sur de simples probabilités, les demandes formées à l'encontre des consorts B.-B. par la société Haier France et les époux F. doivent être rejetées.

. Le délai triennal de prescription de l'action des époux F. et de leur assureur contre la société Haier France n'a commencé à courir qu'au dépôt du rapport d'expertise le 9 juillet 2019 qui avait pour objet de déterminer si l'origine du sinistre était imputable au lave-linge Haier, leurs demandes ne sont pas prescrites, et l'action n'est pas non plus atteinte par le délai de forclusion de 10 ans après la mise en circulation de la machine, la faute du producteur résultant de ce rapport et de la mise en évidence de la défectuosité du lave-linge.

Par déclaration en date du 18 janvier 2021, la SA Generali Iard et la SASU Haier France ont interjeté appel de la décision. Le jugement est contesté en ce qu'il a :

- Jugé que les demandeurs rapportaient la preuve que le lave-linge litigieux était de marque Haier.

- Jugé que la preuve du défaut intrinsèque du lave-linge était rapportée par les demandeurs.

- Jugé que la responsabilité de la SASU Haier France était engagée sur le fondement de la responsabilité du fait des produits défectueux.

- Débouté la SASU Haier France et la SA Generali Iard de leur demande de partage de responsabilité avec les consorts B. et B. formulée à titre subsidiaire.

- Débouté la SASU Haier France et la SA Generali Iard de leur fin de non-recevoir pour cause de prescription des demandes des consorts F. et de la SA MMA Iard en application de l'article 1245-16 du Code civil.

- Débouté la SASU Haier France et la SA Generali Iard de leur fin de non-recevoir pour cause de forclusion des demandes des consorts F. et de la SA MMA Iard en application de l'article 1245-15 du Code civil.

- Dit que les demandes des consorts F. et de la SA MMA Iard sont recevables.

- Condamné la SASU Haier France à payer la somme de 21.035 euros à la Compagnie Area Dommages.

- Condamné la SASU Haier France à payer la somme de 159 euros au titre de la franchise contractuelle, celle de 3.000 euros au titre du préjudice de jouissance et celle de 2.500 euros au titre du préjudice moral à Mme B. et M. B..

- Condamné solidairement la SASU Haier France et son assureur la SA Generali Iard au paiement de la somme de 57.267,02 euros au profit de MMA IARD et celle de 6.387,76 euros au profit de M. et Mme F..

- Dit que la responsabilité des consorts B. B. n'est pas engagée.

- Condamné la SASU Haier France à payer la somme de 3.000 euros aux consorts B. B. au titre de l'article 700 du CPC.

- Condamné la SASU Haier France à payer la somme de 3.000 euros aux consorts F. au titre de l'article 700 du CPC.

- Condamné la SASU Haier France aux entiers dépens.

MOYENS ET PRÉTENTIONS DES PARTIES

La SASU Haier France et la SA Generali Iard, dans leurs dernières écritures en date du 22 juillet 2021, demandent à la cour, au visa des articles 9, 31, 32 et 122 du Code de procédure civile, L. 121-12 du Code des assurances, L. 110-4 du Code de commerce, 1245 et suivants et 1353 du Code civil, de :

- Infirmer le jugement rendu le 17 décembre 2020 par le Tribunal Judiciaire de Castres en ce qu'il a :

- Déclaré recevables les demandes des consorts F. et de la SA MMA Iard à l'encontre de la SASU Haier France et de son assureur la SA Generali Iard.

- Jugé que les conditions de la responsabilité du fait des produits défectueux de la SASU Haier France étaient réunies.

- Écarté le principe de la responsabilité des consorts B. et B..

- Condamné la SASU Haier France France et son assureur la SA Generali Iard, sous déduction de la franchise de 5.000 euros. à répondre des dommages subis par les consorts B. et B. et par les Consorts F. et indemnisés pour partie par leurs assureurs respectifs, la Compagnie Areas Dommages et la SA MMA Iard.

- Condamné à la SASU Haier France à régler des indemnités au titre de l'article 700 CPC ainsi qu'aux entiers dépens

et statuant à nouveau :

À titre principal,

- Dire et juger que les demandes des consorts F. et leur assureur la SA MMA Iard à l'encontre de la SASU Haier France et de la SA Generali Iard sont prescrites et en toute hypothèses forcloses ;

- Les déclarer irrecevables ;

- Par conséquent, débouter les consorts F. et leur assureur la SA MMA Iard de toutes leurs demandes, fins et conclusions à l'encontre de la SASU Haier France et de la SA Generali Iard ;

- Dire et juger que les conditions de la responsabilité de la SASU Haier France en application des articles 1245 et suivants du Code civil ne sont pas réunies en l'absence de preuve du défaut du lave-linge lors de la mise en circulation du produit et ayant un lien de causalité avec l'incendie ;

- Par conséquent, débouter les consorts B. et B., la Compagnie Areas Dommages et en toute hypothèse les consorts F. et la SA MMA Iard de toutes leurs demandes, fins et conclusions à l'encontre de la SASU Haier France et de la SA Generali Iard ;

- Condamner tout succombant à régler la somme de 8.000 euros à la SASU Haier France et à la SA Generali Iard au titre de l'article 700 CPC, ainsi qu'aux entiers dépens.

À titre subsidiaire,

- Dire et juger que l'utilisation non conforme du lave-linge par Mme B. et M. B. exonère la SASU Haier France de toute responsabilité.

- Par conséquent, débouter les consorts B. et B., la Compagnie Areas Dommages et en toute hypothèse les consorts F. et la SA MMA Iard de toutes leurs demandes, fins et conclusions à l'encontre de la SASU Haier France et de la SA Generali Iard.

- Condamner tout succombant à régler la somme de 8000 euros à la SASU Haier France et à la SA Generali Iard au titre de l'article 700 CPC, ainsi qu'aux entiers dépens.

À titre très subsidiaire,

- Minorer dans une très large mesure la somme allouée à Mme B. et M. B. au titre du préjudice moral allégué.

- Par conséquent, les en débouter.

- Opérer un partage de responsabilité avec Mme B. et M. B. en leur imputant la plus large part à hauteur de 80 % et réduire toutes leurs demandes, y compris les dépens et article 700 CPC, à l'encontre de la SASU Haier France et de la SA Generali Iard dans cette proportion.

- Condamner Mme B., M. B. et la Compagnie Areas Dommages à relever et garantir la SASU Haier France et la SA Generali Iard de toute condamnation qui serait prononcée à leur encontre au profit des consorts F., y compris les dépens et article 700 CPC, à hauteur de 80 %.

En toute hypothèse,

- Dire et juger que la SA Generali Iard est recevable et bien fondée à opposer à toute personne qui sollicite la mise en œuvre de la garantie la franchise de 5.000,00 euros stipulée par la police.

Les sociétés Haier France et Générali soutiennent à titre liminaire que les époux F. et leur assureur sont irrecevables au regard des articles 1245-16 et 15 du code civil :

. Leur action, formalisée par voie de conclusions en mai 2020, est prescrite comme initiée plus de trois ans après qu'ils ont eu connaissance du dommage du producteur et du défaut allégué du lave-linge : ils savaient depuis 2016 qu'était suspecté un défaut du lave-linge à l'origine de l'incendie et le rapport d'expertise n'a donc eu aucune incidence sur leur connaissance puisqu'il ne caractérise par ledit défaut confirmant seulement un point de départ de l'incendie au niveau du lave-linge déjà retenu par le rapport d'expertise amiable du 15 mars 2016 ; admettre que seul le dépôt du rapport d'expertise judiciaire fait courir le délai de prescription triennal rend l'action imprescriptible et le demandeur seul maître du point de départ du délai par la saisine à tout moment d'un tribunal aux fins d'expertise.

. Elle se heurte en toute hypothèse à la forclusion comme engagée plus de 10 ans après la mise en circulation du lave-linge, en l'absence de faute établie du producteur, seule la responsabilité sans faute du fait du produit défectueux étant recherchée : l'expertise ne détermine pas un défaut du lave-linge qui a fonctionné pendant 6 ans et dont les consorts B. et B. n'ont pas respecté les préconisations d'emploi.

. L’interruption ou la suspension de la prescription et de la forclusion est strictement personnelle, et les époux F. ne peuvent donc bénéficier de l'effet interruptif ou suspensif résultant d'un acte accompli par une autre partie, les locataires et leur assureur en l'espèce.

Sur le fond, les appelantes contestent la responsabilité retenue par le premier juge :

. Les opérations d'expertise n'ont pas permis d'établir le prétendu défaut de sécurité du lave-linge qui serait à l'origine de l'incendie : il n'est pas démontré que le lave-linge litigieux soit le lave-linge Haier puisque le bandeau de commande d'où serait parti l'incendie a été totalement détruit et les investigations expertales sont incomplètes quant à l'état de l'installation électrique de la maison : par conséquent, l'expert a seulement déterminé une zone de départ de l'incendie sans identifier la cause de l'incendie et le composant qui serait en cause.

. En toute hypothèse, l'utilisation du lave-linge est mise en cause par les deux hypothèses de l'expert : dans le cas d'un défaut résistant d'isolement, l'installation du sèche-linge sur le lave-linge est en cause, et pour le contact électrique défectueux, l'expert évoque l'ouverture permanente de la fenêtre comme cause, soit une utilisation non conforme à la notice du lave-linge pages 5 et 6 (dans un environnement humide du fait de la fenêtre ouverte en permanence et avec le sèche-linge placé au-dessus), anormale et prolongée, qui a nécessairement altéré ses composants comme l'a souligné l'expert, de sorte que le défaut mis en cause n'existait pas lors de la mise en circulation du lave-linge et que la faute des consorts B.-B. dans l'utilisation de l'appareil exonère la société Haier France de toute responsabilité.

Contrairement à ce que soutiennent pour la première fois les consorts B.-B. et leur assureur, il n'y a pas de manquement à l'obligation d'information et de mise en garde dans la notice d'entretien, parfaitement claire : exposer le lave-linge à un milieu humide est interdit et la portée d'un avertissement est explicitée, il est par ailleurs de sens commun qu'un sèche-linge est quelques chose de lourd.

Subsidiairement, les sociétés appelantes discutent le quantum de la somme allouée au titre du préjudice moral, concluent à une part de responsabilité à hauteur de 80 % des locataires dont l'utilisation non conforme a participé à la survenance de l'incendie et rappellent les limites de la garantie stipulées par la police Générali, à savoir une franchise de 5000 euros.

La société Areas Dommages, Mme B. et M. B., dans leurs dernières écritures en date du 16 juillet 2021, prient la cour de':

- Débouter les époux F. et la SA MMA Iard de la demande formulée au titre de leur appel incident.

En conséquence,

- Confirmer le jugement rendu le 17 décembre 2020 par le Tribunal Judiciaire de Castres en ce qu'il a :

. Jugé que les conditions de la responsabilité du fait des produits défectueux de la SASU Haier France étaient réunies.

. Écarté la responsabilité des locataires, les consorts B. et B.

. Condamné la SASU Haier France et son assureur la SA Generali Iard, à payer les sommes suivantes :

. 21 035 € à la compagnie Areas Dommages subrogée dans les droits des consorts B. et B..

. 159 € à Mme B. et M. B. au titre de la franchise contractuelle restée à leur charge.

. Constaté que l'incendie est arrivé par cas fortuit et exonéré Mme B. et M. B. de toute responsabilité à ce titre ;

Statuant à nouveau,

- Condamner la SASU Haier France et son assureur la SA Generali Iard à payer la somme de 5.000 € à Mme B. et M. B. au titre du préjudice de jouissance subi et 5.000 € à Mme B. et M. B. au titre du préjudice moral subi.

- Condamner la SASU Haier France et son assureur la SA Generali Iard à payer aux consorts B.-B. et à la Compagnie Areas Dommages la somme de 5 000 € sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile.

- Condamner la SASU Haier France et son assureur la SA Generali Iard aux entiers dépens, en ce compris ceux de l'expertise judiciaire dont les honoraires de l'expert d'un montant de 23.161,20 €.

Les locataires du logement incendié et leur assureur relèvent tout d'abord que la société Haier France ne conteste plus que le lave-linge qui a pris feu était bien de marque Haier et faisait partie des produits qu'elle a commercialisés en France.

Ils reprennent les différentes étapes des opérations expertales et des conclusions de l'expert et tiennent pour établi avec certitude que le point de départ du sinistre est le tableau de bord du lave-linge et que le feu a pris naissance par l'inflammation des composants électriques au sein de ce tableau de bord, ce qui démontre le défaut interne du produit qui n'offrait pas la sécurité à laquelle ils pouvaient légitimement s'attendre : l'expert a exclu une défaillance électrique de l'installation de la maison, il est donc inutile d'exiger la production des factures des électriciens intervenus dans la maison, et le seul fait que l'incendie se soit déclaré spontanément dans le tableau de bord de lave-linge et qu'il soit dû à un défaut électrique des composants est amplement suffisant pour démontrer que le produit n'offrait pas une sécurité normale, sans qu'il soit nécessaire de déterminer les sous causes du défaut de sécurité car il peut en exister plusieurs.

Les intimés soulignent en particulier s'agissant de la mauvaise utilisation du lave-linge reprochée, que :

. La notice d'utilisation distingue « les interdictions » pour les situations susceptibles d'engendrer un dommage « des avertissements » destinés à sécuriser le produit et préserver la sûreté de l'utilisateur, la superposition d'un objet lourd sur le lave-linge ne figurant que dans cette seconde catégorie, dans la rubrique « Remarques » et au paragraphe « Précaution d'utilisation » et non « sécurité. »

. L’attention du consommateur n'a pas été attirée de manière claire et lisible dans la notice d'utilisation sur l'interdiction de superposer un sèche-linge, pratique courante, et le producteur devrait adapter et revoir la pertinence de sa notice d'utilisation.

. L’insuffisance d'information et de mise en garde, à la fois complète et compréhensible pour l'utilisateur, caractérise un défaut du produit au sens de l'article 1245-3 du code civile : le défaut d'information est assimilé au défaut intrinsèque du produit.

. Le même constat peut être fait pour ce qui concerne l'environnement du lave-linge (présence d'une fenêtre dans la buanderie) ainsi que l'installation électrique de la maison, l'expert ayant expressément exclu toute défaillance de l'installation électrique de la maison et le rôle d'hypothétiques projections d'eau sur les équipements.

La compagnie Areas Dommages se dit subrogée dans les droits de ses assurés pour recouvrer les sommes qu'elle leur a versées et fondée à poursuivre son recours contre le responsable de l'incendie, la société Haier France : si elle n'est pas, selon ses dires, le fabricant du lave-linge ou d'une de ses parties composantes, elle en est au moins le distributeur en France, et assimilée au fabricant puisque sa marque est apposée sur le produit, un lave-linge de marque Haier.

S'agissant de l'indemnisation due, Mme B. et M. B. réclament, outre les sommes déjà allouées par le premier juge (21.035 € à l'assureur, 159 € aux assurés) 5.000 € en réparation de leur préjudice de jouissance du fait de l'impossibilité d'occuper les lieux loués, ainsi que 5000 euros au titre du préjudice moral lié au stress de cet incendie très violent alors qu'ils étaient dans la maison.

En ce qui concerne leurs responsabilités en tant que locataires sur le fondement de l'article 1733 du Code civil, il est soutenu que l'incendie ayant pris naissance par l'inflammation des composants électriques et électroniques du lave-linge, il s'agit d'un événement étranger aux locataires, qu'ils n'ont pas pu prévoir ni surmonter, ce qui définit le cas fortuit exonérant Mme B. et M. B. de toute responsabilité et des conséquences dommageables de l'incendie : l'expert judiciaire, s'il a une certitude quant au défaut électrique du lave-linge Haier comme cause de l'incendie, ne formule que des hypothèses qu'aucun élément probatoire ne permet de corroborer sur les causes ayant favorisé ce défaut électrique et partant l'allumage de l'incendie, lesquelles restent donc incertaines.

Notamment, il n'a pas établi la certitude d'un lien causal entre l'ouverture de la fenêtre de la buanderie et l'incendie et énonce que le matériel « a pu être soumis aux agressions de l'humidité » sans l'affirmer de manière péremptoire et certaine : l'allumage de l'incendie peut avoir été causé aussi bien par un défaut résistant d'isolement que par l'existence d'un contact électrique défectueux dû au vieillissement du matériel et l'exposition à une ambiance humide qui n'a pas été constatée ne serait jamais qu'une cause éventuelle et hypothétique "mais non certaine" de l'accélération du vieillissement dudit matériel.

Les sociétés défenderesses ont tout tenté pour échapper à leur responsabilité, ce qui a retardé considérablement l'issue de la mesure d'investigation ordonnée dès le mois de juin 2016. La société Haier France sera donc condamnée à leur régler 3.000 € au titre des frais irrépétibles, outre les entiers dépens en ce compris les honoraires de l'expert judiciaire d'un montant de 23.161,20 €.

M. et Mme F. et la SA MMA Iard, dans leurs dernières écritures en date du 12 juillet 2021 portant appel incident, demandent à la cour, au visa des articles 1245 et suivants et 1733 du code civil, L. 121-12 du code des assurances et 325 et suivants du code de procédure civile, de :

- confirmer le jugement rendu en ce qu'il a donné acte à la SA MMA Iard de son intervention volontaire à l'instance, et en ce qu'il a admis qu'elle était subrogée dans les droits et actions de M. Marc F. et Mme Christine F. à hauteur de la somme de 57.267,02 €uros

- Confirmer le jugement rendu en ce qu'il a condamné solidairement la SASU Haier France et son assureur la SA Generali Iard au paiement de la somme de 57.267,02 € au profit de la SA MMA Iard, et au paiement de la somme de 6.387,76 €uros au profit de M. Marc F. et Mme Christine F.

- Confirmer le jugement rendu en ce qu'il a condamné solidairement la SASU Haier France et son assureur la SA Generali Iard au paiement de la somme de 3.000 € sur le fondement de l'article 700 du Code de Procédure civile outre l'intégralité des dépens.

- Réformer pour partie le jugement rendu.

- Dire et juger que la responsabilité de M. Jean Christophe B., Mme Géraldine B. et la garantie de leur assureur, la Compagnie Areas Dommages doivent être retenues sur le fondement des dispositions de l'article 1733 du Code civil.

- En conséquence condamner solidairement M. Jean Christophe B., Mme Géraldine B., la Compagnie Areas Dommages, avec la SASU Haier France et son assureur la SA Generali France, au paiement de la somme de 57.267,02 € au profit de la SA MMA Iard, et au paiement de la somme de 6.387,76 € au profit de M. Marc F. et Mme Christine F..

- Condamner tout succombant au titre de la procédure devant la Cour, au paiement d'une somme de 4.000 € sur le fondement de l'article 700 du Code de Procédure Civile, outre l'intégralité des dépens.

Les propriétaires du bien incendié et leur assureur, dont la recevabilité de l'intervention sera confirmée, soulignent que l'expert exclut formellement toute imputabilité de l'incendie à l'installation électrique de l'immeuble, l'événement thermique s'étant déclenché en dehors de la source d'alimentation en courant sous tension 230 volts : le conducteur de terre n'étant concerné ni par l'échauffement initial ni par la chaleur du feu du tableau de commande, il n'a pu prendre en compte le défaut résistant d'origine pour déclencher le disjoncteur différentiel, de sorte que contrôler l'installation électrique de la maison et la terre ne pouvait apporter aucun enseignement supplémentaire pour la détermination de la cause.

L'analyse de l'expert et le montant des dommages devront être confirmés, de même que la responsabilité de la société Haier France et la garantie de son assureur la compagnie Générali Iard sur le fondement des produits défectueux, l'absence de prescription et le montant des dommages.

S'agissant de la prescription alléguée, M. et Mme F. et leur assureur soutiennent que, l'expert ayant été missionné pour déterminer l'origine du sinistre, ils n'ont eu connaissance du défaut affectant le lave-linge que lors du dépôt de son rapport, point de départ du délai, et non en 2016 lors du sinistre : ledit défaut n'était pas alors établi et il est d'ailleurs toujours contesté par la société Haier.

Et même si l'expert évoque un phénomène aggravant lié à l'exposition du lave-linge à une ambiance humide, il considère que l'incendie a pris naissance au sein du tableau de commande, constituant une faute du producteur dans la fabrication de l'appareil, ce qui fait obstacle à l'application du délai de forclusion de 10 ans.

Les concluants ajoutent que l'effet interruptif d'une citation en justice vaut à l'égard de toutes les parties assignées, ce qui était leur cas dans l'instance initiale.

Ils sollicitent l'infirmation du jugement déféré en ce qui concerne la responsabilité des locataires : ils doivent en effet répondre de l'incendie sur le fondement de l'article 1733 du code civil à moins de prouver qu'il est arrivé par cas fortuit, force majeure vice de construction ou communiqué par une maison voisine. Or, si un défaut électrique du lave-linge peut être à l'origine de l'incendie selon l'expert, il peut avoir deux causes dont l'une liée à l'exposition à une ambiance humide relevant de la responsabilité des locataires, ce qui ne permet pas de les exonérer au motif d'un cas fortuit qui leur serait étranger.

L'ordonnance de clôture est intervenue le 27 décembre 2021.

MOTIFS DE LA DÉCISION

À titre liminaire, il est rappelé que, si les parties invoquent les dispositions des articles 1245 et suivants du code civil, celles-ci procèdent de l'ordonnance n° 2016-131 du 10 février 2016 portant réforme du droit des contrats, du régime général et de la preuve des obligations, applicables aux contrats conclus après le 1er octobre 2016.

Elles ont succédé, à droit constant pour celles qui concernent le présent litige, aux articles 1386-1 à 1386-18 issus de la loi du 19 mai 1998, applicables aux contrats conclus avant le 1er octobre 2016, et donc aux faits de l'espèce.

Sur la prescription des demandes des consorts F. et de la SA MMA Iard à l'encontre de la SA Haier et de son assureur, la SA Generali Iard.

M. et Mme F. et leur assureur demandent la confirmation de la décision entreprise en ce qu'elle a retenu. La responsabilité de la société Haier France et la garantie de son assureur la compagnie Générali Iard sur le fondement des produits défectueux et les a condamnés à leur verser 63 654,78 euros en réparation des dommages subis par eux.

Les appelantes opposent que leur action, formalisée par voie de conclusions déposées le 26 mai 2020, est prescrite comme initiée plus de trois ans après qu'ils ont eu connaissance en 2016 du dommage, du producteur et du défaut allégué du lave-linge, et forclose comme engagée plus de 10 ans après la mise en circulation du lave-linge, en l'absence de faute établie du producteur, au motif que l'interruption ou la suspension de la prescription et de la forclusion est strictement personnelle, et qu'ils ne peuvent donc bénéficier de l'effet interruptif ou suspensif résultant d'un acte accompli par les locataires et leur assureur.

L'article 1386-16 devenu 1245-15 du code civil dispose que sauf faute du producteur, la responsabilité de celui-ci, fondée sur les dispositions du présent chapitre, est éteinte dix ans après la mise en circulation du produit même qui a causé le dommage à moins que, durant cette période, la victime n'ait engagé une action en justice.

L'article 1386-17 devenu 1245-16 du même code ajoute que l'action en réparation fondée sur les dispositions du présent chapitre se prescrit dans un délai de trois ans à compter de la date à laquelle le demandeur a eu ou aurait dû avoir connaissance du dommage, du défaut et de l'identité du producteur.

Il découle de ces textes que la victime doit agir dans un double délai : un délai de prescription de trois ans à compter de la connaissance de ces trois éléments, et un délai préfix et butoir de 10 ans courant à compter de la mise en circulation du produit.

Au cas particulier, au regard de la complexité des opérations et analyses expertales figurant au dossier, il doit être retenu que le défaut allégué n'a pu être connu qu'à leur issue, soit lors du dépôt du rapport d'expertise le 9 juillet 2019 dont la mission était de déterminer la cause du sinistre et son imputabilité au lave-linge Haier, et non lors de l'expertise amiable de 2016 qui a seulement situé le point de départ du feu au niveau d'un lave-linge sans rien dire de ses causes ou d'un défaut de l'appareil, ou de l'ordonnance du 14 juin 2016 désignant l'expert judiciaire.

S'agissant ensuite du délai butoir de 10 ans après la mise en circulation de l'appareil, M. et Mme F. et leur assureur font valoir d'une part que la faute du producteur caractérisée par la naissance de l'incendie au sein du tableau de commande du lave-linge Haier fait obstacle à son application, d'autre part en toute hypothèse que la citation en justice interrompt la prescription à l'égard de toutes les parties assignées.

Ce faisant, ils n'invoquent aucune faute de la société Haier : en recherchant sa responsabilité pour produit défectueux sur la base d'un défaut du lave-linge, ils se situent en effet sur le terrain d'une responsabilité sans faute, et ils ne font valoir aucune autre faute imputable à l'appelante.

Dès lors, ils ne sont recevables à agir que dans le délai maximum de 10 ans à compter de la mise en circulation du produit, soit avant le 26 septembre 2019 sauf interruption. En la matière, les parties sont contraires sur la portée résultant de l'assignation formalisée par les consorts B.-B. à l'encontre du producteur et des époux F., personnelle ou erga omnes.

Il résulte de l'article 2241 du code civil que pour interrompre la prescription, la demande en justice doit émaner du créancier lui-même et être adressée au débiteur que l'on veut empêcher de prescrire : l'interruption ne profite qu'à celui dont elle émane et ses ayants droit et ne nuit qu'à celui contre qui elle a été dirigée hors le cas des obligations solidaires et assimilées.

En conséquence, l'assignation en justice délivrée par les consorts B.-B. à l'encontre de la société Haier n'a pu avoir pour effet d'interrompre la prescription de l'action dont disposaient les époux F. à l'encontre du producteur.

Dès lors, les demandes formées par M. et Mme F. et leur assureur à l'encontre de l'appelante pour la première fois aux termes de leurs conclusions déposées le 26 mai 2020, soit au-delà du délai butoir de dix ans non interrompus à leur égard, s'avèrent irrecevables comme prescrites.

Partant, la décision déférée doit être infirmée en ce qu'elle a dit recevables les demandes des consorts F. et de la SA MMA Iard et condamné solidairement la SASU Haier France et son assureur la SA Generali Iard au paiement de la somme de 57.267,02 euros au profit de MMA IARD et de celle de 6.387,76 euros au profit de M. et Mme F..

Sur les demandes des consorts B. et B. et de leur assureur Areas Dommages.

En vertu de l'article 1386-1 devenu 1245 du code civil, le producteur est responsable de plein droit du dommage causé par un défaut de son produit, qu'il soit ou non lié par un contrat avec la victime.

Et, selon l'article 1386-6 applicable en l'espèce et repris pour l'essentiel à l'article 1245-5 du même code, est assimilée à un producteur toute personne agissant à titre professionnel qui notamment se présente comme producteur en apposant sur le produit son nom, sa marque ou un autre signe distinctif ou importe un produit dans la Communauté européenne en vue d'une vente, d'une location, avec ou sans promesse de vente, ou de toute autre forme de distribution, et il n'est pas discuté ici que la société Haier France a cette qualité s'agissant du lave-linge de marque Haier acquis par Mme B..

L'article 1386-4 devenu 1245-3 précise ensuite qu'un produit est défectueux au sens du présent chapitre lorsqu'il n'offre pas la sécurité à laquelle on peut légitimement s'attendre.

Dans l'appréciation de la sécurité à laquelle on peut légitimement s'attendre, il doit être tenu compte de toutes les circonstances et notamment de la présentation du produit, de l'usage qui peut en être raisonnablement attendu et du moment de sa mise en circulation.

Il appartient au demandeur en application de l'article 1386-9 devenu 1245-8 de prouver le dommage, le défaut et le lien de causalité entre le défaut et le dommage. Une telle preuve peut résulter de présomptions, pourvu qu'elles soient graves, précises et concordantes.

Aux termes de l'article 1386-11 devenu1245-10, le producteur est responsable de plein droit à moins qu'il ne prouve :

1° Qu'il n'avait pas mis le produit en circulation ;

2° Que, compte tenu des circonstances, il y a lieu d'estimer que le défaut ayant causé le dommage n'existait pas au moment où le produit a été mis en circulation par lui ou que ce défaut est né postérieurement ;

3° Que le produit n'a pas été destiné à la vente ou à toute autre forme de distribution ;

4° Que l'état des connaissances scientifiques et techniques, au moment où il a mis le produit en circulation, n'a pas permis de déceler l'existence du défaut ;

5° Ou que le défaut est dû à la conformité du produit avec des règles impératives d'ordre législatif ou réglementaire.

Le producteur de la partie composante n'est pas non plus responsable s'il établit que le défaut est imputable à la conception du produit dans lequel cette partie a été incorporée ou aux instructions données par le producteur de ce produit.

Et, en application de l'article 1386-13 devenu 1245-12, la responsabilité du producteur peut être réduite ou supprimée, compte tenu de toutes les circonstances, lorsque le dommage est causé conjointement par un défaut du produit et par la faute de la victime ou d'une personne dont la victime est responsable.

En l'espèce, les opérations d'expertise, entamées en présence de toutes les parties et poursuivies après appel en cause de la SA Allianz China en sa qualité d'assureur du fabricant, la société Haier China, ont permis les constats principaux suivants, notamment à l'occasion de la première réunion d'expertise (sur les lieux) en septembre 2016,

. Aucun conducteur de l'installation électrique privative (prise murale, barrette multi-prises, câbles électriques) ne présente de sérieuses altérations thermiques pouvant indiquer qu'elles seraient liées à un incident électrique.

. Le mur est endommagé surtout derrière le lave-linge Haier.

. L'ossature en acier du lave-linge Haier est très oxydée, surtout à l'avant où le tableau de commande a brûlé entièrement (tous les composants électriques et électroniques -dont les gaines isolantes, non examinables- ont brûlé, les conducteurs électriques qui étaient reliés au tableau de commande ont été soumis à la chaleur davantage à l'avant, et ils ne portent aucune trace de perlage ou fusion caractéristique d'un court-circuit électrique).

. Les autres appareils ménagers sont moins oxydés.

L'importance plus ou moins grande des dommages thermiques subis par les appareils ménagers et les murs de la buanderie, ainsi que leur localisation, démontrent que le lieu origine du feu est au niveau du lave-linge Haier en partie supérieure, dans le tableau de commande, la zone la plus endommagée.

Par un dire du 30 novembre 2018, adressé à l'expert plus de deux ans après ces constats contradictoires menés contradictoirement, la société Haier et son assurance ont mis en avant l'impossibilité d'identifier le lave-linge, et l'expert a confirmé que tout indice ou marqueur d'identification était perdu : il a néanmoins rappelé que la fabrication par Haier China de ce lave-linge n'avait pas été contestée le jour de la première expertise, il a sollicité et obtenu le bon de livraison et de garantie en date du 24 septembre 2009, puis a conclu que ce lave-linge de marque Haier modèle H WC C1470 TV EME-F a été fabriqué par la société Haier en Chine (assurée par Allianz China), distribué par l'établissement D. d'Albi et acquis par Mme B. en 2009.

Au demeurant, les appelantes n'avaient pas repris cette objection dans leur second dire le 14 mai 2019.

À ce jour, la société Haier et son assureur prétendent de nouveau qu'il n'est pas démontré que le lave-linge litigieux soit le lave-linge Haier acquis auprès de D. du fait de sa dégradation avancée.

Pour autant, les ossatures des deux lave-linges entreposés dans la buanderie ont été préservées lors de l'incendie, elles étaient conservées lors de la réunion expertale de septembre 2016 et force est de constater que les parties appelantes, présentes, n'ont alors émis aucun doute sur la marque du lave-linge à l'origine de l'incendie, en le voyant.

Elles ont si peu discuté ce point qu'elles ont même jugé utile d'appeler en la cause le fabricant du produit incriminé, Haier Chine, au prix de démarches opiniâtres menées entre septembre 2016 et juillet 2017.

En outre, même si l'apposition de la marque sur l'appareil a disparu dans l'incendie, les photos de bonne qualité prises par l'expert des ossatures des deux lave-linges entreposés dans la buanderie permettent de constater que leur structure est significativement différente, notamment en parties supérieures et avant : or, si la notice technique d'un autre modèle, le modèle PFL 1266W-E/F, figure au dossier, les sociétés Haier et Generali n'ont pas jugé utile de produire celle du lave-linge acquis qui seule aurait pu renseigner la juridiction sur la structure du modèle litigieux et permis une comparaison, pour étayer un changement de position bien trop tardif pour être crédible.

Dès lors, un simple soupçon énoncé dans ces conditions n'est pas de nature à remettre en cause l'identification du lave-linge à l'origine de l'incendie telle qu'affirmée de manière constante par les parties intimées et corroborée par le justificatif d'achat produit, à savoir le bon de livraison et de garantie d'un lave-linge de marque Haier modèle H WC C1470 TV EME-F en date du 24 septembre 2009.

S'agissant de la cause de l'incendie, l'expert estime que seul un incident électrique peut être la cause de ce feu dont il a localisé le "lieu origine" dans le tableau de bord du lave-linge, à l'issue de son étude des signatures thermiques. L'absence d'altération thermique spécifique des parties de l'installation électrique privative qui alimentait les appareils lui fait exclure que celle-ci soit à l'origine de l'incendie : c'est donc à tort que les appelantes ont revendiqué la vérification de son bon fonctionnement, cette investigation étant inutile.

Sur les causes possibles de cet incident électrique né dans le tableau de bord, le rapport précise en réponse au dire du 30 novembre 2018 que dans le cas présent, il ne peut être causé que par un court-circuit électrique, une fuite de courant, un échauffement au niveau d'un mauvais contact électrique, un défaut résistant d'isolement entre deux conducteurs actifs.

Ainsi qu'explicité par l'expert au terme d'une seconde réunion expertale (hors les lieux) et de l'étude des pièces produites (schéma électrique notamment), deux des quatre causes envisagées sont en fait à exclure :

. Un court-circuit, en l'absence notamment de perlage du cuivre ; les disjonctions précédemment connues en raison jusqu'au remplacement de la prise murale du lave-vaisselle venant précisément confirmer le bon fonctionnement de l'installation électrique de la maison et sa capacité à détecter un court-circuit pouvant être pris en compte par la prise de terre (ici, non concernée par la manifestation du feu), et partant, l'inutilité de la vérification réclamée par les appelantes,

. Et une fuite de courant, qui peut apparaît lorsque le courant trouve un chemin extérieur aux conducteurs électriques, par une projection ou un ruissellement d'eau en surface des équipements électriques mais suppose des volumes d'eau trop importants pour que l'intérieur du tableau de bord du lave-linge (protégé par son plateau et par le sèche-linge au-dessus) y soit confronté, même avec un vent favorisant la pénétration de la pluie dans la buanderie par la petite fenêtre.

Les deux seules causes pouvant donc être à l'origine de ce défaut électrique sont :

. Un défaut résistant d'isolement entre deux conducteurs actifs, ce qui se produit en cas d'altération de leurs gaines isolantes par une contrainte mécanique ou une blessure : la masse et les vibrations du sèche-linge placé au-dessus du lave-linge (contrairement aux préconisations) sont des contraintes mécaniques persistantes qui ont pu favoriser ce défaut,

. Un échauffement provoqué par le passage du courant dans un contact électrique défectueux (ou contact résistant) par oxydation des surfaces, pouvant avoir été causé par un relatif vieillissement naturel lié à l'ancienneté du matériel accéléré par une exposition prolongée à une ambiance humide.

Il résulte ainsi des conclusions expertales que l'appareil Haier a subi, à l'origine du défaut électrique qui a entraîné l'incendie, soit un défaut résistant d'isolement entre deux conducteurs actifs par altération de leurs gaines isolantes, soit un contact électrique défectueux permettant le passage de courant.

Il s'agit de déterminer si la survenue de ce défaut d'isolement ou de contact signe un défaut de sécurité imputable au producteur et de nature à engager la responsabilité, et si celui-ci a ainsi manqué à son obligation de fournir un produit exempt de tout défaut de nature à créer un danger pour les personnes et pour les biens au sens de l'article 1245-3 du code civil.

À cet égard, si le premier juge a pu retenir qu'un tableau de bord de lave-linge qui brûle représente un danger anormal au regard de la sécurité à laquelle on peut légitimement s'attendre, la simple imputabilité du dommage au produit incriminé ne suffit pas à établir un défaut de sécurité qu'il incombe au consommateur d'établir, le cas échéant par des présomptions si elles sont graves, précises et concordantes. Le défaut de sécurité peut résulter d'un vice de conception ou de fabrication, d'un défaut d'information sur les dangers du produit, ses effets indésirables ou sur les consignes devant être suivies pour l'utiliser en toute sécurité.

En la matière, les consorts B.-B. et leur assureur soutiennent que l'expert a attribué l'origine du feu à un défaut électrique des composants du tableau de bord du lave-linge.

Ce faisant, ils opèrent un amalgame entre les termes de défaut électrique employés par l'expert et un défaut des composants du tableau de bord au sens d'un défaut du produit.

En réalité, l'expert n'évoque jamais un défaut des composants du tableau de bord : il parle d'un défaut électrique survenu dans le tableau de bord, et non d'un défaut des composants, et ce, après avoir énoncé à titre liminaire page 35 qu'un « incident ou défaut électrique est susceptible de générer un point chaud qui se transforme en incendie au contact des matériaux inflammables et combustibles en présence », de sorte que les termes "incident électrique" ou "défaut électrique" sont employés comme des synonymes dans le rapport d'expertise.

Il résulte de cette explication qu'au sens expertal, le défaut électrique relevé s'entend d'un incident électrique qui survient, et non d'un défaut structurel des composants (qu'au demeurant, l'expert n'a pas eu le loisir d'examiner puisqu'ils ont fondu dans l'incendie).

Ainsi, à aucun moment l'expert ne prétend que les composants du tableau de commande présentaient un défaut, il affirme uniquement qu'un défaut électrique s'est produit, défaut d'isolement ou de contact. Et il explique la survenue de l'un ou de l'autre par les circonstances, :

. Pour le premier, cette altération des gaines isolantes survient en cas de blessure (sans qu'il en explore les circonstances possibles), ou en présence d'une contrainte mécanique persistante telle que celle résultant du sèche-linge positionné au-dessus du lave-linge.

. Pour le second, ce mauvais contact électrique pu être causé par le relatif vieillissement naturel de l'appareil lié à son ancienneté (5 ans et demi), et ce vieillissement a pu être accéléré par l'humidité résultant de l'ouverture de la petite fenêtre.

Il ne met donc nullement en cause la structure ou la qualité intrinsèque de ces gaines ou contact, puisque même le vieillissement naturel n'est envisagé comme cause possible de la défaillance du contact qu'accéléré par l'exposition constante à l'humidité.

Dans ces conditions, contrairement à ce que soutiennent à tort les consorts B.-B. et leur assureur, il ne peut pas être tiré des opérations expertales et de leurs conclusions la certitude ou même des présomptions de l'existence d'un vice de conception ou de fabrication des composants du tableau de bord du lave-linge.

Et, ne proposant aucun élément de preuve, les intimés échouent donc à faire la preuve qui leur incombe d'un défaut intrinsèque du produit distribué par la société Haier France.

Ils arguent également d'un défaut d'information, assimilable à un tel défaut intrinsèque, aux motifs que la notice d'utilisation n'attire pas clairement l'attention du consommateur sur l'interdiction de superposer un sèche-linge, un usage pourtant fréquent.

À cet égard, la notice d'utilisation énonce un certain nombre d'interdictions et d'avertissements. Il est constant qu'au rang des avertissements, à propos desquels Haier enjoint à titre liminaire d'opérer strictement selon le contenu de l'avertissement, figure notamment celui de "ne rien placer de lourd, chaud ou humide sur la machine à laver' au titre des précautions d'utilisation .

Les consorts B.-B. discutent la notion d'objet lourd et critiquent l'absence d'interdiction de la pratique courante de superposer sèche-linge et lave-linge.

Pour autant, si chacun peut avoir sa conception de ce qui est lourd, il ne saurait être soutenu qu'un sèche-linge est un objet léger, ou qu'il n'est jamais chaud, ni même humide à l'occasion selon son système d'évacuation de l'eau.

Dans ces conditions, il doit être considéré que les utilisateurs disposaient des informations nécessaires, sous une forme appropriée, pour mesurer que la superposition du sèche-linge opérée par eux, et possiblement à l'origine d'un défaut électrique qui a causé l'incendie, était déconseillée par Haier.

Les intimés ne démontrent donc ni défaut intrinsèque ni défaut extrinsèque du lave-linge distribué par la société Haier France et acquis par eux, à l'origine des dommages. Partant, ils échouent à faire la preuve de ce que la responsabilité de l'appelante se trouve engagée à la suite de l'incendie et ne peuvent donc prétendre être indemnisés par elle des conséquences de celui-ci.

En conséquence, la décision déférée doit être infirmée en ce qu'elle a dit la responsabilité de la SASU Haier France engagée du fait du produit défectueux et l'a condamnée à payer la somme de 21.035 € à la Compagnie Areas Dommages, subrogée dans les droits des consorts B.-B. pour l'indemnisation des dommages matériels, et celles de 159 € au titre de la franchise contractuelle restée à leur charge après indemnisation de leurs dommages matériels par l'assureur, de 3.000 € au titre du préjudice de jouissance subi et de 2.500 € à au titre du préjudice moral subi à Mme B. et M. B..

Sur les demandes des consorts F. et de la SA MMA Iard à l'encontre des consorts B.-B. et de leur assureur, la SA Areas Dommages

Les époux F. et leur assureur recherchent la responsabilité des consorts B.-B. sur le fondement de l'article 1733 du code civil aux termes duquel le locataire Il répond de l'incendie, à moins qu'il ne prouve que l'incendie est arrivé par cas fortuit ou force majeure, ou par vice de construction, ou que le feu a été communiqué par une maison voisine.

En l'espèce, les parties s'opposent sur la qualité de cas fortuit de l'incendie au regard de ses causes possibles selon l'expert.

Pour répondre aux bailleurs selon lesquels l'une de ces causes, l'exposition à une ambiance humide, relève de leur responsabilité, les consorts B.-B. écrivent que ces causes demeurent incertaines : ils font découler de cette incertitude sur l'origine du défaut électrique et sur un lien de causalité entre l'ouverture de la fenêtre et l'existence d'un contact électrique défectueux le fait que leur responsabilité ne peut être retenue.

Cependant, l'article 1733 cité ci-dessus édicte une présomption de responsabilité en cas d'incendie à la charge du locataire et celui-ci ne peut s'en exonérer que par la preuve d'une cause qui lui est étrangère : or, il a été vu plus haut que le défaut électrique identifié par l'expert et survenu par défaut d'isolement ou de contact ne permet pas en soi d'affirmer l'existence d'un défaut de sécurité imputable au producteur de nature à engager sa responsabilité, et en se bornant à souligner l'incertitude quant aux causes desdits défauts, les locataires ne rapportent pas la preuve qui leur incombe de ce que l'incendie résulte d'un cas fortuit.

Partant, ils doivent répondre des conséquences de l'incendie, la décision déférée étant infirmée de ce chef.

En conséquence, considérant que leur assureur ne dénie pas sa garantie et que toutes les parties se sont accordées sur le chiffrage des dommages au terme d'un procès-verbal définitif signé par tous selon le rapport d'expertise, M. Jean Christophe B., Mme Géraldine B. seront condamnés solidairement avec la société Areas Dommages à payer les sommes non contestées de 57267,02 € à la SA MMA Iard, et de 6387,76 € aux époux F..

Sur les frais et dépens

Mme Géraldine B., M. Jean Christophe B. et la SA Areas Dommages qui succombent seront condamnés in solidum aux dépens de première instance et d'appel.

L'équité commande de les condamner en outre in solidum à verser au titre de l'article 700 du code de procédure civile, une somme de 2000 euros à la SA Haier France et à son assureur, la SA Generali Iard, et une somme de 2000 euros et à Marc et Christine F. et leur assureur, la SA MMA Iard.

PAR CES MOTIFS :

La Cour, statuant dans les limites de l'appel,

Infirme la décision entreprise en toutes ses dispositions critiquées.

Statuant à nouveau,

Dit que la responsabilité de la SASU Haier France n'est pas engagée du fait du produit défectueux.

Déboute Mme Géraldine B., M. Jean Christophe B. et leur assureur, la SA Areas Dommages, de toutes leurs demandes, fins et conclusions à l'encontre de la SASU Haier France et de la SA Generali Iard.

Déclare irrecevables comme prescrites les demandes de Marc et Christine F. et de leur assureur la SA MMA Iard à l'encontre de la SASU Haier France et de la SA Generali Iard.

Dit que la responsabilité de Mme Géraldine B. et M. Jean Christophe B. est engagée sur le fondement de l'article 1733 du code civil.

Condamne en conséquence solidairement M. Jean Christophe B., Mme Géraldine B. et leur assureur, la société Areas Dommages, à payer la somme de 57267,02 € à la SA MMA Iard, et celle de 6.387,76 € à Marc et Christine F..

Condamne in solidum Mme Géraldine B., M. Jean Christophe B. et la SA Areas Dommages à verser au titre de l'article 700 du code de procédure civile, une somme de 2000 euros à la SA Haier France et à son assureur, la SA Generali Iard, et une somme de 2000 euros et à Marc et Christine F. et leur assureur, la SA MMA Iard.

Condamne in solidum Mme Géraldine B., M. Jean Christophe B. et la SA Areas Dommages aux dépens de première instance et d'appel.

LE GREFFIER LA PRÉSIDENT

M. BUTEL C. BENEIX-BACHER

Décision(s) antérieure(s)

· TJ CASTRES 17 décembre 2020 19/00638