Cass. crim., 19 février 2013, n° 11-88.676
COUR DE CASSATION
Arrêt
Rejet
COMPOSITION DE LA JURIDICTION
Président :
M. Louvel
Avocats :
SCP Boré et Salve de Bruneton, SCP Thouin-Palat et Boucard
Sur le moyen unique de cassation, pris de la violation des articles 6 et 7 de la Convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, des articles 121-3, 121-4, 121-7 et 313-1 du code pénal et des articles 591 et 593 du Code de procédure pénale ;
" en ce que l'arrêt confirmatif attaqué a déclaré M. X...coupable de faits d'escroquerie commis depuis le 1er janvier 2006 et jusqu'au 31 janvier 2007 à Saint-Dizier et l'a condamné en conséquence à une peine d'emprisonnement de dix-huit mois assortie du sursis simple, a reçu la SA GE Factor en sa constitution de partie civile et a renvoyé la procédure devant les premiers juges pour la liquidation des préjudices ;
" aux motifs propres que les premiers juges, ayant en droit et en fait, parfaitement circonscrit l'imputabilité de M. X...dans l'infraction reprochée, la cour, par adoption de motifs, confirme le jugement déféré tant sur la culpabilité que sur la peine prononcée, adaptée à la nature des faits et à l'absence d'antécédent judiciaire du prévenu ;
" et aux motifs adoptés que les moyens argumentés par le prévenu pour sa défense ne résistent pas dans leur confrontation avec les données de la cause et les acquis de l'information judiciaire ; que notamment la répartition des compétences entre les deux cogérants statutaires, qui résulte d'un simple arrangement exclusif de toute disposition statutaire en ce sens n'est aucunement opposable et ne saurait constituer pour le prévenu un moyen de s'exonérer de toute responsabilité pénale dans les faits mis au jour ; que bien plus, sa qualité de co-gérant à compétence partagée lui faisait obligation de s'informer de la bonne marche de l'entreprise dans ses différents secteurs ; qu'il avait en outre vocation à remplacer à tout moment son associé, notamment dans l'hypothèse d'empêchement ou de congé ; qu'il n'est dès lors pas sérieusement envisageable que M. Y...ait pu durablement cacher à la curiosité de M. X..., si tant est qu'il l'eut souhaité, l'important dispositif de fraude mis en oeuvre ; que cela eut notamment supposé alors la complicité active à ce faire du personnel administratif concerné dont il est établi par l'instruction judiciaire qu'il avait connaissance de la fraude, et tout spécialement de Mme Z...et de Mme A..., compte-tenu de leur rôle actif dans la commission des faits ; qu'il ne résulte nullement à cet égard de l'information judiciaire et des débats, que ces dernières aient reçu la moindre consigne en ce sens ; qu'il résulte tout au contraire des témoignages concordants de plusieurs salariés que M. X...avait une connaissance précise de l'escroquerie en train de se commettre au préjudice de la société d'affacturage au moyen d'un système de fausses facturations ; que Mme D..., épouse E..., alors en charge de la comptabilité de la SARL Manhattan affirme que M. X...était au courant de ces pratiques délictueuses depuis le commencement en cela même qu'elles auraient été mises en oeuvre selon elle de concert entre les deux co-gérants ; qu'elle fait en outre état de ce qu'elle aurait personnellement mis en garde ces derniers ainsi que Mme Z...sur l'ampleur et la gravité de cette fraude ; que les fonctions centrales occupées par ce témoin qui l'amenaient nécessairement à avoir une connaissance de la commission de la fraude en temps réel, et par ailleurs son défaut d'implication dans les faits qui résulte à l'évidence de son refus d'y participer activement, tendent à crédibiliser la portée d'un tel témoignage ; que par ailleurs et dans le même sens, Mme Z..., relayée par le co-gérant M. Y..., prétend que M. X...était en permanence tenu au courant des développements de la fraude par la diffusion quotidiennement réactualisée, en plus d'un tableau sous excel dressant l'état effectif des commandes en cours et des types de produits associés, d'un autre sur lequel figurait l'ensemble des commandes prises en compte, les fausses commandes y étant désignées sous l'appellation de commandes en cours ; que de même un autre état documentaire aurait été diffusé reprenant l'ensemble des factures établies par la société sur l'exercice en cours et désignant alors de manière spécifique, soit en grisé, celles ne correspondant à aucune commande réelle ; qu'en outre, M. X...lui aurait demandé de lui adresser, au fur et à mesure de leur édition, une copie des fausses factures établies, en les déposant alors dans une paniette prévue à cet effet, aucune demande de copie n'étant formulée au titre des factures réelles ; que les déclarations de Mme Z...apparaissent particulièrement circonstanciées ; que notamment les tableaux de bord évoqués par elle s'avéraient a priori nécessaires pour la gestion de l'entreprise dans le contexte de la fraude en cours ; que les dispositions évoquées et, notamment prises pour informer M. X...répondent à l'évidence au souci de celui-ci de suivre et connaître l'état des engagements frauduleux émis par M. Y...qui était nécessairement à l'initiative de l'essentiel des émissions de fausses factures en raison même de ses fonctions opérationnelles ; que la déclarante n'a pour sa part aucun motif sérieux de délivrer de la sorte un faux témoignage, lequel ne saurait avoir la moindre incidence sur l'étendue de sa propre responsabilité dans la commission des faits ; qu'il convient dès lors de prendre en considération ce témoignage ; qu'il résulte encore des déclarations de Mme B..., veuve C..., exerçant alors au sein de la société Manhattan les fonctions de secrétaire, chargée des appels d'offres, l'indication qu'en l'absence de ses collègues A...et Z..., il lui était arrivé, au moins une fois d'enregistrer une commande à la demande de M. X..., et sur la base d'indications écrites fournies par celui-ci ; que la matérialité de ce fait, et encore l'indication rapportée par ailleurs sur le fondement d'autres témoignages qu'en l'absence de M. Y..., celui-ci signait les bordereaux de transmission des factures, le cas échéant fausses, adressés à l'affactureur pour paiement, tendent à prouver l'implication de M. X...dans un secteur d'activité qu'il prétendait avoir complètement déserté ; qu'il résulte conséquemment des divers témoignages de salariés ci-dessus évoqués, la preuve suffisante que M. X...était à tout le moins informé des agissements délictuels par anticipation de commandes et fausses déclarations qui s'y commettaient, et qualifiables de délit d'escroquerie ; que répondant pénalement des conditions d'exercice de l'activité de son entreprise de par sa qualité de cogérant de cette dernière, il lui appartenait de mettre un terme à la poursuite de l'infraction aussitôt après sa découverte autant qu'il en aurait été l'un des co-auteurs ou le complice ; que son inaction avérée à y mettre un terme le rend dès lors de ce seul fait co-auteur du délit d'escroquerie reproché à M. Y..., son associé ; qu'au surplus, dans le contexte d'une connaissance avérée d'un système généralisé de fausses facturations ayant alors cours au sein de la société Manhattan, le recueil et la fourniture par M. X...de renseignements de nature commerciale dont il ne pouvait ignorer qu'ils servaient à l'établissement de faux bons de commande et de fausses factures, rendus ainsi plus crédibles, le rendent coupable de manoeuvres frauduleuses destinées à tromper la société d'affacturage GE Factor et l'ayant déterminée à payer des factures fictives ; qu'il convient dès lors de le déclarer coupable du délit d'escroquerie qui lui est reproché et d'entrer en voie de condamnation à son encontre ;
" 1°) alors que la seule inaction d'un prévenu face à la commission d'un délit dont il a connaissance ne suffit pas à le rendre auteur de ce délit ; qu'en condamnant M. X...du chef d'escroquerie du fait que son inaction avérée à mettre un terme à la fraude à l'affacturage réalisée par M. Y...et dont il aurait eu connaissance l'aurait rendu, de ce seul fait, co-auteur du délit d'escroquerie reproché à son associé, la cour d'appel a violé les textes susvisés ;
" 2°) alors qu'un prévenu n'est l'auteur du délit d'escroquerie que si, par l'emploi d'une manoeuvre frauduleuse, il a trompé une personne et l'a déterminée, à son préjudice, à remettre des fonds ; que seule l'utilisation de factures fictives jointes à l'appui de bordereaux comportant une quittance subrogative en faveur d'un factor pour obtenir de ce dernier leur paiement constitue une escroquerie à l'affacturage ; qu'en estimant que M. X...aurait été l'auteur d'une telle escroquerie du fait qu'il serait arrivé au moins une fois à l'une des secrétaires de l'entreprise, Mme B..., veuve C..., d'enregistrer une commande à la demande de M. X...et sur la base d'indications écrites fournies par celui-ci, quand une telle circonstance ne caractérisait aucunement que M. X...aurait fait usage de factures fictives jointes à l'appui des bordereaux adressés à l'affactureur, la Cour d'appel a encore violé les textes susvisés ;
" 3°) alors qu'un prévenu n'est l'auteur du délit d'escroquerie que si, par l'emploi d'une manoeuvre frauduleuse, il a sciemment trompé une personne et l'a déterminée, à son préjudice, à remettre des fonds ; que seule l'utilisation, en connaissance de cause, de factures fictives jointes à l'appui de bordereaux comportant une quittance subrogative en faveur d'un factor pour obtenir de ce dernier leur paiement constitue une escroquerie à l'affacturage ; qu'en considérant que M. X...aurait été l'auteur d'une telle escroquerie du fait qu'en l'absence de M. Y..., il aurait signé les bordereaux de transmission des factures, « le cas échéant fausses », adressées à l'affactureur pour paiement, sans qu'un tel motif établisse que M. X...aurait eu connaissance du caractère erroné de ces factures, la cour d'appel a derechef violé les textes susvisés ;
" 4°) alors qu'un prévenu n'est l'auteur du délit d'escroquerie que si, par l'emploi d'une manoeuvre frauduleuse, il a trompé une personne et l'a déterminée, à son préjudice, à remettre des fonds ; que la fourniture par le prévenu d'informations ayant servi à la commission d'une escroquerie ne le rend pas auteur de ce délit ; qu'en relevant que M. X...aurait été le co-auteur de l'escroquerie à l'affacturage réalisée par M. Y..., son associé, du fait qu'il aurait recueilli et fourni des renseignements qui auraient servi à l'établissement de faux bons de commande et de fausses factures à destination de l'affactureur, quand une telle circonstance ne le rendait aucunement auteur de l'escroquerie réalisée, la cour d'appel a une nouvelle fois violé les textes susvisés " ;
Attendu que les énonciations de l'arrêt attaqué et du jugement qu'il confirme mettent la Cour de cassation en mesure de s'assurer que la cour d'appel a, sans insuffisance ni contradiction, répondu aux chefs péremptoires des conclusions dont elle était saisie et caractérisé en tous ses éléments, tant matériels qu'intentionnel, le délit d'escroqueries dont elle a déclaré le prévenu coupable, et a ainsi justifié sa décision recevant l'action de la partie civile ;
D'où il suit que le moyen, qui se borne à remettre en question l'appréciation souveraine, par les juges du fond, des faits et circonstances de la cause, ainsi que des éléments de preuve contradictoirement débattus, ne saurait être admis ;
Et attendu que l'arrêt est régulier en la forme ;
REJETTE le pourvoi ;
FIXE à 3 000 euros la somme que M. X...devra payer à la société GE Factor au titre de l'article 618-1 du code de procédure pénale ;
Ainsi jugé et prononcé par la Cour de cassation, chambre criminelle, en son audience publique, les jour, mois et an que dessus.