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Décisions

Cass. crim., 23 août 1994, n° 93-85.155

COUR DE CASSATION

Arrêt

COMPOSITION DE LA JURIDICTION

Président :

M. Dumont

Rapporteur :

M. Blin

Avocat général :

M. Dintilhac

Avocat :

Me Brouchot

Nancy, du 26 oct. 1993

26 octobre 1993

LA COUR,

Vu le mémoire produit ;

Sur le moyen unique de cassation, pris de la violation des articles 404-1 du Code pénal et 593 du Code de procédure pénale, défaut et contradiction de motifs, manque de base légale :

 en ce que l'arrêt a retenu l'intention frauduleuse de Maurice X et l'a ainsi déclaré coupable d'avoir organisé son insolvabilité pour se soustraire à une condamnation pécuniaire ;

aux motifs que, c'est le 11 avril 1990 que le juge d'instruction, saisi de cette affaire criminelle, rend son ordonnance de transmission de pièces au procureur général ; que c'est le 5 juin 1990, que la chambre d'accusation de la cour d'appel de Nancy renvoie X devant la cour d'assises des Vosges ; que c'est le 19 janvier 1990 qu'est intervenue la donation litigieuse décrite et analysée par le Tribunal ; que si, comme l'une des filles du prévenu le dit aussi comme lui, ce serait dès 1984 que celui-ci aurait envisagé de faire une libéralité à sa fille Marie Odile, cela n'explique pas pourquoi, précisément 5 ans après, et alors qu'il vient d'être sûr qu'il va avoir à réparer par le paiement de dommages-intérêts considérables son acte criminel car il vient d'être sûr qu'il va être renvoyé devant la cour d'assises pour l'acte qu'il sait avoir commis, il procède à l'acte litigieux aussitôt ;

alors que, la cour d'appel ne pouvait, sans se contredire, relever tout à la fois, pour en déduire l'intention frauduleuse de X, d'une part, qu'il venait d'être sûr qu'il allait être renvoyé devant la cour d'assises lorsqu'il a procédé à la donation litigieuse du 19 janvier 1990 et, d'autre part, que l'ordonnance de transmission de pièces par le juge d'instruction au procureur général n'était intervenue que le 11 avril suivant et l'arrêt de renvoi devant la cour d'assises le 5 juin suivant ; qu'une telle contradiction entre les motifs de fait prive la décision de toute base légale ;

 et aux motifs que le fait que, à l'époque de cette donation du 19 janvier 1990, X était en détention provisoire sous mandat de dépôt criminel dans le cadre du procès susvisé rendait inévitable qu'un notaire requis par X pour établir l'acte de donation ait à rencontrer X en prison et donc, pour ce faire, ait eu à demander au juge d'instruction saisi un permis pour visiter X ; mais que cette modalité uniquement relative aux règles d'exécution pénitentiaire de la détention provisoire et aux compétences du juge d'instruction pour contrôler les visites à autoriser à un prévenu, ne signifient à aucun moment ni à aucun titre, que ni le juge d'instruction ni l'administration pénitentiaire aient autorisé, au sens de validation ou de permission juridique, la donation sur laquelle, s'agissant d'un acte civil, ni l'une ni l'autre n'avaient vocation à décider ni autoriser ni interdire quoi que ce soit ; que c'est seulement la visite du notaire qui a été autorisée sans qu'aucune autorité n'ait avalisé ou validé  administrativement  ni  judiciairement  la donation ; que le fait qu'elle eut lieu par notaire, n'est pas une preuve d'une transparence exclusive de l'intention délictuelle, mais résulte seulement de ce que le seul processus possible pour le prévenu était le recours au notaire par l'effet des lois et règlements ;

 alors que, le délit d'organisation d'insolvabilité frauduleuse n'est constitué que si l'intention dolosive de se soustraire à l'exécution d'une condamnation pécuniaire est établie ; que tel ne peut être le cas lorsqu'un inculpé, placé sous mandat de dépôt criminel, recourt au ministère d'un notaire admis dans l'enceinte de l'établissement pénitentiaire sur l'autorisation expresse du magistrat instructeur, pour faire établir un acte authentique de donation au profit de sa fille ; qu'en se bornant à décider que ces circonstances sont sans influence dès lors que ni le magistrat instructeur ni l'administration pénitentiaire n'avaient le pouvoir de valider l'acte litigieux et sans rechercher ainsi qu'elle s'y trouvait invitée, l'incidence de l'absence totale de clandestinité de l'acte, la Cour a privé sa décision de base légale au regard des textes susvisés  ;

Attendu qu'il appert de l'arrêt attaqué, que Maurice X, condamné définitivement par arrêts de la cour d'assises des Vosges du 29 septembre 1990 pour coups mortels avec arme et préméditation sur la personne de Jean-Luc Y, ainsi qu'à des réparations civiles, est poursuivi pour avoir organisé ou aggravé son insolvabilité en vue de se soustraire à l'exécution de cette condamnation pécuniaire ;

Attendu que, pour déclarer le prévenu coupable de cette infraction, la juridiction du second degré retient notamment que, le 19 janvier 1990, il a diminué l'actif de son patrimoine au moyen d'une donation consentie à l'un de ses enfants et portant sur un immeuble, seul bien saisissable de ce patrimoine ; que les juges observent qu'à la date de la donation, Maurice X était certain de son renvoi devant la cour d'assises et que l'intervention ostensible, à cet effet, d'un notaire autorisé par le juge d'instruction à lui rendre visite dans l'établissement où il était détenu, n'implique pas que l'acte litigieux ait été  avalisé ou validé  par ce magistrat ou par l'administration pénitentiaire et n'est pas exclusive de l'intention délictuelle ;

Attendu qu'en l'état de ces motifs, exempts d'insuffisance ou de contradiction et procédant de son appréciation souveraine des faits et circonstances de la cause, la cour d'appel, qui a caractérisé en tous ses éléments, tant matériels qu'intentionnel, l'infraction reprochée, a justifié sa décision sans encourir les griefs allégués ;

D'où il suit que le moyen doit être écarté ;

Et attendu que l'arrêt est régulier en la forme ;

REJETTE le pourvoi.