Cass. crim., 24 mars 2004, n° 03-82.077
COUR DE CASSATION
Arrêt
COMPOSITION DE LA JURIDICTION
Président :
M. Cotte
Rapporteur :
M. Chanut
Avocat général :
M. Launay
Avocats :
SCP le Bret et Desaché, Me Foussard
Vu les mémoires produits, en demande et en défense ;
Sur le moyen unique de cassation, pris de la violation des articles 55 de la Constitution de 1958, 7 de la Convention européenne des droits de l'homme, 111-3, article 4, du protocole additionnel à la Convention européenne des droits de l'homme, de la règle non bis in idem, 111-4, 314-7 du Code pénal, 1382 et 1383, 1477 du Code civil, 593 du Code de procédure pénale, défaut de motifs, manque de base légale ;
en ce que l'arrêt confirmatif attaqué a déclaré Jean X coupable d'avoir organisé frauduleusement son insolvabilité en vue de se soustraire à l'exécution d'une condamnation patrimoniale, en l'espèce, prononcée par arrêt confirmatif de la cour d'appel de Douai le 7 mai 1997 le condamnant pour recel des biens de la communauté, et l'a condamné pénalement à un an d'emprisonnement avec sursis et mise à l'épreuve pendant trois ans, lui imposant, en outre, en vertu de l'article 132-45 du Code pénal de payer les sommes dues à la victime et l'a condamné civilement à 7 622,45 euros envers la partie civile à titre de dommages-intérêts ;
aux motifs que, « à juste titre le premier juge a considéré que le fait de recel de biens de communauté présentait par sa nature un caractère délictuel de sorte que les décisions prononcées sur ce fondement à l'encontre de Jean X (arrêt de la cour d'appel de Douai du 7 mai 1997 ; jugement du tribunal de grande instance de Lille du 24 septembre 1998) constituent bien une condamnation de nature patrimoniale prononcée en matière délictuelle par une juridiction civile entrant dans les prévisions de l'article 314-1 du Code pénal » ;
"alors que, d'une part, l'article 314-7 du Code pénal réprime le fait pour un débiteur de se soustraire à une "condamnation de nature patrimoniale prononcée par une juridiction répressive, ou en matière délictuelle, quasi-délictuelle, ou d'aliments prononcée par une juridiction civile" ; que ce texte qui doit être interprété restrictivement ne saurait trouver à s'appliquer à la condamnation prononcée par la juridiction civile statuant sur le fondement de l'article 1477 du Code civil en matière de régime matrimonial pour recel des biens de la communauté ; qu'il ne s'agit pas d'une condamnation prononcée "en matière délictuelle ou quasi-délictuelle ou d'aliments par une juridiction civile" ; qu'en décidant le contraire, la cour d'appel a violé le principe susvisé ;
"alors que, d'autre part, tout jugement de condamnation doit à peine de nullité constater tous les éléments constitutifs de l'infraction qui a motivé la condamnation ; que l'article 314-7 du Code pénal exige que soit constaté que le prévenu ait "soit en diminuant ou en dissimulant tout ou partie de ses revenus, soit en dissimulant certains de ses biens, en vue de les soustraire à l'exécution d'une condamnation" ; qu'en s'abstenant d'une telle constatation et de répondre aux conclusions du prévenu qui contestait l'existence de tels actes ainsi que son insolvabilité, la cour d'appel a privé sa décision de base légale ;
"alors que, de troisième part, en vertu de la règle non bis in idem, un même fait ne peut être condamné deux fois, que le recel des biens de la communauté est sanctionné par les dispositions spécifiques de l'article 1477 du Code civil, qu'en déclarant le prévenu coupable d'avoir organisé frauduleusement son insolvabilité au motif qu'il avait déjà été déclaré coupable de recel des biens de la communauté, et en le condamnant une nouvelle fois pénalement et civilement, la cour d'appel a violé la règle sus rappelée" ;
Attendu qu'il résulte de l'arrêt attaqué et du jugement qu'il confirme que, par arrêt du 7 mai 1997, la cour d'appel de Douai a constaté que Jean X avait recelé, au préjudice de son ex-épouse, des biens de la communauté dissoute à la suite du divorce prononcé le 28 novembre 1988 ; que, par jugement du tribunal de grande instance de Lille, en date du 24 septembre 1998, confirmé par arrêt du 6 novembre 2000, Jean X a été condamné au paiement de la somme de 2 322 766 francs ; que, s'étant soustrait à l'exécution de cette condamnation, il a été poursuivi, à la suite de la plainte de son ex-épouse, pour organisation frauduleuse d'insolvabilité ;
Attendu que, pour déclarer le prévenu coupable de ce chef, les juges énoncent que le recel d'effets de la communauté prévu par l'article 1477 du Code civil présente un caractère délictuel et que la condamnation prononcée par la juridiction civile sur le fondement de ce texte entre dans les prévisions de l'article 314-7 du Code pénal ; qu'ils constatent que Jean X a cessé son activité professionnelle à la suite d'un licenciement dont les causes demeurent inconnues et aurait perçu en 1996 une rémunération de 300 000 francs environ ; qu'ils relèvent que le prévenu a conservé des sommes importantes sous diverses formes et en divers lieux et qu'il s'est toujours refusé, tant au cours de l'enquête que devant le tribunal, à fournir les pièces justificatives de ses activités et de ses ressources ;
Attendu qu'en l'état de ces énonciations, d'où il résulte que le prévenu a organisé son insolvabilité en dissimulant tout ou partie de ses revenus et dès lors qu'aucune disposition conventionnelle ou légale ne fait obstacle à ce qu'une personne condamnée par une juridiction civile pour recel d'effets de la communauté puisse être déclarée coupable par la juridiction répressive du chef d'organisation frauduleuse d'insolvabilité, la cour d'appel a justifié sa décision ;
D'où il suit que le moyen doit être écarté ;
Et attendu que l'arrêt est régulier en la forme ;
REJETTE le pourvoi.