Cass. crim., 1 février 1990, n° 88-83.998
COUR DE CASSATION
Arrêt
Cassation
COMPOSITION DE LA JURIDICTION
Président :
M. Le Gunehec
Rapporteur :
M. Blin
Avocat général :
M. Rabut
Avocat :
SCP de Chaisemartin
LA COUR,
Vu le mémoire produit ;
Sur le moyen unique de cassation pris de la violation des articles 404-1 du Code pénal, 593 du Code de procédure pénale, défaut de motifs, manque de base légale :
en ce que l'arrêt infirmatif attaqué a relaxé le prévenu poursuivi pour organisation volontaire d'insolvabilité ;
aux motifs que l'article 404-1 du Code pénal est d'interprétation stricte, qu'il ne vise que le patrimoine, c'est-à-dire les biens constituant un fonds stable appartenant à une personne et non le salaire, qui est la rémunération d'un travail et ne peut être assimilé à un patrimoine mais constitue un revenu ;
qu'en l'espèce, il n'est pas établi que le prévenu possède un patrimoine qu'il aurait dilapidé ; que le seul fait qui lui est reproché est d'avoir quitté volontairement son emploi, que le délit pour lequel il est poursuivi n'est donc pas caractérisé ;
alors qu'en punissant celui qui a organisé ou aggravé son insolvabilité en augmentant le passif ou en diminuant l'actif de son patrimoine en vue de se soustraire à l'exécution d'une condamnation pécuniaire, le législateur a nécessairement entendu viser les individus qui, comme le prévenu, ont démissionné de leur emploi pour faire échec aux saisies-arrêts sur salaires pratiquées par leur ex-conjoint, créancier d'une pension allouée à titre de prestation compensatoire ; que, dès lors en l'espèce, en relaxant le prévenu au motif qu'un salaire constitue un revenu et ne peut être assimilé à un patrimoine dont il constitue pourtant un élément d'actif, la Cour a violé l'article 404-1 du Code pénal ;
Vu lesdits articles ;
Attendu que, selon l'article 404-1 du Code pénal, les peines prévues par ce texte sont applicables à tout débiteur qui organise ou aggrave son insolvabilité, notamment en diminuant l'actif de son patrimoine, en vue de se soustraire à l'exécution d'une des condamnations spécifiées par la loi ;
Attendu que pour relaxer Joël Y, poursuivi pour avoir organisé ou aggravé son insolvabilité en diminuant l'actif de son patrimoine, notamment en démissionnant de son emploi , en vue de se soustraire à l'exécution d'un jugement du tribunal de grande instance de Limoges qui l'avait condamné à verser à son ex-épouse, Colette X, une prestation compensatoire sous forme d'une rente mensuelle de 800 francs pendant 3 ans, la cour d'appel énonce que l'article 404-1 du Code pénal, d'interprétation stricte, ne vise que le patrimoine et non pas le salaire qui est la rémunération d'un travail et ne peut être assimilé à un patrimoine mais constitue un revenu ; qu'elle ajoute qu'en l'espèce il n'est pas établi que le prévenu, qui, au demeurant, a été mis en liquidation de biens, possède un patrimoine qu'il aurait dilapidé et que le seul fait qui lui est reproché est d'avoir quitté volontairement son emploi ;
Mais attendu qu'en se déterminant de la sorte, alors que le fait par le débiteur de renoncer volontairement à un emploi rémunéré, ce qui a pour résultat de diminuer l'actif de son patrimoine, entre dans les prévisions du texte susvisé, la cour d'appel n'a pas justifié sa décision ;
D'où il suit que la cassation est encourue ;
Par ces motifs :
CASSE ET ANNULE, mais en ses seules dispositions civiles, l'arrêt de la cour d'appel de Limoges du 10 juin 1988, toutes autres dispositions étant expressément maintenues, et pour qu'il soit à nouveau statué conformément à la loi, dans les limites de la cassation ainsi prononcée :
RENVOIE la cause et les parties devant la cour d'appel de Poitiers.