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Décisions

Cass. crim., 1 février 1990, n° 88-83.998

COUR DE CASSATION

Arrêt

Cassation

COMPOSITION DE LA JURIDICTION

Président :

M. Le Gunehec

Rapporteur :

M. Blin

Avocat général :

M. Rabut

Avocat :

SCP de Chaisemartin

Limones, ch. correctionnelle, du 10 juin…

10 juin 1988

LA COUR,

Vu le mémoire produit ;

Sur le moyen unique de cassation pris de la violation des articles 404-1 du Code pénal, 593 du Code de procédure pénale, défaut de motifs, manque de base légale :

en ce que l'arrêt infirmatif attaqué a relaxé le prévenu poursuivi pour organisation volontaire d'insolvabilité ;

aux motifs que l'article 404-1 du Code pénal est d'interprétation stricte, qu'il ne vise que le patrimoine, c'est-à-dire les biens constituant un fonds stable appartenant à une personne et non le salaire, qui est la rémunération d'un travail et ne peut être assimilé à un patrimoine mais constitue un revenu ;

 qu'en l'espèce, il n'est pas établi que le prévenu possède un patrimoine qu'il aurait dilapidé ; que le seul fait qui lui est reproché est d'avoir quitté volontairement son emploi, que le délit pour lequel il est poursuivi n'est donc pas caractérisé ;

alors qu'en punissant celui qui a organisé ou aggravé son insolvabilité en augmentant le passif ou en diminuant l'actif de son patrimoine en vue de se soustraire à l'exécution d'une condamnation pécuniaire, le législateur a nécessairement entendu viser les individus qui, comme le prévenu, ont démissionné de leur emploi pour faire échec aux saisies-arrêts sur salaires pratiquées par leur ex-conjoint, créancier d'une pension allouée à titre de prestation compensatoire ; que, dès lors en l'espèce, en relaxant le prévenu au motif qu'un salaire constitue un revenu et ne peut être assimilé à un patrimoine dont il constitue pourtant un élément d'actif, la Cour a violé l'article 404-1 du Code pénal  ;

Vu lesdits articles ;

Attendu que, selon l'article 404-1 du Code pénal, les peines prévues par ce texte sont applicables à tout débiteur qui organise ou aggrave son insolvabilité, notamment en diminuant l'actif de son patrimoine, en vue de se soustraire à l'exécution d'une des condamnations spécifiées par la loi ;

Attendu que pour relaxer Joël Y, poursuivi pour avoir organisé ou aggravé son insolvabilité  en diminuant l'actif de son patrimoine, notamment en démissionnant de son emploi , en vue de se soustraire à l'exécution d'un jugement du tribunal de grande instance de Limoges qui l'avait condamné à verser à son ex-épouse, Colette X, une prestation compensatoire sous forme d'une rente mensuelle de 800 francs pendant 3 ans, la cour d'appel énonce que l'article 404-1 du Code pénal,  d'interprétation stricte, ne vise que le patrimoine et non pas le salaire qui est la rémunération d'un travail et ne peut être assimilé à un patrimoine mais constitue un revenu  ; qu'elle ajoute  qu'en l'espèce il n'est pas établi que le prévenu, qui, au demeurant, a été mis en liquidation de biens, possède un patrimoine qu'il aurait dilapidé  et  que le seul fait qui lui est reproché est d'avoir quitté volontairement son emploi  ;

Mais attendu qu'en se déterminant de la sorte, alors que le fait par le débiteur de renoncer volontairement à un emploi rémunéré, ce qui a pour résultat de diminuer l'actif de son patrimoine, entre dans les prévisions du texte susvisé, la cour d'appel n'a pas justifié sa décision ;

D'où il suit que la cassation est encourue ;

Par ces motifs :

CASSE ET ANNULE, mais en ses seules dispositions civiles, l'arrêt de la cour d'appel de Limoges du 10 juin 1988, toutes autres dispositions étant expressément maintenues, et pour qu'il soit à nouveau statué conformément à la loi, dans les limites de la cassation ainsi prononcée :

RENVOIE la cause et les parties devant la cour d'appel de Poitiers.